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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1C_609/2017  
 
 
Arrêt du 4 décembre 2018  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président, 
Karlen et Fonjallaz. 
Greffière : Mme Sidi-Ali. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Martine Lang, avocate, 
recourante, 
 
contre  
 
-       B.________ et C.________, 
-       D.________ et E.________, 
-       F.________ et G.________, 
-       H.________, 
-       I.________ et J.________, 
tous représentés par Me Hubert Theurillat, avocat, 
intimés, 
 
Commune mixte de Courchavon, 
Service du développement territorial 
de la République et canton du Jura. 
 
Objet 
Modification d'un plan d'affectation, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal 
de la République et canton du Jura, 
Cour administrative, du 3 octobre 2017 (ADM 151/2016). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Par décision du 21 octobre 2016, le Service cantonal jurassien du développement territorial (SDT) a approuvé la modification du plan de zones de Courchavon "parcelle 414", adoptée par l'assemblée communale le 21 janvier 2016, et modifié l'art. 34bis du règlement communal sur les constructions. A cette même occasion, le service cantonal a rejeté l'opposition formée par B.________ et C.________, D.________ et E.________, F.________ et G.________, H.________ ainsi que I.________ et J.________. En substance, la parcelle n° 414 d'une surface de 6'240 m2, colloquée jusque-là en zone agricole, est attribuée à la zone d'activités dite ZAa pour permettre à l'entreprise A.________ SA, active dans le terrassement et le génie civil, d'y implanter une place de recyclage de déchets de chantier. Différentes parcelles jusqu'alors constructibles sont affectées à la zone agricole afin de permettre la compensation prévue par les dispositions transitoires de la LAT (RS 700). 
 
B.   
Statuant sur recours des opposants, la Cour administrative du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura a annulé cette décision par arrêt du 3 octobre 2017. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ SA demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal avec renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision quant aux frais et dépens, subsidiairement avec renvoi de la cause pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Le Tribunal cantonal n'a pas de remarque à formuler et conclut au rejet du recours. Le SDT se rallie aux motifs et conclusions du recours. Les intimés se déterminent et concluent au rejet du recours. Les parties procèdent à un second échange d'écritures et maintiennent leurs conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours est dirigé contre un arrêt rendu en dernière instance cantonale annulant une modification d'un plan de zones communal. Le recours est dès lors en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF et 34 al. 1 LAT, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. La recourante, qui devait, à titre d'exploitante, bénéficier de la nouvelle affectation de la parcelle concernée, est particulièrement touchée par l'arrêt attaqué. Elle dispose donc de la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF
Les autres conditions de recevabilité sont réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le recours. 
 
2.   
La recourante considère que les opposants n'avaient pas la qualité pour agir devant le Tribunal cantonal, de sorte que leur recours aurait dû être déclaré irrecevable. Se référant à la jurisprudence cantonale, elle fait valoir que la qualité pour recourir au niveau cantonal est similaire à la qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral, en dépit du fait que, selon le droit cantonal, le recourant doit être "atteint" et non "particulièrement atteint" par l'acte attaqué. Elle en déduit en l'occurrence une violation de l'art. 33 al. 3 let. a LAT
 
2.1. Les art. 33 al. 3 let. a LAT et 111 al. 1 LTF prévoient que la qualité pour recourir devant l'autorité cantonale précédente doit être reconnue au moins dans les mêmes limites que pour le recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral. Il résulte de ces dispositions que la qualité pour recourir devant les autorités cantonales ne peut pas s'apprécier de manière plus restrictive que la qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral, les cantons demeurant libres de concevoir cette qualité de manière plus large (ATF 144 I 43 consid. 2.1 p. 45).  
S'agissant de droit fédéral, le Tribunal fédéral examine librement la mesure dans laquelle la qualité de partie sur le plan cantonal correspond au minimum à ces dispositions. Savoir dans quelle mesure cette qualité de partie peut être étendue à un cercle plus large de justiciables est en revanche une question de droit cantonal que le Tribunal fédéral n'examine que sous l'angle restreint de l'arbitraire. 
Appelé à revoir l'application faite d'une norme cantonale ou communale sous l'angle de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable ou en contradiction manifeste avec la situation effective, ou encore si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. Si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne se révèle pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible (ATF 140 III 167 consid. 2.1 p. 168; 138 I 305 consid. 4.3 p. 319; 138 III 378 consid. 6.1 p. 379). 
 
2.1.1. Selon les termes de l'art. 89 al. 1 LTF a qualité pour former un recours toute personne ayant pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou ayant été privée de la possibilité de le faire (let. a), qui est particulièrement atteinte par la décision ou l'acte normatif attaqué (let. b) et qui a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c).  
L'intérêt digne de protection au sens de l'art. 89 al. 1 LTF ne doit pas nécessairement être de nature juridique, un intérêt de fait étant suffisant (ATF 144 I 43 consid. 2.1 p. 46; 143 II 506 consid. 5.1 p. 512; 142 V 395 consid. 2 p. 397). Le recourant doit se trouver dans une relation spéciale, étroite et digne d'être prise en considération avec l'objet de la contestation. Il doit en outre retirer un avantage pratique de l'annulation ou de la modification de la décision contestée, ce qui implique qu'il soit touché dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés (ATF 143 II 506 consid. 5.1 p. 512; 141 II 50 consid. 2.1 p. 52). 
En matière de droit des constructions, le voisin direct de la construction ou de l'installation litigieuse a en principe la qualité pour recourir (ATF 139 II 499 consid. 2.2 p. 504; arrêt 1C_382/2017 du 16 mai 2018 consid. 1.2.1). La proximité avec l'objet du litige ne suffit néanmoins pas à elle seule à conférer au voisin la qualité pour recourir (pour un aperçu de la jurisprudence rendue à cet égard, cf. notamment arrêt 1C_2/2010 du 23 mars 2010 consid. 4 et les références citées). Le critère de la distance constitue certes un indice essentiel, mais il n'est pas à lui seul déterminant; s'il est certain ou très vraisemblable que l'installation ou la construction litigieuse sera à l'origine d'immissions - bruit, poussières, vibrations, lumière, fumée - atteignant spécialement les voisins, même situés à une certaine distance, ceux-ci peuvent avoir la qualité pour recourir (ATF 140 II 214 consid. 2.3 p. 219; 136 II 281 consid. 2.3.1 p. 285; arrêt 1C_27/2018 du 6 avril 2018 consid. 1.1). En bref, le voisin est admis à recourir lorsqu'il est atteint de manière certaine ou du moins avec une probabilité suffisante par la gêne que la décision peut occasionner (ATF 140 II 214 consid. 2.3 p. 219). Il doit retirer un avantage pratique de l'annulation ou de la modification de l'arrêt contesté qui permette d'admettre qu'il est touché dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l'intérêt général des autres habitants de la commune (ATF 133 II 249 consid. 1.3.1 p. 252). 
 
2.1.2. Selon l'art. 73 al. 3 de la loi jurassienne du 25 juin 1987 sur les constructions et l'aménagement du territoire (LCAT; RS JU 701.1), ont qualité pour recourir devant la Cour administrative contre l'arrêté d'approbation des plans communaux les opposants et la commune. Ont qualité pour faire opposition les particuliers dont des intérêts dignes de protection seraient touchés par le projet (art. 19 al. 2 et 71 al. 2 LCAT).  
 
2.2. S'agissant de l'application du droit fédéral, la recourante se méprend en alléguant une violation de l'art. 33 al. 3 let. a LAT dans un cas où la qualité pour recourir devant l'instance judiciaire cantonale a été admise selon elle à tort. Cette disposition entend uniquement assurer que les voies de droit cantonales soient au minimum ouvertes aux personnes pouvant recourir devant le Tribunal fédéral (DFJP/OFAT, Etude relative à la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, 1981, n° 17 ad art. 33 LAT). Elle ne peut par conséquent pas sanctionner une qualité pour recourir qui aurait été trop largement admise.  
Sur le plan de l'application du droit cantonal, dont la recourante indique appellatoirement qu'il est identique au droit fédéral en dépit d'une formulation différente, l'admission de la qualité pour recourir des opposants n'apparaît pas arbitraire. Dans leur recours devant la cour cantonale, les opposants se plaignaient, entre autres griefs, des nuisances importantes que le projet allait engendrer. Ils invoquaient notamment un risque de pollution des eaux ainsi qu'une gêne du point de vue du bruit et des poussières qu'allait occasionner le trafic lié à l'exploitation du site. De ce point de vue, contrairement à ce qu'affirme la recourante, c'est bien leur intérêt direct particulier qu'ils entendaient défendre. En effet, l'un des opposants étant propriétaire d'une parcelle directement voisine, la problématique d'une éventuelle pollution du sous-sol le touche particulièrement, ce quand bien même son utilisation de sa parcelle se limite à une utilisation agricole. Il en va de même des nuisances alléguées quant au trafic pour des opposants riverains de la route d'exploitation. Le fait que l'accès prévu soit d'ores et déjà régulièrement emprunté par des camions de l'armée ne saurait réduire l'intérêt des voisins à vouloir éviter des nuisances additionnelles due à un éventuel trafic supplémentaire. 
Certes, la cour cantonale s'est contentée de constater que l'existence de telles atteintes était vraisemblable et suffisait à admettre la qualité pour recourir, précisant que la pertinence de ces griefs quant au fond devait faire l'objet d'un examen approfondi ultérieur. Au stade de la recevabilité, il n'est pas arbitraire de s'en tenir à la vraisemblance s'agissant de l'exigence d'un intérêt digne de protection (cf. arrêt 1C_5/2017 du 22 juin 2018 consid. 2.2). Que ces aspects ne soient ensuite pas examinés au fond, le recours devant être admis pour un autre grief, n'y change rien. En effet, à supposer même que, lors d'un examen plus approfondi, il faille constater l'absence des nuisances alléguées, cela n'en rendrait pas pour autant le recours irrecevable faute de qualité pour recourir. 
En bref, il n'y a pas de violation du droit fédéral, la qualité pour recourir n'ayant pas été restreinte en-deça du minimum prévu par les art. 33 al. 3 LAT, 111 al. 1 et 89 al. 1 LTF, et la recourante échoue à démontrer une application arbitraire des dispositions cantonales de procédure. 
 
3.   
La recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue. Elle déplore que le recours cantonal ait été admis pour un motif - l'absence de coordination supracommunale - sur lequel elle n'avait pu se prononcer auparavant, cette question n'ayant jamais été discutée ni invoquée au cours de la procédure. 
 
3.1. Tel qu'il est garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, le droit de consulter le dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 144 I 11 consid. 5.3 p. 17, 143 V 71 consid. 3.4.1 p. 72; 136 I 265 consid. 3.2 p. 272). Le droit d'être entendu porte avant tout sur les questions de fait. Les parties doivent éventuellement aussi être entendues sur les questions de droit lorsque l'autorité concernée entend se fonder sur des normes légales dont la prise en compte ne pouvait pas être raisonnablement prévue par les parties, lorsque la situation juridique a changé ou lorsqu'il existe un pouvoir d'appréciation particulièrement large (ATF 144 II 246 consid. 12.3 p. 265; 130 III 35 consid. 5 p. 39; 129 II 497 consid. 2.2 p. 504 s.).  
Devant le Tribunal fédéral, les griefs de violation des droits fondamentaux sont soumis à des exigences de motivation accrues (art. 106 al. 2 LTF). La partie recourante doit alors mentionner les principes constitutionnels qui n'auraient pas été respectés et expliquer de manière claire et précise en quoi ces principes auraient été violés; de même, elle doit citer les dispositions du droit cantonal ou communal dont elle se prévaut et démontrer en quoi ces dispositions auraient été appliquées arbitrairement ou d'une autre manière contraire au droit (ATF 136 II 489 consid. 2.8 p. 494). 
 
3.2. La recourante voit une violation de son droit d'être entendue au sens décrit ci-dessus dans le fait que la cour cantonale a retenu qu'il existait d'autres sites potentiels pour l'implantation du projet sans, au préalable, donner l'occasion aux parties de se déterminer sur cette question ni pouvoir fournir des preuves de recherches infructueuses. Or la cour cantonale n'a en réalité pas retenu qu'il existait d'autres sites potentiels, mais a jugé qu'il appartenait au SDT d'examiner si tel était le cas et que la documentation au dossier ne permettait pas véritablement de contrôler cette démarche quant au fond. La démonstration de recherches infructueuses que la recourante déplore n'avoir pu faire n'aurait rien changé au fait que le SDT n'avait précisément pas lui-même examiné des variantes avec suffisamment de rigueur. A cet égard, la cour cantonale pouvait présumer que le SDT lui avait remis son dossier complet, se sorte que la teneur de ce dossier - un élément de fait évident et connu des parties - n'avait pas à faire l'objet d'une interpellation des parties.  
La cour cantonale a quoi qu'il en soit admis le recours des opposants principalement au motif plus large que le classement en zone à bâtir ne respectait pas l'art. 15 al. 3 LAT, ce à plusieurs titres. L'art. 15 LAT étant la base légale principale s'agissant des conditions pour la création de nouvelles zones à bâtir, on ne saurait considérer qu'une application d'office de cette norme ne pouvait pas raisonnablement être prévue par les parties. Il n'est donc pas question ici de s'interroger sur le caractère nouveau et non débattu de la motivation juridique, comme le fait la recourante. La cour cantonale a appliqué la base légale essentielle au classement de la parcelle en zone à bâtir d'office, ce qui ne justifiait pas qu'elle interpelle préalablement et expressément les parties à ce sujet. Elle n'a ainsi pas violé le droit d'être entendue de la recourante en ne procédant pas de la sorte. 
 
4.   
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté, aux frais de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Les intimés obtenant gain de cause avec l'aide d'un mandataire professionnel, ont par ailleurs droit à des dépens, à charge de la recourante (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
Une indemnité de dépens de 3'000 fr. est accordée aux intimés, à la charge de la recourante. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à la Commune mixte de Courchavon, au Service du développement territorial de la République et canton du Jura et au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour administrative. 
 
 
Lausanne, le 4 décembre 2018 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Merkli 
 
La Greffière : Sidi-Ali