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[AZA 0/2] 
6S.21/2002/DXC 
 
COUR DE CASSATION PENALE 
*********************************************** 
 
Séance du 17 avril 2002 
 
Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, 
MM. Schneider, Wiprächtiger, Kolly et Karlen, Juges. 
Greffière: Mme Kistler. 
_________ 
 
Statuant sur le pourvoi en nullité 
formé par 
X.________, actuellement détenu à la prison de Champ-Dollon, à Thônex, représenté par Me Arun Chandrasekharan, avocat à Genève, 
 
contre 
l'arrêt rendu le 14 décembre 2001 par la Cour de cassation du canton de Genève dans la cause qui oppose le recourant au Procureur général du canton de G e n è v e; 
 
(infraction à la LStup; fixation de la peine) 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- Par arrêt du 20 juin 2001, la Cour d'assises du canton de Genève a condamné X.________, pour infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup), à la peine de vingt ans de réclusion, sous déduction de treize mois et dix-huit jours de détention préventive. 
 
Par arrêt du 14 décembre 2001, la Cour de cassation genevoise a rejeté le pourvoi en cassation déposé par X.________ et a confirmé l'arrêt de la Cour d'assises. 
 
B.- L'arrêt attaqué repose notamment sur les faits suivants: 
 
a) X.________ a joué un rôle déterminant dans un trafic extrêmement important d'héroïne entre la Turquie et la Suisse. Il recrutait les convoyeurs. Il leur donnait toutes les indications utiles, en particulier pour se procurer la drogue en Turquie et la ramener en Suisse. 
Il les rémunérait, leur fournissait l'argent pour acheter la drogue et réceptionnait la marchandise en Suisse. Il restait cependant à l'écart du transport de drogue proprement dit, diminuant ainsi ses propres risques. 
 
Son trafic a impliqué huit voyages, qui ont porté sur un total de 40,95 kilos d'héroïne, avec des taux de pureté élevés. Deux voyages ont été effectués à vide; des mesures ont cependant été prises pour que huit kilos d'héroïne soient convoyés. Comme il n'était pas lui-même toxicomane, X.________ a mis ce trafic sur pied exclusivement par appât du gain. Au cours de l'instruction, il a adopté une stratégie de contestation. Il a montré une absence totale de repentir. 
 
b) Originaire de Bâle-Ville, X.________ est né en 1959 en Turquie où il a suivi l'école primaire et a travaillé comme boulanger. Arrivé en Suisse en 1985, il a d'abord travaillé dans une pizzeria pendant plus de quatre ans, puis dans une fonderie et a ensuite acquis un restaurant, qui est tombé en faillite. Au chômage depuis 1998 environ, il a été assisté notamment par l'Hospice général de Winterthur. Marié, il a quatre enfants, âgés de 6 à 22 ans environ. 
 
Son casier judiciaire mentionne une amende de 760 francs, prononcée en février 1998, pour violation de la loi fédérale sur la circulation routière. En janvier 2000, le parquet du district de Zurich l'a condamné à sept jours d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans pour infraction à la loi fédérale sur l'AVS. 
 
C.- X.________ se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral contre l'arrêt de la Cour de cassation genevoise. 
Invoquant une violation de l'art. 63 CP, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué. Il sollicite par ailleurs l'assistance judiciaire. 
 
Dans ses observations du 27 mars 2002, le Procureur général genevois a conclu au rejet du pourvoi. 
 
Considérant endroit : 
 
1.- Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle l'application du droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base d'un état de fait définitivement arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 277bis et 273 al. 1 let. b PPF). Le raisonnement juridique doit être mené sur la base des faits retenus dans la décision attaquée; le recourant est irrecevable à s'en écarter. 
 
La Cour de cassation du Tribunal fédéral n'est pas liée par les motifs invoqués, mais elle ne peut aller au-delà des conclusions du recourant (art. 277bis PPF). Les conclusions devant être interprétées à la lumière de leur motivation, le recourant a circonscrit les points litigieux (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66). 
 
2.- Invoquant une violation de l'art. 63 CP, le recourant soutient que la peine de vingt ans de réclusion qui lui a été infligée n'est pas suffisamment motivée et est exagérément sévère. Il se réfère à cet égard à un arrêt du 27 janvier 2000 du Tribunal fédéral, qui confirme la condamnation d'un trafiquant à une peine de vingt ans de réclusion pour un trafic de 375 kilos d'héroïne (6S. 801/1999). 
 
a) Selon l'art. 63 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité du délinquant en tenant compte des mobiles, des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier. La loi n'énonce cependant pas de manière détaillée et exhaustive les éléments qui doivent être pris en considération, ni les conséquences exactes qu'il faut en tirer quant à la fixation de la peine. Elle laisse donc au juge un large pouvoir d'appréciation, de sorte que le Tribunal fédéral pourra admettre un pourvoi en nullité sur la quotité de la peine seulement si la sanction a été fixée en dehors du cadre légal, si elle est fondée sur des critères étrangers à l'art. 63 CP, si les éléments d'appréciation prévus par cette disposition n'ont pas été pris en compte ou enfin si la peine apparaît exagérément sévère ou clémente au point que l'on doive parler d'un abus du pouvoir d'appréciation. 
 
b) Le système consistant à prévoir une peine légale maximale a pour conséquence inévitable que la faute ne joue plus de rôle à partir d'un certain degré. Ainsi, la quotité de la peine ne varie plus si l'auteur commet un assassinat, puis un second, alors que le premier entraînait déjà la réclusion à vie (ATF 116 IV 300 consid. 2c/dd p. 305). La peine maximale ne saurait pas être infligée seulement si l'on ne peut pas imaginer de faute plus grave. Cette condition n'est en effet jamais réalisée, car on peut toujours imaginer un cas hypothétique qui corresponde à une faute plus grave. 
 
 
Cela dit, la sanction de vingt ans de réclusion prononcée contre le recourant correspond à la peine maximale prévue par le Code pénal (sous réserve des art. 112, 185 ch. 3, 264 et 266 ch. 2 CP qui prévoient la réclusion à vie). Ce châtiment est extrêmement rare et dépasse la mesure usuelle. Comparable à celui que l'on peut rencontrer en cas d'assassinat, il doit être qualifié de très sévère. Il ne pourra dès lors être prononcé qu'en cas de faute de gravité exceptionnelle. 
 
c) La jurisprudence a dégagé les éléments pertinents pour la fixation de la peine, lesquels sont exposés de manière détaillée dans l'ATF 127 IV 101, auquel il convient de se référer. En matière de trafic de stupéfiants, il y a lieu de tenir compte, plus spécialement, des circonstances qui sont mentionnées ci-après. 
 
Même si la quantité de la drogue ne joue pas un rôle prépondérant, elle constitue sans conteste un élément important. Elle perd cependant de l'importance au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la limite à partir de laquelle le cas doit être considéré comme grave au sens de l'art. 19 ch. 2 let. a LStup. Il en va de même lorsque plusieurs des circonstances aggravantes prévues à l'art. 19 ch. 2 LStup sont réalisées. Le type de drogue et sa pureté doivent aussi être pris en considération. Si l'auteur sait que la drogue est particulièrement pure, sa culpabilité sera plus grande; en revanche, sa culpabilité sera moindre s'il sait que la drogue est diluée plus que normalement (ATF 122 IV 299 consid. 2c p. 301; 121 IV 193 consid. 2b/aa p. 196). 
 
Le type et la nature du trafic en cause sont aussi déterminants. L'appréciation est différente selon que l'auteur a agi de manière autonome ou comme membre d'une organisation. Dans ce dernier cas, il importera de déterminer la nature de sa participation et sa position au sein de l'organisation: un simple passeur sera ainsi moins coupable que celui qui joue un rôle décisif dans la mise sur pied des opérations et qui participe de manière importante au bénéfice illicite (ATF 121 IV 202 con-sid. 2d/cc p. 206). L'étendue du trafic entrera également en considération. Un trafic purement local sera en règle générale considéré comme moins grave qu'un trafic avec des ramifications internationales. Le délinquant qui traverse les frontières (qui sont surveillées) doit en effet déployer une énergie criminelle plus grande que celui qui transporte des drogues à l'intérieur du pays et qui limite son risque à une arrestation fortuite lors d'un contrôle; à cela s'ajoute que l'importation en Suisse de drogues a des répercussions plus graves que le seul transport à l'intérieur des frontières. Enfin, le nombre d'opérations constitue un indice pour mesurer l'intensité du comportement délictueux; celui qui écoule une fois un kilo d'héroïne sera en principe moins sévèrement puni que celui qui vend cent grammes à dix reprises. 
 
Outre les éléments qui portent sur l'acte lui-même, le juge doit prendre en considération la situation personnelle du délinquant, à savoir sa vulnérabilité face à la peine, ses obligations familiales, sa situation professionnelle, les risques de récidive, etc. Les mobiles, c'est-à-dire les raisons qui ont poussé l'auteur à agir, ont aussi une influence sur la détermination de la peine. 
Il conviendra ainsi de distinguer le cas de l'auteur qui est lui-même toxicomane et qui agit pour financer sa propre consommation de celui qui participe à un trafic uniquement poussé par l'appât du gain (ATF 122 IV 299 consid. 2b p. 301). Il faudra enfin tenir compte des antécédents, qui comprennent aussi bien les condamnations antérieures que les circonstances de la vie passée. 
 
 
Enfin, le comportement du délinquant lors de la procédure peut aussi jouer un rôle. Le juge pourra atténuer la peine en raison de l'aveu ou de la bonne coopération de l'auteur de l'infraction avec les autorités policières ou judiciaires notamment si cette coopération a permis d'élucider des faits qui, à ce défaut, seraient restés obscurs (ATF 121 IV 202 consid. 2d/aa p. 204; 118 IV 342 consid. 2d p. 349). 
 
3.- Il appartient au juge de motiver, de manière complète, la peine prononcée. Si, à la lecture de l'arrêt, la peine apparaît excessive, il faut en déduire soit que l'autorité cantonale n'a pas présenté l'argumentation qui explique cette sévérité, soit que la peine est exagérée dans le cas d'espèce. Il n'appartient généralement pas au Tribunal fédéral de trancher cette alternative, puisqu'il doit se borner à examiner la compatibilité de la décision attaquée avec le droit fédéral, sans avoir à rechercher lui-même dans le dossier si d'autres éléments auraient pu être invoqués (ATF 121 IV 49 consid. 2 a/bb p. 57; 120 IV 136 consid. 3a p. 143). 
 
L'autorité cantonale n'est pas obligée de prendre position sur les moindres détails qui ont été plaidés et elle peut passer sous silence les faits qui, sans arbitraire, lui paraissent à l'évidence non établis ou sans pertinence. Elle n'est nullement tenue d'exprimer en chiffres ou en pourcentages l'importance qu'elle accorde à chacun des éléments qu'elle cite. Elle doit cependant exposer, dans sa décision, les éléments essentiels relatifs à l'acte ou à l'auteur dont elle tient compte, de manière qu'il soit possible de constater que tous les aspects pertinents ont été pris en considération et comment ils ont été appréciés (ATF 127 IV 101 consid. 2c p. 104/105). 
 
Plus la peine est élevée, plus la motivation doit être complète (ATF 117 IV 112 consid. 2b/cc p. 117). 
Cette exigence s'impose tout particulièrement lorsque le choix s'est porté sur la peine maximale. 
 
4.- En l'espèce, l'autorité cantonale insiste sur la gravité du trafic du recourant. Elle fait référence au fait qu'il a joué un rôle déterminant dans un trafic d'héroïne (40, 95 kilos) avec des taux de pureté élevés. 
Elle relève qu'il s'agit d'un trafic intense, comportant dix voyages, faisant transiter la drogue de Turquie en Suisse. Elle met en relief l'existence de deux circonstances aggravantes, soit la quantité et le métier. 
 
En revanche, elle ne se prononce que peu sur les mobiles du recourant et sa situation personnelle. Elle se borne à préciser que le recourant n'était pas toxicomane et a dès lors agi par appât du gain. Mais elle n'expose pas les raisons qui ont conduit le recourant à basculer dans la criminalité. Arrivé en Suisse en 1985, le recourant a acquis la nationalité suisse et a vécu dans notre pays plus de dix ans sans se faire remarquer négativement des autorités; en 1998, il est tombé au chômage. L'autorité cantonale n'examine pas si l'activité criminelle du recourant doit être mise en relation avec des troubles psychiques (dépression progressive, isolement social) causés par le chômage (voir à ce sujet Gottfried Fischer/Peter Riedesser, Lehrbuch der Psychotraumatologie, 2e éd., Munich et Bâle 1999, p. 317 ss) ni s'il connaissait des difficultés financières, liées notamment à la faillite de son restaurant (ATF 117 IV 112 con-sid. 2b/bb p. 116). 
 
Il convient en outre de relever que, dans son réquisitoire, le Procureur général a requis quatorze ans de réclusion. Or, l'autorité cantonale n'explique pas pourquoi elle n'a pas tenu compte de cette réquisition et a prononcé une peine dépassant de moitié celle demandée par l'accusation. 
 
5.- En conséquence, la motivation adoptée par l'autorité cantonale ne suffit pas pour justifier la peine particulièrement lourde prononcée à l'encontre du recourant. 
Le pourvoi doit dès lors être admis et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. 
 
Comme le recourant obtient gain de cause, il ne sera pas perçu de frais (art. 278 al. 2 PPF) et une indemnité sera versée par la Caisse du Tribunal fédéral à son mandataire (art. 278 al. 3 PPF). La demande d'assistance judiciaire devient ainsi sans objet. 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Admet le pourvoi, annule l'arrêt attaqué et renvoie la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. 
 
2. Dit qu'il n'est pas perçu de frais. 
 
3. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera à Me Arun Chandrasekharan, mandataire du recourant, une indemnité de 3'000 francs. 
4. Communique le présent arrêt en copie au mandataire du recourant, au Procureur général du canton de Genève et à la Cour de cassation genevoise, ainsi qu'au Ministère public de la Confédération. 
_____________ 
Lausanne, le 17 avril 2002 
 
Au nom de la Cour de cassation pénale 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Président, 
 
La Greffière,