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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
6P.153/2006 
6S.347/2006 /rod 
 
Arrêt du 29 avril 2008 
Cour de cassation pénale 
 
Composition 
MM. les Juges Schneider, Président, 
Ferrari et Favre. 
Greffier: M. Vallat. 
 
Parties 
X.________, 
recourant, représenté par Me Charles Poncet, avocat, 
 
contre 
 
Ministère public du canton de Vaud, rue de l'Université 24, 1005 Lausanne, 
intimé. 
 
Objet 
6S.347/2006 
Publication de débats officiels secrets (art. 293 CP); devoir de profession (art. 32 CP
 
6P.153/2006 
Art. 29 Cst. et art. 6 par. 1 et 3 CEDH (procédure pénale; arbitraire; droit d'être entendu), 
 
pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, du 30 janvier 2006. 
 
Faits: 
 
A. 
Par jugement du 22 septembre 2005, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a condamné X.________ pour publication de débats officiels secrets (art. 293 CP) à une amende de 4000 francs. 
 
B. 
Par arrêt du 30 janvier 2006, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours de X.________. Cet arrêt repose sur l'état de fait suivant. 
 
X.________, journaliste, a publié dans l'Illustré du 15 octobre 2003 un article intitulé « Drame du Grand-Pont à Lausanne - l'interrogatoire du conducteur fou - la version du chauffard ». Cet article retranscrivait une partie des déclarations de Y.________ au Juge d'instruction et à la police, accompagnées de photocopies de correspondances de ce détenu au magistrat en charge de l'enquête ouverte à la suite des événements du 8 juillet 2003. Les pièces auxquelles le journaliste faisait référence dans cet article lui sont parvenues anonymement, à la rédaction du journal. X.________ ne contestait pas avoir su que les documents dont il faisait état dans son article n'étaient pas publics en raison de l'enquête en cours. Il connaissait parfaitement cette confidentialité. Il était conscient de commettre un acte illégal en les portant à la connaissance du public. En accord avec sa rédaction, il avait néanmoins écrit son article et l'avait publié, estimant qu'il était de son devoir d'informer les lecteurs, pour que l'opinion se fasse une idée, en raison de l'intérêt public de ces documents. Il jugeait n'avoir pas « fait dans le sensationnel » mais bien plutôt un travail sérieux. 
 
De l'avis de la cour cantonale, la publication litigieuse, qui avait trait à un accident de la circulation, n'était justifiée par aucun intérêt public. Malgré les circonstances inhabituelles des événements, qui avaient suscité une vive émotion au sein de la population, on ne pouvait parler de traumatisme collectif, qui aurait justifié que cette dernière soit renseignée et rassurée séance tenante sur l'état de l'enquête. A supposer, au demeurant, l'existence d'un tel intérêt, il n'aurait pas été prépondérant. Le ton adopté par l'auteur de l'article démontrait qu'il n'était pas principalement animé par la volonté d'informer le public, mais s'était borné à faire dans le sensationnel, sans objectivité ni respect de la présomption d'innocence. 
 
C. 
X.________ interjette un recours de droit public et un pourvoi en nullité contre cet arrêt. Il conclut à son annulation avec suite de frais et dépens. Il a requis l'effet suspensif. 
 
D. 
Par ordonnance du 3 novembre 2006, le Président de la Cour de céans, après avoir invité les parties à se déterminer, a accordé l'effet suspensif au pourvoi en nullité et ordonné la suspension de l'instruction des deux recours jusqu'à droit connu dans l'affaire Stoll contre Suisse alors pendante devant la Cour européenne des droits de l'Homme. Ensuite de l'arrêt rendu par la Grande Chambre de la Cour européenne le 10 décembre 2007 dans cette dernière affaire, les parties ont été informées par courrier du 30 janvier 2008 de la reprise de la cause à l'échéance d'un délai de 30 jours. La partie recourante a déclaré maintenir son recours. Les parties ont encore formulé des observations, notamment au sujet de la décision européenne et de sa portée. 
 
La cour cantonale a renoncé à déposer des observations, en se référant aux considérants de sa décision. Le Ministère public du canton de Vaud a conclu au rejet du recours. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
L'arrêt attaqué a été rendu avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2007, de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110). C'est donc à l'aune de l'ancien droit de procédure, en l'espèce les art. 84 ss OJ relatifs au recours de droit public et 268 ss PPF concernant le pourvoi en nullité, que doit être examinée la présente cause (art. 132 al. 1 LTF). 
I. Recours de droit public 
 
2. 
Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ). Il n'est en revanche pas ouvert pour se plaindre d'une violation du droit fédéral, qui peut donner lieu à un pourvoi en nullité (art. 269 al. 1 PPF). Un tel grief ne peut donc pas être invoqué dans le cadre d'un recours de droit public, qui est subsidiaire (art. 84 al. 2 OJ; art. 269 al. 2 PPF). En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit, à peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation. Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'a donc pas à vérifier de lui-même si la décision attaquée est en tous points conforme au droit ou à l'équité. Il n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours. Le recourant ne saurait se contenter de soulever de vagues griefs ou de renvoyer aux actes cantonaux (ATF 129 I 185 consid. 1.6 p. 189, 113 consid. 2.1 p. 120; 125 I 71 consid. 1c p. 76). Le Tribunal fédéral n'entre pas non plus en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495). 
 
3. 
Le recourant reproche tout d'abord, sous l'angle de l'arbitraire, à la cour cantonale de l'avoir tenu pour auteur des titres de la publication litigieuse. Il requiert l'administration de preuves sur cette question en application de l'art. 95 OJ
 
3.1 Une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; encore faut-il que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motif objectif ou en violation d'un droit certain. Il n'y a pas arbitraire du fait qu'une autre solution paraît également concevable voire même préférable (ATF 133 I 149 consid. 3.1 et les arrêts cités, p. 153). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il y a arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9). 
 
3.2 En l'espèce, la cour cantonale a examiné le titre de la publication litigieuse sous l'angle de l'existence d'un intérêt légitime à la publication eu égard à sa forme. Elle a jugé que le titre de l'article (« L'interrogatoire du conducteur fou », « la version du chauffard ») manquait déjà de la plus élémentaire objectivité. Il suggérait que l'affaire était déjà jugée pour l'auteur, en ce sens que les morts du Grand-Pont n'étaient pas le fait d'un conducteur ordinaire mais d'« un conducteur fou », d'« un homme imperméable aux événements et à l'agitation qui l'entourent ». Bien que la cour cantonale fasse état de l'article dans son ensemble, titre compris, et de ce qu'il suggérait de l'opinion de l'auteur, rien n'indique qu'elle ait conclu formellement que le recourant ait lui-même formulé les titres. Cette question peut cependant demeurer indécise, la réponse à lui donner étant sans pertinence pour la solution du litige. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme, il importe en effet peu, dans la pesée des intérêts, que les titres aient été choisis par le journaliste ou par la rédaction (arrêt Stoll c. Suisse, du 10 décembre 2007, § 149). Ce qui est déterminant, c'est avant tout les liens existant entre les titres et le texte, ainsi que ce que suggèrent les titres. A ce stade du raisonnement, il s'agit en effet moins d'établir si l'intitulé réalise en lui-même l'état de fait incriminé par une disposition pénale et est illicite que d'examiner, sous l'angle de l'existence d'un fait justificatif, la portée de cet élément dans le cadre d'une pesée des intérêts pour et contre la publication. Le recourant ne démontre en conséquence pas en quoi la décision entreprise serait arbitraire dans son résultat. Le grief est infondé. 
 
Il s'ensuit par ailleurs qu'il n'y a pas lieu d'administrer des preuves sur ce point en application de l'art. 95 OJ, comme le souhaite le recourant. 
 
4. 
Dans un second moyen, le recourant invoque diverses violations de l'art. 29 Cst. 
 
4.1 L'art. 29 al. 1 Cst. garantit à toute personne, dans une procédure judiciaire ou administrative, le droit à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. Malgré une formulation lapidaire, cette disposition recouvre plusieurs garanties générales de procédure, parmi lesquelles le droit à un procès équitable (v. ATF 133 I 100 consid. 4.4 p. 103), celui d'être jugé par une autorité indépendante (ATF 127 I 196 consid. 2b, p. 198), le principe de célérité (v. ATF 134 IV 43 consid. 2.3 p. 45) ou encore l'interdiction du déni de justice formel. L'art. 29 al. 2 Cst. garantit le droit des parties d'être entendues et l'al. 3 le droit à l'assistance judiciaire. 
 
4.2 Le recourant entend tout d'abord déduire de l'art. 29 Cst. et de l'art. 6 § 1 et 3 CEDH, soit de son droit d'être entendu et « de la garantie minimum d'une procédure normale en matière pénale », un droit à la transcription écrite au procès-verbal de l'audience des déclarations des témoins indépendamment de toute réquisition d'une partie au procès. Il relève également qu'à ses yeux l'absence de protocole des témoignages empêcherait tout contrôle de l'appréciation de ces déclarations par l'autorité de recours. 
4.2.1 En procédure pénale vaudoise, les débats sont oraux (art. 325 CPP/VD). Il n'est pas prévu de verbalisation des déclarations faites aux débats par une partie ou un témoin (cf. art. 339 CPP/VD). Toutefois, lorsque des difficultés surgissent au sujet de la procédure des débats, chaque partie a la faculté d'agir par voie incidente (art. 361 CPP/VD), en dictant ses observations et ses conclusions au procès-verbal ou en les déposant par écrit (art. 362 al. 1 CPP/VD). Le cas échéant, les parties sont entendues sur les conclusions incidentes (art. 362 al. 2 CPP/VD). Le tribunal délibère immédiatement à huis-clos, puis rend, en séance publique, une décision motivée, à moins que l'instruction de l'incident exige qu'il renvoie sa décision, auquel cas il peut soit reprendre l'instruction principale, soit renvoyer les débats (art. 363 CPP/VD). La décision par laquelle le tribunal rejette des conclusions incidentes peut faire l'objet d'un recours en nullité auprès de la Cour de cassation pénale, lorsque ce rejet a été de nature à influer sur la décision attaquée (art. 411 let. f CPP/VD). 
 
Selon la jurisprudence, le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. implique le droit pour les parties à une procédure pénale d'obtenir que les déclarations de parties, témoins ou experts, qui sont importantes pour l'issue du litige, soient consignées dans un procès-verbal. Ce droit vise à leur permettre de participer à l'administration des preuves et, surtout, de se déterminer sur leur résultat. Il tend également à permettre à l'autorité de recours d'exercer son contrôle (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa p. 16 s.). Cette même jurisprudence précise cependant que le droit d'être entendu est respecté si la partie qui le souhaite a la possibilité de requérir en tout temps, par voie incidente, la retranscription de déclarations importantes et de recourir contre un éventuel refus, comme le prévoit le droit de procédure pénale vaudois (ATF 126 I 15 consid. 2b/aa et bb non publiés). Cette jurisprudence, qui répond à l'ensemble des critiques formulées par le recourant, a été confirmée dans plusieurs arrêts non publiés (6P.15/2003 du 6 mai 2003; 1P.496/2005 du 14 octobre 2005; 6P.55/2007 du 18 juin 2007; 6P.67/2007 du 12 octobre 2007) concernant également des affaires vaudoises. Le recourant n'invoque aucun argument nouveau qui justifierait de réexaminer cette pratique. Le grief est infondé. 
 
4.3 Le recourant soutient également qu'il serait « arbitraire » de lui reprocher de n'avoir pas requis à l'audience la verbalisation des déclarations des témoins dont il avait demandé l'audition. Son conseil n'aurait été informé par un courrier du Tribunal d'arrondissement qu'après l'audience qu'un tel procès-verbal de ces déclarations n'avait pas été tenu. 
 
Le recourant ne peut cependant rien déduire en sa faveur de cette correspondance. Il lui incombait de se conformer aux règles de la procédure pénale cantonale, qui énoncent clairement le principe de l'oralité des débats (art. 325 CPP/VD), et de faire usage des droits que lui confèrent cette même procédure ainsi que la jurisprudence fédérale publiée rappelée ci-dessus, dont il est également fait état dans de nombreux ouvrages et publications destinés à la pratique dans le domaine de la procédure pénale. Contrairement à ce que paraît penser le recourant (Mémoire de recours de droit public, n. 38, p. 11), ces conséquences d'une application stricte du principe de l'oralité et de l'immédiateté ne sont du reste pas spécifiques au canton de Vaud. Genève ne connaît pas un régime différent (v. Gérard Piquerez, Traité de procédure pénale suisse, 2e éd. 2006, § 81 n. 587, qui mentionne en outre Neuchâtel; sur la procédure vaudoise: Benoît Bovay, Michel Dupuis, Laurent Moreillon, Christophe Piguet, Procédure pénale vaudoise - Code annoté, 2004, ad art. 325 CPP; cf. aussi Bernard Abrecht, L'absence de verbalisation des témoignages en procédure civile et pénale vaudoise est-elle compatible avec l'art. 4 Cst.? JdT 1997 III 34 ss; le même, Oralité, immédiateté et verbalisation des témoignages en procédure pénale et civile, JdT 2002 III 95 ss; sur la procédure pénale genevoise: Dominique Poncet, Le nouveau Code de procédure pénale genevois annoté, 1978, ad art. 290, p. 361; cf. également sur la conséquence du défaut de réquisition de la partie en application de l'art. 290 CPP/GE: Grégoire Rey, Procédure pénale genevoise, annotations et commentaires, 2005, art. 290 n. 1.1). On ne voit donc pas que le recourant, qui était assisté d'un avocat, ait pu être pris au dépourvu par l'application de ces principes. 
 
5. 
Le recours de droit public est rejeté. Le recourant supporte les frais de la procédure (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 159 al. 1 et 2 OJ). 
II. Pourvoi en nullité 
 
6. 
Le pourvoi en nullité n'est recevable que pour violation du droit fédéral (art. 269 al. 1 PPF). Saisi d'un pourvoi, le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de l'autorité cantonale (art. 277bis al. 1 phr. 2 PPF). Il n'examine donc l'application du droit fédéral que sur la base de l'état de fait retenu, et cela même s'il est incomplet; dans ce dernier cas, il peut, le cas échéant, tout au plus admettre le pourvoi au motif que les lacunes dans l'état de fait ne lui permettent pas de constater si le droit fédéral a été appliqué correctement. Il en découle que le recourant doit mener son raisonnement juridique exclusivement sur la base de l'état de fait ressortant de la décision attaquée. Il ne peut ni exposer une version des faits divergente de celle de l'autorité cantonale, ni apporter des éléments de fait supplémentaires non constatés dans la décision attaquée; il ne saurait en être tenu compte (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66). 
 
7. 
En résumé, le recourant fait valoir que sa condamnation pour violation de l'art. 293 CP est contraire au droit fédéral. Il ne conteste pas que les informations qu'il a publiées, puissent relever de l'art. 293 CP. Il soutient en revanche, dans la perspective d'une interprétation des art. 293 et 32 CP à la lumière des principes dégagés de l'art. 10 CEDH par la Cour européenne des droits de l'Homme, qu'ayant reçu de bonne foi et sans se les procurer de façon illicite ces informations, il avait, en qualité de journaliste professionnel, le devoir au sens de l'art. 32 CP de les publier en raison de l'intérêt, qu'il qualifie d'évident, de l'affaire dite « du Grand Pont » pour l'opinion publique de Suisse romande. 
 
7.1 Conformément à l'art. 293 CP (Publication de débats officiels secrets), celui qui, sans en avoir le droit, aura livré à la publicité tout ou partie des actes, d'une instruction ou des débats d'une autorité qui sont secrets en vertu de la loi ou d'une décision prise par l'autorité dans les limites de sa compétence sera puni d'une amende (al. 1). La complicité est punissable (al. 2). Le juge pourra renoncer à toute peine si le secret livré à la publicité est de peu d'importance (al. 3). 
 
Selon la jurisprudence, cette disposition procède d'une conception formelle du secret. Il suffit que les actes, débats ou instructions concernés aient été déclarés secrets par la loi ou une décision de l'autorité, autrement dit, que l'on ait voulu en exclure la publicité, indépendamment de la classification choisie (p. ex « top secret » ou confidentiel). Le secret au sens matériel suppose, en revanche, que son détenteur veuille garder un fait secret, qu'il y ait un intérêt légitime, et que le fait ne soit connu ou accessible qu'à un cercle restreint de personnes (ATF 126 IV 236 consid. 2a, p. 242 et 2c/aa, p. 244). L'entrée en vigueur de l'alinéa 3 de cette disposition, le 1er avril 1998 (RO 1998 852 856; FF 1996 IV 533) n'y a rien changé. Cette règle n'a en effet pas trait à des secrets au sens matériel, mais à des cachotteries inutiles, chicanières ou exorbitantes (ATF 126 IV 236 consid. 2c/bb, p. 246). Pour exclure l'application de cet alinéa 3, le juge doit donc examiner à titre préjudiciel les raisons qui ont présidé à la classification du fait comme secret. Il ne doit cependant le faire qu'avec retenue, sans s'immiscer dans le pouvoir d'appréciation exercé par l'autorité qui a déclaré le fait secret. Il suffit que cette déclaration apparaisse encore soutenable au regard du contenu des actes, de l'instruction ou des débats en cause. Le point de vue des journalistes sur l'intérêt à la publication n'est, pour le surplus, pas pertinent (ATF 126 IV 236 consid. 2d, p. 246). Dans l'affaire Stoll c. Suisse, la Cour européenne des droits de l'Homme a confirmé que cette conception formelle du secret n'était pas contraire à l'art. 10 CEDH, dans la mesure où elle n'empêchait pas le Tribunal fédéral de contrôler la compatibilité d'une ingérence avec l'art. 10 CEDH, en procédant, sous l'angle de l'examen de l'art. 293 al. 3 CP, à un contrôle de la justification de la classification d'une information, d'une part, et à une mise en balance des intérêts en jeu, d'autre part (arrêt Stoll c. Suisse, du 10 décembre 2007, §§ 138 et 139). 
 
7.2 En l'espèce, l'infraction reprochée au recourant avait trait à la publication de procès-verbaux d'audition et de correspondances figurant dans le dossier d'une instruction pénale en cours. 
 
Conformément à l'art. 184 du Code de procédure pénale du canton de Vaud (CPP/VD), toute enquête demeure secrète jusqu'à sa clôture définitive (al. 1). Le secret s'étend aux éléments révélés par l'enquête elle-même ainsi qu'aux décisions et mesures d'instruction non publiques (al. 2). La loi précise en outre que sont tenus au secret tant les magistrats ou collaborateurs judiciaires (sous réserve de l'hypothèse où la communication est utile à l'instruction ou justifiée par des motifs d'ordre public, administratif ou judiciaire; art. 185 CPP/VD), que les parties, leurs proches et familiers, leurs conseils, les collaborateurs, consultants et employés de ceux-ci, ainsi que les experts et les témoins, envers quiconque n'a pas accès au dossier, la révélation faite aux proches ou familiers par la partie ou son conseil n'étant cependant pas punissable (art. 185a CPP/VD). La loi aménage enfin diverses exceptions. Ainsi, en dérogation à l'article 185, le juge d'instruction cantonal et, avec l'accord de celui-ci, le juge chargé de l'enquête ou les fonctionnaires supérieurs de police spécialement désignés par le Conseil d'Etat (art. 168, al. 3) peuvent renseigner la presse, la radio ou la télévision sur une enquête pendante, lorsque l'intérêt public ou l'équité l'exige, notamment lorsque la collaboration du public s'impose en vue d'élucider un acte punissable, lorsqu'il s'agit d'une affaire particulièrement grave ou déjà connue du public ou lorsqu'il y a lieu de rectifier des informations fausses ou de rassurer le public (art. 185b al. 1 CPP/VD). 
 
On se trouve donc dans l'hypothèse où le secret est imposé par la loi et non par une décision d'autorité. 
 
7.3 L'existence d'un tel secret de l'enquête, que connaissent la plupart des procédures pénales cantonales, est en règle générale motivée par les nécessités de protéger les intérêts de l'action pénale, en prévenant les risques de collusion, ainsi que le danger de disparition et d'altération de moyens de preuve. On ne peut cependant méconnaître non plus les intérêts du prévenu, notamment sous l'angle de la présomption d'innocence, et, plus généralement de ses relations et intérêts personnels (Hauser, Schweri et Hartmann, Schweizerisches Strafprozessrecht, 6e éd., 2005, § 52, n. 6, p. 235; Gérard Piquerez, op. cit., § 134, n. 1066, p. 678; le même, Procédure pénale suisse, Manuel, 2e éd., 2007, n. 849, p. 559 s.), ainsi que la nécessité de protéger le processus de formation de l'opinion et de prise de décision au sein d'un organe de l'Etat, que tend précisément à protéger l'art. 293 CP (ATF 126 IV 236 consid. 2c/aa, p. 245). La Cour européenne des droits de l'Homme a déjà eu l'occasion de juger qu'un tel but était en soi légitime. Il s'agit de garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire selon la terminologie de l'art. 10 al. 2 CEDH, qui mentionne en outre notamment la protection de la réputation et des droits d'autrui (v. affaire Weber c. Suisse, arrêt du 22 mai 1990, § 45; affaire Dupuis et autres c. France, arrêt du 7 juin 2007, § 32). 
 
Aussi, dans la mesure où la publication litigieuse portait sur des extraits de procès-verbaux d'audition de l'inculpé et reproduisait certaines correspondances adressées par ce dernier au juge d'instruction, il est soutenable de soumettre ces éléments au secret, soit d'en prohiber l'accès au public, comme l'a fait le législateur cantonal vaudois. Cette conclusion s'impose en ce qui concerne les procès-verbaux d'audition de l'inculpé, dont il n'est pas admissible qu'ils puissent faire, avant clôture de l'instruction, avant jugement et hors contexte, l'objet d'exégèses sur la place publique, au risque d'influencer le processus des décisions du juge d'instruction et de l'autorité de jugement. Elle s'impose de la même manière en ce qui concerne les correspondances adressées par l'inculpé au Juge d'instruction, qui avaient essentiellement trait à des problèmes pratiques et des critiques envers son conseil (jugement, consid. 4, p. 7). On peut préciser sur ce point qu'il ressort de la publication litigieuse que les autorités cantonales n'ont pas reproduite in extenso dans leurs décisions, mais à laquelle elles se réfèrent et dont le contenu n'est pas discuté, que les problèmes pratiques mentionnés portaient sur des demandes de mise en liberté provisoire et d'accès à des effets personnels (lettres du 11 juillet 2003), de changement de cellule (lettre du 7 août 2003) ou d'autorisation de téléphone (lettre du 6 août 2003). Indépendamment de la garantie de la présomption d'innocence et de ce qui pourrait être déduit dans le procès pénal de telles correspondances sur la personnalité du détenu, ce dernier dont la liberté est restreinte dans une mesure importante même pour des actes de la vie courante relevant de sa sphère privée, voire intime, peut prétendre de l'autorité qui restreint sa liberté qu'elle le protège d'un étalage public des contingences pratiques de sa vie de détenu et de prévenu (cf. art. 13 Cst.). 
 
Il s'ensuit que l'on ne peut, en l'espèce, qualifier de secret de peu d'importance au sens de l'art. 293 al. 3 CP les informations publiées par le recourant en tant qu'elles avaient trait au contenu des procès-verbaux d'audition de l'inculpé et à sa correspondance avec le juge d'instruction. Cela étant, la publication litigieuse réalisait l'état de fait visé par l'art. 293 al. 1 CP
 
7.4 Au demeurant, les informations en cause peuvent être qualifiées de secret matériel. Elles n'étaient en effet accessibles qu'à un nombre restreint de personnes (le juge d'instruction et les parties à la procédure). L'autorité d'instruction avait par ailleurs la volonté de les maintenir secrètes et non seulement un intérêt légitime mais l'obligation de le faire, imposée par la loi de procédure pénale cantonale, dont la justification a été rappelée ci-dessus (v. supra consid. 7.3). 
 
7.5 Seule demeure ainsi litigieuse l'existence d'un fait justificatif. 
 
8. 
En bref, le recourant soutient qu'il avait le devoir de profession (ancien art. 32 CP) en tant que journaliste professionnel de publier les informations en cause en raison de l'intérêt pour l'opinion publique de Suisse romande de l'affaire « du Grand Pont », qu'il qualifie d'évident. Selon lui, il y aurait lieu, à la lumière de la jurisprudence européenne, de partir de l'idée que la publication est a priori justifiée, sauf s'il existe un besoin social impérieux de maintenir le secret. Sous l'angle de la bonne foi, l'art. 32 devrait être appliqué au journaliste qui n'est pas à l'origine de l'indiscrétion commise par un tiers et qui reçoit des informations sans commettre lui-même d'autre infraction que la violation du secret résultant de la publication. Enfin, la forme de la publication ne constituerait pas un critère pertinent. 
 
8.1 Sur le premier point, la cour cantonale a constaté que si l'accident du 8 juillet 2003, dont les circonstances sont sans nul doute inhabituelles, avait suscité une vive émotion au sein de la population, il n'en demeurait pas moins que cela restait, sur le plan juridique, un accident de la circulation aux conséquences mortelles, ce qui ne revêtait pas en soi un intérêt général évident. On ne pouvait à cet égard parler de traumatisme collectif de la population lausannoise, qui aurait justifié qu'elle soit rassurée et renseignée séance tenante sur l'état de l'enquête (arrêt entrepris, consid. 2, p. 9). 
 
Il est vrai que l'affaire « du Grand Pont » a été largement médiatisée (jugement, consid. 4 p. 8, auquel renvoie l'arrêt cantonal [arrêt entrepris, consid. B, p. 2]). Cette seule circonstance, de même que le caractère inhabituel de l'accident, ne suffisent pourtant pas à justifier l'existence d'un intérêt public considérable à la publication des informations confidentielles en question. Sauf à se justifier par lui-même, l'intérêt éveillé dans le public par la médiatisation des faits ne peut en effet constituer un intérêt public à la révélation d'informations classifiées, car il suffirait alors de susciter l'intérêt du public pour un événement pour justifier ensuite la publication d'informations confidentielles permettant d'entretenir cet intérêt. Un tel intérêt public fait en outre manifestement défaut en ce qui concerne les correspondances publiées. On a vu ci-dessus (v. supra consid. 7.3) que ces correspondances ne concernaient quasiment que des critiques émises par l'inculpé à l'adresse de son conseil et des problèmes pratiques tels que des demandes de mise en liberté provisoire et d'accès à des effets personnels, de changement de cellule ou d'autorisation de téléphone. De telles informations n'apportent aucun éclairage pertinent sur l'accident et les circonstances l'entourant. Elles ressortissent à la sphère privée voire intime de la personne détenue préventivement et l'on perçoit mal à quel autre intérêt leur publication pouvait répondre qu'une certaine forme de voyeurisme. Il n'en va pas différemment des démarches entreprises par l'intéressé auprès du juge d'instruction en relation avec le choix de son défenseur. On ne discerne pas non plus, en ce qui concerne les procès-verbaux d'audition, quelle question politique ou d'intérêt général se serait posée ou aurait mérité d'être débattue sur la place publique et les autorités cantonales ont expressément exclu l'existence d'un traumatisme collectif qui aurait justifié de rassurer la population ou de la renseigner. Cette constatation de fait, que le recourant ne discute pas dans son recours de droit public, lie la cour de céans (art. 277bis PPF). Dans ces conditions, le recourant ne démontre pas en quoi résiderait l'intérêt « évident » pour le public des informations publiées et l'on ne saurait faire grief à la cour cantonale d'avoir retenu qu'un tel intérêt relevait tout au plus de la satisfaction d'une curiosité malsaine. 
 
8.2 Les deux autres éléments invoqués par le recourant ont trait à son comportement (bonne foi dans l'accès aux informations et forme de la publication). 
8.2.1 Il convient tout d'abord de relever que l'art. 293 CP réprime la seule divulgation des informations, indépendamment de la manière dont l'auteur y a eu accès. Par ailleurs, même en application de l'art. 10 CEDH, la Cour européenne n'attache pas une importance déterminante à cette circonstance lorsqu'il s'agit d'examiner si l'intéressé a respecté ses devoirs et responsabilités. Le facteur prépondérant réside plutôt dans le fait qu'il ne pouvait ignorer que la divulgation l'exposait à une sanction (arrêt Stoll c. Suisse, du 10 décembre 2007, § 144 et la réf. à l'arrêt Fressoz et Roire). Ce point est constant en l'espèce (v. supra consid. B). 
8.2.2 Quant à la forme de la publication, elle peut en revanche jouer un rôle plus important, sous l'angle de la garantie de la liberté d'expression. La Cour européenne des droits de l'Homme, tout en rappelant qu'il ne lui appartient pas - pas plus qu'aux juridictions internes - de se substituer à la presse dans le choix d'une technique de compte rendu, tient néanmoins compte, dans la pesée des intérêts en jeu, du contenu de la publication, du vocabulaire utilisé, de la mise en page de la publication ainsi que des titres et sous-titres (sans qu'il importe qu'ils aient été choisis par le journaliste ou sa rédaction) ou encore de la précision des informations (arrêt Stoll c. Suisse, du 10 décembre 2007, §§ 146 ss, spéc. 146, 147 et 149) 
En l'espèce, la cour cantonale a jugé que le ton adopté par le recourant dans son article démontrait qu'il n'était pas, comme il le prétend, principalement animé par la volonté d'informer le public sur l'activité étatique que constituait l'enquête pénale. Le titre de l'article (« L'interrogatoire du conducteur fou », « la version du chauffard ») manquait déjà d'objectivité. Il suggérait que l'affaire était déjà jugée pour l'auteur, en ce sens que les morts du Grand-Pont n'étaient pas le fait d'un conducteur ordinaire mais d'« un conducteur fou », d'« un homme imperméable aux événements et à l'agitation qui l'entourent », dont le journaliste se demandait en conclusion s'il ne faisait pas tout « pour se rendre indéfendable ». La mise en situation des extraits des procès-verbaux des auditions et la reproduction de lettres du prévenu au juge étaient révélatrices des mobiles qui avaient animé l'auteur des lignes litigieuses, qui s'était borné à faire dans le sensationnel, ne cherchant par son opération qu'à satisfaire la curiosité relativement malsaine que tout un chacun ressent pour ce genre d'affaires. En prenant connaissance de cette publication très partielle, le lecteur se faisait une opinion et préjugeait sans aucune objectivité de la suite qui serait donnée par la justice à cette affaire, sans le moindre respect pour la présomption d'innocence (arrêt entrepris, consid. 2, p. 9 s.). La cour cantonale en a conclu que cet élément d'appréciation ne parlait pas en faveur de la prédominance de l'intérêt public à l'information. On ne saurait lui en faire grief. 
 
8.3 Le recourant soutient encore que les procès-verbaux et la correspondance étaient, quoi qu'il en soit, appelés à être évoqués en audience publique ultérieurement. Il en déduit que le maintien de la confidentialité de ces informations ne pouvait ainsi se justifier par un « besoin social impérieux ». 
 
Toutefois, la seule possibilité que le secret qui domine l'instruction pénale puisse être levé dans une phase ultérieure de la procédure, notamment lors des débats qui, dans la règle, sont soumis au principe de la publicité, ne remet pas en cause la justification du secret de l'instruction, dès lors qu'il en va notamment de protéger le processus de formation de l'opinion et de prise de décision non seulement de l'autorité de jugement mais également de l'autorité d'instruction jusqu'à la clôture de cette phase secrète de la procédure. La publication en cause, loin d'être neutre et complète, comportait du reste des commentaires et des appréciations qui présentaient sous un jour particulier les informations litigieuses, sans offrir les possibilités de discussion contradictoire qui sont l'essence même des débats devant l'autorité de jugement. 
 
8.4 Le recourant ne formule enfin expressément aucune critique quant à la quotité de la peine qui lui a été infligée. Il ne remet pas non plus en question le refus d'un délai d'épreuve et de radiation de cette amende (ancien art. 49 ch. 4 en corrélation avec l'ancien art. 106 al. 3 CP) au regard de l'application du droit suisse. Dans la perspective de la pesée de l'intérêt à l'ingérence, on peut se borner à relever que l'amende infligée, dont la quotité tenait compte d'un antécédent en 1998 (condamnation à une amende de 2000 francs avec délai d'épreuve pour la radiation de 2 ans pour contrainte et diffamation) n'excède pas la moitié d'un revenu mensuel que le recourant réalisait au moment des faits (jugement, consid. 1, p. 5) et rien n'indique que sa situation d'indépendant au moment du jugement de première instance ait conduit à une diminution significative de ses revenus. Il convient également de souligner que par 4000 francs le montant de l'amende n'atteint pas le maximum légal prévu par l'ancien art. 106 al. 1 CP (dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2006) et que ce montant maximal, fixé par le législateur il y a plus de trente ans, n'a pas été réévalué avant l'entrée en vigueur de la nouvelle partie générale du Code pénal, qui le fixe dorénavant à 10'000 francs (art. 106 al. 1 CP dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2007). La sanction de la contravention reprochée au recourant ne l'a, par ailleurs, pas empêché de s'exprimer puisqu'elle est intervenue après la publication de l'article (cf. arrêt Stoll c. Suisse, du 10 décembre 2007, § 156). Dans ces conditions, on ne voit pas que compte tenu de la nature de l'infraction retenue (la moins grave dans la classification du Code pénal suisse), de la quotité de la sanction et du moment où elle est intervenue, la sanction infligée au recourant puisse être appréhendée comme une sorte de censure. 
 
8.5 Il résulte de ce qui précède que le recourant a divulgué un secret au sens de l'art. 293 al. 1 CP et qu'il ne peut invoquer aucun fait justificatif en sa faveur. La décision entreprise ne viole pas le droit fédéral, interprété à la lumière des dispositions conventionnelles invoquées par le recourant. 
 
9. 
Le pourvoi en nullité est rejeté. Le recourant supporte les frais de la procédure sans pouvoir prétendre des dépens (art. 278 al. 1 et 3 PPF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours de droit public est rejeté. 
 
2. 
Le pourvoi en nullité est rejeté. 
 
3. 
Un émolument judiciaire de 4000 francs est mis à la charge du recourant. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale. 
Lausanne, le 29 avril 2008 
Au nom de la Cour de cassation pénale 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: Le Greffier: 
 
Schneider Vallat