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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
1B_252/2014  
   
   
 
 
 
Arrêt du 3 novembre 2014  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, Aemisegger, Merkli, Karlen et Chaix. 
Greffière : Mme Tornay Schaller. 
 
Participants à la procédure 
Ministère public de la République et canton de Neuchâtel, Parquet régional de Neuchâtel, rue du Pommier 3A, 2000 Neuchâtel,  
recourant, 
 
contre  
 
A.________, 
intimé. 
 
Objet 
Séquestre pénal, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Autorité de 
recours en matière pénale, du 5 juin 2014. 
 
 
Faits :  
 
A.   
Le Ministère public du Parquet régional de Neuchâtel (ci-après: le Ministère public) mène depuis le 15 avril 2014 une instruction pénale contre A.________ pour infraction à l'art. 95 al. 1 let. a LCR: il lui est reproché d'avoir conduit, depuis dix ans et à raison de 25'000 kilomètres par an, un véhicule automobile sans être titulaire du permis de conduire requis. 
Par ordonnance du 15 avril 2014, le Ministère public a prononcé le séquestre du véhicule automobile de VW Polo GTI immatriculé NE xxx que conduisait A.________ ce jour-là. Cette décision retient que le véhicule devra ultérieurement être confisqué et qu'il s'agit du seul moyen apte à empêcher le prévenu de commettre l'infraction à l'art. 95 al. 1 let. a LCR
Par arrêt du 5 juin 2014, l'Autorité de recours en matière pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois a admis le recours de A.________ et annulé l'ordonnance de séquestre. En substance, elle a estimé qu'il était hautement douteux que la procédure puisse aboutir à la confiscation du véhicule incriminé; en outre, le dépôt des clefs et du permis de circulation du véhicule constituait une mesure apte à atteindre le but recherché, à savoir empêcher l'intéressé de conduire. 
 
B.   
Agissant par la voie du recours en matière pénale, le Ministère public conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal. A le suivre, une probabilité de confiscation demeure; par ailleurs, la simple remise des clefs du véhicule ne permettrait pas d'atteindre avec certitude le but poursuivi. 
Invités à se déterminer, A.________ conclut au rejet du recours et le Tribunal cantonal se réfère aux considérants de l'arrêt attaqué. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours en matière pénale, au sens de l'art. 78 al. 1 LTF, est ouvert contre une décision sur séquestre, prise au cours de la procédure pénale par une autorité cantonale de dernière instance (art. 80 LTF). En tant que l'arrêt attaqué a levé le séquestre prononcé par le Ministère public, ce dernier a un intérêt juridique à l'annulation de cette décision (art. 81 al. 1 let. b ch. 3 LTF). 
La décision de refus de mettre sous séquestre pénal des objets déterminés constitue une décision incidente puisqu'elle ne met pas fin à la procédure pénale. Le recours n'est dès lors recevable, selon l'art. 93 al. 1 let. a LTF, que si l'acte attaqué est susceptible de causer un préjudice irréparable (ATF 140 IV 57 consid. 2.3 p. 60). Selon la jurisprudence, l'ordonnance qui refuse de procéder au séquestre pénal d'objets déterminés pour garantir d'éventuelles prétentions en restitution ou en créance compensatrice est susceptible de causer un préjudice irréparable, tant à la partie plaignante - qui défend ses propres intérêts - qu'au Ministère public - qui défend les intérêts de l'Etat - (ATF 140 IV 57 consid. 2.4 p. 61). La situation n'est pas différente, du point de vue du Ministère public, s'agissant d'un séquestre en vue de confiscation. 
Pour le surplus, le recours est formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF
 
2.   
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir violé les règles en matière de séquestre pénal, en particulier en retenant que les conditions d'application des art. 90a LCR et 263 al. 1 let. d CPP n'étaient pas réalisées. 
 
2.1. Le séquestre pénal est une mesure conservatoire provisoire destinée à préserver les objets ou valeurs que le juge du fond pourrait être amené à confisquer ou qui pourraient servir à l'exécution d'une créance compensatrice. En l'espèce, la décision litigieuse est fondée sur l'art. 263 al. 1 let. d CPP, disposition selon laquelle peuvent être séquestrés les objets et les valeurs patrimoniales "lorsqu'il est probable qu'ils devront être confisqués". Comme cela ressort du texte de cette disposition, une telle mesure est fondée sur la vraisemblance; elle porte sur des objets dont on peut admettre, prima facie, qu'ils pourront être confisqués en application du droit pénal fédéral. Tant que l'instruction n'est pas achevée, une simple probabilité suffit (ATF 140 IV 57 consid. 4.1.1 p. 61 et les références citées).  
Par ailleurs, l'autorité doit pouvoir décider rapidement du séquestre provisoire (cf. art. 263 al. 2 CPP), ce qui exclut qu'elle résolve des questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 140 IV 57 consid. 4.1.2 p. 64). Le séquestre pénal ne peut donc être levé que dans l'hypothèse où il est d'emblée manifeste et indubitable que les conditions matérielles d'une confiscation ne sont pas réalisées, et ne pourront l'être (ATF 140 IV 133 consid. 4.2.1 p. 138; ATF 139 IV 250 consid. 2.1 p. 252 s.). 
 
2.2. Conformément à l'art. 69 al. 1 CP, alors même qu'aucune personne déterminée n'est punissable, le juge prononce la confiscation des objets qui ont servi ou devaient servir à commettre une infraction ou qui sont le produit d'une infraction, si ces objets compromettent la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public. Selon la jurisprudence, la confiscation d'un véhicule comme objet dangereux au sens de l'art. 69 CP peut entrer en considération lorsqu'il appartient à un auteur d'infractions chroniques au Code de la route, dans la mesure où la confiscation permet de retarder ou d'entraver la commission de nouvelles infractions à la LCR (ATF 137 IV 249 consid. 4.5.2 p. 257).  
Par ailleurs, l'art. 90a al. 1 LCR, introduit le 1er janvier 2013 dans le cadre du programme d'action de la Confédération visant à renforcer la sécurité routière (Via sicura), prévoit que le tribunal peut ordonner la confiscation d'un véhicule automobile aux conditions (cumulatives) suivantes: les règles de la circulation ont été violées gravement et sans scrupules (let. a); cette mesure peut empêcher l'auteur de commettre d'autres violations graves des règles de la circulation (let. b). Un séquestre fondé sur l'art. 263 al. 1 let. d CPP et destiné à préparer une telle confiscation est admissible (ATF 139 IV 250 consid. 2.3.4 p. 254 s.). 
 
2.3. En l'occurrence, le raisonnement de la cour cantonale se fonde sur la prémisse que l'art. 90a LCR paraît se référer à la gradation des infractions graves décrites à l'art. 90 LCR; or, même dans l'hypothèse de violations graves qualifiées (art. 90 al. 3 LCR), cette seule qualification ne suffirait pas: la confiscation suppose en outre une absence de scrupules, notion faisant référence au comportement des chauffards visés lors des travaux parlementaires. Les juges cantonaux en ont déduit que le fait de conduire un véhicule automobile sans être titulaire du permis de conduire requis ne constituait pas une infraction d'une gravité suffisante pour que s'applique l'art. 90a LCR; il ne s'agissait certes pas d'un comportement anodin, surtout lorsqu'il était adopté à réitérées reprises, mais il ne pouvait être assimilé au comportement intentionnel d'un chauffard. Comme il était, dans ces conditions, hautement douteux qu'une confiscation aboutisse en fin de procédure, le séquestre ne devait pas être prononcé. En outre, le dépôt des clefs du véhicule et du permis du circulation du véhicule constituait une mesure apte à atteindre le but recherché.  
Pour sa part, le Ministère public rappelle que l'intéressé a fait l'objet, en 2008, d'une condamnation par les autorités vaudoises pour conduite sans permis, laquelle ne l'a pas empêché de continuer à conduire régulièrement. Il ajoute que l'intimé a été intercepté à deux reprises par les autorités neuchâteloises, les 12 et 15 avril 2014. Le procureur en déduit que le prévenu adopte un comportement délictueux en toute connaissance de cause, aggravant encore son cas en se considérant comme étant titulaire d'un permis de conduire. Dans la mesure où l'intéressé ne respecte pas les interdictions de conduire, la saisie du véhicule est le seul moyen permettant d'éviter la récidive. 
Enfin, l'intimé estime être victime d'une "erreur administrative": la décision de séquestre s'appuierait sur des éléments non encore prouvés, des hypothèses et des suppositions; il évoque les "traces d'un permis d'élève conducteur datant de 1989", ce qui aurait pour conséquence de modifier la qualification du délit qui lui est reproché. L'intéressé affirme également que le véhicule automobile, dans des cas "pratiquement" similaires, n'aurait pas été séquestré. 
 
2.4. La question de savoir si l'art. 90a LCR - en tant que  lex specialis - exclut désormais l'application de la norme générale que constitue l'art. 69 CP n'a pas encore été tranchée par la jurisprudence de manière approfondie (cf. arrêt 1B_406/2013 consid. 3.1, destiné à la publication). Sans prendre position de manière définitive, la doctrine affirme essentiellement que la norme spéciale vise à préciser les règles applicables à la confiscation de véhicules automobiles, les principes dégagés de l'art. 69 CP restant applicables, à tout le moins à titre subsidiaire (Yvan Jeanneret, Via sicura: le nouvel arsenal pénal, Circulation routière 2013, p. 40 s.; Jürg Krumm, Die Sicherungseinziehung von Motorfahrzeugen, PJA 2013 p. 385; Hans Giger, Grundsatzprobleme im Bereich der Sicherungseinziehung von Motorfahrzeugen, Jusletter 7 mai 2012 n. 16; Florian Baumann/Cornelia Stengel, Einziehung von Motorfahrzeugen, Jusletter 25 mai 2013, n. 35). Dans un cas comme dans l'autre, la loi pose comme condition à la confiscation - et par voie de conséquence au séquestre qui la précède - que le retrait du véhicule automobile empêche l'auteur respectivement de compromettre la sécurité des personnes (art. 69 al. 1 CP) et de commettre des violations graves des règles de la circulation routière (art. 90a al. 1 let. b LCR).  
En l'espèce, il appartiendra en dernier ressort au juge du fond de déterminer, au terme d'une analyse complète de toutes les circonstances pertinentes, si les conditions matérielles d'une confiscation sont réunies. En l'état du dossier, on ne peut exclure que le recourant compromette à l'avenir la sécurité des personnes ou commette des violations graves de la circulation routière: ses aptitudes et qualifications nécessaires à la conduite n'ont en effet jamais fait l'objet d'un contrôle par l'autorité compétente, en particulier en ce qui concerne ses connaissances des règles de la circulation (art. 14 al. 1 et al. 2 let. a LCR). S'agissant de la condition cumulative de l'absence de scrupule prévue à l'art. 90a al. 1 let. a LCR, la jurisprudence a précisé que le juge du séquestre n'a pas à l'examiner à ce stade de la procédure (ATF 140 IV 133 consid. 3.4 p. 137). L'autorité inférieure devait donc ici constater que, par son comportement illicite adopté sur une très longue durée et sa méconnaissance des règles de la circulation routière, l'intimé met en danger - à tout le moins sur un plan abstrait - la sécurité publique en continuant à disposer de son véhicule automobile. 
Au vu de ce qui précède, il n'apparaît pas d'emblée manifeste et indubitable - ce qu'exige la jurisprudence rappelée ci-dessus au consid. 2.1 - que les conditions matérielles d'une confiscation ultérieure seraient exclues. Dès lors, la cour cantonale ne pouvait pas lever le séquestre sans violer le droit fédéral. Le recours du Ministère public doit ainsi être admis et l'arrêt attaqué annulé. 
 
3.   
L'intimé, qui succombe, supportera les frais de la procédure devant le Tribunal fédéral (art. 66 al. 1 LTF). Le recourant n'a pas droit à des dépens (art. 66 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé. L'ordonnance du Ministère public du 15 avril 2014 est confirmée. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3.   
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Autorité de recours en matière pénale. 
 
 
Lausanne, le 3 novembre 2014 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Fonjallaz 
 
La Greffière : Tornay Schaller