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Ecriture agrandie
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
9C_10/2017  
   
   
 
 
 
Arrêt du 27 mars 2017  
 
IIe Cour de droit social  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales Pfiffner, Présidente, Glanzmann et Moser-Szeless. 
Greffière : Mme Hurni. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Pierre Seidler, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Office AI Canton de Berne, 
Scheibenstrasse 70, 3014 Berne, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité (évaluation de l'invalidité), 
 
recours contre le jugement du Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue française, du 11 novembre 2016. 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________ exerçait l'activité de conseillère en assurances indépendante. Le 24 janvier 2013, elle a requis des prestations de l'assurance-invalidité en raison des suites d'un accident de la circulation routière survenu le 16 août 2009. 
Entre autres mesures d'instruction, l'Office AI du canton de Berne (ci-après: l'office AI) a obtenu les rapports de différents médecins de l'Hôpital B.________, selon lesquels, à la suite de l'accident du 16 août 2009, l'assurée avait souffert d'une perforation de l'intestin grêle, ainsi que de multiples fractures au niveau du dos et des pieds, ayant nécessité plusieurs interventions chirurgicales. Dans un rapport du 3 avril 2013, le docteur C.________, du Service de traumatologie de l'Hôpital B.________, a retenu qu'une activité en position assise, avec des changements de positions limités, devait être exigible. Le 9 avril 2013, les docteurs D.________ et E.________, du Service de chirurgie de la colonne vertébrale de l'Hôpital B.________, ont indiqué qu'un taux d'occupation de 50 % leur paraissait justifié dans une activité variant les positions et sans port de charges. Dans un rapport reçu par l'administration le 27 février 2013, la doctoresse F.________, spécialiste en médecine interne générale et médecin traitant, a également fait état d'une capacité de travail de 50 %. 
Après avoir examiné les informations médicales reçues, le docteur G.________, médecin du Service médical régional de l'office AI (SMR) et spécialiste en médecine interne générale, a retenu que l'activité habituelle était entièrement exigible (rapport du 28 mai 2013). La doctoresse H.________, médecin du SMR et spécialiste en médecine interne générale, a de même conclu que les diagnostics évoqués par les médecins traitants étaient sans répercussion sur la capacité de travail; une incapacité de travail pouvait seulement être retenue entre août 2009 et, au maximum, juillet 2010, ainsi que pour les dix semaines suivant l'intervention subie le 17 janvier 2012 pour corriger la position de deux orteils (rapport du 9 mai 2014). 
Le 13 mai 2014, l'office AI a informé l'assurée qu'il entendait refuser toute prestation. Par courrier du 13 juin 2014, l'assurée a fait parvenir ses objections, en transmettant une copie de l'entier de son dossier médical. Il y apparaît notamment que l'intéressée avait subi une nouvelle intervention le 31 janvier 2014 pour retirer le matériel d'ostéosynthèse du calcanéum droit (rapport du service de traumatologie de l'Hôpital B.________ du 31 janvier 2014). 
Le 20 juin 2014, la doctoresse H.________ a indiqué que les pièces transmises par l'assurée ne remettaient pas en cause ses conclusions. Elle a également obtenu l'avis du docteur I.________, médecin du SMR et spécialiste en chirurgie orthopédique, lequel confirmait que la capacité de travail était entière dans l'activité habituelle, qui était adaptée. L'office AI a dès lors rejeté la demande par décision du 7 juillet 2014. 
 
B.   
Le 8 septembre 2014, A.________ a formé recours contre la décision du 7 juillet 2014 devant le Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour des assurances. Le 12 septembre 2014, ce tribunal a transmis le recours au Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue française, comme objet de sa compétence. 
Dans le cadre de l'instruction du recours, l'assurée a produit un certificat du 25 novembre 2015 de la doctoresse F.________, attestant que le moral de sa patiente s'était dégradé à la suite de l'accident, particulièrement depuis réception d'un rapport de l'assureur responsabilité civile impliqué dans le règlement de son cas. L'office AI a pour sa part transmis avec son dossier une copie de l'expertise réalisée par le département de chirurgie de l'Hôpital J.________ sur mandat de cet assureur, concluant à une capacité de travail de 50 % dans l'activité habituelle (rapport du 27 octobre 2015), ainsi que la prise de position du SMR sur cette expertise (avis du 19 janvier 2016). 
Par jugement du 11 novembre 2016, le tribunal cantonal a rejeté le recours. 
 
C.   
L'assurée interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement. Elle en demande l'annulation et conclut principalement à la reconnaissance de son droit à des prestations de l'assurance-invalidité, subsidiairement au renvoi de la cause à l'office AI en vue de la réalisation d'une expertise. Elle sollicite aussi le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédérale des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments du recourant ou par la motivation de l'autorité précédente. Il n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées (cf. art. 97 al. 1 LTF). 
 
2.   
Le litige a trait au droit de l'assurée à une rente de l'assurance-invalidité et porte plus particulièrement sur l'évaluation de sa capacité de travail. Le jugement attaqué expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels nécessaires à la solution du litige, de telle sorte qu'il suffit d'y renvoyer. 
 
3.   
Après avoir passé en revue l'avis des différents médecins s'étant prononcés sur l'état de santé de la recourante, le tribunal cantonal a considéré que les conclusions de la doctoresse H.________, consistantes et clairement étayées, démontraient de manière convaincante que la recourante disposait d'une capacité de travail entière dans son activité habituelle, sous réserve des périodes qui avaient immédiatement suivi les interventions chirurgicales subies en 2009 et 2012. S'agissant des douleurs lombaires, l'autorité cantonale a retenu, toujours en se fondant sur les avis du SMR, que la fracture de la vertèbre avait évolué de manière positive, les rapports des médecins traitants faisant état d'une colonne vertébrale indolore (excepté en position assise prolongée) et de signes de guérison. A partir d'avril 2013, le SMR constatait certes un début de lésions dégénératives, mais dans une mesure usuelle chez une personne de presque cinquante ans et sans répercussion sur la capacité de travail. S'agissant des douleurs aux membres inférieurs, l'autorité de première instance a constaté que, selon les rapports de l'Hôpital B.________, l'assurée était à même de marcher de manière fluide, pendant une durée excédant une heure. Elle a par ailleurs écarté les avis des médecins traitants et de l'expert en chirurgie orthopédique mandaté par l'assureur responsabilité civile, lesquels retenaient une capacité de travail de 50 % dans l'activité habituelle; elle a considéré que ces médecins ne motivaient pas leurs conclusions de manière détaillée et se fondaient avant tout sur le ressenti subjectif douloureux de leur patiente, alors même que celui-ci était sans rapport avec les constatations objectives ressortant des examens cliniques. Enfin, l'autorité cantonale a retenu que ni le rapport de la doctoresse F.________, qui faisait état d'un moral dégradé dans un courrier du 25 novembre 2015, ni celui des experts de l'Hôpital J.________, qui évoquaient une dépression survenue depuis 2013, ne permettaient de conclure que la recourante était atteinte d'une pathologie psychique potentiellement incapacitante. 
 
4.   
La recourante reproche à la juridiction cantonale d'avoir apprécié les preuves de manière arbitraire en se fondant essentiellement sur les rapports du SMR pour retenir une pleine capacité de travail dans une activité adaptée, alors que ceux-ci étaient contredits par l'ensemble des pièces médicales du dossier. Selon elle, les rapports des médecins traitants, mais surtout l'expertise indépendante des médecins de l'Hôpital J.________, démontraient au contraire qu'elle ne pouvait exercer son activité qu'à 50 % en raison des atteintes dont elle souffrait sur le plan somatique; à tout le moins, une expertise orthopédique était nécessaire pour déterminer sa capacité de travail de manière précise. Par ailleurs, la recourante fait valoir que la problématique dont elle souffre sur le plan psychique est antérieure à la décision attaquée et devrait faire l'objet d'une instruction supplémentaire. 
 
5.   
Les griefs de la recourante sont en partie fondés et justifient le renvoi de la cause à l'office intimé en vue d'une instruction supplémentaire. 
 
5.1. Comme l'a relevé la juridiction cantonale, lorsque la doctoresse H.________ s'est prononcée sur dossier en mai, juin 2014 et janvier 2016, elle a fourni un avis au sens de l'art. 59 al. 2 bis LAI, en corrélation avec l'art. 49 al. 1 RAI. Dès lors qu'elle n'avait pas examiné l'assurée, son rapport ne contient aucune observation clinique. De tels rapports, qui se distinguent des expertises ou des examens médicaux auxquels le SMR peut également procéder (art. 49 al. 2 LAI), ont seulement pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux recueillis, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical (ATF 142 V 58 consid. 5.1 p. 66; arrêt 8C_756/2008 du 4 juin 2009 consid. 4.4 in SVR 2009 IV n° 50 p. 153). Ces rapports ne sont certes pas dénués de toute valeur probante et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 135 V 465 consid. 4.6 p. 471; arrêt 9C_335/2015 du 1 er septembre 2015 consid. 3.2 et les références citées).  
 
5.2. En l'espèce, la juridiction cantonale s'est entièrement ralliée aux conclusions de la doctoresse H.________, selon laquelle l'assurée disposait d'une capacité de travail entière dans son activité habituelle. Cette appréciation s'oppose à celles des médecins traitants qui ont suivi la recourante; la doctoresse F.________ a en effet retenu une capacité de travail de 50 % dans l'activité habituelle, conclusion partagée par les docteurs D.________ et E.________. Elle s'oppose également à la conclusion des experts de l'Hôpital J.________, qui ont eux aussi attesté une capacité de travail de 50 %. La juridiction cantonale a toutefois considéré que l'ensemble de ces avis divergents n'était pas probant. D'une part, les douleurs décrites par les médecins traitants étaient subjectives, leur intensité et leur localisation ayant varié avec le temps sans qu'une explication objective justifiât une réduction de la capacité de travail. D'autre part, les médecins de l'Hôpital J.________ ne se prononçaient pas sur l'existence d'une incapacité de travail persistante, se référant uniquement à l'évaluation de la généraliste traitante.  
 
5.3. Si les rapports du SMR permettent de susciter des doutes quant à la validité des conclusions des médecins traitants et des experts, ils ne suffisent pas à les écarter, ni à déterminer de manière définitive l'état de santé de l'assurée. On relève en particulier que l'avis du SMR provient d'une spécialiste en médecine générale, qui n'a pas examiné elle-même la recourante, et qu'un spécialiste en chirurgie orthopédique du SMR ne s'est pas non plus exprimé sur les résultats de l'expertise de l'Hôpital J.________ du 27 octobre 2015. Or les experts parviennent à des conclusions qui divergent nettement de celles retenues par la doctoresse H.________. Alors qu'elle conclut que les douleurs de l'assurée sont subjectives et ne reposent pas sur un déficit organique, les experts de l'Hôpital J.________ notent une péjoration radiologique au niveau du rachis lombaire et affirment qu'elle pourrait tout à fait expliquer les douleurs fluctuantes de l'intéressée. A l'inverse de ce qu'a retenu de manière manifestement inexacte la juridiction cantonale, on ne peut pas non plus retenir que les experts de l'Hôpital J.________ se seraient entièrement reposés sur le ressenti de la recourante ou sur les indications de la doctoresse F.________ pour évaluer la capacité de travail à 50 %; s'ils ont repris cette appréciation à leur compte, ils l'ont également eux-mêmes motivées et indiqué qu'une telle limitation était compatible avec la symptomatologie mise en évidence sur le plan orthopédique (cf. rapport d'expertise, p. 8). Par ailleurs, on ne saurait voir une incohérence manifeste entre l'examen clinique et les conclusions des experts, puisqu'ils ont mis en évidence que si les douleurs n'étaient pas présentes lors de l'examen, elles pouvaient apparaître au cours de la journée et étaient compatibles avec une fracture stabilisée par spondylodèse.  
Dans ces circonstances, la juridiction cantonale n'était pas en droit d'écarter les conclusions des experts de l'Hôpital J.________ sur la capacité de travail, qui s'opposaient à l'avis du SMR. A ce stade, les documents médicaux au dossier ne lui permettaient pas de se prononcer sur l'état de santé de la recourante. Le rapport du SMR du 19 janvier 2016 mettait au contraire en lumière les doutes qui persistent à ce sujet, dont l'absence d'une description précise de la capacité de travail résiduelle de l'assurée, dans son activité habituelle et dans une activité adaptée, compte tenu des plaintes émises, des résultats des examens cliniques et des exigences de son activité de conseillère en assurances (celle-ci étant décrite comme légère et exercée avant tout en position assise par le SMR, alors que les médecins de l'Hôpital B.________ retenaient qu'elle nécessitait des déplacements chez ses clients). Par conséquent, une appréciation indépendante de la situation de la recourante sur le plan somatique apparaît nécessaire. 
 
6.   
En revanche, un tel examen médical n'est pas nécessaire sur le plan psychique, au regard de la période courant jusqu'à la date de la décision administrative litigieuse. A cet égard, l'assurée fait certes valoir qu'elle souffre d'une dépression depuis 2013. Elle n'établit cependant pas le caractère manifestement inexact ou arbitraire des constatations de la juridiction cantonale sur l'absence d'une maladie psychique limitant sa capacité de travail. Une altération psychique est mentionnée pour la première fois dans le rapport de la doctoresse F.________ du 25 novembre 2015 - à savoir postérieurement à la décision attaquée. La seule mention d'un moral dégradé depuis l'accident ne correspond pas à une atteinte psychique déterminante du point de vue de l'assurance-invalidité. Au demeurant, selon la jurisprudence, l'apparition ou l'aggravation d'un état dépressif en lien avec un refus de prestations, respectivement la menace d'un tel refus, n'est, en tant que telle, pas invalidante (cf. arrêt 9C_668/2015 du 17 février 2016 consid. 3). Enfin, si les experts de l'Hôpital J.________ évoquent une dépression, ils se réfèrent essentiellement "aux dires de la patiente", sans eux-mêmes poser de diagnostic. En l'absence de rapport médical faisant état d'un diagnostic psychique posé selon les règles de l'art, la juridiction cantonale était en droit de renoncer à toute instruction complémentaire sur ce point. 
 
7.   
Il résulte de ce qui précède que le recours est partiellement bien fondé. La cause est renvoyée à l'office intimé pour instruction complémentaire du point de vue somatique. 
 
8.   
Vu l'issue de la procédure, les frais de justice sont mis à la charge de l'office intimé, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). La recourante a par ailleurs droit à une indemnité de dépens à la charge de l'office intimé (art. 68 al. 2 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est partiellement admis. La décision du Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue française, du 11 novembre 2016 et la décision de l'office intimé du 7 juillet 2014 sont annulées. La cause est renvoyée à l'office intimé pour complément d'instruction au sens des considérants et nouvelle décision. Le recours est rejeté pour le surplus. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3. La cause est renvoyée au Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue française, pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure antérieure.  
 
4.   
L'intimé versera à l'avocat de la recourante la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
5.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue française, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 27 mars 2017 
 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Pfiffner 
 
La Greffière : Hurni