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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1C_459/2010 
 
Arrêt du 31 mai 2011 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Fonjallaz, Président, Aemisegger et Merkli. 
Greffier: M. Rittener. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Lucien Lazzarotto, avocat, 
recourant, 
 
contre 
 
B.________, représentée par Me Marie-Claude de Rham-Casthélaz, avocate, 
intimée, 
 
Département des constructions et des technologies de l'information du canton de Genève, case postale 22, 1211 Genève 8. 
 
Objet 
autorisation de construire, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 31 août 2010. 
 
Faits: 
 
A. 
La société B.________ est propriétaire de la parcelle n° 3966 (anciennement parcelles n° 2567 et 2701) du registre foncier de Bellevue (GE). Ce bien-fonds est situé au bord du lac Léman, en "5e zone" de construction au sens de l'art. 19 al. 3 de la loi cantonale d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT; RSG L 1 30) et dans le périmètre à protéger défini par la loi cantonale sur la protection des rives du lac du 4 décembre 1992 (LPGRL). B.________ est également propriétaire de parcelles sises de l'autre côté de la route de Lausanne, sur lesquelles un hôtel est exploité. La parcelle n° 3966 sert notamment de plage et de débarcadère aux clients de l'hôtel, auquel elle est reliée par un passage souterrain. 
Le 23 mars 2004, B.________ a obtenu l'autorisation de construire sur ce bien-fonds une "villa individuelle avec piscine extérieure et pool house". A.________, propriétaire de la parcelle voisine n° 2606, a contesté en vain ce permis de construire devant les instances cantonales et devant le Tribunal fédéral, qui a notamment considéré que l'art. 19 al. 3 LaLAT n'avait pas été appliqué arbitrairement et qu'il n'était pas manifestement insoutenable de considérer les constructions autorisées comme conformes à l'affectation résidentielle de la zone (arrêt 1A.270/2005 et 1P.666/2005 du 21 février 2006). B.________ a construit la villa autorisée, mais la piscine et le "pool house" n'ont pas été réalisés. 
 
B. 
Le 23 avril 2008, B.________ a requis l'autorisation de construire sur la parcelle n° 3966 un "pool house" d'une surface inférieure à 50 m2, une plate-forme sur la plage et une rampe facilitant l'accès au lac. Le "pool house" projeté était un bâtiment de type rectangulaire à toiture plate, mesurant 11,90 m sur 4,20 m et comprenant une douche, des WC, un vestiaire, un espace de rangement et une kitchenette. Le Département des constructions et des technologies de l'information du canton de Genève (ci-après: le département) a recueilli les préavis requis, ainsi que des observations de A.________, qui concluait au rejet de la demande d'autorisation de construire. En cours de procédure, B.________ a renoncé à la construction de la plate-forme sur la plage. Par décision du 22 janvier 2009, le département a délivré l'autorisation sollicitée. 
A.________ a contesté cette décision auprès de la Commission cantonale de recours en matière administrative, qui a rejeté le recours par décision du 30 novembre 2009. Statuant sur recours du prénommé, le Tribunal administratif du canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif) a confirmé cette décision par arrêt du 31 août 2010. Il a considéré en substance que les constructions projetées respectaient la loi fédérale sur la protection de l'environnement (LPE; RS 814.01), qu'elles étaient conformes à l'affectation de la zone au sens de l'art. 19 al. 3 LaLAT et qu'elles ne causeraient pas de nuisances supplémentaires, la jetée existante servant déjà de débarcadère aux clients de l'hôtel voisin et B.________ s'étant engagée à faire cesser les activités nautiques proposées sur ce site. 
 
C. 
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt ainsi que l'autorisation de construire délivrée le 22 janvier 2009, subsidiairement de renvoyer la cause au Tribunal administratif pour nouvelle décision. Il se plaint d'une violation de son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), de l'art. 22 al. 2 let. a de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700) en relation avec l'art. 19 al. 3 LaLAT, ainsi que des art. 1, 7, 11 et 15 LPE. ll invoque également la garantie de la propriété et se plaint d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Il requiert en outre l'octroi de l'effet suspensif. Le Tribunal administratif a renoncé à se déterminer. Le département se réfère à l'arrêt attaqué pour conclure au rejet du recours. Au terme de ses observations, B.________ conclut à la confirmation de l'arrêt attaqué. L'Office fédéral de l'environnement a présenté des observations. La société intimée, le département et le recourant ont présenté des observations complémentaires. 
 
D. 
Par ordonnance du 9 novembre 2010, le Président de la Ire Cour de droit public a admis la demande d'effet suspensif. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Dirigé contre une décision rendue dans le domaine du droit public des constructions, le recours est recevable comme recours en matière de droit public conformément aux art. 82 ss de la loi sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110), aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Le recourant est particulièrement touché par la décision attaquée, qui confirme l'autorisation de construire un "pool house" et une rampe d'accès au lac sur une parcelle directement voisine de son bien-fonds, de sorte qu'il a la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF (cf. ATF 133 II 249 consid. 1.3.1 p. 252 s.; 121 II 171 consid. 2b p. 174; 115 Ib 508 consid. 5c p. 511). Pour le surplus, interjeté en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance cantonale non susceptible de recours devant le Tribunal administratif fédéral, le recours est recevable au regard des art. 86 al. 1 let. d, 90 et 100 al. 1 LTF. 
 
2. 
Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu. Il soutient que le Tribunal administratif a omis de traiter un grief central de son recours, à savoir la question de la conformité à la zone au sens de l'art. 19 al. 3 LaLAT. 
 
2.1 Tel qu'il est garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu confère à toute personne le droit d'exiger, en principe, qu'un jugement ou une décision défavorable à sa cause soit motivé. Cette garantie tend à éviter que l'autorité ne se laisse guider par des considérations subjectives ou dépourvues de pertinence; elle contribue ainsi à prévenir une décision arbitraire. L'objet et la précision des indications à fournir dépend de la nature de l'affaire et des circonstances particulières du cas; néanmoins, en règle générale, il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidée (ATF 112 Ia 107 consid. 2b p. 109; voir aussi ATF 133 III 439 consid. 3.3 p. 445; 126 I 97 consid. 2b p. 102; 125 II 369 consid. 2c p. 372). L'autorité peut se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige; il suffit que le justiciable puisse apprécier correctement la portée de la décision et l'attaquer à bon escient et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle (ATF 134 I 83 consid. 4.1 p. 88; 133 I 270 consid. 3.1 p. 277; 130 II 530 consid. 4.3 p. 540; 125 II 369 consid. 2c p. 372 et les références). 
 
2.2 En l'occurrence, il est vrai que l'arrêt attaqué ne comporte pas d'argumentation spécifique sur la conformité des constructions à la zone résidentielle au sens de l'art. 19 al. 3 LaLAT. Il mentionne cependant cette dernière disposition pour retenir brièvement que les constructions projetées seront situées en zone résidentielle destinée aux villas, et que leur utilisation normale "est appropriée à la destination de la zone 5". On comprend donc que les juges précédents ont considéré que la norme en question était respectée et le recourant était en mesure de contester ce point de vue à bon escient, ce qu'il n'a d'ailleurs pas manqué de faire. Dans ces conditions, on peut encore admettre que l'arrêt attaqué est conforme aux exigences minimales de motivation déduites de l'art. 29 al. 2 Cst. 
 
3. 
Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 22 al. 2 let. a LAT et d'une application arbitraire de l'art. 19 al. 3 LaLAT. 
 
3.1 Selon l'art. 22 al. 2 let. a LAT, l'autorisation de construire est délivrée si la construction ou l'installation est conforme à l'affectation de la zone. La parcelle litigieuse est située en "5e zone" au sens de l'art. 19 al. 3 LaLAT. Aux termes de cette disposition, la 5e zone est une zone résidentielle destinée aux villas, des exploitations agricoles pouvant également y trouver place; le propriétaire, l'ayant droit ou le locataire d'une villa peut, à condition que celle-ci constitue sa résidence principale, utiliser une partie de cette villa aux fins d'y exercer des activités professionnelles, pour autant qu'elles n'entraînent pas de nuisances graves pour le voisinage. 
Appelé à revoir l'interprétation d'une norme sous l'angle de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible (ATF 136 I 316 consid. 2.2.2 p. 318 s.; 134 II 124 consid. 4.1 p. 133; 133 II 257 consid. 5.1 p. 260 s. et les arrêts cités). 
 
3.2 En l'occurrence, les constructions autorisées sur la parcelle n° 3966 sont une rampe d'accès au lac et un "pool house" de 49,98 m2 comprenant une douche, des WC, un vestiaire, un espace de rangement et une kitchenette. Il est vrai qu'un "pool house" similaire avait été autorisé sur cette même parcelle en 2004. Cependant, cette construction se présentait alors comme une annexe à la villa, et devait - à tout le moins selon les apparences - servir aux utilisateurs de la piscine initialement prévue à côté de celle-ci. La Cour de céans avait alors confirmé l'autorisation de construire la villa et ses annexes, tout en relevant qu'il s'agissait d'un cas limite. Le projet présentait en effet un caractère atypique, qui différait du modèle de la villa familiale classique, mais il n'était pas pour autant arbitraire de considérer que ces constructions étaient conformes à l'affectation résidentielle de la zone (arrêt 1A.270/2005 et 1P.666/2005 précité, consid. 3.3). 
Aujourd'hui la situation est différente. En effet, il n'est plus question de construire une piscine et il n'est pas allégué que le "pool house" sera destiné à l'occupant de la villa en question. Une telle utilisation apparaît au demeurant peu compatible avec les plans approuvés, desquels il ressort que la villa sera séparée de cette construction non seulement par le chemin conduisant à l'hôtel, mais également par une haie et un treilli. L'intimée admet d'ailleurs que le "pool house" sera utilisé par les clients de l'hôtel et qu'il servira "au transit des passagers devant accéder aux navettes depuis le débarcadère". Quant à la rampe d'accès au lac, elle sera située à l'opposé de la villa, vis-à-vis du "pool house", et il n'est pas non plus allégué qu'elle servira à l'occupant de la villa. 
Ainsi, contrairement à ce qui prévalait dans le projet de 2004, les constructions faisant l'objet de la présente procédure sont clairement dissociées de la villa et elles apparaissent destinées à la clientèle de l'hôtel. Quoi qu'en dise la société intimée, elles sont donc vouées à l'exercice d'une activité commerciale et n'ont donc plus rien à voir avec une "zone résidentielle destinée aux villas" au sens de l'art. 19 al. 3 LaLAT. Il est évident qu'une telle notion ne vise pas des installations destinées à la clientèle d'un hôtel, le législateur ayant précisément voulu exclure de cette zone résidentielle les activités du secteur tertiaire (cf. FRANÇOIS BELLANGER/SUZANNE LEBET, De quelques particularités genevoises en matière d'aménagement du territoire, in Droit de la construction 1988/2, p. 46). Aucun élément ne permet de retenir le contraire dans le cas d'espèce, l'arrêt attaqué n'expliquant au demeurant pas pour quelles raisons les constructions litigieuses auraient leur place en "5e zone" nonobstant le texte clair de l'art. 19 al. 3 LaLAT. Dans ces conditions, il était arbitraire de considérer que la rampe d'accès et le "pool house" destiné aux clients de l'hôtel étaient des constructions conformes à l'affectation résidentielle de la zone. 
De plus, les conditions permettant de déroger à cette affectation ne sont pas réalisées. En effet, même s'il a été retenu en fait que la villa était occupée par un actionnaire de la société intimée, rien ne permet de soutenir que l'occupant en question "utilise une partie de cette villa aux fins d'y exercer des activités professionnelles" au sens de l'art. 19 al. 3 LaLAT, en mettant sa rampe d'accès et son "pool house" à disposition des clients de l'hôtel. Cela supposerait au moins que les constructions en cause soient d'une manière ou d'une autre liées à la villa, ce qui n'est pas le cas. En définitive, le projet autorisé est totalement étranger à l'affectation résidentielle de la zone, de sorte que c'est à bon droit que le recourant se plaint d'une application arbitraire de l'art. 19 al. 3 LaLAT et d'une violation de l'art. 22 al. 2 let. a LAT. Le recours doit donc être admis sur ce point. 
 
3.3 Dans la mesure où le "pool house" et la rampe d'accès ne pouvaient pas être autorisés dans la zone résidentielle, les questions de leur utilisation et des nuisances qui pourraient en résulter n'ont pas à être traitées. Au demeurant, le fait que la société intimée se soit engagée à faire cesser les activités nautiques offertes à la clientèle de l'hôtel sur ce site et à ne pas y développer d'autre activité commerciale ne change rien à la non-conformité des constructions litigieuses, qui restent incompatibles avec le caractère résidentiel de la zone. 
 
4. 
Il s'ensuit que le recours doit être admis et l'arrêt attaqué annulé. Sont également annulées l'autorisation de construire délivrée le 22 janvier 2009 et la décision rendue le 30 novembre 2009 par la Commission cantonale de recours en matière administrative. La société intimée, qui succombe, doit supporter les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF). Elle versera en outre une indemnité à titre de dépens au recourant, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 1 et 2 LTF). La cause est renvoyée à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre administrative, pour nouvelle décision sur le sort des frais et dépens de la procédure cantonale dans son ensemble (art. 67 et 68 al. 5 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé, de même que l'autorisation de construire délivrée le 22 janvier 2009 par le Département des constructions et des technologies de l'information du canton de Genève et la décision rendue le 30 novembre 2009 par la Commission cantonale de recours en matière administrative. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée. 
 
3. 
Une indemnité de 3'000 fr. est allouée au recourant à titre de dépens, à la charge de l'intimée. 
 
4. 
La cause est renvoyée à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre administrative, pour nouvelle décision sur le sort des frais et dépens de la procédure cantonale dans son ensemble. 
 
5. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Département des constructions et des technologies de l'information et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre administrative, ainsi qu'à l'Office fédéral de l'environnement, Division Droit. 
 
Lausanne, le 31 mai 2011 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: Le Greffier: 
 
Fonjallaz Rittener