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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
5C.297/2006 /frs 
 
Arrêt du 8 mars 2007 
IIe Cour de droit civil 
 
Composition 
M. et Mmes les Juges Raselli, Président, 
Nordmann et Escher. 
Greffière: Mme Mairot. 
 
Parties 
dame X.________, (épouse), 
défenderesse et recourante, représentée par 
Me Jacques Emery, avocat, 
 
contre 
 
X.________, (époux), 
demandeur et intimé, représenté par Me Luis Arias, avocat, 
 
Objet 
divorce (partage de l'avoir de libre passage), 
 
recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 13 octobre 2006. 
 
Faits : 
A. 
A.a X.________, né le 12 mars 1949 en Espagne, et dame X.________, née le 18 septembre 1950 également en Espagne, tous deux de nationalité espagnole, se sont mariés le 12 juillet 1969 dans leur pays d'origine. De cette union sont issus quatre enfants, actuellement majeurs. 
 
Les époux étaient soumis au régime matrimonial légal espagnol de "Sociedad legal de Gananciales" qui, selon la Cour de justice du canton de Genève, est équivalent au régime matrimonial légal suisse de la participation aux acquêts. 
 
Dès 1983, le mari est venu vivre et travailler en Suisse, à Genève. De 1984 à septembre 2001, il a régulièrement envoyé de l'argent à sa femme et à ses enfants, restés au domicile conjugal en Espagne. Ces versements, qui ont augmenté au fil des années, représentent une somme annuelle moyenne de 20'000 fr. Le mari versait le solde de son salaire, après déduction des montants nécessaires à son entretien en Suisse, sur un compte n° xxxx, dont le solde s'élevait à 17'139'124 pesetas (ESP) en septembre 2001 (soit 154'512 fr.). 
 
L'épouse a toujours vécu au domicile conjugal en Espagne, dont elle est propriétaire. La valeur "cadastrale" de ses biens était estimée à 3'534 euros (EUR) en mai 2005. Couturière de formation, elle a exercé cette activité jusqu'au mariage pour ensuite se consacrer entièrement à ses enfants et à la tenue du ménage; elle n'a pas accumulé d'avoir de prévoyance. 
A.b Dans le courant de l'été 2001, les époux ont présenté devant les tribunaux espagnols une demande de séparation par consentement mutuel et ont conclu une convention prévoyant notamment l'attribution de la jouissance du domicile conjugal et du mobilier de ménage à l'épouse et la liquidation du régime matrimonial en ce sens que le compte n° xxxx est partagé entre eux à raison de 8'750'000 ESP en faveur de l'épouse et de 8'389'124 ESP pour le mari. A titre de pension alimentaire, celui-ci a payé à sa femme un montant unique de 8'389'124 ESP, soit l'équivalent de sa part à la liquidation du compte précité. L'épouse a ainsi expressément renoncé à toutes autres prétentions à titre de contribution d'entretien post-divorce. Les époux ont considéré, d'accord entre eux, "qu'avec les présentes attributions la communauté des biens était liquidée et que si d'autres biens pouvaient exister ou apparaître, ils seraient attribués au conjoint présentant un titre de propriété". 
 
Cette convention, du 18 septembre 2001, a été ratifiée par jugement de séparation prononcé par le Tribunal de première instance n° 3 de la Coruña (Espagne) le 10 octobre suivant. Il n'y est pas fait mention des avoirs LPP accumulés en Suisse par le mari, dont le montant s'élevait à fin décembre 2001, à 118'361 fr. 
A.c Depuis septembre 2001, le mari s'est constitué une épargne de 52'004 fr. Il réalise actuellement un gain mensuel net de 6'213 fr.05 payé treize fois l'an. Son avoir de prévoyance accumulé pendant le mariage se montait à 171'589 fr. au 31 décembre 2004. L'épouse ne réalise quant à elle aucun revenu et dit vivre tant de l'argent reçu en 2001 au titre de la liquidation du régime matrimonial et de la contribution d'entretien versée en capital que de l'aide financière de ses enfants. 
B. 
Le 8 juin 2004, le mari a déposé devant le Tribunal de première instance du canton de Genève une demande unilatérale de divorce fondée sur le droit espagnol. Après leur comparution personnelle, les époux ont conclu au prononcé du divorce et ont réciproquement renoncé à toute contribution d'entretien. Le partage du deuxième pilier du mari est resté litigieux. 
 
Par jugement du 16 février 2006, le Tribunal de première instance a notamment prononcé le divorce (I), constaté que le régime matrimonial des conjoints était liquidé (II), ordonné, en application des art. 122 et 123 al. 2 CC, le versement à l'épouse d'une somme de 50'000 fr. par le débit du compte de prévoyance professionnelle du mari (III) et donné acte aux parties de ce qu'elles renonçaient à toute contribution d'entretien post-divorce (IV). 
 
Le Tribunal a statué en application du droit espagnol sauf concernant le sort de l'avoir vieillesse, qu'il a réglé en application du droit suisse. Il a en effet considéré que la question présentait un lien beaucoup plus étroit avec le droit suisse qu'avec le droit espagnol (art. 15 al. 1 LDIP). Il a par ailleurs estimé, sur le vu de la situation économique des parties après le divorce, qu'il se justifiait de partager la prestation de sortie du mari à raison de 70% pour celui-ci et de 30% pour l'épouse. 
Par arrêt du 13 octobre 2006, la Cour de justice a, notamment, annulé le chiffre III du dispositif du jugement de première instance relatif au partage de l'avoir vieillesse du mari et confirmé cette décision quant au reste. 
C. 
Dame X.________ exerce un recours en réforme contre l'arrêt du 13 octobre 2006, concluant à son annulation en tant qu'il concerne le chiffre III du jugement de première instance. Elle demande au Tribunal fédéral, principalement, d'ordonner le versement à elle-même, en application de l'art. 122 CC, d'une somme de 85'935 fr. par le débit du compte de prévoyance professionnelle du demandeur, l'arrêt entrepris étant confirmé pour le surplus. Subsidiairement, elle sollicite le renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour que celle-ci applique le droit espagnol dans la mesure prescrite par les règles de conflit suisses (art. 16 LDIP). 
 
Le demandeur propose l'irrecevabilité du recours, l'arrêt déféré étant confirmé quant au fond et la demanderesse déboutée de toutes autres ou contraires conclusions. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 132 III 291 consid. 1 p. 292; 131 II 58 consid. 1 p. 60). 
L'arrêt attaqué ayant été rendu avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2007 (RO 2006 1242), de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), l'ancienne loi d'organisation judiciaire (OJ) est applicable à la présente cause (art. 132 al. 1 LTF). 
1.1 Interjeté en temps utile contre une décision finale rendue par l'autorité suprême du canton, dans une contestation civile de nature pécuniaire dont la valeur atteint manifestement 8'000 fr., le recours est recevable au regard des art. 46, 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ. 
1.2 La recourante conclut principalement à ce que le Tribunal fédéral ordonne, en application de l'art. 122 CC, le versement à elle-même d'une somme de 85'935 fr. par le débit du compte de prévoyance professionnelle de l'intimé. Ce chef de conclusions est en tant que tel irrecevable. D'une part, la recourante ne précise pas à qui le versement doit être ordonné. D'autre part, en l'absence d'entente entre les parties et l'institution de prévoyance (art. 141 CC), les tribunaux civils ne statuent que sur la proportion dans laquelle les prestations de sortie doivent être partagées et il appartient au juge compétent en vertu de la loi du 17 décembre 1993 sur le libre passage de décider du montant à transférer (art. 142 al. 1 et 2 CC). 
 
L'art. 55 al. 1 let. b OJ prescrit que l'acte de recours doit contenir l'indication exacte des points attaqués de la décision et des modifications demandées. Selon la jurisprudence relative à cette disposition, les conclusions doivent être interprétées sur le vu de la motivation du recours (cf. notamment ATF 106 II 176 in fine et les arrêts cités; 99 II 176 consid. 2 in principio p. 181; Poudret/Sandoz-Monod, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. II, n. 1.4.1 p. 419 et n. 1.4.1.3 p. 421). En l'espèce, il ressort clairement du recours que la recourante veut obtenir que la prestation de sortie de l'intimé soit partagée par moitié entre les parties. Ainsi, il est possible d'interpréter la conclusion principale de la recourante dans ce sens. 
1.3 Autant que la recourante dénonce - ce qui n'est pas clair - la mauvaise application du droit étranger, son recours est irrecevable dès lors qu'on est en présence d'une affaire pécuniaire (art. 43a al. 2 OJ a contrario). 
1.4 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils ont été constatés par la dernière autorité cantonale, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, que des constatations ne reposent sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il ne faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2 p. 106; 127 III 248 consid. 2c p. 552). En dehors de ces exceptions, les griefs dirigés contre les constatations de fait - ou l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée l'autorité cantonale (ATF 132 III 1 consid. 3.1 p. 5; 130 III 136 consid. 1.4 p. 140; 129 III 320 consid. 6.3 p. 327, 618 consid. 3 p. 620; 128 III 271 consid. 2b/aa p. 277; 127 III 543 consid. 2c p. 547) - et les faits ou moyens de preuve nouveaux sont irrecevables (art. 55 al. 1 let. c OJ). 
Comme la recourante ne fait valoir aucune des exceptions susmentionnées, le Tribunal fédéral fondera son arrêt sur les faits tels que retenus par l'autorité cantonale suprême. 
2. 
La compétence des tribunaux suisses ne fait pas de doute au regard de l'art. 59 let. b LDIP: le demandeur était domicilié à Genève depuis plus d'une année avant l'ouverture de l'action. En vertu de l'art. 63 al. 1 LDIP, les tribunaux suisses compétents pour connaître d'une action en divorce le sont également pour se prononcer sur les effets accessoires. Les parties ne le contestent du reste pas. 
3. 
La question du droit applicable au sort de la prestation de sortie LPP du mari est en l'occurrence litigieuse. 
3.1 Selon l'art. 61 LDIP, le divorce et la séparation de corps sont régis par le droit suisse (al. 1). Toutefois, lorsque les époux ont une nationalité étrangère commune et qu'un seul est domicilié en Suisse, leur droit national commun est applicable (al. 2). Les effets accessoires du divorce sont régis par le droit national applicable au divorce. Sont réservées les dispositions de la LDIP relatives au nom, à l'obligation alimentaire entre époux, au régime matrimonial, aux effets de la filiation et à la protection des mineurs (art. 63 al. 2 LDIP). Le partage de la prestation de sortie de la prévoyance professionnelle ne tombe pas sous la réserve spéciale en faveur des dispositions relatives à l'obligation d'entretien ou au régime matrimonial (ATF 131 III 289 consid. 2.4 p. 291). Cependant, la clause d'exception de l'art. 15 LDIP permet exceptionnellement au juge de ne pas appliquer le droit auquel renvoie une règle sur les conflits de loi lorsque, au regard de l'ensemble des circonstances, il est manifeste que la cause n'a qu'un lien très lâche avec ce droit, et qu'elle se trouve dans une relation beaucoup plus étroite avec un autre droit. L'application de la clause d'exception a lieu d'office; elle ne dépend pas de l'appréciation du juge. Selon la jurisprudence, il faut y recourir de manière restrictive. Elle ne doit notamment pas permettre d'éviter les conséquences indésirables du droit matériel (ATF 131 III 289 consid. 2.5 p. 292). 
Dans l'arrêt paru aux ATF 131 III 289 ss, relatif au complètement d'un jugement de divorce français concernant le sort de la prestation de sortie de la prévoyance professionnelle, le Tribunal fédéral a jugé que les circonstances de la cause avaient un lien beaucoup plus étroit avec le droit suisse qu'avec le droit français, pour les motifs suivants: les parties, de nationalité suisse, s'étaient mariées en 1983 et avaient d'abord vécu en Suisse, avant de s'établir en France à partir de 1989. Le mari avait continué de travailler en Suisse et était affilié à une institution de prévoyance suisse depuis 1980. L'épouse s'était occupée de leurs deux enfants et avait tenu le ménage. Elle n'avait pas exercé d'activité professionnelle lucrative pendant le mariage et n'avait pas pu, de ce fait, se constituer de prévoyance vieillesse. Si l'on considérait la longue durée du mariage des parties, soit dix-huit ans, l'activité exercée en Suisse depuis de nombreuses années par le mari, de même que l'obligation y afférente d'affiliation à une institution de prévoyance en Suisse et, enfin, l'absence de prévoyance complémentaire sous la forme d'une assurance volontaire ou de la constitution d'un capital approprié, les avoirs de l'époux auprès de sa caisse de pension étaient sans aucun doute déterminants pour lui et sa famille sur le plan de la prévoyance. Le fait que les parties aient vécu durant plusieurs années en France ne suffisait pas pour créer une relation étroite avec le droit français concernant la question du partage des prestations de sortie. Par conséquent, les conditions de l'art. 15 LDIP étaient remplies et ladite question devait être réglée selon le droit suisse. 
3.2 La Cour de justice a estimé que la présente espèce différait de la cause susmentionnée en ce sens que les seuls liens existants avec la Suisse consistaient dans le lieu de résidence et de travail du mari, l'avoir de prévoyance qu'il avait accumulé auprès d'une caisse de pension suisse et l'introduction de la procédure de divorce en Suisse. Elle en a conclu que l'art. 15 LDIP ne pouvait s'appliquer au cas particulier. Or le droit espagnol ne permettait pas le partage de l'avoir de libre passage accumulé pendant le mariage par le mari. 
 
La recourante soutient que la clause d'exception de l'art. 15 LDIP est en l'occurrence applicable. Elle prétend que les circonstances du cas particulier sont, à beaucoup d'égards, similaires à celles de l'affaire traitée dans l'arrêt du Tribunal fédéral précité, et relève sur ce point la longue durée du mariage (à savoir trente-sept ans), le travail du mari en Suisse dès 1983, l'obligation de celui-ci de cotiser à une institution de prévoyance professionnelle suisse, le fait qu'elle ait élevé quatre enfants et tenu le ménage pendant le mariage, son propre manque de prévoyance vieillesse et l'absence de prévoyance complémentaire. Elle expose en outre que les avoirs du mari auprès de sa caisse de pension présentent un caractère déterminant pour lui et sa famille sur le plan de la prévoyance et que la nationalité commune espagnole des parties, ainsi que les quelques années durant lesquelles ils ont résidé ensemble en Espagne, ne sont pas suffisantes pour créer une relation étroite avec le droit espagnol en ce qui concerne le partage de la prestation de sortie de l'intimé. 
3.3 La présente affaire est comparable à l'arrêt paru aux ATF 131 II 289 s'agissant des points décisifs, à savoir la longue durée du mariage - en l'espèce plus de trente-cinq ans contre dix-huit dans l'arrêt susmentionné -, le travail en Suisse du mari depuis de longues années et l'obligation y afférente d'affiliation à une caisse de pension, le fait que l'épouse se soit chargée de l'éducation des enfants - ici non pas seulement deux mais quatre - et de la tenue du ménage, de sorte qu'elle n'a pas exercé d'activité professionnelle lucrative, ainsi que l'absence de prévoyance complémentaire sous forme d'une assurance volontaire ou de la constitution d'un capital approprié, le montant que la recourante a reçu en 2001 au titre de la liquidation du régime matrimonial et en tant que contribution d'entretien ne pouvant être considéré comme tel. Il apparaît ainsi clairement que les avoirs du mari auprès de sa caisse de pension étaient déterminants pour lui et sa famille sur le plan de la prévoyance. Dans ces circonstances, le sort de la prestation de sortie de l'intimé relève du droit suisse, cette question étant en relation particulièrement étroite avec celui-ci, la nationalité espagnole des parties ne pouvant parler en défaveur de la clause d'exception. 
 
Sur le vu de ce qui précède, il convient, en application de l'art. 64 al. 1 OJ, de renvoyer le dossier à la Cour de justice pour qu'elle procède selon l'art. 142 CC et statue à nouveau sur les frais et dépens cantonaux. 
4. 
Compte tenu de l'issue du litige, les frais de la procédure fédérale seront supportés par le demandeur, qui versera en outre des dépens à la défenderesse (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable et l'arrêt entrepris est réformé en ce sens que le droit suisse est applicable au sort de la prestation de sortie du demandeur. La cause est renvoyée à la Cour de justice pour qu'elle procède selon l'art. 142 CC et statue à nouveau sur les frais et dépens cantonaux. 
2. 
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge du demandeur. 
3. 
Le demandeur versera à la défenderesse une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
Lausanne, le 8 mars 2007 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: