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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1P.583/2003 /col 
 
Arrêt du 28 octobre 2003 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal fédéral, Reeb et Fonjallaz. 
Greffier: M. Kurz. 
 
Parties 
M.________, 
recourant, représenté par Me Thierry de Haller, avocat, rue Saint-Pierre 2, case postale 2673, 1002 Lausanne, 
 
contre 
 
Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois, quai Maria-Belgia 18, case postale, 
1800 Vevey, 
Procureur général du canton de Vaud, 
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne, 
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du Signal 8, 1014 Lausanne. 
 
Objet 
détention préventive, 
 
recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 
27 août 2003. 
 
Faits: 
A. 
M.________, ressortissant français né en 1977, a été arrêté à Frauenfeld et se trouve en détention préventive dans le canton de Vaud depuis le 9 mai 2003, sous l'inculpation d'escroquerie, faux dans les titres et mise en circulation de fausse monnaie. Il lui est reproché d'avoir réglé plusieurs notes d'hôtels en Suisse avec des chèques de 2000 USD n'ayant plus cours, de s'être légitimé avec un passeport diplomatique au nom d'un tiers, et d'avoir écoulé des faux billets de 100 USD. 
Le 15 mai 2003, le Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois a rejeté une demande de mise en liberté, en raison des besoins de l'instruction, des risques de récidive et de fuite. Par arrêt du 6 juin 2003, le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois a confirmé cette décision, en retenant notamment, à propos du risque de fuite, que l'intéressé était né en Kabylie, porteur d'un passeport français, étudiant en Angleterre et sans aucune attache avec la Suisse. Poursuivi en France pour des délits similaires, il avait été remis en liberté à fin janvier 2003 sous caution et s'était soustrait au contrôle judiciaire. 
La mise en liberté a été refusée par la suite les 18 juin, 7 juillet et 15 août 2003, cette dernière décision ayant été confirmée le 27 août 2003 par le Tribunal d'accusation. A cette occasion, les besoins de l'instruction et le risque de fuite ont été réaffirmés; l'existence d'un mandat d'arrêt extraditionnel, à la demande de la France, n'excluait pas le risque de fuite. Le principe de la proportionnalité était respecté. 
B. 
Agissant le 2 octobre 2003 par son avocat, M.________ forme un recours de droit public contre ce dernier arrêt. Il en demande l'annulation, ainsi que sa mise en liberté immédiate. Il a également déposé personnellement un recours daté du 3 octobre 2003. 
Le Tribunal d'accusation se réfère aux considérants de son arrêt. Le Ministère public conclut au rejet du recours. 
Le recourant a répliqué, personnellement et par son avocat. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le recours de droit public est formé contre un arrêt rendu en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ). Le recourant, personnellement touché par l'arrêt attaqué qui refuse sa mise en liberté provisoire, a qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ
1.1 Le recours de droit public exige aussi un intérêt actuel et pratique à ce que la décision soit annulée (art. 88 OJ; ATF 116 II 729 consid. 6, 116 Ia 150 consid. 2a, 114 Ia 90/91 consid. 5b, et les arrêts cités). Même si le recourant fait l'objet d'un mandat d'arrêt extraditionnel, ce dernier n'est pas exécutoire tant que dure la détention préventive (art. 49 al. 2 de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale - EIMP, RS 351.1). Le recourant se trouve donc actuellement détenu pour les seuls besoins de l'instruction pénale, et il dispose d'un intérêt à ce qu'il soit statué sur la validité de ce titre de détention. 
1.2 Par exception à la nature cassatoire du recours de droit public, le recourant peut conclure à sa mise en liberté immédiate (ATF 124 I 327 consid. 4b/aa p. 333). 
1.3 Conformément à l'art. 90 al. 1 let. b OJ, le recourant doit indiquer quels sont les droits ou principes constitutionnels prétendument violés par la décision attaquée, et préciser en quoi consiste la violation. Ces indications font défaut dans le mémoire complétif rédigé par le recourant le 3 octobre 2003 (au demeurant tardif car mis à la poste le 6 octobre suivant) et dans la réplique datée du 16 octobre 2003. Le recourant s'y réfère à un mémoire adressé à la cour cantonale (procédé inadmissible dans le cadre du recours de droit public), fait référence à la détention extraditionnelle qui n'est pas l'objet de la présente cause, et met en doute les rapports de police dont les auteurs ont fait l'objet de dénonciations de la part du recourant, sans se plaindre d'une quelconque violation du droit constitutionnel. Les arguments soulevés dans ces écritures sont pour l'essentiel irrecevables. Elles n'apportent rien, pour le surplus, aux écritures produites par l'avocat du recourant. 
2. 
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle, garantie par l'art. 10 al. 2 Cst. et par l'art. 5 CEDH, que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 59 du code de procédure pénale vaudois (CPP/VD). Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (cf. art. 59 ch. 1, 2 et 3 CPP/VD). La gravité de l'infraction - et l'importance de la peine encourue - n'est, à elle seule, pas suffisante (ATF 117 Ia 70 consid. 4a). Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes (art. 5 par. 1 let. c CEDH; ATF 116 Ia 144 consid. 3). S'agissant d'une restriction grave à la liberté personnelle, le Tribunal fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de l'appréciation des preuves, revue sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 123 I 268 consid. 2d p. 271). L'autorité cantonale dispose ainsi d'une grande liberté dans l'appréciation des faits (ATF 114 Ia 283 consid. 3, 112 Ia 162 consid. 3b). 
3. 
Le recourant conteste l'existence de charges suffisantes. S'agissant de la remise des chèques, il relève que le défaut de paiement serait dû à "des raisons techniques tenant à la reprise par une autre banque de la succursale émettrice". Les hôtels concernés auraient été désintéres-sés dès que le problème était apparu. Le passeport diplomatique avait été remis par la République de Guinée-Bissau; ni sa détention, ni son usage ne seraient illégaux. S'agissant de l'écoulement des faux billets de 100 USD, l'accusation mentionne, outre le cas d'une station-service de Lausanne (3 coupures, que le recourant admet avoir remises, mais en ignorant qu'il s'agissait de faux), quatre cas à Genève en janvier 2002 (45 coupures en tout) et un cas dans un hôtel de Nyon (20 coupures) en décembre 2001. Pour les cas de Genève et Nyon, le recourant avait invoqué un alibi, qu'un simple contrôle, notamment des fiches d'hôtel, aurait permis de vérifier. 
Le recourant se livre à une argumentation à décharge, en confondant manifestement les conditions de maintien en détention préventive, soit l'existence d'indices suffisants de culpabilité, et les conditions aux-quelles une condamnation peut être prononcée, soit l'absence de doutes sérieux quant à la culpabilité de l'accusé. La remise de chèques sans valeur a eu lieu aux mois de mars et avril 2003. Le recourant s'était légitimé avec un passeport indiquant une fausse identité, ce qui peut conforter les soupçons d'escroquerie et de filouterie d'auberge. Le fait d'avoir par la suite désintéressé les établissements n'enlève rien à ces soupçons. S'agissant des fausses coupures, la proximité des lieux, des dates, ainsi que l'identité de fabrication des billets constituent également des indices suffisants à ce stade. Le recourant conteste en particulier l'épisode de l'hôtel à Nyon, mais il paraît avoir été reconnu par les employés de cet établissement. L'information suivie en France pour des délits similaires vient encore renforcer ces soupçons qui, au stade de la détention préventive, apparaissent suffisants. 
4. 
Le recourant conteste ensuite le risque de fuite, notamment en raison du mandat d'arrêt extraditionnel. En outre, il prétend vouloir rester en Suisse pour se défendre et se disculper, l'instruction n'ayant, selon lui, été menée qu'à charge. 
4.1 Selon la jurisprudence, le risque de fuite ne peut s'apprécier sur la seule base de la gravité de l'infraction même si, compte tenu de l'ensemble des circonstances, la perspective d'une longue peine privative de liberté permet souvent d'en présumer l'existence (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62); il doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'Etat qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger (ATF 117 Ia 69 consid. 4 et les arrêts cités). 
4.2 Comme le retient l'arrêt attaqué, le recourant est né en Kabylie et titulaire d'un passeport français. Il étudie en Angleterre et ne s'est manifestement rendu en Suisse qu'à l'occasion de voyages, sans disposer dans ce pays d'aucune attache. Ce sont là autant d'éléments suffisants pour affirmer l'existence d'un risque concret de fuite. Au regard de l'enquête menée en Suisse et de la requête d'extradition qui y est également pendante, la volonté prétendue de rester en Suisse pour se défendre n'apparaît guère crédible. Le mandat d'arrêt en vue d'extradition est sans pertinence du point de vue du risque de fuite car, comme cela est relevé ci-dessus, les effets de ce mandat sont actuellement suspendus, chaque titre de détention devant être examiné pour lui-même. Sur ce point également, l'arrêt attaqué n'apparaît guère critiquable. 
5. 
Le recourant soutient enfin que la durée de la détention préventive, de trois mois et demi au moment de l'arrêt attaqué, serait disproportionnée au regard des faits reprochés d'une part, et de la conduite de l'instruction d'autre part. 
5.1 En vertu des art. 31 al. 3 Cst. et 5 par. 3 CEDH, le prévenu doit être libéré lorsque la durée de son incarcération se rapproche de la peine privative de liberté qui sera éventuellement prononcée. Cette dernière doit être évaluée avec la plus grande prudence, car il faut éviter que le juge du fond ne soit incité à prononcer une peine excessive pour la faire coïncider avec la détention préventive à imputer (ATF 126 I 172 consid. 5a p. 176/177). Par ailleurs, l'incarcération est disproportionnée en cas de retard injustifié dans le cours de la procédure pénale (ATF 128 I 149 consid. 2.2 p. 151, 125 I 60 consid. 3d p. 64, 124 I 208 consid. 6 p. 215 et les arrêts cités). 
5.2 En l'occurrence, le recourant se fonde sur sa propre qualification des faits qui lui sont reprochés, soit des délits non intentionnels. Tel n'est toutefois pas, en l'état, le sens des charges retenues contre lui, soit notamment des escroqueries et mises en circulation de fausse monnaie portant sur des sommes importantes. Par ailleurs, en dehors de certaines vérifications qui n'auraient pas été effectuées, le recourant ne reproche pas au juge d'instruction une inaction inadmissible. La lecture du dossier ne fait ressortir aucun retard particulier dans l'instruction pénale. Le grief doit par conséquent être écarté. 
6. 
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable. Le recourant a demandé l'assistance judiciaire, mais ses déclarations figurant au dossier font toutefois état d'une situation financière favorable, ce qui conduit au rejet de la demande. Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, un émolument judiciaire est mis à la charge du recourant. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
2. 
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
3. 
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge du recourant. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois, au Procureur général et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
Lausanne, le 28 octobre 2003 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: