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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1A.272/2004 /fzc 
 
Arrêt du 31 mars 2005 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Féraud, Président, Reeb et 
Pont Veuthey, Juge suppléante. 
Greffière: Mme Revey. 
 
Parties 
X.________, 
recourant, représenté par Me Alexandre Curchod, avocat, 
 
contre 
 
Département des institutions et des relations extérieures du canton de Vaud, 
Service de justice, de l'intérieur et des cultes, 
place du Château 1, 1014 Lausanne, 
Tribunal des assurances du canton de Vaud, 
route du Signal 8, 1014 Lausanne. 
 
Objet 
LAVI, 
 
recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 
9 août 2004. 
 
Faits: 
A. 
Par jugement du 31 octobre 2002, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a condamné Y.________ à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis pendant cinq ans pour mise en danger de la vie d'autrui, lésions corporelles simples qualifiées et infraction à la loi fédérale sur les armes. Il a retenu que le condamné avait, doigt sur la détente, appuyé une arme chargée et désassurée contre la gorge de X.________, puis avait frappé la tête de la victime avec la crosse, occasionnant ainsi une blessure ayant nécessité deux points de suture. Statuant sur les conclusions civiles de la victime, le Tribunal correctionnel a alloué à celle-ci 9'236 fr., dont 8'000 fr. en réparation du tort moral. 
B. 
Auparavant, soit le 18 septembre 2002, X.________ avait requis du Département vaudois des institutions et des relations extérieures (ci-après: le Département cantonal) le versement de 914 fr. pour le préjudice matériel et de 15'000 fr. pour le tort moral, en se prévalant des art. 11 ss de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI; RS 312.5). Après le prononcé du jugement pénal, X.________ a modifié sa requête auprès de l'instance LAVI en concluant au versement des sommes allouées par cet arrêt. Par décision du 13 janvier 2004, le Département cantonal a rejeté la demande, considérant en substance que l'atteinte à l'intégrité psychique de l'intéressé n'était pas suffisamment grave pour lui conférer sur ce plan la qualité de victime au sens de l'art. 2 LAVI
C. 
Statuant le 9 août 2004, le Tribunal cantonal des assurances a rejeté le recours formé par X.________ contre la décision du Département cantonal, confirmant, pour le même motif, que l'intéressé ne revêtait pas la qualité de victime au sens de l'art. 2 LAVI
D. 
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________ requiert le Tribunal fédéral d'annuler le jugement du Tribunal cantonal des assurances du 9 août 2004, d'admettre sa demande LAVI et de lui allouer les sommes sollicitées; subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à l'autorité cantonale de première ou de seconde instance. Le Département cantonal et le Tribunal cantonal des assurances renoncent à répondre. L'Office fédéral de la justice s'abstient de prendre position, considérant que le dossier ne pose pas de questions nouvelles liées à l'application de la LAVI. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le recours de droit administratif au Tribunal fédéral est recevable contre les décisions cantonales de dernière instance fondées sur la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions et concernant les demandes de réparation du dommage ou de réparation morale (ATF 126 II 237 consid. 1a), soit, plus particulièrement, contre les décisions rejetant de telles demandes faute de légitimation active (arrêt 1A.196/2000 du 7 décembre 2000, in ZBL 102/2001 p. 492). 
2. 
Aux termes des art. 2 al. 1 et 11 al. 1 LAVI, celle ou celui qui est victime d'une infraction pénale et subit, de ce fait, une atteinte directe à son intégrité corporelle, sexuelle ou psychique, peut demander une indemnisation ou une réparation morale dans le canton où l'infraction a été commise. L'indemnité, qui ne peut excéder 100'000 fr., est fixée en fonction du montant du dommage subi et des revenus de la victime (art. 13 al. 1, 2 et 3 LAVI). La réparation morale est due, elle, indépendamment du revenu de la victime, lorsque celle-ci subit une atteinte grave et que des circonstances particulières justifient cette réparation (art. 12 al. 2 LAVI). 
 
En l'occurrence, le Tribunal cantonal des assurances a refusé toute indemnité au motif que le recourant ne pouvait se prévaloir de la qualité de victime au sens des dispositions précitées. Le Tribunal fédéral examine librement cette question (ATF 126 IV 147 consid. 1 et l'arrêt cité). 
3. 
De l'avis du recourant, seuls des faits nouveaux inconnus au pénal, ou des motifs inhérents à la LAVI (limitation de l'indemnité à 100'000 fr., critères de revenu de la victime), autorisent l'instance d'indemnisation LAVI à s'écarter du jugement pénal statuant sur les prétentions civiles de la victime. 
 
Cette opinion ne saurait être suivie. Selon la jurisprudence, compte tenu de la spécificité de la procédure fondée sur la LAVI et de la liberté d'examen dont dispose l'autorité d'indemnisation, cette dernière n'est pas liée par le prononcé pénal en ce qui concerne les questions purement juridiques. Dans le cadre de la LAVI, l'autorité alloue une indemnité fondée sur un devoir d'assistance de l'Etat, en vertu de règles pour partie spécifiques, et doit dès lors se livrer à un examen autonome de la cause (ATF 129 II 312 consid. 2.5). L'indépendance de l'autorité LAVI par rapport au juge pénal, pour les questions de droit, se justifie également par le fait que l'Etat, débiteur de l'indemnisation fondée sur la LAVI, ne participe pas en tant que tel au procès pénal, et ne peut par conséquent défendre ses intérêts lorsque le juge fixe le montant de l'indemnité (ATF 129 II 312 consid. 2.6). Ainsi, l'autorité LAVI est en principe liée par les faits établis au pénal, mais non par les considérations de droit ayant conduit au prononcé civil. Elle peut donc, en se fondant sur l'état de fait arrêté au pénal, déterminer le montant de l'indemnité alloué à la victime sur la base de considérations juridiques propres. Au besoin, elle est dès lors habilitée à s'écarter du prononcé antérieur s'il apparaît que celui-ci repose sur une application erronée du droit (ATF 129 II 312 consid. 2.8 et les références citées). Cette latitude prévaut également lorsque l'autorité LAVI n'entend pas statuer uniquement sur le montant de l'indemnité mais encore sur la qualité de victime proprement dite du requérant. 
4. 
Le recourant admet que l'atteinte à son intégrité physique n'a pas été suffisamment grave pour lui conférer sur ce plan la qualité de victime au sens de l'art. 2 LAVI. En revanche, il soutient que ce statut découle d'une atteinte à son intégrité psychique. 
4.1 Il n'existe pas de liste exhaustive des infractions relevant du champ d'application de la LAVI (arrêt 6S.333/2002 du 20 août 2002 consid. 2.2, in Pra 2003 n° 19 p. 91). En principe, la qualité de victime LAVI est niée dans les cas d'infractions de mise en danger. En effet, la LAVI exige que la victime ait subi, du fait de l'infraction, une "atteinte directe". Celle-ci doit donc être réalisée; un simple risque de dommage ne suffit pas (ATF 129 IV 95 consid. 3.1; 122 IV 71 consid. 3a). Dans le Message concernant ladite loi, le Conseil fédéral explique ainsi que "les infractions de mises en danger sont exclues du champ d'application de la loi puisque, par définition, elles ne comportent pas une atteinte à un bien juridique" (FF 1990 II 925). Cela étant, une "atteinte directe" peut néanmoins être reconnue à une personne dont la vie a été mise en danger au sens de l'art. 129 CP, lorsque celle-ci souffre de troubles psychologiques en relation directe avec l'acte du délinquant (arrêt 6S.729/2001 du 25 février 2002, in SJ 2002 I 397 consid. 1a). 
D'une manière plus générale, la notion de victime ne dépend pas de la qualification de l'infraction, mais de ses effets sur le lésé (ATF 129 IV 216 consid. 1.2.1). Toutefois, l'atteinte subie ne confère la qualité de victime au sens de l'art. 2 LAVI que lorsqu'elle présente une certaine gravité (ATF 129 IV 95 consid. 3.1, 216 consid. 1.2.1; 125 II 265 consid. 2a/aa), par exemple lorsqu'elle entraîne une altération profonde ou prolongée du bien-être (cf. arrêt 1P.147/2003 du 19 mars 2003). Il ne suffit donc pas que la victime ait subi des désagréments, qu'elle ait eu peur ou qu'elle ait eu quelque mal (ATF 129 IV 216 consid. 1.2.1). L'intensité de l'atteinte se détermine suivant l'ensemble des circonstances de l'espèce (ATF 129 IV 95 consid. 3.1). S'agissant d'une atteinte psychique, elle se mesure d'un point de vue objectif, non pas en fonction de la sensibilité personnelle et subjective du lésé (arrêt 6P.137/2004 du 20 janvier 2005 en voie de publication [ATF 131]; 120 Ia 157 consid. 2d/cc p. 164). 
 
Encore peut-on noter que les exigences relatives à la preuve d'une infraction conférant la qualité de victime varient suivant le moment où l'aide est réclamée, de même que selon le type et l'étendue de celle-ci. Ainsi, tandis que l'octroi d'une indemnisation ou d'une réparation morale au sens des art. 11 ss LAVI commande la preuve de la qualité de victime, partant la preuve d'un comportement constitutif d'infraction, il suffit, pour bénéficier des droits de la victime dans la procédure pénale au sens des art. 5 ss LAVI, qu'une infraction conférant la qualité de victime entre en considération (ATF 125 II 265 consid. 2c/aa et les références citées, soit ATF 122 II 211 consid. 3d et 315 consid. 3d). 
4.2 Selon l'arrêt attaqué, si le recourant avait effectivement eu peur de mourir pendant l'agression, cette crainte n'avait pas eu, par la suite, des effets perturbant gravement son comportement et portant atteinte à sa capacité de travail. Il n'avait en effet manqué qu'un seul jour de travail et n'avait pas jugé nécessaire de consulter un psychiatre, ni de démontrer, en se référant à un certificat médical, qu'il aurait subi de ce fait une véritable atteinte à son intégrité psychique au sens de l'art. 2 LAVI
 
Le recourant conteste avoir eu simplement "peur de mourir" et se réfère à cet égard aux considérants du Tribunal correctionnel, notamment au passage suivant: "[le recourant] a souffert dans son intégrité physique et psychique suite aux actes commis par l'accusé. Davantage soucieux de travailler que de se faire suivre par des psychiatres aux frais de l'Etat, [le recourant] n'a pas consulté de médecin après cette agression, quand bien même il a expliqué en avoir été durablement marqué, craignant encore aujourd'hui des actes hostiles de la part d'un accusé qui semble ne rien regretter. Il est évident qu'une agression inattendue et violente comme celle dont le plaignant a été victime laisse des séquelles et des souvenirs durables, qui justifient une somme de 8'000 fr. à titre de tort moral." 
4.3 Conformément au consid. 4.1 supra, la qualité de victime au sens des art. 2 et 11 ss LAVI ne peut être reconnue au recourant que s'il est démontré qu'il souffre de troubles psychologiques d'une certaine gravité et en relation directe avec l'acte du délinquant. 
 
Dans la mesure où le recourant entend établir sa qualité de victime au sens des art. 2 et 11 ss LAVI sur la base du jugement pénal, il sied de considérer ce qui suit. A lui seul, le prononcé pénal ne permet à l'autorité LAVI de reconnaître la qualité de victime au sens des art. 2 et 11 ss LAVI que si les faits établis et confirmés par cet arrêt conduisent à retenir, en droit, une atteinte psychique d'une certaine gravité (cf. consid. 3 supra). Or, tel n'est précisément pas le cas en l'espèce. Si les juges pénaux ont mentionné qu'une agression telle que l'attaque subie laissait "des séquelles et des souvenirs durables", il s'agit-là d'une constatation abstraite - et plutôt évasive -, dont il n'est pas démontré qu'elle s'applique effectivement à l'intéressé. De même, l'assertion selon laquelle le recourant a renoncé à un suivi psychiatrique par souci de respecter son horaire de travail ne constitue pas une constatation claire de l'existence d'une atteinte aussi importante. Au demeurant, la préoccupation évoquée n'explique pas que le recourant n'ait pas produit de certificat médical topique au cours de la procédure pénale: il lui demeurait en effet possible de consulter brièvement un médecin dans l'unique but d'obtenir une telle attestation, en dehors d'une thérapie. Dans ces conditions, le prononcé pénal ne permet pas de retenir une atteinte psychique suffisamment significative pour conférer au recourant sur ce plan la qualité de victime au sens de la jurisprudence précitée. 
 
Pour le surplus, le recourant n'a pas rapporté la preuve d'une atteinte psychique d'une certaine gravité par un autre moyen, par exemple en déposant, devant les autorités LAVI de première ou de seconde instance, un certificat médical obtenu ultérieurement. 
 
Aussi le Tribunal cantonal des assurances n'a-t-il pas violé le droit fédéral en déniant au recourant la qualité de victime sous l'angle des art. 2 et 11 ss LAVI
5. 
Le recours de droit administratif doit par conséquent être rejeté. En vertu du principe de gratuité posé à l'art. 16 al. 1 LAVI, il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. Aucune indemnité n'est allouée aux autorités qui obtiennent gain de cause (art. 159 al. 2 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire ni alloué de dépens. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Département des institutions et des relations extérieures ainsi qu'au Tribunal des assurances du canton de Vaud, de même qu'à l'Office fédéral de la justice. 
Lausanne, le 31 mars 2005 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: