Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4A_58/2013 
 
Arrêt du 16 mai 2013 
Ire Cour de droit civil 
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux Klett, Présidente, 
Kolly et Niquille. 
Greffière: Mme Monti. 
 
Participants à la procédure 
X.________ SA, 
représentée par Me Rodrigue Sperisen, avocat, 
recourante, 
 
contre 
 
A.Y.________ et B.Y.________, 
intimés. 
 
Objet 
bail à loyer; résiliation pour des motifs économiques; loyers usuels du quartier, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 
17 décembre 2012 par la Chambre des baux et loyers 
de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
Faits: 
 
A. 
Par contrat de bail à loyer du 22 mars 2001, A.Y.________ et B.Y.________ se sont fait céder l'usage d'un appartement de 4 pièces au 3ème étage d'un immeuble sis à la rue xxx (GE). Le loyer annuel a été fixé en dernier lieu à 13'320 fr., charges non comprises, selon avis de majoration prenant effet le 1er mai 2009. 
 
Le 1er octobre 2009, la propriété de l'immeuble a passé à la société X.________ SA. Quelques jours après, soit le 9 octobre 2009, la nouvelle bailleresse a déclaré résilier le contrat des locataires précités pour le 30 avril 2010. Le congé était motivé par la volonté de meubler l'appartement et de le relouer à un tiers pour un loyer supérieur. 
 
B. 
B.a Les locataires ont saisi l'autorité de conciliation, qui a annulé le congé. Le 19 octobre 2010, la bailleresse a déposé une requête par-devant le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève, en l'invitant à constater la validité du congé. Les locataires ont conclu à l'annulation du congé, subsidiairement à une prolongation de bail d'une durée de quatre ans. 
B.b La bailleresse a produit 22 exemples de loyers comparatifs, ainsi qu'une fiche décrivant son immeuble et l'appartement loué aux locataires congédiés. Il en ressort notamment que l'immeuble n'est pas raccordé au téléréseau collectif et que l'appartement, d'une surface de 71 m2, est pourvu de doubles vitrages dans un quartier calme. Les locataires contestent certains éléments, en particulier la surface indiquée et le caractère calme du quartier. 
 
Il est constant qu'un restaurant est exploité au rez-de-chaussée de l'immeuble. 
B.c Statuant par jugement du 24 novembre 2011, le Tribunal des baux a annulé le congé signifié pour le 30 avril 2010 et débouté les parties de toutes autres conclusions. Les juges sont arrivés à la conclusion qu'aucun des 22 exemples proposés n'était comparable avec l'appartement litigieux. Comme la bailleresse n'avait pas démontré qu'elle pourrait obtenir d'un tiers un loyer supérieur non abusif, le congé devait être annulé. 
B.d La bailleresse a fait appel auprès de la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice, laquelle a confirmé le jugement par arrêt du 17 décembre 2012. 
 
C. 
La bailleresse a saisi le Tribunal fédéral d'un recours en matière civile, tendant à faire constater la validité du congé et à débouter les locataires de toutes autres ou contraires conclusions. 
 
La Chancellerie de la Cour de céans a informé les locataires et l'ASLOCA du dépôt de ce recours, en rappelant que ladite association n'avait pas le pouvoir de représentation devant le Tribunal fédéral. Par ordonnance du 22 février 2013, adressée sous pli recommandé aux locataires personnellement, la chancellerie les a invités à déposer leur éventuelle réponse dans un délai échéant le 15 mars 2013. Ledit courrier a été distribué le 25 février 2013, selon l'accusé de réception. 
 
Par lettre du 25 février 2013, réceptionnée le jour suivant, Me Maurice Utz a fait savoir qu'il était chargé de défendre les intérêts des deux locataires intimés. Aucune réponse n'a été déposée. 
 
La Cour de justice s'est référée à son arrêt. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le droit d'être entendu des intimés a été respecté dès lors qu'un délai leur a été imparti pour déposer d'éventuelles déterminations. Dans la mesure où ils n'ont pas d'emblée désigné un mandataire après l'avis de dépôt du recours, il leur incombait, le moment venu, de transmettre à leur conseil les courriers reçus dans l'intervalle. Des personnes dépourvues de connaissances juridiques sont à même de comprendre l'importance d'un délai judiciaire et la nécessité de le communiquer à leur conseil. Il sied enfin d'apporter la précision suivante, même si elle ne revêt pas d'incidence dans le cas concret: l'avocat inscrit au registre cantonal ne peut pas représenter devant le Tribunal fédéral des locataires dont il a assuré la défense devant les instances cantonales en tant qu'employé d'une association de protection des locataires (arrêt 4A_38/2013 du 12 avril 2013 consid. 1, destiné à la publication). 
 
2. 
Le Tribunal fédéral applique la loi d'office, à l'exception des droits fondamentaux (art. 106 LTF). Il apprécie librement la portée juridique des faits, sans être lié par l'argumentation des parties, ni par la motivation retenue par l'autorité précédente. Eu égard, toutefois, à l'exigence de motivation qu'impose l'art. 42 al. 2 LTF sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine d'ordinaire que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 135 II 384 consid. 2.2.1; 134 III 102 consid. 1.1; 133 II 249 consid. 1.4.1). 
 
3. 
Est en l'occurrence litigieuse la validité du congé donné pour des motifs économiques. 
 
3.1 Il est en principe licite de résilier un bail afin d'obtenir d'un nouveau locataire un loyer plus élevé que celui versé par l'actuel occupant des lieux. Toutefois, le congé ne doit pas servir de prétexte à la poursuite d'un but illicite: il faut donc que le bailleur soit en droit d'exiger un loyer supérieur à celui payé par le preneur congédié. La résiliation est annulable si l'application de la méthode de calcul absolue permet d'exclure que le bailleur puisse majorer légalement le loyer, parce que celui-ci est déjà conforme aux loyers usuels dans le quartier, respectivement parce qu'il lui procure déjà un rendement suffisant (ATF 136 III 74 consid. 2.1; 120 II 105 consid. 3b/bb p. 110). 
 
3.2 Ne sont en règle générale pas abusifs les loyers qui se situent dans la limite des loyers usuels du quartier ou de la localité (art. 269a let. a CO). Selon l'art. 11 OBLF (RS 221.213.11), les loyers déterminants pour le calcul des loyers usuels sont ceux de logements comparables à la chose louée quant à l'emplacement, la dimension, l'équipement, l'état et l'année de construction (al. 1), à l'exclusion des loyers découlant du fait qu'un bailleur ou un groupe de bailleurs domine le marché (al. 3). 
 
D'ordinaire, il faut fournir cinq loyers de comparaison au moins (ATF 136 III 74 consid. 3.1 p. 80). Le juge doit procéder à des comparaisons concrètes avec l'appartement litigieux, en fonction des critères mentionnés à l'art. 11 al. 1 OBLF (ATF 123 III 317 consid. 4a p. 319 et consid. 4d p. 325). Les logements pris en référence doivent présenter, quant à l'emplacement, des avantages analogues (environnement, infrastructures du quartier) ou des nuisances comparables (exposition au bruit, odeurs; ATF 123 III 317 consid. 4b/ee p. 322). Une différence d'exposition aux nuisances sonores exclut à elle seule toute comparaison (ATF 139 III 13 consid. 3.3.2 p. 22); un logement équipé d'un double vitrage dans un quartier tranquille n'est pas comparable à un appartement doté d'un vitrage simple dans un quartier que le bailleur lui-même ne peut qualifier de calme (arrêt 4C.265/2000 du 16 janvier 2001 consid. 4b/dd, in SJ 2001 I 247). En 2001, il a été jugé qu'un logement présente un confort inférieur à la norme usuelle lorsqu'il ne permet pas de recevoir la télévision par câble, faute de raccordement au téléréseau (arrêt 4C.265/2000 précité consid. 4b/ee). 
 
4. 
4.1 La bailleresse reproche en substance à la Cour de justice d'avoir exclu de l'examen comparatif les immeubles qui n'abritaient pas un restaurant au rez-de-chaussée, alors qu'il n'est pas prouvé que les locataires intimés subissent concrètement des désagréments ou nuisances causés par la présence d'un restaurant. En outre, il ne serait pas admissible de se fonder sur le seul critère du raccordement au téléréseau pour exclure des exemples comparatifs. Tenir compte d'éléments distinctifs aussi précis reviendrait à rendre impossible l'application du critère des loyers comparatifs. Quand bien même les exemples ne répondraient pas aux exigences de comparaison, il faudrait constater que les différences de loyer par rapport au montant payé par les intimés sont tellement flagrantes qu'il est manifestement possible d'augmenter légalement le loyer actuel. 
4.2 
4.2.1 Dans son arrêt, la Cour de justice constate que la présence d'un restaurant au rez-de-chaussée de l'immeuble occasionne nécessairement des nuisances particulières (principalement sonores et olfactives), ce qui justifie d'opérer une comparaison uniquement avec d'autres immeubles abritant un restaurant. La cour d'appel paraît s'être fondée exclusivement sur l'expérience de la vie pour retenir de telles nuisances. Or, si l'on se place à ce niveau, il faut admettre que divers facteurs peuvent avoir une incidence sur les nuisances inhérentes à ce type d'établissement public, notamment l'emplacement des appartements, la ventilation ou encore l'emplacement de l'immeuble; l'on peut ainsi admettre que dans un quartier déjà bruyant, les nuisances sonores causées par un restaurant auront tendance à "se fondre" dans le bruit ambiant. De prime abord, il paraît trop absolu de postuler de façon abstraite qu'un restaurant situé dans un immeuble locatif occasionne par principe à tous les occupants de l'immeuble, où qu'ils se trouvent, des nuisances particulières excluant d'emblée toute comparaison avec un immeuble dépourvu de restaurant. 
4.2.2 Il faut admettre qu'en pratique, il se révèle souvent difficile de fournir cinq exemples d'appartements comparatifs, y compris dans des localités ou quartiers présentant une forte densité d'immeubles locatifs. La doctrine met en garde contre le risque d'effectuer une comparaison trop pointilleuse des appartements et immeubles, qui peut aboutir en pratique à une négation du critère des loyers comparatifs retenu dans la loi (cf. par ex. Le droit suisse du bail à loyer, Commentaire SVIT, 2011, n°s 15 et 23 s. ad art. 269a CO et les réf. citées; pour DAVID LACHAT, Le bail à loyer, 2008, p. 459, une certaine souplesse est de mise dans la comparaison des équipements). Il est vrai qu'à l'art. 11 al. 1 OBLF, le législateur exige que les logements soient seulement "comparables", et non pas identiques; il commande en outre d'effectuer la comparaison sur la base de critères relativement larges, qui sont l'emplacement, la dimension, l'équipement, l'état et l'année de construction (cf. PETER HIGI, Zürcher Kommentar, 4e éd. 1998, n° 87 ad art. 269a CO). 
 
4.3 Ces remarques générales étant faites, il sied de constater que le grief de la recourante n'est pas fondé. Celle-ci reproche en effet à la Cour de justice d'avoir écarté des logements pour le seul motif qu'ils se trouvaient dans un immeuble sans restaurant, ou qu'ils étaient reliés au téléréseau. Or, la lecture des décisions cantonales montre que tel n'est pas le cas. 
 
Certes, le jugement de première instance, repris à son compte par la Cour de justice, affirme que les immeubles sans restaurant doivent être d'emblée écartés de la comparaison (cas décrits aux pièces 5, 8, 9, 25, 27, 30, 32, 33, 35, 37 et 39). Il ajoute toutefois dans la foulée que ces cas se distinguent des locaux concernés quant à leur équipement et leur état d'entretien. Or, la recourante ne discute pas les autres critères de distinction invoqués par les juges genevois. Elle ne s'attache pas à démontrer, par une comparaison circonstanciée, qu'il aurait été justifié de retenir au moins cinq cas en faisant abstraction du critère du restaurant. La même remarque peut être faite à propos du critère du téléréseau. 
 
A défaut de motivation suffisante, la Cour de céans n'a pas à examiner plus avant dans quelle mesure les autres critères d'exclusion pris en compte sont fondés ou non. Peut en outre rester indécise la question de savoir si les récents développements technologiques relativisent l'importance d'un raccordement au téléréseau. Enfin, il n'y a pas non plus à revoir les motifs ayant conduit à exclure de la comparaison les cas d'immeubles abritant un restaurant, faute de grief soulevé en ce sens. 
 
Le même défaut de motivation insuffisante entache le grief selon lequel la différence de loyer avec les appartements cités en exemple serait tellement "flagrante" qu'elle autoriserait sans autre une hausse de loyer. La recourante se contente à cet égard de relever que tous les loyers invoqués sont supérieurs de 20 % au moins à celui payé par les locataires intimés; elle ne cherche pas à démontrer que cinq cas présenteraient des traits suffisamment homogènes pour être rapprochés de l'appartement litigieux, tout en présentant une différence de loyer flagrante. La Cour de céans n'a dès lors pas à entrer en matière sur cette question. 
 
Quant à l'argument consistant à dire que tous les appartements du quartier susceptibles d'être comparés ont été proposés en exemple, il se fonde sur une allégation non prouvée (sur la notion de quartier, cf. ATF 136 III 74 consid. 2.2). On ne saurait dès lors y voir une démonstration de ce que les autorités cantonales auraient appliqué de manière trop rigoureuse les exigences de similitude dans les comparaisons. 
 
4.4 Au vu de ce qui précède, il n'est pas démontré que l'autorité précédente aurait enfreint le droit fédéral en considérant que la preuve d'une possible augmentation de loyer selon la méthode absolue n'était pas rapportée. Partant, la conséquence qu'elle en a tirée, à savoir le caractère abusif du congé, n'est pas non plus contraire au droit fédéral. 
 
Ces considérations privent d'objet le grief tiré de la garantie constitutionnelle de la propriété. 
 
4.5 En définitive, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
5. 
Les frais de la présente procédure sont mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Aucune indemnité de dépens n'est due aux intimés, qui n'ont pas déposé d'écriture. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, ainsi qu'à l'avocat désigné par les intimés, pour information. 
 
Lausanne, le 16 mai 2013 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
 
La Présidente: Klett 
 
La Greffière: Monti