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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_398/2021  
 
 
Arrêt du 20 mai 2022  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Hohl, présidente, Kiss, Niquille, Rüedi et May Canellas. 
Greffier: M. O. Carruzzo. 
 
Participants à la procédure 
République bolivarienne du Ve ne zuela, 
représentée par Mes Guerric Canonica et Romain Canonica, avocats, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________ S.L., 
représentée par Mes Xavier Favre-Bulle et Hanno Wehland, avocats, 
intimée. 
 
Objet 
arbitrage international, 
 
recours en matière civile contre la sentence rendue le 17 juin 2021 par un Tribunal arbitral avec siège à Genève (CPA n° 2015-30). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ S.L. (ci-après: A.________) est une société de droit espagnol sise à B.________ ayant été constituée le 15 avril 2011 par un représentant de sa société mère américaine, C.________. Lors de la création de A.________, C.________ a effectué un apport en nature sous la forme d'un transfert des actions de D.________, une société commercialisant notamment des solutions à base de chlore, des produits de nettoyage et de désinfectants sur le territoire de la République bolivarienne du Venezuela (ci-après: le Venezuela). Depuis le 15 avril 2011, A.________ détient ainsi toutes les actions de D.________.  
 
A.b. Un régime de contrôle des prix existe depuis plus de 70 ans au Venezuela. Lors d'un long discours prononcé le 15 janvier 2011 devant l'Assemblée nationale du Venezuela, retransmis en direct à la télévision et dont le groupe C.________ a eu connaissance le jour même, le Président alors en exercice, Hugo Chávez, a notamment tenu les propos suivants:  
 
" Cuanto tú oyes, hace poco yo oía de los críticos, bienvenida la crítica, yo la leo y la oigo, bueno, que es que a un empresario no pueden ponerle límites en la tasa de ganancia. Oye, espérate un momentico, ¡ cómo que no! Todo debe tener unos límites, todo debe tener unos límites. Empezando que aquí hay una ley, una Constitucíon, y todo debe tener límites, ¡todo en este mundo! Ahora, entonces, si cada quien, de una cadena de productores y distribuidores, pretenden ganar 20 por ciento. Imagínate tú, 20 por ciento me gano, y te vendo a ti, tú te ganas 20 más, y 20, bueno llegas a 100, a 200 por ciento. Eso tenemos que regularlo. Y una de las leyes habilitantes que estamos haciendo es la creación de una Superintendencia de Costos y de Precios, porque tenemos que ajustar todo eso. Y yo pido apoyo a todos los sectores, apoyo a estas políticas de saneamiento económico. (...) ¡Saneamiento económico! Hay que sanear y fortalecer la economía desde todos los puntos de vista ". 
" Lorsque vous entendez, j'ai récemment entendu les critiques, accueillons la critique, je la lis et je l'entends, et bien qu'un homme d'affaires ne puisse pas se voir limiter son taux de profit. Attendez une minute, bien sûr que si ! Tout doit avoir des limites, tout doit avoir des limites. En partant du principe qu'ici il y a une loi, une Constitution, et que tout doit avoir des limites, tout dans ce monde ! Maintenant si chaque maillon d'une chaîne de producteurs et de distributeurs veut gagner 20 pour cent... Imaginez-vous, je gagne 20 pour cent, et je vous vends, vous gagnez 20 de plus, et 20, et bien nous arrivons à 100, à 200 pour cent. Nous devons réglementer cela. Et l'une des lois d'habilitation sur laquelle nous travaillons est la création d'une Superintendance des Coûts et des Prix [ci-après: SUNDECOP], car nous devons ajuster tout cela. Et je demande le soutien de tous les secteurs, le soutien à ces politiques de réorganisation économique. (...) Réorganisation économique ! Nous devons réorganiser et renforcer l'économie à tous les niveaux. " 
Le 18 juillet 2011, le Venezuela a adopté la loi sur les coûts, les bénéfices et la garantie du juste prix ( Ley sobre Costos y Precios Justos), laquelle est entrée en vigueur le 22 novembre 2011.  
Le 28 février 2012, la SUNDECOP a promulgué la décision no 059, laquelle est entrée en vigueur le 1er avril 2012, qui, selon le groupe C.________, a eu pour effet de fixer des prix inférieurs aux coûts de production de 73 % de ses marchandises. 
 
B.  
 
B.a. Le 18 mai 2015, A.________, se fondant sur la clause d'arbitrage insérée dans la Convention visant à l'encouragement et à la protection réciproques des investissements conclue le 2 novembre 1995 entre l'Espagne et le Venezuela ( Convenio entre el Gobierno del Reino de España y el Gobierno de la República Bolivariana de Venezuela para la Promoción y la Protección Recíproca de Inversiones "; ci-après: le TBI), a initié une procédure arbitrale dirigée contre le Venezuela en vue d'obtenir le paiement de dommages-intérêts pour cause de violation de diverses dispositions du TBI.  
Un Tribunal arbitral de trois membres a été constitué, conformément au Règlement d'arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), sous l'égide de la Cour permanente d'arbitrage (CPA), et son siège fixé à Genève. L'espagnol a été désigné comme langue de l'arbitrage. 
Par sentence du 20 mai 2019, le Tribunal arbitral s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande et a mis les frais de la procédure arbitrale à la charge de la demanderesse. En bref, il a estimé que la demanderesse, soit une société espagnole détenant une participation dans une entité vénézuélienne, n'était pas au bénéfice d'un investissement protégé par le TBI dès lors que ledit investissement avait été initialement effectué par une société sise dans un État tiers, non partie au TBI, avant d'être transféré à la demanderesse. 
 
B.b. Saisi d'un recours formé par la demanderesse, le Tribunal fédéral, statuant par arrêt du 25 mars 2020 (cause 4A_306/2019), l'a partiellement admis, a annulé la sentence du 20 mai 2019 et a renvoyé la cause au Tribunal arbitral pour nouvelle décision dans le sens des considérants. En substance, il a considéré que le TBI n'exigeait pas que l'investissement en cause ait été effectué par l'investisseur lui-même en échange d'une contre-prestation. Seule la détention par un investisseur d'une partie contractante d'actifs sur le territoire de l'autre partie contractante était décisive, raison pour laquelle le Tribunal arbitral ne pouvait pas se déclarer incompétent en faisant dépendre la protection d'un investissement conférée par le TBI du respect de conditions supplémentaires (consid. 3.4.2.7). Se référant au principe général de l'interdiction de l'abus de droit, reconnu internationalement et faisant partie de l'ordre public matériel suisse, la Cour de céans a toutefois souligné que la protection d'un traité d'investissement doit être refusée à un investisseur lorsque celui-ci effectue une opération d'acquisition de nationalité à un moment où le litige donnant lieu à la procédure d'arbitrage était prévisible et que cette opération doit être considérée, selon les règles de la bonne foi, comme ayant été effectuée en vue de ce litige (consid. 3.4.2.8). Après avoir indiqué qu'il n'y avait pas lieu de tenter d'établir des critères généraux permettant de déterminer la prévisibilité d'un litige, elle a renvoyé la cause au Tribunal arbitral afin qu'il se prononce sur l'existence d'un abus de droit et tranche d'éventuelles autres objections à sa compétence (consid. 4).  
 
B.c. Après avoir repris l'instruction de la cause, le Tribunal arbitral, par sentence du 17 juin 2021 rendue à la majorité de ses membres, a constaté que la seule objection pendante devant lui était celle ayant trait à l'éventuelle existence d'un abus de droit, a écarté ladite objection et s'est déclaré compétent pour connaître du fond du litige. Une opinion dissidente de l'arbitre désigné par la défenderesse était annexée à ladite sentence. Les motifs qui étayent cette sentence seront résumés plus loin dans la mesure utile à la compréhension du grief dont celle-ci est la cible.  
 
