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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
9C_214/2017  
 
 
Arrêt du 2 février 2018  
 
IIe Cour de droit social  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux Pfiffner, Présidente, Parrino et Moser-Szeless. 
Greffier : M. Bleicker. 
 
Participants à la procédure 
santésuisse, Römerstrasse 20, 4500 Soleure, représentée par Me François Boillat, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par Me Hubert Theurillat, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-maladie, 
 
recours contre les jugements du Tribunal arbitral en matière d'assurance-maladie de la République et canton du Jura du 9 février 2017 (ARB 3/2009) et du 7 décembre 2010 (Arb 3/09). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Titulaire depuis 1987 d'un diplôme de médecine de l'Académie médicale de U.________ (W.________), A.________ s'est installé le 1 er octobre 2002 à titre de médecin indépendant à V.________. Il a par ailleurs demandé à santésuisse, Les assureurs-maladie suisses (aujourd'hui: santésuisse), l'attribution d'un code au registre du code-créanciers (RCC). Par courrier du 23 juin 2003, santésuisse a informé le médecin de son refus de lui délivrer un code créancier.  
 
Après avoir obtenu le titre postgrade fédéral de médecin praticien (diplôme daté du 4 juin 2003 et remis le 7 août suivant, A.________ a, le 19 avril 2005, ouvert action contre santésuisse devant le Tribunal arbitral en matière d'assurance-maladie de la République et canton du Jura. Il a conclu à son admission à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins en qualité de médecin et, partant, à l'octroi d'un code créancier. A l'issue de la procédure, au cours de laquelle un premier jugement du Tribunal arbitral du 16 septembre 2005 a été annulé par arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 153/05 du 4 mai 2006, le Tribunal arbitral a admis le droit de A.________ à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins en sa qualité de médecin et ordonné à santésuisse de lui délivrer un code créancier (jugement du 27 octobre 2006). Celle-ci a attribué à A.________ un tel code valable dès le 1 er octobre 2002 et informé les caisses-maladie par circulaire de la reconnaissance du praticien en qualité de médecin indépendant autorisé à exercer à la charge de l'assurance obligatoire des soins.  
 
Par courrier du 27 mars 2007, A.________ a réclamé à santésuisse un montant de 2'327'929 fr. correspondant au dommage qu'il estimait avoir subi en raison de la non-délivrance de l'autorisation de pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins et du code RCC nécessaire à la pratique de la médecine à la charge de cette assurance. Après un échange de correspondances, santésuisse a, par courrier du 6 avril 2009, indiqué au médecin qu'elle refusait la réparation de tout dommage. 
 
B.  
 
B.a. Le 11 mai 2009, A.________ a saisi le Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre des assurances, d'un recours et d'une demande en dommages-intérêts à hauteur de 1'958'943 fr. plus intérêts à 5 % dès l'exigibilité, que celui-ci a transmis au Tribunal arbitral en matière d'assurance-maladie. Admettant que le litige opposant les parties relevait de sa compétence et qu'il serait réglé par la voie de l'action de droit administratif (jugement du 6 septembre 2009, le Tribunal arbitral a décidé de statuer par un jugement préalable sur le principe de la responsabilité de santésuisse (décision du 15 avril 2010). Par la suite, statuant le 7 décembre 2010, le Tribunal arbitral a admis "le principe de la responsabilité de la défenderesse s'agissant du dommage causé au demandeur par le fait de ne pas l'avoir admis à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins et de ne pas lui avoir délivré un code RCC, et ce dès la délivrance de son diplôme de médecin praticien, soit dès le 7 août 2003".  
 
B.b. Après que le recours formé contre ce jugement par santésuisse a été déclaré irrecevable par le Tribunal fédéral (arrêt 9C_54/2011 du 11 juillet 2011), le Tribunal arbitral a poursuivi la procédure notamment en requérant de A.________ la production de différents documents, en entendant son psychiatre traitant et en faisant verser à la procédure les déclarations fiscales de l'intéressé, ainsi que le dossier de l'assurance-invalidité le concernant. Le Tribunal arbitral a par ailleurs mandaté B.________ de la société C.________ SA pour une expertise, qui a été établie le 27 avril 2015, puis complétée le 19 février 2016. Il a donné l'occasion aux parties de s'exprimer une dernière fois jusqu'au 31 mai 2016, ce qu'elles ont fait par écritures datées de ce jour-là. A.________ a conclu à ce que santésuisse soit condamnée à lui verser la somme de 2'988'228 fr. 85 avec intérêts à 5 % dès le 1 er avril 2013 et 56'989 fr. 30 à titre de frais d'avocat avant l'introduction de l'instance. Santésuisse a conclu au rejet de toutes les prétentions du médecin à son égard.  
 
Par jugement du 9 février 2017, le Tribunal arbitral jurassien en matière d'assurance-maladie a condamné santésuisse à verser à A.________ les sommes de 1'303'440 fr. à titre de réparation du dommage et de 10'000 fr. à titre de tort moral, ces montants portant intérêt à 5 % dès le 1 er avril 2013, ainsi que de 21'944 fr. pour les frais d'avocat avant litispendance.  
 
C.   
Santésuisse interjette un recours en matière de droit public contre les jugements des 7 décembre 2010 et 9 février 2017. Elle en demande principalement la réformation en ce sens que la demande de A.________ soit intégralement rejetée. A titre subsidiaire, elle demande le renvoi de la cause à la juridiction arbitrale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle requiert également l'attribution de l'effet suspensif à son recours. 
 
A.________ conclut au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. L'Office fédéral de la santé publique (OFSP) a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Dans son recours en matière de droit public, santésuisse s'en prend à la fois au jugement du Tribunal arbitral jurassien du 7 décembre 2010 et à celui du 9 février 2017. La première décision, qui présente un caractère incident au sens de l'art. 93 LTF (arrêt 9C_54/2011 précité consid. 2.1), influe sur le contenu de la seconde au sens de l'al. 3 de la disposition. Elle a porté sur trois des aspects - acte illicite, dommage et lien de causalité entre le comportement illicite et le dommage - du litige concernant la prétention en responsabilité de l'intimé à l'égard de la recourante, que la juridiction de première instance a admise en se fondant sur l'art. 78 LPGA. Le dernier aspect - le montant du dommage - a été tranché par jugement du 9 février 2017. Le recours est dès lors recevable sous l'angle des deux objets attaqués (art. 90 et 93 al. 3 LTF).  
 
Il l'est également au regard de l'exigence relative à la valeur litigieuse (de 30'000 fr. au moins) en cas de contestation pécuniaire en matière de responsabilité étatique posée par l'art. 85 al. 1 let. a LTF. Les autres conditions de recevabilité du recours, qui ne prêtent pas à discussion, sont également réalisées (art. 86 al. 1 let. d et 89 LTF). 
 
1.2. Le recours en matière de droit public peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente. Eu égard toutefois à l'exigence de motivation qu'impose l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, le Tribunal fédéral n'examine d'ordinaire que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes (ATF 141 V 234 consid. 1 p. 236). Il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 143 V 19 consid. 2.3 p. 23 et les références).  
 
2.   
L'autorité arbitrale de première instance a admis la prétention en responsabilité de l'intimé en se fondant sur l'art. 78 LPGA, dont la teneur est la suivante: 
 
"1 Les corporations de droit public, les organisations fondatrices 
privées et les assureurs répondent, en leur qualité de garants de l'activité des organes d'exécution des assurances sociales, des dommages causés illicitement à un assuré ou à des tiers par leurs organes d'exécution ou par leur personnel. 
2 L'autorité compétente rend une décision sur les demandes en réparation. 
3 La responsabilité subsidiaire de la Confédération pour les institutions indépendantes de l'administration ordinaire de la Confédération est régie par l'art. 19 de la loi du 14 mars 1958 sur la responsabilité. 
4 Les dispositions de la présente loi s'appliquent à la procédure prévue aux al. 1 et 3. Il n'y a pas de procédure d'opposition. Les art. 3 à 9, 11, 12, 20, al. 1, 21 et 23 de la loi du 14 mars 1958 sur la responsabilité sont applicables par analogie. 
5 (...)." 
 
3.  
 
3.1. La procédure en responsabilité instituée par l'art. 78 LPGA suppose en principe qu'une demande soit présentée par la personne assurée ou le tiers qui a subi un dommage aux autorités compétentes, qui se prononcent ensuite par décision (art. 78 al. 2 LPGA). Il appartient aux lois spéciales de déterminer quelle autorité est compétente et pour quelle assurance (ATF 133 V 14 consid. 5 p. 17). En matière d'assurance-maladie obligatoire, la compétence de rendre une telle décision revient à l'assureur (art. 78a LAMal). Cette décision est directement sujette à recours devant le tribunal cantonal des assurances (art. 49 en relation avec l'art. 78 al. 4 LPGA).  
 
Toutefois, en vertu de l'art. 89 al. 1 LAMal, les litiges entre assureurs et fournisseurs de prestations sont jugés par un tribunal arbitral; la procédure devant celui-ci n'est pas régie par les dispositions de la LPGA (art. 1 al. 2 let. e LAMal). En l'occurrence, le Tribunal arbitral s'est fondé sur l'art. 89 al. 1 LAMal pour admettre sa compétence pour traiter du litige visant la réparation du dommage qu'aurait subi A.________ à la suite du refus du 23 juin 2003 de le reconnaître comme prestataire de soins à charge de l'assurance obligatoire des soins (arrêt du 6 septembre 2009). Il a considéré que ce litige devait être réglé par la voie de l'action de droit administratif. Dès lors que les parties n'ont pas remis en cause ce jugement et ont partant accepté le règlement du litige par le Tribunal arbitral, il n'apparaît pas nécessaire - compte tenu également de la durée de la procédure débutée en mai 2009 - d'examiner plus avant l'articulation de l'art. 89 al. 1 LAMal avec les règles de procédure prévue par l'art. 78 al. 1 et 4 LPGA
 
3.2. Dans son jugement du 7 décembre 2010, le Tribunal arbitral s'est référé à l'art. 78 al. 1 LPGA (en relation avec l'art. 1 al. 1 LAMal), en relevant que la LAMal ne comprenait pas de dispositions sur la responsabilité des assureurs.  
 
Comme l'art. 78 al. 1 LPGA ne fait pas partie des dispositions de la LPGA relatives à la procédure (cf. art. 1 al. 2 let. e LAMal), l'autorité arbitrale de première instance était en droit d'appliquer la norme de responsabilité prévue par la LPGA. 
 
3.3. Toujours dans le jugement du 7 décembre 2010, le Tribunal arbitral a admis que la recourante pouvait être actionnée en responsabilité en vertu de l'art. 78 LPGA, au motif qu'elle avait exercé un acte de puissance publique fondé sur la LAMal, sur délégation des assureurs-maladie membres de la Fédération.  
 
3.3.1. Le numéro ou code du registre des comptes créanciers (RCC) - dont la recourante a dans un premier temps refusé l'attribution à l'intimé, raison pour laquelle celui-ci lui a réclamé des dommages-intérêts dans un second temps - n'est ni prévu ni réglé par la loi (ATF 135 V 237 consid. 2 p. 238). Seule est mentionnée à cet égard l'obligation des assureurs-maladie de transmettre à l'OFSP "les données complètes du registre du code-créanciers" (art. 28 al. 6 OAMal, dans sa version en vigueur depuis le 1 er janvier 2009). Toutefois, comme la LAMal prévoit que seuls sont admis à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins les fournisseurs de prestations qui réalisent les conditions correspondantes (art. 35 al. 1 LAMal), les assureurs-maladie sont tenus d'examiner si les fournisseurs de prestations sont admis en ce sens. La LAMal ne connaît cependant pas de procédure formelle d'admission pour les fournisseurs de prestations particuliers, de sorte que santésuisse - soit concrètement pour elle aujourd'hui, la société Sasis SA - gère un registre du code-créanciers. Sur requête et moyennant l'acquittement d'une taxe, santésuisse attribue au fournisseur de prestations requérant un code RCC, pour autant qu'il remplisse les conditions pour être admis à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins (prévues par la loi, l'ordonnance, la jurisprudence et la pratique administrative, ainsi que les recommandations des autorités de surveillance). Il s'agit d'un service fondé sur un contrat entre Sasis SA et le fournisseur de prestations visant à simplifier la saisie et le traitement des factures, ainsi que le trafic des paiements entre celui-ci et les assureurs-maladies (cf. Conditions générales du registre des codes-créanciers [RCC; <http://www.sasis.ch>]).  
 
Selon la jurisprudence (ATF 135 V 237 consid. 2 p. 238; 132 V 303 consid. 4.4.2 p. 307), lorsqu'elle attribue un numéro du registre du code-créanciers (RCC) à un fournisseur de prestations, santésuisse (soit pour elle aujourd'hui Sasis SA) examine de manière approfondie, du point de vue matériel et juridique, si celui-ci réalise les conditions légales d'admission à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins. L'assureur-maladie peut en principe présumer que le fournisseur de prestations qui dispose d'un code RCC et lui soumet une facture satisfait aux conditions d'admission pour effectuer ses activités à la charge de l'assurance obligatoire des soins. Le système du code RCC décharge les assureurs-maladie de l'examen étendu des conditions d'admission dans le cas particulier - un propre contrôle n'est exercé en pratique qu'en cas d'indices d'une irrégularité - et leur permet une gestion efficace du trafic de paiements en identifiant immédiatement le fournisseur de prestations et ses coordonnées de paiement. Pour des motifs pratiques, les membres de santésuisse ont dès lors délégué à leur association faîtière leur obligation légale d'examiner les conditions de l'admission des fournisseurs de prestations à exercer à la charge de l'assurance-maladie obligatoire (sur la problématique de l'absence de base légale pour une activité administrative qui ne peut être qualifiée d'auxiliaire, cf. Surveillance sur les organisations faîtières dans l'assurance-maladie, avis de droit de l'Office fédéral de la justice du 21 juin 2007, JAAC 2007 n° 20 p. 352 ss). Santésuisse exerce ainsi une obligation de droit public incombant aux assureurs-maladie, soit exerce dans ce domaine une fonction spécifique du droit public, singulièrement du droit des assurances sociales. Elle statue en fait sur l'admission d'un fournisseur de prestations à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins, au sens d'une décision préalable constatant que celui-ci remplit les conditions fixées par la loi pour pratiquer à ce titre (arrêt K 153/05 du 4 mai 2006 consid. 5; cf. ATF 132 V 303 consid. 4.5 p. 309). 
 
3.3.2. Selon la lettre de l'art. 78 al. 1 LPGA, peuvent être recherchés en responsabilité selon cette norme une corporation de droit public, une organisation fondatrice privée ou encore un assureur pour les actes illicites de leurs organes d'exécution ou de leur personnel. Par "organisations fondatrices privées" ("organismi fondatori privati"), on entend par exemple les associations professionnelles habilitées à créer une caisse de compensation dans le domaine de l'assurance-vieillesse et survivants (cf. art. 53 LAVS; KIESER, ATSG-Kommentar, 3 e éd. 2015, n° 73 s. ad art. 78 LPGA), tandis que la version allemande du texte légal ("private Trägerorganisationen") correspond à une notion plus large, sans référence à la fonction fondatrice.  
 
Santésuisse est une association de droit privé suisse, dont le but social est de sauvegarder et de représenter, en tant qu'association faîtière représentative, les intérêts communs de ses membres, ainsi que de s'investir pour le maintien d'une assurance-maladie libérale. Elle n'est pas chargée en vertu de la LAMal de mettre en oeuvre l'assurance-maladie sous la surveillance de la Confédération, comme le sont les assureurs-maladie admis à pratiquer l'assurance-maladie sociale (art. 4 de la loi fédérale du 26 septembre 2014 sur la surveillance de l'assurance-maladie sociale [LSAMal; RS 832.12]). Santésuisse n'est donc ni un assureur ni une corporation de droit public. 
 
3.3.3. Le point de savoir si la recourante doit être considérée comme une organisation dont la responsabilité au sens de l'art. 78 LPGA est directement engagée ou comme un organe d'exécution des assureurs-maladie - dès lors que ceux-ci l'ont chargée d'une tâche qui leur incombe de par la loi (consid. 3.3.1 supra) -, ou encore comme un organisme qui ne tombe pas sous le coup de la norme de responsabilité peut rester indécis. Les conditions de la responsabilité prévues par l'art. 78 LPGA ne sont de toute façon pas réunies, comme il ressort des considérations qui suivent.  
 
4.  
 
4.1. Parmi les conditions posées par l'art. 78 al. 1 LPGA, il faut que l'organe d'exécution ou le personnel de l'organisme recherché en tant que garant de l'activité des organes d'exécution des assurances sociales ait commis un acte illicite. Comme l'a correctement exposé le Tribunal arbitral dans son jugement du 7 décembre 2010, en citant la jurisprudence topique (ATF 133 V 14 consid. 8.1 p. 19 et les références), l'illicéité au sens de l'art. 3 al. 1 la loi fédérale du 14 mars 1958 sur la responsabilité de la Confédération, des membres de ses autorités et de ses fonctionnaires (LRCF; RS 170.32), auquel renvoie l'art. 78 al. 4 LPGA, suppose la violation par l'Etat au travers de ses organes ou agents d'une norme protectrice des intérêts d'autrui en l'absence de motifs justificatifs (consentement, intérêt public prépondérant, etc.). L'illicéité peut d'emblée être réalisée si le fait dommageable découle de l'atteinte à un droit absolu (vie, santé ou droit de propriété). Si, en revanche, le fait dommageable consiste en une atteinte à un autre intérêt (par exemple le patrimoine), l'illicéité suppose que l'auteur ait violé une norme de comportement ayant pour but de protéger le bien juridique en cause (Verhaltensunrecht). Exceptionnellement, l'illicéité dépend de la gravité de la violation. C'est le cas lorsque l'illicéité reprochée procède d'un acte juridique (une décision, un jugement). Dans ce cas, seule la violation d'une prescription importante des devoirs de fonction est susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat.  
A cet égard, le fait de rendre une décision qui se révèle par la suite inexacte, contraire au droit ou même arbitraire ne suffit pas (arrêts 2E_2/2013 du 30 octobre 2014 consid. 5.4.1 et 2C_397/2012 du 19 novembre 2012 consid. 3.3; ETIENNE POLTIER, La responsabilité de l'Etat pour acte illicite: l'exigence de l'illicéité, in La responsabilité de l'Etat, 2012, p. 70 ss; cf. ég. FLORENCE AUBRY GIRARDIN, Responsabilité de l'Etat: un aperçu de la jurisprudence du Tribunal fédéral, in La responsabilité de l'Etat, 2012, p. 131 s.). L'illicéité n'est réalisée que si le juge ou le fonctionnaire a violé un devoir essentiel pour l'exercice de sa fonction. Ce sont les devoirs de fonction qui doivent protéger contre les dommages liés à un acte juridique erroné et non pas les normes du droit matériel lui-même que le juge ou le fonctionnaire est tenu d'appliquer (ATF 118 Ib 163). 
 
4.2. Le Tribunal arbitral a constaté que la recourante avait été informée par courrier du médecin cantonal du 16 juin 2003 que la Fédération des médecins suisses (FMH) avait octroyé le titre de médecin praticien à A.________, titulaire d'un diplôme de médecine de W.________. Santésuisse avait toutefois refusé, par courrier du 23 juin 2003, d'attribuer un code RCC à l'intimé, au motif que le diplôme de W.________ n'avait pas été reconnu par l'OFSP. A cette date-là, selon les premiers juges, il ressortait cependant du système prévu par la loi fédérale du 19 décembre 1877 concernant l'exercice des professions de médecin, de pharmacien et de vétérinaire dans la Confédération suisse (LEPM, abrogée au 1 er septembre 2007 avec l'entrée en vigueur de la loi fédérale du 23 juin 2006 sur les professions médicales universitaires [LPMéd; RS 811.11]) qu'un médecin ne pouvait exercer son activité de manière indépendante que s'il était titulaire d'un titre postgrade fédéral (art. 11 LEPM). Or il n'était pas concevable qu'un médecin ayant obtenu un diplôme l'autorisant à pratiquer à titre indépendant dans toute la Suisse - diplôme que A.________ s'était vu remettre en août 2003 - ne fût pas admis à pratiquer à la charge de l'assurance-maladie obligatoire, au sens de l'art. 36 LAMal, parce qu'il n'eût pas disposé d'un diplôme fédéral de médecine. Admettre le contraire revenait à mettre en cause les compétences de l'autorité qui avait délivré le titre postgrade fédéral à l'intimé, alors que les assureurs-maladie étaient liés par les décisions des autorités compétentes dans le domaine médical pour la reconnaissance des titres. Aussi, de l'avis des premiers juges, en refusant d'attribuer un code RCC à A.________ après que celui-ci eût obtenu le titre de postgrade fédéral, santésuisse a adopté une position insoutenable, heurtant de manière choquante le sentiment de justice et de l'équité, en d'autres termes a agi d'une manière arbitraire. La condition de l'illicéité était donc réalisée (jugement du 7 décembre 2010 consid. 4.2.2 et 4.2.3).  
 
4.3.  
 
4.3.1. L'acte tenu pour illicite, parce qu'arbitraire, dans le premier jugement entrepris, consiste en un acte juridique: le refus d'attribuer un code RCC communiqué à l'intimé le 23 juin 2003 doit être assimilé à une décision préalable sur l'admission du fournisseur de prestations (consid. 3.3.1 in fine supra; sur la notion de décision au sens de l'art. 5 al. 1 PA, cf. ATF 135 II 328 consid. 2.1 p. 331; arrêt 2C_519/2017 du 28 novembre 2017 consid. 4.2). C'est donc seulement si la recourante, à titre d'organisme exerçant une fonction spécifique de droit public, singulièrement du droit de l'assurance-maladie, a commis une violation caractérisée de ses devoirs de fonction - violation d'une prescription importante des devoirs de fonction ("Verletzung einer wesentlichen Amtspflicht") - que sa responsabilité peut être engagée (consid. 4.1 supra).  
 
En l'espèce, une telle violation fait défaut au regard des constatations des premiers juges sur le comportement de la recourante, respectivement de ses collaborateurs au moment où elle a décidé de ne pas attribuer un code RCC à l'intimé. Le fait de qualifier d'insoutenable la position de santésuisse et d'arbitraire le refus d'attribuer un code RCC à l'intimé en juin 2003 ne suffit pas. A l'inverse de ce qu'ont retenu les premiers juges dans la décision attaquée du 7 décembre 2010, la situation juridique au regard du "système découlant des articles 38 et 39 OAMal" n'était pas aussi certaine qu'ils l'ont admis. 
 
4.3.2. Compte tenu des dispositions applicables dans leur teneur en vigueur du 1er juin 2002 au 31 août 2007 sur lesquelles les premiers juges ont fondé leurs considérations, la situation sur le plan légal se présentait de la manière suivante:  
 
Selon l'art. 36 al. 1 en relation avec l'art. 35 al. 1 et 2 let. a LAMal, sont admis à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins les médecins titulaires du diplôme fédéral et d'une formation postgrade reconnue par le Conseil fédéral. Celui-ci règle l'admission des médecins titulaires d'un certificat scientifique équivalent (art. 36 al. 2 LAMal). Selon l'art. 38 OAMal, les médecins doivent avoir reçu une formation pratique postgraduée de deux ans au moins. La formation postgraduée est régie par les art. 7 à 11 LEPM. Aux termes de l'art. 39 OAMal, sont assimilés aux médecins titulaires d'un diplôme fédéral les médecins titulaires d'un certificat scientifique reconnu comme équivalent par l'autorité compétente conformément à la LEPM (art. 2b et 10 LEPM). 
 
Selon les art. 2b al. 1 et 10 al. 1 LEPM, le Comité directeur, respectivement le Comité de la formation postgrade, reconnaît les diplômes étrangers, respectivement les titres de postgrade en médecine, dont l'équivalence est prévue dans un traité avec l'Etat concerné réglant la reconnaissance mutuelle des diplômes ou des titres. Reconnus, ils déploient en Suisse les mêmes effets (cf. art. 2a al. 2 et 11 LEPM) que le titre fédéral correspondant (art. 2b al. 2 et 10 al. 2 LEPM). Conformément à l'art. 11 LEPM, les titulaires d'un titre postgrade fédéral en médecine ont le droit d'exercer à titre indépendant, sur tout le territoire suisse, la profession de médecin (al. 1). L'autorisation cantonale d'exercer à titre indépendant la profession de médecin ne peut être délivrée qu'aux personnes titulaires d'un titre postgrade correspondant (al. 2). 
 
Selon l'art. 3 LEPM, une autorité spéciale (Comité directeur), nommée par le Conseil fédéral, vérifie les titres des candidats, surveille les examens et veille à l'égalité complète dans la manière de procéder (al. 1). Chaque année, le Comité directeur fait rapport et présente ses comptes aux Conseil fédéral. La direction et l'administration de toute ce qui concerne les examens sont sous la surveillance du Département fédéral de l'intérieur (al. 2). 
 
4.3.3. Il ressort des dispositions précitées, en particulier de l'art. 36 LAMal en relation avec l'art. 39 OAMal et l'art. 2b LEPM qu'à l'époque du refus litigieux (en juin 2003), l'admission à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins exigeait que le médecin disposât non seulement d'une formation postgrade reconnue par le Conseil fédéral mais aussi du diplôme fédéral ou d'un certificat scientifique équivalent, soit d'un certificat reconnu comme équivalent par le Comité directeur des examens fédéraux pour les professions médicales. L'exercice de la profession de médecin à titre indépendant sur tout le territoire suisse était en revanche soumise apparemment à la seule condition que le médecin fût titulaire d'un titre postgrade fédéral en médecine (art. 11 LEPM), titre que l'intimé a obtenu par décision du 28 mai 2003 de la Commission de recours FMH pour les titres de formation postgradués.  
 
En retenant avant tout que le système découlant des art. 38 et 39 OAMal impliquait que les assureurs fussent liés par les décisions des autorités compétentes dans le domaine médical pour la reconnaissance des titres, le Tribunal arbitral a omis de prendre en considération que l'intimé n'était pas, pendant la période concernée, titulaire "d'un certificat scientifique reconnu comme équivalent [au diplôme fédéral de médecine] par l'autorité fédérale compétente" conformément à l'art. 2b LEPM (art. 36 al. 1 et 2 LAMal et 39 OAMal). Postérieurement au refus de la recourante, alors que l'intimé l'avait requise de reconnaître l'équivalence de ses diplômes de médecin de W.________ (courrier du 15 décembre 2004), le Bureau du Comité directeur des examens fédéraux pour les professions médicales a indiqué à A.________ qu'il était en possession d'un diplôme étranger de médecine que le Comité ne pouvait reconnaître (faute d'accord entre la Suisse et W.________ concernant ce domaine) et d'un titre postgrade fédéral de médecin praticien lui donnant le droit d'exercer sa profession de manière autonome dans toute la Suisse en vertu de l'art. 11 al. 1 LEPM. Selon le Comité directeur, depuis le 1er juin 2002, seuls les titulaires d'un diplôme fédéral de médecin ou d'un diplôme étranger reconnu pouvaient obtenir un titre postgrade fédéral, les autorités cantonales devant faire dépendre le droit d'exercer la profession de médecin à titre indépendant sur tout le territoire suisse de la possession d'un diplôme fédéral de médecin (ou d'un diplôme étranger reconnu), ainsi que d'un titre postgrade fédéral (ou titre étranger reconnu) conformément à l'art. 11 al. 2 en relation avec l'art. 8 LEPM; le point de savoir si un médecin qui avait été autorisé avant le 1er juin 2002 à exercer sa profession à titre indépendant pouvait continuer à l'être après cette date devait être examiné et décidé par les autorités cantonales (courrier du 23 décembre 2004 au mandataire du médecin). Dans ces circonstances, le point de vue défendu à l'époque par la recourante, selon lequel l'intimé ne disposait pas d'un diplôme fédéral de médecine ou d'un titre étranger reconnu comme équivalent par l'autorité compétente, ce qui empêchait l'attribution du code RCC, n'apparaissait pas insoutenable, étant donné que les dispositions déterminantes de la LAMal et de son ordonnance d'exécution faisaient de la titularité d'un tel diplôme une condition de l'admission à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins (art. 36 al. 1 et 2 LAMal et 39 OAMal). 
 
4.3.4. Dès lors que l'intimé reprend dans une large mesure les considérations du Tribunal arbitral quant au caractère illicite du refus en cause, il ne met en évidence aucune violation qualifiée des devoirs de fonction par la recourante. Il en va de même en tant qu'il se réfère au jugement du 27 octobre 2006 et invoque que santésuisse n'a pas recouru contre celui-ci de sorte qu'il lui est entièrement opposable; le fait qu'une décision se révèle par la suite contraire au droit ne suffit pas pour engager la responsabilité de son auteur. On peut rappeler à cet égard, même si le contexte n'est pas identique, que le refus de prestations de l'assurance sociale fondé sur une application erronée du droit ne relève en principe pas d'une illicéité au sens de l'art. 78 al. 1 LPGA (arrêts 9C_143/2014 du 22 juillet 2014 consid. 3 et 8C_283/2016 du 24 janvier 2017 consid. 4 et les références).  
 
4.4. Ensuite de ce qui précède, la décision de la recourante de refuser d'attribuer un code RCC ne relève pas d'un acte illicite au sens de l'art. 78 al. 1 LPGA, de sorte que la demande en dommage et intérêts aurait dû être rejetée, sans que les autres conditions de la responsabilité au sens de cette disposition ne doivent être examinées. Les deux jugements entrepris sont contraires au droit et doivent être annulés. Le recours est bien fondé.  
 
5.   
Vu le présent arrêt, la requête d'attribution de l'effet suspensif au recours est sans objet. 
 
6.   
Vu l'issue du litige, l'intimé supportera les frais afférents à la procédure (art. 66 al. 1 LTF). La recourante n'a pas droit à des dépens; rien ne justifie de déroger à la règle de l'art. 68 al. 3 LTF alors que les conditions posées par la jurisprudence pour justifier le versement de dépens à la collectivité publique qui obtient gain de cause en matière de responsabilité de droit public ne sont pas réunies (arrêt 2C_438/2009 du 29 décembre 2009 consid. 4 et les références). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis. Les décisions du Tribunal arbitral en matière d'assurance-maladie de la République et canton du Jura du 7 décembre 2010 et du 9 février 2017 sont annulées. L'action de l'intimé datée du 11 mai 2009 est rejetée. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 16'000 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3.   
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4.   
La cause est renvoyée au Tribunal arbitral en matière d'assurance-maladie de la République et canton du Jura pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure antérieure. 
 
5.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal arbitral en matière d'assurance-maladie de la République et canton du Jura et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 2 février 2018 
 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Pfiffner 
 
Le Greffier : Bleicker