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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
5C.116/2003 /frs 
 
Séance du 5 février 2004 
IIe Cour civile 
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges Raselli, Président, 
Nordmann, Escher, Hohl et Gardaz, Juge suppléant. 
Greffier: M. Braconi. 
 
Parties 
X.________, 
défendeur et recourant, représenté par Me Gérard L'Héritier, avocat, 
 
contre 
 
Z.________, 
demandeur et intimé. 
 
Objet 
action en restitution d'un legs (prescription), 
 
recours en réforme contre le jugement de la Ie Cour 
civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel du 
17 avril 2003. 
 
Faits: 
 
A. 
A.________ est décédée le 9 mai 1998, laissant pour héritiers légaux ses trois enfants: B.________, C.________ et D.________. Elle a rédigé plusieurs testaments: par testament du 11 octobre 1996, elle a, notamment, «donn[é] Fr. 150'000.- à X.________ (dette morale)»; par testament du 16 novembre 1997, elle a révoqué toutes dispositions antérieures et n'a pas réitéré ce legs. Les héritiers ont eu connaissance de ces deux actes le 10 juin 1998, puis en ont reçu communication écrite. 
 
Le 20 octobre 1998, l'UBS a versé 150'000 fr. à X.________ pour le compte de la succession de feue A.________; les héritiers en ont été avisés par l'exécuteur testamentaire le 24 mars 1999. Par la suite, divers testaments et codicilles, postérieurs aux dispositions pour cause de mort susmentionnées, ont été découverts; par testaments des 26 novembre 1997 et 17 janvier 1998, A.________ déclarait à nouveau annuler toutes dispositions antérieures, sans renouveler non plus le legs attribué à X.________. Ces dernières dispositions pour cause de mort ont été envoyées aux héritiers le 10 mai 2000 par le Greffe du Tribunal du district de Neuchâtel. 
 
B. 
Par demande du 27 décembre 2000, Z.________, agissant en qualité de représentant officiel de la communauté héréditaire de A.________, a ouvert contre X.________ une action en restitution de la somme de 150'000 fr., plus intérêts à 5% l'an dès le 6 avril 2000. Le défendeur a excipé de la prescription. 
 
Statuant sur ce «moyen préjudiciel» le 17 avril 2003, la Ire Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel a dit que l'action n'était pas prescrite. 
 
C. 
Le défendeur exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral contre cette décision, concluant au rejet de la demande au fond. 
 
Le demandeur propose le rejet du recours. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 130 III 76 consid. 3.2.2 p. 81; 129 II 453 consid. 2 p. 456 et les arrêts cités). 
 
1.1 Le jugement entrepris constitue une décision préjudicielle au sens de l'art. 50 OJ (ATF 118 II 447 consid. 1a p. 449/450 et les références citées), dont les exigences sont réalisées en l'espèce (ATF 127 III 433 consid. 1c/aa p. 436 et les citations). 
 
1.2 Déposé à temps contre une décision rendue en dernière instance par l'autorité suprême du canton dans une contestation civile de nature pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint 8'000 fr., le recours est aussi recevable du chef des art. 46, 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ. 
 
1.3 En instance de réforme, le Tribunal fédéral fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils ont été constatés par la dernière autorité cantonale, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il n'y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il ne faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce qu'elle n'a pas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et prouvés (art. 64 al. 1 OJ); en dehors de ces exceptions, il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). 
 
Dans la mesure où le recourant présente un état de fait s'écartant de celui qui ressort du jugement attaqué, sans se prévaloir avec précision de l'une des hypothèses mentionnées ci-dessus, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 127 III 248 consid. 2c p. 252); tel est le cas lorsqu'il invoque la lettre, du 17 mai 1998, de D.________ à sa soeur C.________, ou affirme que le legs de 200'000 fr. en faveur de B.________ n'a jamais été délivré en espèces, mais imputé sur une créance. 
 
2. 
La seule question litigieuse en l'espèce est la prescription de l'action en restitution du legs introduite par le représentant de la communauté héréditaire contre le recourant. La juridiction cantonale a considéré que le délai de prescription a couru dès la communication aux héritiers, le 10 mai 2000, des derniers testaments de la défunte; le recourant fait valoir, au contraire, que ce délai a débuté dès la communication des premiers testaments, le 10 juin 1998. 
 
2.1 Pour résoudre ce point, il faut déterminer préalablement la nature de l'action; sont décisifs, à cet égard, le contenu des conclusions et le fondement allégué (ATF 117 II 26 consid. 2a p. 28 et la jurisprudence citée). En l'occurrence, l'intimé a conclu, en qualité de représentant de la communauté héréditaire (cf. art. 602 al. 3 CC), à ce que le recourant soit condamné à restituer la somme que l'exécuteur testamentaire lui a versée par suite d'une incapacité de discernement (maladie mentale), subsidiairement d'une erreur; aussi bien, a-t-il fait appel aux règles sur l'enrichissement illégitime (art. 62 ss CO). L'autorité précédente s'est demandé si l'action ne devrait pas plutôt être qualifiée de pétition d'hérédité; elle a réservé son avis, car les deux actions qui entrent en ligne de compte sont soumises ici à des conditions identiques (art. 67 al. 1 CO et 600 al. 1 CC). 
 
A teneur de l'art. 598 al. 1 CC, l'action en pétition d'hérédité appartient à quiconque se croit autorisé à faire valoir, comme héritier légal ou institué, sur une succession ou sur des droits qui en dépendent, des droits préférables à ceux du possesseur. Dans le cas présent, l'intimé n'a pas réclamé, en se prévalant de sa vocation héréditaire (ATF 91 II 327 consid. 3 p. 331/332), la réintégration dans la masse successorale d'un bien qui était en possession du recourant lors de l'ouverture de la succession, mais la restitution d'une somme qui se trouvait déjà dans la succession, et que l'exécuteur testamentaire - lequel «possède» la succession (ATF 86 II 355 consid. 3 p. 359) - a versée à tort; dans ces conditions, l'action en pétition d'hérédité n'est pas donnée (cf. Somm, Die Erbschaftsklage des Schweizerischen Zivilgesetzbuches, th. Bâle 1993, p. 28/29). En revanche, l'action en enrichissement illégitime est ouverte (art. 62 al. 2 CO); l'attribution est dépourvue de cause, car elle a été effectuée sur la base d'une disposition pour cause de mort que la testatrice a révoquée ultérieurement (condictio ob causam finitam; cf., pour la restitution d'acomptes, après réduction d'un legs: ATF 71 II 147 consid. 6 p. 153). 
 
2.2 En vertu de l'art. 67 al. 1 CO, l'action pour cause d'enrichissement illégitime se prescrit par un an à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance de son droit de répétition, et, dans tous les cas, par dix ans dès la naissance de ce droit. Selon la jurisprudence, ce délai court du jour où l'appauvri a connu à la fois la perte subie et l'enrichi, autant qu'il connaît l'existence, la nature et les éléments du dommage propres à fonder et à motiver une demande en justice (ATF 127 III 421 consid. 4b p. 427; 109 II 433 consid. 2 p. 435 et les citations); lorsque les lésés appartiennent à une communauté héréditaire, il ne court que dès le moment où tous les membres de l'hoirie ont connaissance de leur droit de répétition (ATF 49 II 38 consid. 2 p. 40). 
2.2.1 En l'espèce, il ressort des constatations de l'autorité cantonale que les héritiers ont eu connaissance, le 10 juin 1998, du testament du 11 octobre 1996, qui gratifiait le recourant d'un legs de 150'000 fr., et du testament du 16 novembre 1997, qui annulait expressément «toute disposition antérieure», partant aussi l'attribution litigieuse; par la lettre de l'exécuteur testamentaire du 24 mars 1999, ils ont eu connaissance (ou confirmation) de la délivrance des legs, dont celui du recourant. Il s'ensuit que, à ce moment au plus tard, tous les membres de l'hoirie connaissaient les éléments pouvant motiver leur droit de répétition: ils savaient, d'une part, que la disposition instituant le legs en faveur du recourant avait été révoquée et, d'autre part, que cette libéralité avait été néanmoins exécutée. Il subsistait, certes, une incertitude quant au statut successoral de la fille de la défunte, mais il n'y en avait aucune au sujet du legs litigieux; contrairement à l'avis de la cour cantonale, les testaments apparus par la suite n'ont en rien modifié la situation à ce propos. Ainsi, le délai de prescription a couru dès fin mars 1999 au plus tard, et il était échu lorsque, le 27 décembre 2000, l'action a été introduite; il l'était déjà lorsque, par lettre du 4 avril 2000, le recourant a accepté de renoncer à la prescription dans la mesure où elle n'était pas encore acquise. 
2.2.2 Il reste à examiner si, nonobstant la connaissance de leur droit de répétition, les héritiers pouvaient se voir opposer la prescription tant que l'exécuteur testamentaire demeurait en fonction, et avant que le représentant officiel de l'hoirie ne soit nommé, mesure qui n'a été prise que le 21 novembre 2000. En effet, l'exécuteur testamentaire est seul habilité à intenter des actions en paiement ou en constatation de droit et, en principe, à résister à de pareilles actions concernant les biens successoraux; il devient partie, à titre exclusif, à la place de celui qui est, sur le fond, le sujet actif ou passif du rapport de droit contesté, le droit correspondant des héritiers leur étant ainsi retiré (ATF 116 II 131 consid. 3b p. 134 et les citations). On peut dès lors se demander si la prescription n'a pas été suspendue en vertu de l'art. 134 ch. 6 CO, aux termes duquel la prescription ne court point tant qu'il est impossible de faire valoir la créance devant un tribunal suisse (sur la portée de cette disposition: ATF 90 II 428 consid. 6-9 p. 435 ss). 
Cette norme, fût-elle par ailleurs applicable (cf. Spiro, Die Begrenzung privater Rechte durch Verjährungs-, Verwirkungs- und Fatalfristen, vol. I, § 72, p. 159), ne serait toutefois d'aucun secours à l'intimé. En effet, l'art. 134 ch. 6 CO n'intervient que lorsque l'empêchement est imputable à des circonstances objectives, que le créancier ne pouvait pas écarter (ATF 88 II 283 consid. 3c p. 291; cf. Spiro, loc. cit.; ATF 124 III 449 consid. 4b/bb p. 455). Or, les héritiers avaient la possibilité de saisir l'autorité de surveillance (art. 518 al. 1 CC, en relation avec l'art. 595 al. 3 CC) pour qu'elle invite l'exécuteur testamentaire (par hypothèse rénitent) à agir en restitution du legs, voire pour qu'elle le destitue et le remplace par une autre personne, chargée de procéder judiciairement à cette fin. Il n'est pas établi, ni même allégué, que de telles démarches auraient été entreprises. 
 
3. 
En conclusion, le moyen tiré de la prescription doit être accueilli, ce qui entraîne le rejet de l'action (ATF 118 II 447 consid. 1b/bb p. 450). 
 
Les frais et dépens de la procédure fédérale sont mis à la charge de l'intimé, qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). Il appartiendra à la juridiction cantonale de statuer à nouveau sur la répartition des frais et dépens de la procédure cantonale. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable, le jugement attaqué est annulé et l'action est rejetée. 
 
2. 
Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge de l'intimé. 
 
3. 
L'intimé versera au recourant une indemnité de 5'000 fr. à titre de dépens. 
 
4. 
La cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale. 
 
5. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Ie Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. 
Lausanne, le 5 février 2004 
Au nom de la IIe Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: Le Greffier: