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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4C.430/2004 /ech 
 
Arrêt du 8 février 2005 
Ire Cour civile 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Corboz, président, Klett et Favre. 
Greffier: M. Carruzzo. 
 
Parties 
A.________, 
B.________, 
C.________, 
défendeurs et recourants, 
tous trois représentés par Me C.________, 
contre 
 
D.________, 
demandeur et intimé, représenté par Me Pierre Gasser. 
 
Objet 
contrat de bail à loyer; évacuation, 
 
recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève du 
4 octobre 2004. 
 
Faits: 
A. 
A.a Le 8 avril 1998, D.________, bailleur, a conclu avec A.________, B.________ et C.________ un contrat de bail portant sur des locaux situés au rez-de-chaussée d'un immeuble, à Genève. Ces locaux avaient fait l'objet d'un précédent bail liant A.________ à dame D.________. Le nouveau bail devait expirer le 30 juin 2008. Le loyer, indexé, a été fixé en dernier lieu à 45'720 fr. par année, charges en sus. 
 
Les mêmes parties ont conclu un second bail ayant pour objet un bureau de 10 pièces sis au 1er étage du même immeuble. 
 
Le nouveau contrat de bail faisait suite à une convention par laquelle le bailleur s'était engagé à effectuer des travaux à hauteur de 167'200 fr. et les locataires à payer des arriérés s'élevant à 110'383 fr. au 31 janvier 1998. 
 
Une demande en justice en rapport avec les travaux à effectuer a été déposée le 17 novembre 1998 par les trois locataires. La procédure y relative a été close, au niveau cantonal, par un arrêt du 10 décembre 2001 dans lequel la Chambre d'appel en matière de baux et loyers a reconnu D.________ débiteur des demandeurs de trois montants et constaté que les sommes dues étaient compensées par les loyers impayés couvrant la période d'avril à juillet 1998. Un recours en réforme interjeté par les locataires contre cette décision cantonale a été déclaré irrecevable par arrêt du 3 avril 2002 (cause 4C.69/2002). 
 
Le 10 juillet 2002, les locataires ont indiqué au bailleur qu'ils lui devaient encore la somme de 95'189 fr. pour les locaux du 1er étage et du rez-de-chaussée, ceci pour la période de novembre 1998 à fin décembre 1999. 
A.b Par lettres recommandées du 28 mars 2003 (recte: 15 avril 2003), la régie du bailleur a mis les trois locataires en demeure de régler la somme de 62'230 fr. 30 dans les 30 jours en leur signifiant qu'à défaut de paiement dans ce délai, le bail serait résilié. 
Le 12 mai 2003, la même régie a notifié aux locataires, au moyen de la formule officielle, une majoration de leur loyer, à compter du 1er juillet 2003, en application de la clause d'indexation. 
Par avis officiel du 16 mai 2003, le bail des locaux du rez-de-chaussée a été résilié pour le 30 juin 2003, la somme réclamée n'ayant pas été versée dans le délai imparti. 
B. 
Le 18 août 2003, le bailleur (demandeur) a adressé à la Commission de conciliation en matière de baux et loyers une requête visant à obtenir que les locataires (défendeurs) soient condamnés à évacuer les locaux pris à bail, qu'ils n'avaient pas libérés dans le délai fixé. La tentative de conciliation a échoué. 
 
Un versement de 47'796 fr. 70 est intervenu en décembre 2003, si bien que le solde dû s'élevait à 45'922 fr. 30 pour les locaux sis au rez-de-chaussée et au 1er étage. 
 
Par jugement du 4 mars 2004, le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève a ordonné aux défendeurs d'évacuer immédiatement les locaux sis au rez-de-chaussée. 
 
Les défendeurs ont appelé de ce jugement. Le 7 avril 2004, ils ont versé la somme de 13'120 fr. 65, à titre de partie du solde des loyers pour l'année 1998, ainsi que la somme de 32'801 fr. 65 à titre de solde des loyers 1999 pour les locaux sis au 1er étage et à l'entresol. 
 
Statuant le 4 octobre 2004, la Chambre d'appel en matière de baux et loyers a confirmé le jugement de première instance. 
C. 
Les défendeurs interjettent un recours en réforme au Tribunal fédéral. Ils concluent principalement au rejet pur et simple de l'action en évacuation et, subsidiairement, à l'annulation du congé litigieux. 
 
Le demandeur propose le rejet du recours. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
1.1 L'arrêt attaqué, prononcé sur recours par la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève contre un jugement d'évacuation pour défaut de paiement du loyer, est une décision finale rendue en dernière instance par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ; arrêt 4C.413/1996 du 27 février 1997, consid. 1b, publié in SJ 1997 p. 538 ss), sur une contestation civile (ATF 103 II 247 consid. 1a). 
1.2 Le litige est de nature pécuniaire. L'expulsion étant liée à une résiliation immédiate, la valeur litigieuse se détermine selon le loyer dû pour la période pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement, en supposant que l'on admette la contestation (ATF 119 II 147 consid. 1). En l'espèce, si la résiliation immédiate notifiée pour le 30 juin 2003 était annulée, le bail, reconductible tacitement, aurait expiré au plus tôt le 30 juin 2008. Le loyer annuel se montant à 45'720 fr., la limite de 8'000 fr. prévue à l'art. 46 OJ est ainsi largement dépassée. 
1.3 Interjeté par les locataires qui ont succombé dans leurs conclusions, le présent recours est donc en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ). 
 
Il ne le serait pas, en revanche, au cas où les défendeurs chercheraient à remettre en cause les constatations de la cour cantonale. En effet, lorsqu'il est saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci a considéré à tort des faits régulièrement allégués comme étant dénués de pertinence (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a). 
2. 
Devant la Chambre d'appel, les défendeurs ont soulevé différents moyens au sujet du congé litigieux. Ils ont, notamment, plaidé la nullité de celui-ci pour vice de forme, allégué la tardiveté du dépôt de la requête en évacuation et fait valoir le caractère abusif de la résiliation extraordinaire, eu égard aux contradictions affectant les divers décomptes que leur avait remis le demandeur. Ils ont encore soutenu que ce dernier, en leur notifiant un avis de majoration de loyer le 12 mai 2003, avait manifesté qu'un nouveau bail se concluait aux conditions fixées dans cet avis. Les défendeurs ont, enfin, indiqué qu'ils étaient autorisés à déduire du solde éventuel de loyer une indemnité pour plus-value au sens de l'art. 260a al. 3 CO. La cour cantonale a écarté l'ensemble de ces moyens. Dans leur recours en réforme, les défendeurs ne lui en font pas grief. Aussi n'y a-t-il pas lieu d'examiner ces différents points de l'arrêt attaqué (art. 55 al. 1 let. c OJ). 
3. 
A l'appui de leur recours en réforme, les défendeurs reprochent à la Chambre d'appel de n'avoir pas annulé le congé litigieux, alors qu'il contrevenait aux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 CO). 
3.1 La disposition citée est applicable, à titre exceptionnel, lorsque la résiliation du bail a pour cause la demeure du locataire (David Lachat, Commentaire romand, n. 10 ad art. 257d CO). Le droit du bailleur de résilier le bail s'oppose alors à celui du locataire d'être protégé contre une résiliation abusive. Le juge ne peut annuler le congé litigieux que si celui-ci est inadmissible au regard de la jurisprudence relative à l'abus de droit et à la bonne foi; il faut des circonstances particulières pour que le congé soit annulé (ATF 120 II 31 consid. 4a p. 33). Tel sera le cas, par exemple, quand le bailleur, lors de la fixation du délai comminatoire, réclame au locataire une somme largement supérieure à celle en souffrance, sans être certain du montant effectivement dû (ATF 120 II 31 consid. 4b p. 33 s.). Le congé sera également tenu pour contraire aux règles de la bonne foi si le montant impayé est insignifiant (ATF 120 II 31 consid. 4b p. 33), si l'arriéré a été réglé très peu de temps après l'expiration du délai comminatoire, alors que le locataire s'était jusqu'ici toujours acquitté à temps du loyer, ou si le bailleur résilie le contrat longtemps après l'expiration de ce délai (Lachat, ibid.; Pierre Wessner, L'obligation du locataire de payer le loyer et les frais accessoires, in 9e Séminaire sur le droit du bail, Neuchâtel 1996, p. 24). 
 
C'est au destinataire du congé de démontrer que celui-ci contrevient aux règles de la bonne foi, en particulier que le motif invoqué par le bailleur n'est qu'un prétexte (ATF 120 II 105 consid. 3c; Lachat, op. cit., n. 9 ad art. 271 CO). 
 
3.2 
3.2.1 Selon l'art. 273 al. 1 CO, la partie qui veut contester le congé doit saisir l'autorité de conciliation dans les trente jours qui suivent la réception de celui-ci. La contestation du congé, prévue par cette disposition, vise le cas où la partie fait valoir que le congé est annulable au sens des art. 271 et 271a CO. Si la partie invoque la nullité ou l'inefficacité du congé, la jurisprudence a admis qu'elle n'était pas obligée de saisir l'autorité de conciliation dans le délai légal et que la nullité ou l'inefficacité pouvait en principe être constatée en tout temps par toute autorité valablement saisie, soit essentiellement l'autorité chargée de prononcer l'expulsion (cf. ATF 121 III 156 consid. 1c). 
 
En l'espèce, il ne ressort nullement de l'arrêt attaqué, ni d'ailleurs du jugement de première instance, que les défendeurs auraient saisi l'autorité de conciliation dans les 30 jours suivant la réception du congé qui leur a été notifié le 16 mai 2003. Sans doute les défendeurs allèguent-ils, sous chiffre III de leur recours, que la Chambre d'appel devait statuer tant sur la requête en évacuation déposée le 18 août 2003 par le demandeur que sur leur requête "en contestation du congé du 16 juin 2003". Il s'agit là toutefois d'une assertion nouvelle, qui s'écarte des faits constatés souverainement par la cour cantonale et pour laquelle les intéressés ne font valoir aucune des exceptions prévues aux art. 63 al. 2 et 64 OJ. Le fait allégué doit donc être tenu pour nouveau, si bien qu'il n'est pas possible de le prendre en considération (art. 55 al. 1 let. c OJ). 
 
Force est d'admettre, dans ces conditions, que les défendeurs ne peuvent plus faire valoir l'annulabilité du congé litigieux, faute d'avoir contesté celui-ci dans le délai péremptoire de l'art. 273 al. 1 CO
3.2.2 En tout état de cause, il n'y a pas trace d'un quelconque abus du bailleur dans le cas concret. 
 
La Chambre d'appel a fait justice, avec raison, de l'argument des défendeurs relatif au contexte "hautement conflictuel" dans lequel serait intervenu le congé incriminé. Elle a souligné, à ce propos, que, sur le vu de l'arrêt rendu par elle le 10 décembre 2001, les locataires connaissaient avec exactitude les montants dus pour les années 1998 et 1999, ajoutant qu'ils avaient d'ailleurs eux-mêmes reconnu ultérieurement devoir, pour les locaux du 1er étage et du rez-de-chaussée, un solde de 95'189 fr. pour la période de novembre 1998 à fin décembre 1999. 
Les défendeurs soutiennent principalement qu'en leur notifiant l'avis de majoration du loyer quatre jours seulement avant de résilier le bail, le demandeur leur a donné à croire qu'il entendait maintenir le bail en vigueur, nonobstant sa menace de le résilier pour cause de paiement tardif, de sorte qu'en le résiliant néanmoins "contre toute attente", il a adopté une attitude "à tout le moins contradictoire et franchement chicanière". Avant d'examiner les mérites de cet argument, il convient de rectifier une inadvertance commise par la cour cantonale. En effet, comme le souligne le demandeur dans sa réponse au recours, la mise en demeure, au sens de l'art. 257d al. 1 CO, n'a pas été expédiée le 28 mars 2003, contrairement à ce qui a été retenu dans l'arrêt attaqué, mais bien le 15 avril 2003. Preuve en sont les avis de résiliation du bail sur lesquels figure effectivement cette dernière date. Il s'ensuit que l'avis de majoration du loyer notifié le 12 mai 2003 aux locataires a été reçu par eux avant l'expiration du délai comminatoire et avant la résiliation du bail. Les défendeurs en conviennent eux-mêmes à la page 3 in fine de leur mémoire de recours. Cela étant, on ne voit pas ce qu'il pouvait y avoir de contradictoire de la part du demandeur à notifier une majoration de loyer - en application d'une clause d'indexation insérée dans le bail - avant l'expiration du délai de grâce accordé aux défendeurs pour payer les arriérés de loyer, puis, une fois ce délai échu, à résilier le bail en raison du défaut de paiement des loyers en souffrance. De fait, le bailleur pouvait partir de l'idée que les locataires - trois avocats - s'exécuteraient avant l'expiration de ce délai, sous peine d'être contraints de quitter des bureaux dans lesquels ils exercent leur profession de longue date. En notifiant le 12 mai 2003 aux défendeurs une majoration de loyer avec effet au 1er juillet 2003, le demandeur n'a fait que se conformer à la clause topique du contrat de bail, qui exigeait un préavis écrit d'un mois au moins. Il n'a nullement manifesté, ce faisant, la volonté que les défendeurs lui prêtent de renoncer à sa mise en demeure préalable. Semblable comportement n'avait rien d'illogique ni de chicanier. 
 
Est enfin dénué de toute pertinence l'argument des défendeurs voulant que la menace de résilier le contrat, contenue dans la mise en demeure du 15 avril 2003, ait constitué un moyen de pression sur eux pour leur faire accepter la majoration de loyer notifiée quelques jours seulement avant l'échéance du délai de grâce. 
 
Ainsi, à supposer que le congé litigieux ait été contesté en temps utile, rien ne justifiait de l'annuler puisqu'il ne contrevenait pas aux règles de la bonne foi. Par conséquent, la cour cantonale n'a pas violé l'art. 271 al. 1 CO en refusant de le faire. Le recours des défendeurs ne peut dès lors qu'être rejeté. 
4. 
Les défendeurs, qui succombent, seront condamnés solidairement à payer les frais de la procédure fédérale (art. 156 al. 1 et 7 OJ) et à indemniser le demandeur (art. 159 al. 1 et 5 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
3. 
Les recourants sont condamnés solidairement à verser à l'intimé une indemnité de 3'500 fr. à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève. 
 
Lausanne, le 8 février 2005 
Au nom de la Ire Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: