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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1P.479/2003/col 
 
Arrêt du 11 septembre 2003 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal fédéral, Nay, Vice-président du Tribunal fédéral, et Fonjallaz. 
Greffier: M. Parmelin. 
 
Parties 
A.________, 
recourant, représenté par Me Claude Brügger, avocat, Grand-Rue 12, 2710 Tavannes, 
 
contre 
 
Juge d'instruction du canton du Jura, 
Le Château, 2900 Porrentruy, 
Procureur général du canton du Jura, 
Le Château, case postale 9, 2900 Porrentruy, 
Chambre d'accusation du Tribunal cantonal du canton du Jura, Le Château, 2900 Porrentruy. 
 
Objet 
demande de mise en liberté provisoire, 
 
recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre d'accusation du Tribunal cantonal du canton du Jura 
du 28 juillet 2003. 
 
Faits: 
A. 
A.________, ressortissant yougoslave né le 13 novembre 1977, a été arrêté le 20 décembre 2002 et placé en détention préventive comme prévenu de brigandage, éventuellement de complicité de brigandage. Il est soupçonné d'avoir participé à la préparation, puis à la réalisation d'un brigandage commis le 28 novembre 2002 au Casino du Jura, à Courrendlin. Il a reconnu avoir amené les auteurs du brigandage en voiture sur les lieux du crime, fait le guet, apporté les menottes ayant servi à ligoter le croupier et déplacé la voiture de ce dernier sur le parking du casino, avant de retourner dans l'appartement de son amie, B.________, pour procéder au partage du butin. 
Par ordonnance du 25 juin 2003, A.________ a été inculpé de vol et dommages à la propriété pour avoir forcé la porte d'entrée du magasin "Vis-à-Vis", à Corban, dans la nuit du 10 au 11 juillet 2002, et avoir dérobé de l'argent et des marchandises pour une valeur de 10'892 fr. Il a nié toute implication dans cette infraction, expliquant la présence d'une empreinte de son pouce sur la porte d'entrée par le fait qu'il s'était rendu la veille dans ce magasin pour en ressortir aussitôt afin de répondre à un appel téléphonique reçu sur son portable. 
A.________ est enfin également mis en cause pour avoir aidé deux détenus à s'évader de la prison de Porrentruy, contre rémunération, les 24 mai et 20 août 2003. 
B. 
Par ordonnance du 11 juillet 2003, la Juge d'instruction en charge du dossier a rejeté une requête de mise en liberté provisoire du prévenu en raison d'un danger de fuite; elle a transmis le dossier de la cause pour décision à la Chambre d'accusation du Tribunal cantonal du canton du Jura (ci-après: la Chambre d'accusation ou la cour cantonale). Au terme d'un arrêt rendu le 28 juillet 2003, cette autorité a rejeté la demande de mise en liberté provisoire. Elle a considéré qu'il existait des charges suffisantes à l'encontre du requérant concernant sa participation au brigandage de Courrendlin et au cambriolage de Corban. Elle a tenu pour établi le risque de fuite et estimé que le versement d'une caution de 10'000 fr. ne suffisait pas pour pallier ce risque. Elle a par ailleurs exclu toute inégalité de traitement par rapport à B.________. Elle a enfin considéré que la détention subie à ce jour était largement inférieure à la peine qui pourrait être prononcée et que le principe de la proportionnalité était respecté. 
C. 
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et d'ordonner sa libération immédiate. Il se plaint d'une inégalité de traitement par rapport à deux autres coïnculpés qui ont été libérés moyennant le versement d'une caution. Il conteste la présence d'indices suffisants pour étayer un risque concret de fuite. Il prétend que des mesures plus douces que la détention préventive permettraient de pallier ce risque et tient le refus de le libérer pour disproportionné. Il requiert l'assistance judiciaire. 
La Chambre d'accusation et le Procureur général du canton du Jura concluent au rejet du recours. La Juge d'instruction n'a pas déposé d'observations. 
A.________ a répliqué. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le recourant est personnellement touché par l'arrêt attaqué, qui confirme une décision refusant sa mise en liberté provisoire; il a un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cet arrêt soit annulé et a, partant, qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ. Formé en temps utile contre une décision prise en dernière instance cantonale, le recours répond aux exigences des art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ, de sorte qu'il convient d'entrer en matière. La conclusion du recourant tendant à ce que le Tribunal fédéral ordonne sa libération immédiate est par ailleurs recevable (ATF 124 I 327 consid. 4b/aa p. 333). 
2. 
Une mesure de détention préventive est compatible avec la liberté personnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, pour autant qu'elle repose sur une base légale, qu'elle réponde à un intérêt public et qu'elle respecte le principe de la proportionnalité (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). S'agissant d'une restriction grave à la liberté personnelle, le Tribunal fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de l'appréciation des preuves, revue sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 123 I 268 consid. 2d p. 271). 
A teneur de l'art. 146 al. 1 du Code de procédure pénale jurassien (CPP jur.), le prévenu est mis en liberté provisoire par décision motivée du juge d'instruction dès que la cause de l'arrestation ou de son maintien vient à cesser. L'art. 129 al. 2 CPP jur. dispose à cet égard que le juge d'instruction peut arrêter tout prévenu contre lequel il existe des présomptions graves et précises de culpabilité, si les circonstances font craindre qu'il n'abuse de sa liberté pour prendre la fuite, ou pour compromettre le résultat de l'instruction, ou pour poursuivre son activité délictueuse. Enfin, conformément à l'art. 130 CPP jur., si le but de l'arrestation peut être atteint par une mesure moins accusée, telle que le blocage des papiers d'identité, l'obligation de se présenter personnellement et régulièrement à un office déterminé, l'interdiction de s'éloigner d'un endroit fixé, il y a lieu d'ordonner pareille mesure; celle-ci peut être liée à la fourniture de sûretés conformément aux art. 148 à 152 CPP jur. 
3. 
Le recourant ne conteste pas l'existence de charges suffisantes à son encontre en relation avec le cambriolage de Courrendlin. Il prétend en revanche que le risque de fuite ne serait pas réalisé et qu'il pourrait, le cas échéant, être pallié par des mesures moins contraignantes, telles que le contrôle régulier, la saisie de son passeport ou l'obligation de se présenter régulièrement à un office. 
3.1 Selon la jurisprudence, un danger de fuite ne doit pas s'apprécier sur la seule base de la gravité de l'infraction même si la perspective d'une longue peine privative de liberté permet souvent d'en présumer l'existence (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62 et les arrêts cités); il doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères, tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses liens familiaux, sa situation financière, ses ressources économiques, ses liens avec l'Etat qui le poursuit et ses contacts avec l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable (ATF 117 Ia 69 consid. 4 p. 70 et les arrêts cités). Par ailleurs, le prévenu a le droit d'être libéré s'il lui est possible de fournir des sûretés propres à garantir sa présence aux débats et, s'il y a lieu, sa soumission au jugement, lorsque l'incarcération n'a plus d'autre justification que le danger de fuite (art. 148 à 152 CPP jur.; voir aussi, ATF 105 Ia 186 consid. 4a p. 187). De même, le prévenu peut être astreint à se présenter régulièrement à un office déterminé, à déposer ses papiers d'identité ou à se soumettre à d'autres obligations propres à écarter le risque de fuite, telles que l'assignation à résidence ou l'interdiction de quitter le territoire ou un certain rayon local (art. 130 et 148 al. 2 CPP jur.; ATF 51 I 388 consid. 2 p. 392). 
3.2 En l'occurrence, le recourant est inculpé de brigandage, éventuellement de complicité de brigandage, en relation avec le vol commis au Casino du Jura, à Courrendlin, le 28 novembre 2002, au cours duquel le croupier a été blessé par balles; la cour cantonale pouvait à juste titre soupçonner A.________ d'avoir joué un rôle plus important que celui d'un simple complice en mettant l'appartement de son amie à disposition des participants au brigandage pour les préparatifs de l'infraction et le partage du butin, en conduisant les auteurs du brigandage sur les lieux du crime, en leur amenant les menottes qui ont servi à entraver le croupier, puis en prenant une part active au partage du butin. Le recourant est également inculpé de vol et de dommages à la propriété en relation avec le cambriolage du magasin "Vis-à-Vis" de Corban. Il conteste certes toute implication dans cette infraction, alors même qu'une empreinte de son pouce a été retrouvée sur la porte d'entrée du magasin. Il appartiendra au juge du fond de se déterminer sur la crédibilité des raisons avancées pour expliquer la présence de cette empreinte. A ce stade de la procédure, le juge de la détention pouvait admettre l'existence de charges suffisantes contre le recourant en relation avec ce cambriolage et en tenir compte dans l'appréciation du risque de fuite. Si A.________ devait être reconnu coupable des infractions qui lui sont actuellement reprochées, sans égard à une éventuelle implication dans l'évasion de deux codétenus, il s'exposerait à une peine ferme de réclusion supérieure à cinq ans (art. 140 ch. 4, 139 ch. 1 et 144 ch. 1 CP). Le risque que le recourant veuille échapper à une possible condamnation pénale par la fuite est donc relativement élevé. 
Sur le plan personnel, A.________ est arrivé en Suisse à fin mai 1992 pour rejoindre ses parents, qu'il soutient financièrement avec ses frères. Après un apprentissage de quatre ans en qualité de mécanicien sur autos à Tavannes, il a travaillé au sein de l'entreprise C.________ en qualité d'opérateur sur machines jusqu'au 31 août 2002; il exploite actuellement un garage à son compte avec ses deux frères. Il suivait des cours en vue d'obtenir le brevet fédéral en automobiles lorsqu'il a été arrêté et placé en détention, cours qu'il envisage d'achever à sa libération. Enfin, il entretient une relation amoureuse depuis sept ans avec B.________, prévenue dans la même procédure. A.________ peut donc se prévaloir de solides attaches avec la Suisse. Il ne conteste toutefois pas entretenir des contacts réguliers avec des ressortissants de son pays d'origine et participer financièrement à la construction d'une maison que sa famille édifie au Kosovo, où il s'est rendu en novembre 2002. Par ailleurs, sa situation financière n'est pas saine, puisqu'il a des dettes pour environ 30'000 fr. et qu'il fait l'objet d'actes de défaut de biens pour un montant analogue. Enfin, selon les constatations de fait non contestées retenues dans l'arrêt attaqué, sa relation sentimentale avec B.________ ne semble plus très solide. Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, la Chambre d'accusation a considéré à juste titre que les conséquences et les risques d'une fuite apparaîtront moins graves aux yeux du prévenu que son maintien en détention. 
Par ailleurs, vu la peine privative de liberté de longue durée à laquelle s'expose le recourant, la saisie de son passeport ou sa présentation régulière à un office ne constituent pas des mesures adéquates pour garantir qu'il ne profitera pas de sa mise en liberté provisoire pour quitter la Suisse. Il en va de même de la caution offerte de 10'000 fr. (cf. arrêt 1P.204/2000 du 19 avril 2000, consid. 3c; Sylva Fisnar, Ersatzanordnungen für Untersuchungshaft und Sicherheitshaft im zürcherischen Strafprozessrecht, thèse Zurich 1997, p. 58/59). Pour le surplus, il n'appartient pas au Tribunal fédéral d'examiner, en première instance, si le versement d'une somme plus élevée à titre de caution suffirait à pallier le risque de fuite découlant des circonstances précitées, comme le suggère le recourant. Enfin, la détention préventive n'est pas non plus disproportionnée sous l'angle de sa durée, pour autant que ce grief ait été valablement invoqué en ce sens, au regard des exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 129 I 185 consid. 1.6 p. 189 et les arrêts cités). 
4. 
Le recourant reproche à la Chambre d'accusation d'avoir fait preuve d'arbitraire en le maintenant en détention préventive, alors que D.________ et E.________, également prévenus de complicité de brigandage dans le cadre de l'affaire du Casino du Jura, ont été libérés. Il ne s'est toutefois plaint, devant la cour cantonale, d'une inégalité de traitement qu'en rapport avec son amie, B.________. Il s'agit ainsi d'une argumentation nouvelle, irrecevable dans le cadre d'un recours de droit public soumis à l'exigence de l'épuisement préalable des instances cantonales posée à l'art. 86 al. 1 OJ (ATF 118 Ia 110 consid. 3 p. 111; 118 III 37 consid. 2a; 116 Ia 73 consid. 1b p. 74; 114 Ia 204 consid. 1a p. 205). Même si l'on voulait entrer en matière sur ce point, le recours devrait être rejeté. Le recourant pourrait avoir participé au brigandage du Casino du Jura non pas comme complice, mais comme coauteur. Il est également inculpé de vols et de dommages à la propriété en relation avec le cambriolage de Corban, de sorte que sa situation se présente différemment du point de la vue de la gravité des infractions qui lui sont reprochées et de la peine à laquelle il s'expose. L'appréciation du risque de fuite dépend aussi d'un examen de la situation personnelle qui varie inévitablement selon chaque prévenu et qui rend toute comparaison problématique. Enfin, à supposer que les deux coïnculpés auxquels le recourant se réfère aient été remis en liberté à tort, celui-ci ne pourrait s'en prévaloir, car la loi a été correctement appliquée à son cas (cf. ATF 125 II 152 consid. 5 p. 166; 124 IV 44 consid. 2c p. 47). 
5. 
Le recours doit par conséquent être rejeté, dans la mesure où il est recevable. Les conditions de l'art. 152 al. 1 OJ étant réunies, il convient de faire droit à la demande d'assistance judiciaire présentée par le recourant et de statuer sans frais. Me Claude Brügger est désigné comme avocat d'office pour la présente procédure et une indemnité lui sera versée à titre d'honoraires, à la charge de la caisse du Tribunal fédéral (art. 152 al. 2 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
2. 
Le recourant est mis au bénéfice de l'assistance judiciaire. Me Claude Brügger est désigné comme avocat d'office et une indemnité de 1'000 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la Caisse du Tribunal fédéral. 
3. 
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, ainsi qu'au Juge d'instruction, au Procureur général et à la Chambre d'accusation du Tribunal cantonal du canton du Jura. 
Lausanne, le 11 septembre 2003 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: