Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
4D_27/2018  
 
 
Arrêt du 8 juillet 2019  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Kiss, Présidente, Klett et May Canellas. 
Greffière : Mme Godat Zimmermann. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Thierry Sticher, 
recourant, 
 
contre  
 
Poste Immobilier Management et Services SA, (anciennement Infrapost SA), 
représentée par Me Valentine Gétaz Kunz, 
intimée. 
 
Objet 
convention collective de travail; travailleur dissident; contribution de solidarité; représentativité d'un syndicat minoritaire, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 21 novembre 2017 par la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (P513.009844-171252-JFR, 419). 
 
 
Faits :  
 
A.   
La Poste Suisse, d'une part, et le Syndicat de la Communication et Transfair, Syndicat chrétien du personnel des services publics et du tertiaire, d'autre part, ont conclu une convention collective de travail pour les unités externalisées de La Poste Suisse (ci-après: CCT SGr). InfraPost SA, qui deviendra par la suite Poste Immobilier Management et Services SA, est une société affiliée à La Poste Suisse. Elle a conclu avec les deux syndicats susmentionnés une convention portant affiliation à la CCT SGr (ci-après: Af IPAG). Selon son chiffre 16, la CCT SGr s'applique aux collaborateurs liés par un contrat de travail à une société du groupe qui a adhéré à la convention, sauf exceptions qui n'entrent pas en ligne de compte en l'occurrence. Conformément au chiffre 20 al. 1 CCT SGr, la société du groupe conclut un contrat individuel de travail fondé sur la CCT SGr avec chaque collaborateur entrant dans le champ d'application de ladite convention. 
Par contrat de travail valable dès le 1 er janvier 2009, InfraPost SA a engagé A.________ en qualité de concierge au centre de.... Selon l'art. 8 du contrat, la CCT SGr et l'Af IPAG font partie intégrante du contrat individuel de travail. Le chiffre 77 CCT SGr prévoit notamment le prélèvement sur le salaire d'une contribution de solidarité de 10 fr. par mois pour un taux d'occupation d'au moins 50% et précise qu'une telle perception n'a pas lieu si la cotisation de membre d'un syndicat signataire est déjà déduite du salaire.  
D'abord affilié au syndicat Transfair, A.________ est devenu membre du Syndicat autonome des postiers (ci-après: SAP) dès le 1 er janvier 2011. Depuis lors, l'employeur a déduit du salaire mensuel du collaborateur un montant de 10 fr. à titre de contribution de solidarité. Invoquant l'art. 356b al. 3 CO, l'employé s'est opposé en vain à ce prélèvement.  
 
B.   
Le 5 novembre 2012, A.________ a ouvert action contre InfraPost SA. Ses conclusions tendaient à la restitution de la somme de 220 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1 er décembre 2011 - représentant les contributions de solidarité perçues de janvier 2011 à octobre 2012 -, à la restitution de toutes les contributions de solidarité prélevées de novembre 2012 jusqu'à l'entrée en force du jugement et à ce qu'interdiction soit faite à la défenderesse de déduire à l'avenir une contribution de solidarité du salaire du demandeur.  
Par jugement du 19 novembre 2013, le Tribunal de prud'hommes de l'arrondissement de La Côte a rejeté la demande. 
Statuant le 24 septembre 2014 sur recours de A.________, la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours et confirmé le jugement de première instance. 
A.________ a recouru au Tribunal fédéral. Par arrêt du 28 septembre 2015 publié en partie aux ATF 141 III 418 (cause 4A_24/2015), la cour de céans a déclaré irrecevable le recours constitutionnel, admis partiellement le recours en matière civile, annulé l'arrêt du 24 septembre 2014 et renvoyé la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. Contrairement à la Chambre des recours civile, le Tribunal fédéral a jugé que l'art. 356b al. 3 CO était applicable en l'espèce, dès lors qu'il permettait au travailleur dissident, en cas de contrainte de soumission, de s'opposer au prélèvement de la contribution de solidarité lorsque le syndicat auquel il appartenait réunissait les conditions pour être reconnu comme partenaire social, mais que les parties à la convention collective de travail refusaient l'adhésion de cette organisation. Faute de décision définitive intervenue devant les juridictions civiles sur les démarches entreprises par le SAP pour se faire reconnaître comme partenaire social, il appartenait à la cour cantonale d'examiner si ce syndicat remplissait les conditions pour être reconnu comme partenaire social à l'époque des prélèvements litigieux. 
Par arrêt du 4 décembre 2015, la Chambre des recours civile a admis le recours de A.________, annulé le jugement du 19 novembre 2013 et renvoyé la cause au Tribunal de prud'hommes pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Conformément à l'art. 326 al. 1 CPC, elle ne pouvait en effet examiner les pièces nouvelles produites par les parties, de sorte que la cause devait être renvoyée aux premiers juges pour instruction complémentaire et nouvelle décision. 
Par jugement du 28 mars 2017, le Tribunal de prud'hommes a derechef rejeté les conclusions de la demande. 
Par arrêt du 21 novembre 2017 dont les considérants ont été notifiés le 12 mars 2018, la Chambre des recours civile a rejeté le recours déposé par A.________ et confirmé le jugement du Tribunal de prud'hommes. 
 
C.   
A.________ interjette un recours constitutionnel subsidiaire. Il reprend les conclusions de sa demande initiale, sauf sur le point de départ des intérêts réclamés. 
Poste Immobilier Management et Services SA propose le rejet du recours. 
Pour sa part, la cour cantonale se réfère aux considérants de sa décision. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Comme relevé dans l'arrêt de renvoi de la cour de céans, le litige, qui porte sur une contribution de solidarité de 10 fr. par mois dès janvier 2011 (cf. art. 51 al. 4 LTF pour les prestations périodiques de durée indéterminée), n'atteint manifestement pas le montant de 15'000 fr. ouvrant le recours en matière civile dans les affaires pécuniaires de droit du travail (art. 74 al. 1 let. a LTF). Comme la question de principe a été tranchée dans l'arrêt susmentionné, seul le recours constitutionnel subsidiaire est ouvert (art. 113 LTF).  
Le recours a été déposé en temps utile (art. 117 et 100 LTF) contre une décision finale (art. 117 et 90 LTF) prise en dernière instance cantonale et sur recours par un tribunal supérieur (art. 114 et 75 LTF), par une partie qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente et a un intérêt juridique à la modification de la décision (art. 115 LTF). 
 
1.2. Comme son intitulé l'indique, le recours constitutionnel subsidiaire peut être formé pour violation des droits constitutionnels (art. 116 LTF), dont la garantie contre l'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Le Tribunal fédéral n'examine que les griefs expressément soulevés et motivés conformément au principe d'allégation (art. 106 al. 2 et 117 LTF). Le recourant doit indiquer quel droit ou principe constitutionnel a été violé par l'autorité précédente et dans quelle mesure, en présentant une argumentation claire et circonstanciée; des critiques simplement appellatoires ne sont pas admissibles (ATF 143 II 283 consid. 1.2.2 p. 286; 142 III 364 consid. 2.4 p. 368; 139 I 229 consid. 2.2 p. 232; 134 II 244 consid. 2.2 p. 246).  
Au surplus, le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 118 al. 1 LTF) et ne peut rectifier ou compléter les constatations de cette dernière que si les faits ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 116 LTF (art. 118 al. 2 LTF). 
 
2.   
A la suite de l'arrêt de renvoi de la cour de céans, il restait à déterminer si le SAP - dont le recourant est membre et qui s'est vu refuser l'adhésion à la CCT SGr par les parties à la convention - remplissait les conditions pour être reconnu comme partenaire social, auquel cas l'intimée percevrait indûment la contribution de solidarité litigieuse sur le salaire du recourant. 
A l'instar de la première instance, la cour cantonale a jugé, après complètement de l'état de fait, que deux des conditions posées par la jurisprudence n'étaient pas réalisées par le SAP, à savoir la loyauté et une représentativité suffisante. 
Le recourant demande tout d'abord un complètement des faits sur deux points. Il reproche ensuite à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 28 Cst. et l'art. 11 CEDH protégeant la liberté syndicale dans son appréciation de la loyauté et de la représentativité exigées pour reconnaître le syndicat en cause comme partenaire social. Invoquant l'art. 9 Cst., il soutient en outre que la Chambre des recours civile aurait fait preuve d'arbitraire dans l'examen des deux conditions susmentionnées. 
 
3.   
Dans l'ATF 140 I 257 (consid. 5.2.1) auquel l'arrêt de renvoi se réfère (ATF 141 III 418 consid. 4.2 p. 425), le Tribunal fédéral a rappelé les principes jurisprudentiels développés en matière de reconnaissance d'un syndicat pour participer à des négociations collectives, conclure des conventions collectives ou adhérer à de telles conventions. En particulier, un syndicat minoritaire ne peut pas être écarté s'il est suffisamment représentatif (ATF 125 III 82 consid. 2 p. 85; 121 III 168 consid. 3a/aa p. 172; 118 II 431 consid. 4a p. 433; 113 II 37 consid. 4c p. 45 s.; encore récemment: ATF 144 I 40 consid. 5.3.2 p. 60), à moins que l'auteur du refus ne fasse valoir un intérêt digne de protection à s'opposer à la participation dudit syndicat, par exemple en cas d'attitude déloyale de ce dernier (ATF 118 II 431 consid. 4a p. 433; 113 II 37 consid. 5 p. 48). 
Il s'ensuit logiquement que la condition de la représentativité doit être examinée en premier lieu. 
 
3.1. La cour cantonale a constaté que le SAP, créé en 2005, représentait 1,24% des employés de La Poste en décembre 2016. Par ailleurs, le syndicat était surtout implanté en Suisse romande et relativement peu en Suisse alémanique; en particulier, sur ses 516 membres au 1 er juillet 2013 dont 14 retraités, il ne comptait que 47 adhérents dans les quatre cantons comptant le plus grand nombre de collaborateurs de La Poste (Berne, Zurich, Soleure et Bâle). Il était également peu représentatif des différentes activités et professions exercées au sein de La Poste. La cour cantonale a nié ainsi le caractère suffisamment représentatif du SAP. Elle a précisé que la concession par La Poste de certains droits au SAP afin de faciliter l'accès au personnel récent et de permettre une meilleure diffusion des communiqués de presse, n'impliquait pas encore le droit de participer aux négociations collectives.  
Le recourant fait valoir que la cour cantonale a apprécié la représentativité du SAP sur la base de critères erronés et incomplets. Aucune règle n'imposerait une représentativité identique dans toutes les régions et le rapport explicatif du DETEC (consultable sur le site www.bakom.admin.ch) ne mentionnerait pas la représentativité au niveau des métiers dans son commentaire de l'art. 6 de l'ordonnance sur la poste du 29 août 2012 (OPO; RS 783.01). Et surtout, le critère essentiel du pluralisme dans l'expression des voix syndicales n'aurait pas été pris en compte dans l'arrêt attaqué. Se référant au témoignage de U.________, employé de La Poste, selon lequel aucune autre organisation ne désire actuellement rejoindre les partenaires sociaux, le recourant fait valoir que le SAP serait le seul syndicat minoritaire apte à favoriser le pluralisme dans une entreprise comportant plus de 50'000 collaborateurs fin 2015. 
 
3.2. L'examen de la condition de la représentativité suppose l'exercice d'un pouvoir d'appréciation. Le Tribunal fédéral revoit la décision de l'autorité précédente avec réserve, se limitant aux cas d'excès ou d'abus du pouvoir d'appréciation. Il interviendra notamment lorsque la décision repose sur une appréciation insoutenable des circonstances ou encore lorsque l'autorité omet de prendre en considération tous les éléments propres à fonder la décision ou, au contraire, tient compte de critères dénués de pertinence (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 et les arrêts cités).  
Les critères à prendre en considération en matière de représentativité doivent être suffisamment larges pour admettre dans le dialogue social des syndicats minoritaires, de manière à favoriser un certain pluralisme dans l'expression des voix syndicales, sans pour autant englober tout syndicat minoritaire au risque de nuire à l'efficacité dudit dialogue. Il est ainsi nécessaire que le syndicat soit le porte-parole d'une minorité, et non pas constitué de membres isolés (ATF 144 I 50 consid. 5.3.2 p. 60; 140 I 257 consid. 6.1 p. 264 s.; 113 II 37 consid. 4c p. 46). Le Tribunal fédéral n'a pas fixé un seuil quantitatif minimal permettant d'admettre de manière générale la représentativité suffisante d'un syndicat minoritaire (ATF 140 I 257 consid. 6.1 p. 265). Dans un cas particulier, il n'a pas exclu qu'un syndicat regroupant 7% des travailleurs de l'entreprise soit suffisamment représentatif; il a ajouté que, de toute manière, la représentativité suffisante du syndicat en question - la FTMH - aux plans tant cantonal que fédéral obligeait l'entreprise en cause à le reconnaître comme partenaire social (ATF 113 II 37 consid. 5 p. 47 s.). Par ailleurs, la représentativité d'un syndicat doit également être examinée compte tenu de la structure particulière de l'entreprise ou de l'institution publique par laquelle il demande à être reconnu. Au surplus, les critères de représentativité peuvent être codifiés par l'employeur dans un document de portée générale (ATF 140 I 257 consid. 6.1 p. 265). 
 
3.3. En l'espèce, la cour cantonale s'est fondée sur des critères pertinents pour apprécier la représentativité du SAP à partir de janvier 2011, marquant le début du prélèvement litigieux sur le salaire du recourant. Le nombre de membres et l'importance de l'organisation au plan géographique sont des éléments d'appréciation qui figurent également dans le rapport explicatif du DETEC sur l'OPO, dont l'art. 6 al. 1 contient la notion d'«associations du personnel représentatives» aptes à négocier une convention collective de travail. La faible proportion de membres du syndicat minoritaire dans les cantons comptant le plus de travailleurs d'une entreprise active au niveau national est un élément à prendre en compte. Quant à la représentativité du syndicat dans les différents métiers et activités de l'entreprise, il s'agit d'un critère qui n'est certes pas mentionné dans le rapport précité, mais qui n'apparaît pas pour autant inadéquat ou déraisonnable, dès lors que l'appréciation porte sur une entreprise aussi importante que La Poste, active dans l'ensemble du pays et dans plusieurs domaines.  
Cela étant, l'élément déterminant dans la présente cause est le faible nombre de membres du SAP (allant de 520 adhérents en juillet 2013 à 773 en décembre 2016) par rapport à l'ensemble des collaborateurs de La Poste (62'341 en décembre 2015), soit une proportion inférieure à 1,5%, onze ans après la création de l'organisation. Même si, selon la jurisprudence, il n'est pas nécessaire pour un syndicat de rassembler une forte minorité pour être reconnu comme partenaire social, une proportion aussi basse ne saurait représenter suffisamment les employés d'une entreprise de plus de 62'000 collaborateurs active au niveau national. Certes, seuls deux syndicats, représentant respectivement près de 28% et 11% du personnel de La Poste en 2016, sont reconnus comme partenaires sociaux. Mais contrairement à l'avis du recourant, l'adjonction d'un troisième syndicat d'un poids numérique aussi faible que le SAP ne peut être considérée comme indispensable à l'expression du pluralisme des voix syndicales au sens où la jurisprudence l'entend. 
En conclusion, la cour cantonale n'a violé aucune des dispositions constitutionnelles invoquées par le recourant en refusant de voir dans le SAP une organisation suffisamment représentative pour être reconnue comme partenaire social. 
 
4.   
L'absence d'une condition mise à la reconnaissance du SAP suffit à rejeter les conclusions du recourant en restitution de la contribution de solidarité et en interdiction de son prélèvement sur le salaire. Point n'est dès lors besoin d'examiner la condition de loyauté, dont la réalisation a été niée par la cour cantonale, ni, a fortiori, de se prononcer sur le complètement des faits réclamé par le recourant en rapport avec cette condition-ci. 
 
5.   
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. 
Le recourant prendra à sa charge les frais judiciaires (art. 65 al. 4 let. c et art. 66 al. 1 LTF) et versera des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 600 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.   
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 8 juillet 2019 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Kiss 
 
La Greffière : Godat Zimmermann