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Ecriture agrandie
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_362/2022  
 
 
Arrêt du 7 février 2023  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Hartmann et Ryter. 
Greffier : M. Jeannerat. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Stefano Fabbro, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
1. Commune de Montreux, représentée par sa Municipalité, 
Grand-Rue 73, 1820 Montreux, 
2. Etat de Vaud, 1014 Lausanne, 
agissant par le Conseil d'Etat du Canton de Vaud, Direction générale des affaires, institutionnelles et des communes, place du Château 1, 1014 Lausanne Adm cant VD, 
intimés. 
 
Objet 
Action en responsabilité de l'Etat, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal 
du Canton de Vaud, Cour d'appel civile, 
du 16 mars 2022 (PT17.043416-210750). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. B.________ a été l'administrateur unique de la société C.________ SA sise à U.________, jusqu'au 31 août 2016, étant précisé que la société en question a été renommée D.________ SA le 31 décembre 2008. Cette société a pour but l'exploitation d'un bureau d'architecture et d'urbanisme, de même que toute activité de conseil et d'expertise dans le domaine immobilier.  
 
A.b. Le 20 avril 2005, B.________, déclarant agir en sa qualité d'administrateur unique de la société précitée, a pris contact avec la Municipalité de Montreux, afin de connaître les conditions-cadres ainsi que les démarches administratives nécessaires en vue de la réalisation d'un port de petite batellerie à Vernex, conformément au Plan partiel d'affectation dit "En Massiez" (ci-après: PPA "En Massiez") adopté par la Commune en date du 21 septembre 1994. Le 16 août 2005, la Municipalité lui a répondu que, sur le principe, elle acceptait d'entrer en matière sur l'application du PPA précité, tout en réservant expressément les conditions de la concession d'usage du domaine public cantonal qui devrait être octroyée le cas échéant. S'en sont suivis la réalisation d'une étude de faisabilité, différentes séances de travail entre B.________ et des représentants de la Commune de Montreux, ainsi que des échanges de correspondance entre l'intéressé et la Municipalité.  
 
A.c. Le 7 juin 2007 a été créée la société A.________ SA, avec B.________ comme administrateur unique et comme but statutaire la construction et l'exploitation d'un port à Montreux. Juste après sa constitution, dite société a demandé l'ouverture d'une enquête publique portant sur la construction d'un port public de petite batellerie et d'un club-house à Montreux, sur le domaine public du Léman au lieu-dit "Vernex". A l'issue de cette enquête publique, organisée entre les 26 juin et 25 juillet 2007, le Service du développement territorial du Canton de Vaud a constaté que le projet mis à l'enquête s'écartait trop des dispositions du PPA "En Massiez" et a refusé de lui octroyer toute autorisation de construire spéciale hors de la zone à bâtir. Le 25 février 2008, la Centrale des autorisations en matière de constructions a pour sa part considéré que le permis de construire demandé ne pouvait pas être délivré. Ces décisions sont entrées en force.  
 
 
A.d. En date du 11 décembre 2008, le Conseil communal de Montreux a voté l'abrogation du PPA "En Massiez" dans le cadre de la procédure d'adoption du nouveau plan général d'affectation (ci-après: le PGA). Par décision du 10 juin 2015, le Département du territoire et de l'environnement du Canton de Vaud a approuvé préalablement et partiellement le PGA de Montreux, notamment en tant qu'il abrogeait le PPA "En Massiez". Statuant sur recours de A.________ SA, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois a confirmé cette décision par arrêt du 21 décembre 2016 en tant qu'elle approuvait l'abrogation du PPA. L'intéressée n'a pas fait recours au Tribunal fédéral contre cet arrêt.  
 
B.  
Dans l'intervalle, en date du 27 août 2009, par le biais d'un courrier adressé à la Municipalité de Montreux, la société A.________ SA a fait valoir un dommage direct de l'ordre de 1'600'000 fr. en cas d'éventuelle confirmation de l'abrogation du PPA "En Massiez". Cette abrogation ayant été approuvée par le département cantonal compétent en date du 10 juin 2015 et confirmée, sur recours de la société précitée, par le Tribunal cantonal vaudois en date du 21 décembre 2016, la société a engagé, le 3 mai 2017, une procédure de conciliation en vue de son indemnisation. Après l'échec de celle-ci, la société a, par demande du 5 octobre 2017, agi devant la Chambre patrimoniale cantonale du Canton de Vaud (ci-après: la Chambre patrimoniale cantonale) à l'encontre non seulement de la Commune de Montreux, mais également de l'Etat de Vaud, en concluant à ce que ceux-ci soient condamnés à lui payer, solidairement entre eux, la somme de 1'704'810 fr. 05, avec intérêt à 5% l'an dès le 10 juin 2015, comme dommages-intérêts consécutifs aux différents frais engagés dans le cadre de son projet de port, lesquels incluaient des frais de constitution de société, des honoraires d'ingénieurs, d'architectes, de bureaux spécialisés, de notaires, d'avocats et des frais de justice. 
La Chambre patrimoniale cantonale a rejeté la demande en paiement susmentionnée par jugement du 17 novembre 2020. 
La société A.________ SA a formé appel contre le jugement susmentionné devant la Cour d'appel civil du Tribunal cantonal du Canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal). Celui-ci l'a rejeté et, partant, confirmé le jugement de la Chambre patrimoniale cantonale par arrêt du 16 mars 2022. 
 
 
C.  
La société A.________ SA (ci-après: la recourante) dépose un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal précité. Elle conclut à l'annulation de ce dernier et à la réforme du jugement rendu par la Chambre patrimoniale cantonale en date du 17 novembre 2020, en ce sens que les conclusions prises dans sa demande en paiement du 5 octobre 2017 doivent être admises et que, partant, la Commune de Montreux et l'Etat de Vaud doivent être condamnés à lui verser, solidairement, le montant de 1'704'810 fr. 05, avec intérêts à 5% l'an dès le 10 juin 2015. Subsidiairement, elle demande l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à l'autorité inférieure pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Au terme de sa réponse, la Commune de Montreux conclut au rejet du recours. Il en va de même de l'Etat de Vaud. Le Tribunal cantonal se réfère pour sa part intégralement aux considérants de son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le litige concerne une demande en paiement que la recourante élève contre la Commune de Montreux et l'Etat de Vaud et que l'intéressée fonde, principalement, sur le principe de la bonne foi ancré aux art. 5 al. 3 et 9 de la Constitution fédérale (RS 100) et, subsidiairement, sur la loi vaudoise du 16 mai 1961 sur la responsabilité de l'Etat, des communes et de leurs agents (LRECA/VD; RS/VD 170.11). Il incombe à la deuxième Cour de droit public du Tribunal fédéral de traiter un tel litige qui relève de la responsabilité de l'Etat pour acte licite et illicite (cf. art. 30 al. 1 let. c ch. 1 RTF; arrêt 2C_525/2017 du 8 juin 2017 consid. 3; aussi infra consid. 3). Il importe peu que des autorités judiciaires qualifiées de "civiles" se soient précédemment prononcées en la cause sur le plan cantonal (cf. notamment arrêt 2C_1150/2014 du 9 juin 2015 consid. 1.1).  
 
1.2. L'arrêt entrepris, rendu par le Tribunal cantonal vaudois, constate que la responsabilité de la Commune de Montreux et de l'Etat de Vaud n'est pas engagée à l'égard de la recourante et déboute celle-ci de toutes ses conclusions en indemnisation. Il s'agit ainsi d'une décision finale (art. 90 LTF), rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), dans une cause de droit public (cf. art. 82 let. a LTF) ne relevant d'aucun des domaines juridique dans lesquels la voie du recours en matière de droit public est par principe fermée en application de l'art. 83 LTF. Il est du reste précisé que le recours remplit la condition de recevabilité spécifiquement posée à l'art. 85 al. 1 let. a LTF s'agissant des causes relevant du droit de la responsabilité de l'Etat, dès lors que la valeur litigieuse minimale de 30'000 fr. exigée dans ce domaine est largement dépassée. Enfin, le recours a été interjeté en temps utile, compte tenu des féries de Pâques (art. 46 al. 1 let. a et 100 al. 1 LTF), ainsi que dans les formes requises (art. 42 LTF), et ce par la société destinataire de la décision attaquée, laquelle a un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification et, partant, la qualité pour recourir en l'affaire (art. 89 al. 1 LTF). Il convient donc d'entrer en matière.  
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral vérifie d'office et librement la bonne application du droit fédéral (art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF). En revanche, sauf dans les cas cités expressément à l'art. 95 LTF, aucun recours au Tribunal fédéral ne peut en principe être formé pour violation du droit cantonal en tant que tel. Il n'en reste pas moins possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à d'autres droits constitutionnels (ATF 137 V 143 consid. 1.2; 133 III 462 consid. 2.3). D'après l'art. 106 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral n'examine toutefois le moyen tiré de la violation d'une norme de rang constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé par la partie recourante, à savoir exposé de manière claire et détaillée (cf. ATF 141 I 36 consid. 1.3). Sous réserve de ce qui précède, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs de l'autorité précédente ni par les moyens des parties. Il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par la partie recourante, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 141 V 234 consid. 1; 139 II 404 consid. 3).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si celles-ci ont été opérées de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire (art. 9 Cst.) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 142 II 355 consid. 6; 139 II 373 consid. 1.6). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 137 II 353 consid. 5.1). Il en résulte que le Tribunal fédéral ne revoit les griefs relevant de la constatation des faits que sous un angle limité, alors qu'en comparaison, il examine les questions de droit de manière libre, du moins lorsque celles-ci concernent la bonne application du droit fédéral ou international. Il est donc essentiel de distinguer les constatations de fait et les questions de droit (ATF 123 II 49 consid. 6a).  
 
3.  
En l'occurrence, le litige concerne la question de savoir si la Commune de Montreux et/ou l'Etat de Vaud doivent indemniser la recourante pour les différentes dépenses qu'elle aurait engagées en vue de la planification et de la réalisation d'un nouveau port de petite batellerie à Montreux, projet devenu irréalisable à la suite d'une révision de la planification communale fin 2008. Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal cantonal a tranché cette question par la négative. Il a considéré, en tout premier lieu, que la recourante n'avait jamais obtenu d'assurance concrète quant à la faisabilité de son projet de la part des collectivités intimées. Ce faisant, il a nié tout chef de responsabilité fondé sur le principe de la bonne foi ancré aux art. 5 al. 3 et 9 Cst., étant précisé que ces normes peuvent fonder dans certains cas, comme nous le verrons, une responsabilité de l'Etat pour acte licite (cf. infra consid. 5). Le Tribunal cantonal a par ailleurs estimé, en second lieu, que la Commune de Montreux et l'Etat de Vaud n'avaient pas violé non plus de norme de comportement protégeant les intérêts économiques de la recourante, ce qui excluait toute responsabilité de l'Etat pour acte illicite au sens de la LRECA/VD. Chacun de ces deux raisonnements est attaqué par la recourante, qui affirme que la Commune de Montreux et/ou le Canton de Vaud doivent l'indemniser pour ses dépenses de planification devenues inutiles, ce tant en application de l'art. 5 al. 3 et 9 Cst. que du droit cantonal sur la responsabilité de l'Etat. 
 
4.  
Dans ses écritures, la recourante soutient avant toute chose que l'arrêt attaqué reposerait sur une constatation arbitraire des faits. Elle reproche en l'occurrence au Tribunal cantonal d'avoir retenu de manière manifestement inexacte qu'aucune assurance concrète et effective ne lui aurait jamais été donnée s'agissant de la faisabilité de son projet de nouveau port de petite batellerie à Montreux. Elle prétend avoir obtenu une garantie " implicite " en ce sens.  
 
 
4.1. La Cour de céans relève à cet égard que la description du comportement que l'Etat peut avoir concrètement adopté à l'égard d'un promoteur immobilier avant la réalisation d'un éventuel projet de construction constitue une question relevant de l'établissement des faits. En revanche, le point de savoir si un tel comportement est susceptible d'être interprété comme une garantie donnée quant à la faisabilité dudit projet - créant un état de confiance chez l'administré -relève de la bonne application du droit fédéral et, plus précisément, du principe de la bonne foi. Il s'agit en effet de déterminer si les différents actes et omissions opérés par les agents de l'Etat et imputables à celui-ci étaient, d'un point de vue objectif, de nature à susciter une attente légitime chez l'intéressé (cf. ATF 132 II 21 consid. 2.2).  
 
4.2. Telle est précisément la confusion commise par la recourante dans la motivation de son recours. L'intéressée affirme sur plusieurs pages que l'autorité précédente aurait procédé à un établissement des faits manifestement inexact et, partant, arbitraire, sans toutefois remettre en question la manière dont le tribunal relate, dans son arrêt, les évènements ayant précédé l'abrogation, en 2008, du PPA "En Massiez" autorisant dans son principe l'aménagement d'un nouveau port à Montreux. Reconnaissant n'avoir jamais reçu de promesse explicite des représentants de la Commune et du Canton s'agissant de la faisabilité d'un tel projet (cf. no 14 du recours), la recourante se contente en réalité de soutenir que le comportement adopté par ces derniers, tel que décrit dans l'arrêt attaqué, aurait constitué un faisceau d'indices devant être interprété comme une garantie implicite. Ainsi formulé, son grief ne porte pas sur une problématique d'établissement des faits, mais de bonne application du droit, comme on l'a expliqué plus haut (cf supra consid. 4.1). Une telle critique revient en effet au point de savoir si le Tribunal cantonal n'aurait pas dû admettre l'existence d'une attente légitime chez la recourante sous l'angle du principe de la bonne foi, au regard du comportement adopté par la Commune de Montreux et/ou le Canton de Vaud entre 2006 et 2008. Cette question de droit, qui fait l'objet d'un autre grief exprès de la part de la recourante, sera examinée ci-après.  
 
5.  
Comme devant le Tribunal cantonal, la recourante explique dans ses écritures avoir entrepris de nombreuses démarches de planification coûteuses en totale bonne foi, au su des autorités communales et cantonales, afin non seulement de développer son projet de port à Montreux, mais aussi de déposer une demande de permis de construire en ce sens en 2007. Elle soutient que l'abrogation du PPA "En Massiez", qui permettait à l'origine un tel projet (du moins dans son principe), était imprévisible pour elle, car, jusque-là, les autorités lui auraient toujours laissé entendre par leur comportement que son projet pourrait être réalisé. A la suivre, les autorités lui auraient donné de cette manière des assurances implicites qui l'auraient " induite en erreur " et empêchée d'" imaginer ce qui allait suivre " (cf. no 37 du recours). Les collectivités cantonale et communale dont elles relèvent devraient donc l'indemniser, en application du principe général de la bonne foi ancré à l'art. 5 al. 3 Cst., et du droit constitutionnel à la protection de cette dernière garanti par l'art. 9 Cst.  
 
5.1. En droit public, le principe de la bonne foi est explicitement consacré par l'art. 5 al. 3 Cst., en vertu duquel les organes de l'Etat et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi (ATF 144 II 49 consid. 2.2). De ce principe général découle notamment le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'Etat, lequel est consacré à l'art. 9 in fine Cst., dont le Tribunal fédéral contrôle librement le respect (ATF 138 I 49 consid. 8.3.1). Ce droit fondamental à la protection de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration, étant précisé qu'un renseignement ou une décision erronés de l'administration peut, selon les circonstances, intervenir tacitement ou par actes concluants (cf. ATF 146 I 105 consid. 5.1.1; 143 V 341 consid. 5.2.1; 141 I 161 consid. 3.1; 141 V 530 consid. 6.2; aussi arrêt 2C_853/2021 du 12 mai 2022 consid. 8.1). Le respect de ce droit a notamment comme corollaire que l'autorité administrative est tenue de réparer le dommage qu'a pu subir l'administré chez qui elle a créé puis déçu des attentes dignes de foi et qui a pris dans l'intervalle des dispositions patrimoniales préjudiciables pour lui (cf. ATF 109 Ib 246 consid. 4b; arrêt 2C_444/2015 du 4 novembre 2015 consid. 3.1).  
 
5.2. Tenant compte des considérations qui précèdent, le Tribunal fédéral a fixé le principe selon lequel un propriétaire n'avait en principe pas droit à une indemnité pour les frais de plans ou d'aménagement devenus inutiles lorsque son projet ne pouvait pas être autorisé en vertu des prescriptions en vigueur, car il est généralement acquis que la planification doit être périodiquement adaptée et révisée et qu'il n'existe dès lors, en règle générale, aucune assurance quant à sa stabilité (cf. ATF 113 Ia 444 consid. 5 en lien avec l'art. 21 al. 2 de la loi fédéral du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire [LAT; RS 700]). Il a précisé qu'il en allait également ainsi lorsque l'intéressé avait déposé un projet initialement conforme au droit en vigueur, mais que les bases légales s'étaient modifiées à son désavantage avant que l'autorité ne statue sur sa demande de permis de construire (cf. notamment ATF 119 Ib 229 consid. 4a p. 237; aussi arrêt 1C_216/2017 du 6 août 2018 consid. 4, non publié in ATF 144 II 367). De jurisprudence constante, c'est uniquement lorsqu'une modification de planification ou de réglementation est intervenue à la suite d'une demande d'autorisation de construire déterminée - parce que les autorités désiraient empêcher le projet particulier - que l'on peut admettre un droit à une indemnisation fondée sur la protection de la bonne foi (art. 9 Cst.), appliquée en combinaison avec la garantie de la propriété (art. 26 Cst.), en tout cas lorsque l'intention des autorités n'était pas prévisible pour le propriétaire (ATF 119 Ib 229 consid. 4a p. 237; aussi arrêt 1C_216/2017 du 6 août 2018 consid. 4). Un droit à être indemnisé est en outre aussi envisageable lorsque la collectivité a donné des assurances sur le maintien des prescriptions de construction en vigueur à la personne désireuse de bâtir avant que celle-ci ne dépose sa demande de permis (cf. également ATF 119 Ib 229 consid. 4c; aussi 1C_216/2017 précité consid. 4).  
 
5.3. S'agissant du cas d'espèce, il convient de relever d'emblée que le Tribunal cantonal a constaté - d'une manière qui lie la Cour de céans (cf. art. 105 al. 1 LTF et supra consid. 2.2) - que ce n'était pas le dépôt du projet de port de la recourante en tant que tel qui avait motivé le législatif communal à abroger le PPA "En Massiez", mais une volonté générale de l'autorité précitée de remettre en cause la création d'une installation portuaire supplémentaire sur le territoire communal afin de préserver le paysage, l'accès aux quais et la protection de l'environnement, objectifs qui résultaient déjà du plan directeur communal adopté en 2000. Or, la recourante ne prétend pas que le Tribunal cantonal aurait constaté les faits de manière arbitraire sur ce point. Ainsi, dans la mesure où l'abrogation du PPA "En Massiez" n'a pas eu pour vocation première d'empêcher la réalisation du projet de la recourante, celle-ci ne se trouve assurément pas dans le premier cas de figure pouvant justifier une indemnisation à la suite d'une révision de la planification, c'est-à-dire dans un cas où la réalisation de son projet se serait vu bloquée par une modification de planification adoptée précisément et exclusivement dans ce but. En la cause, il s'agit donc uniquement d'examiner si l'intéressée peut réclamer une indemnisation parce qu'elle aurait reçu - comme elle le prétend - des assurances spécifiques quant au maintien des prescriptions du PPA "En Massiez" avant de développer son projet de nouveau port à Montreux et, notamment, de déposer sa première demande de permis de construire pour un tel projet en juin 2007.  
 
5.4. En l'occurrence, la Cour de céans remarque que la recourante existe depuis le 7 juin 2007 seulement, date de son inscription au registre du commerce. Il ressort de l'arrêt attaqué que cette société anonyme n'a été constituée que quelques jours avant de déposer une demande de permis de construire portant sur la réalisation d'un projet de port à Montreux, étant précisé que cette demande a été mise à l'enquête publique entre les 26 juin et 25 juillet 2007. D'après l'arrêt attaqué, le projet avait été jusque-là porté par le futur administrateur unique de la recourante, à savoir B.________, pour le compte de la société C.________ SA dont l'intéressé était alors également l'administrateur unique. Il ressort en effet des constatations de fait du Tribunal cantonal qu'au commencement du projet, soit en date du 20 avril 2005, B.________ a contacté une première fois la Municipalité de Montreux en déclarant agir au nom de la société C.________ SA. Il en résulte que, contrairement à ce qu'elle affirme par endroits dans ses écritures, la recourante n'a pas elle-même entrepris l'essentiel des démarches de planification en vue de son projet de nouveau port à Montreux (cf. notamment nos 34 ss du recours). Elle n'a pas non plus participé à la plupart des différentes phases de préparation de celui-ci. Aucune séance n'a d'ailleurs pu se tenir " entre la Municipalité de [Montreux] et la recourante afin d'évoquer la projet de port de Vernex ", contrairement à ce que celle-ci allègue dans son recours (cf. nos 16 et 17 du recours). Rappelons en effet que l'intéressée n'existait pas encore durant la période courant du 20 avril 2005 au 7 juin 2007, c'est-à-dire à l'époque où divers échanges de courriers et séances ont eu lieu entre les porteurs du projet et certains représentants de la Commune de Montreux et du Canton.  
 
5.5. Les éléments de faits qui précèdent montrent que la recourante n'a a priori jamais pu recevoir elle-même de garantie individuelle et concrète directe - de quelque forme que ce soit - de la part des autorités en lien avec la réalisation de son projet de nouveau port, dès lors que celui-ci a été essentiellement porté par une autre société entre le mois d'avril 2005 et le mois de juin 2007. Sur la base de ce seul constat, on peut déjà très sérieusement se demander si l'intéressée peut valablement invoquer la protection de sa bonne foi dans le cas d'espèce. En effet, elle se prévaut en fin de compte d'assurances (implicites) qui, si elles étaient avérées, ne lui auraient en tout cas pas été données directement par les collectivités intimées; elle le fait par ailleurs afin d'être indemnisée pour des dépenses qu'elle n'a assurément pas engagées elle-même à l'origine (y compris les frais de sa propre constitution), mais simplement remboursées à l'entreprise qui avait initialement développé le projet de port jusqu'en juin 2007, avant de le lui céder (cf. art. 105 al. 2 LTF). Or, la recourante ne saurait se prévaloir contre l'Etat des assurances qu'une société tierce lui auraient communiquées quant à la faisabilité de son projet, le cas échéant par l'entremise de leur administrateur commun, porteur initial dudit projet (cf. arrêts 1C_122/2016 du 7 septembre 2007 consid. 6.3 et 1C_396/2015 du 13 novembre 2015 consid. 2.4 et la référence à l'ATF 127 I 31 consid. 3a). Cette question, nullement abordée par les autorités précédentes, mais qui pourrait à elle seule conduire au rejet du recours par substitution de motifs, peut toutefois rester ouverte. Comme on va le voir, il faut en effet considérer qu'aucune garantie susceptible de fonder une obligation d'indemnisation reposant directement sur la protection de la bonne foi garantie à l'art. 9 Cst. n'a jamais été donnée à quiconque au sujet de la faisabilité d'un nouveau port à Montreux.  
 
5.6. Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal cantonal a établi que les représentants des collectivités intimées ne s'étaient jamais opposés au projet de nouveau port développé par la société C.________ SA et repris en juin 2007 par la recourante, du moins tant que le PPA "En Massiez" était en vigueur, soit jusqu'en date du 11 décembre 2008. Les juges précédents ont ainsi relevé qu'en date du 16 août 2005, la Municipalité de Montreux avait adressé un courrier à la recourante (recte: à la société C.________ SA) dans lequel elle prenait acte de l'intention de celle-ci d'engager une étude de réalisation du PPA susmentionné. Dans ce courrier, la Municipalité confirmait qu'elle acceptait d'entrer en matière sur un projet de nouveau port de petite batellerie, non sans réserver les conditions de mise à disposition du domaine public cantonal. Des représentants de la Commune et du Canton ont ensuite participé à des séances de travail, dans le cadre desquelles ont notamment été envisagées des mesures de compensation écologique. Sur la base de ces éléments, il est acquis que les représentants des intimés se sont montrés intéressés et curieux du projet repris en 2007 par la recourante. Ce constat, établi par l'arrêt attaqué, est incontesté. On ne voit toutefois pas que les autorités aient ce faisant donné - à un quelconque moment et d'une quelconque manière - des garanties quant à la réalisation de ce projet. Le simple fait, pour une autorité, d'entrer en matière et de suivre, même pendant plusieurs années, l'évolution d'un projet de construction pouvant s'avérer conforme à la planification en vigueur, sans s'y opposer par principe, ne peut - et ne doit - pas être interprété comme la promesse d'une issue favorable en lien avec le projet en cause, ni comme une assurance donnée quant au maintien de ladite planification. De manière générale, il est attendu des autorités de planification et de délivrance des permis de construire qu'elles se comportent de manière loyale et, par conséquent, qu'elles n'empêchent pas ni ne ralentissent sans motif des projets de construction dont il n'est pas exclu qu'ils soient conformes à la réglementation en vigueur. Il serait illogique et absurde qu'un tel comportement bienveillant des autorités, précisément respectueux du principe de la bonne foi, engendre une obligation d'indemniser, tirée du même principe, en cas de révision de planification.  
 
5.7. Les critiques que la recourante formule à l'encontre de l'arrêt attaqué ne démontrent au surplus nullement que l'intéressée aurait reçu des garanties par actes concluants en ce qui concerne la faisabilité d'un nouveau port de petite batellerie à Montreux. Il importe en particulier peu que la Municipalité " ait initialement laissé croire à la recourante qu'elle ne s'opposerait pas à ce projet ", notamment en projetant le maintien du PPA "En Massiez" au moment de la mise à l'enquête du nouveau plan général d'affectation au printemps 2007. En réservant un accueil favorable au projet, la Municipalité n'a évidemment donné aucune assurance sur le fait que le Conseil communal - c'est-à-dire le législatif de Montreux - n'abrogerait jamais le PPA précité dans le cadre de la nouvelle planification communale à venir, d'autant que le plan en question contrevenait au plan directeur en vigueur. Peu importe également que la Municipalité n'ait pas informé la recourante du risque d'abrogation du PPA "En Massiez". La recourante semble perdre de vue qu'en matière d'aménagement du territoire, il est très généralement admis et connu, en particulier des acteurs de la construction, que les décisions des autorités sont par nature sujettes à changement et qu'il n'existe dès lors pas d'expectative légitime au maintien d'un plan (cf. notamment JEANNERAT/MOOR, Commentaire pratique LAT: Planifier l'affectation, 2016, no 48 ad art. 14 LAT). Il en résulte, comme déjà dit, qu'un propriétaire ou un promoteur immobilier n'a généralement droit à aucune indemnisation pour les frais de plans ou d'aménagement devenus inutiles lorsque l'un de ses projets de construction ne peut plus être autorisé en vertu des prescriptions en vigueur, même lorsque celles-ci ont été révisées inopinément (cf. supra 5.2). Notons que les autres parties prenantes au projet de port à l'origine du présent litige semblent avoir toujours été conscients de ce fait, puisqu'il ressort de l'arrêt attaqué que les bureaux d'ingénieurs ayant participé à l'étude de faisabilité ont déclaré en cours de procédure savoir qu'ils n'auraient droit à aucune indemnisation si le projet était finalement abandonné.  
 
5.8. Il s'ensuit qu'il ne peut être reproché au Tribunal cantonal d'avoir mal appliqué le droit fédéral en déniant toute obligation de la Commune de Montreux et de l'Etat de Vaud d'indemniser la recourante en application du principe de la bonne foi inscrit aux art. 5 al. 3 et 9 Cst.  
 
6.  
La recourante considère enfin - dans un troisième et dernier temps - qu'elle aurait droit à être indemnisée sur la base des règles cantonales régissant la responsabilité de l'Etat, lesquelles auraient été appliquées de manière arbitraire par l'autorité précédente. Elle estime en effet avoir subi un préjudice économique en raison d'un comportement illicite de la part des intimés, à qui elle reproche d'avoir opéré un revirement de position qui ne pouvait raisonnablement être envisagé et, partant, d'avoir adopté un comportement contradictoire violant le principe de la bonne foi inscrit à l'art. 5 al. 3 Cst. 
 
6.1. Aux termes de l'art. 4 de la loi vaudoise du 16 mai 1961 sur la responsabilité de l'Etat, des communes et de leurs agents (LRECA/VD; RSV 170.11), l'Etat et les corporations communales répondent du dommage que leurs agents causent à des tiers d'une manière illicite. La Cour de céans ne discerne cependant pas quel acte illicite la Commune de Montreux et le Canton auraient bien pu commettre en la cause. Le principe de la bonne foi entre administration et administré ancré à l'art. 5 al. 3 Cst. et invoquée par la recourante - dont le Tribunal fédéral revoit librement la bonne application dans le cadre d'une action en responsabilité de l'Etat, même fondée sur le droit cantonal (cf. ATF 144 I 318 consid. 5.3.2) - exige certes que l'administration adopte un comportement loyal et s'abstienne ainsi de tout comportement contradictoire propre à tromper l'administré (ATF 121 I 181 consid. 2a; arrêts 1C_418/2021 du 10 mars 2022 consid. 3.1 et 1C_60/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.3.1). Toutefois, comme on vient de le voir, aucune des deux collectivités intimées n'a jamais donné de garantie à la recourante quant à la pérennité du PPA "En Massiez" et, partant, quant à la faisabilité de son projet (cf. supra consid. 5.6). Au contraire, l'abrogation du plan précité s'inscrit dans la droite ligne du plan directeur communal adopté par la Commune. On ne peut dès lors pas reprocher à cette dernière, ni au Canton a fortiori, un revirement de position ou un comportement trompeur, contraire au principe de la bonne foi, susceptible d'entraîner une quelconque responsabilité de l'Etat au sens de l'art. 4 LRECA/VD.  
 
6.2. Ajoutons enfin que dans la mesure où la recourante estimait que l'abrogation de PPA "En Massiez" constituait un acte contradictoire de la Commune de Montreux et qu'elle violait ainsi le principe de la bonne foi, il lui appartenait de tout tenter pour en obtenir l'annulation, le cas échéant en recourant contre cet acte jusqu'au Tribunal fédéral, ce qu'elle n'a toutefois pas fait. Il ne lui est plus loisible de remettre en cause la légalité de cette décision, confirmée par arrêt du Tribunal cantonal du 21 décembre 2016, par le biais d'une action en responsabilité contre l'Etat (cf. ATF 126 I 144 consid. 2a; 119 Ib 208 consid. 3c; arrêt 2C_856/2017 du 13 mai 2019 consid. 5.3.2).  
 
6.3. Il s'ensuit que le Tribunal cantonal n'a pas appliqué arbitrairement le droit cantonal en refusant toute indemnisation de la recourante sur la base de la LRECA/VD.  
 
7.  
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. 
 
8.  
Succombant, la recourante supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et n'aura droit à aucuns dépens (art. 68 al. 2 LTF). Aucune indemnité à titre de dépens ne sera accordée aux intimés non plus (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à CHF 20'000.-, sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, aux intimés et au Tribunal cantonal du Canton de Vaud, Cour d'appel civile. 
 
 
Lausanne, le 7 février 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
Le Greffier : E. Jeannerat