C.  
Le 18 août 2021, la défenderesse (ci-après: la recourante) a formé un recours en matière civile, pour violation de l'art. 190 al. 2 let. b de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291), aux fins d'obtenir l'annulation de la sentence du 17 juin 2021 et la constatation de l'incompétence du Tribunal arbitral pour trancher le litige divisant les parties. 
Par ordonnance du 3 novembre 2021, la recourante a été invitée, sur demande de A.________ (ci-après: l'intimée), à verser, dans les trente jours suivant la notification de ladite ordonnance, le montant de 250'000 fr. au greffe du Tribunal fédéral en garantie des dépens de cette partie. Elle s'est exécutée en temps utile. 
En tête de sa réponse du 18 janvier 2022, l'intimée a conclu au rejet du recours. 
Le Tribunal arbitral ne s'est pas prononcé sur le sort à réserver au recours. 
La recourante, dans sa réplique spontanée du 14 février 2022, et l'intimée, dans sa duplique spontanée du 9 mars 2022, ont maintenu leurs conclusions initiales. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
D'après l'art. 54 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque cette décision est rédigée dans une autre langue (ici l'espagnol), le Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant le Tribunal arbitral, celles-ci ont opté pour l'espagnol, alors que, dans la procédure fédérale, elles ont employé le français. Conformément à sa pratique, le Tribunal fédéral adoptera la langue du recours et rendra son arrêt en français. 
 
2.  
Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est recevable aux conditions prévues aux art. 190 à 192 LDIP en vertu de l'art. 77 al. 1 let. a LTF
 
2.1. Le siège de l'arbitrage a été fixé à Genève. L'une des parties au moins n'avait pas son siège en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont donc applicables (art. 176 al. 1 LDIP).  
 
2.2. La sentence attaquée constitue une décision incidente par laquelle le Tribunal arbitral a statué sur sa propre compétence (art. 186 al. 3 LDIP). En vertu de l'art. 190 al. 3 LDIP, cette décision, que la partie défenderesse doit entreprendre immédiatement (ATF 130 III 66 consid. 4.3), ne peut être attaquée devant le Tribunal fédéral que pour les motifs tirés de la composition irrégulière (art. 190 al. 2 let. a LDIP) ou de l'incompétence (art. 190 al. 2 let. b LDIP) du tribunal arbitral. Les griefs visés à l'art. 190 al. 2 let. c à e LDIP peuvent aussi être soulevés contre les décisions incidentes au sens de l'art. 190 al. 3 LDIP, mais uniquement dans la mesure où ils se limitent strictement aux points concernant directement la composition ou la compétence du tribunal arbitral (ATF 143 III 462 consid. 2.2; 140 III 477 consid. 3.1; 140 III 520 consid. 2.2.3).  
 
2.3. Le recours en matière civile prévu à l'art. 77 al. 1 LTF n'a généralement qu'un caractère cassatoire (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui exclut l'application de l'art. 107 al. 2 LTF dans la mesure où cette dernière disposition permet au Tribunal fédéral de statuer sur le fond de l'affaire). Cependant, exception est faite à ce caractère-là lorsque le litige porte, comme en l'espèce, sur la compétence du Tribunal arbitral. En pareille hypothèse, le Tribunal fédéral, s'il admet le recours, peut constater lui-même la compétence ou l'incompétence du tribunal arbitral (ATF 136 III 605 consid. 3.3.4). La conclusion par laquelle la recourante invite la Cour de céans à constater elle-même l'incompétence du Tribunal arbitral est, dès lors, recevable.  
 
2.4. La recourante s'évertue à démontrer que la valeur litigieuse fixée par l'art. 74 al. 1 let. b LTF est atteinte. Cet exposé est toutefois superflu. Il a en effet échappé à l'intéressée que l'art. 77 al. 1 LTF, dans sa nouvelle teneur en vigueur depuis le 1 er janvier 2021 (RO 2020 4179), précise que le recours en matière civile est recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux indépendamment de la valeur litigieuse, tant pour l'arbitrage international que pour l'arbitrage interne (arrêt 4A_200/2021 du 21 juillet 2021 consid. 2).  
Pour le reste, qu'il s'agisse de l'objet du recours, de la qualité pour recourir, du délai de recours ou encore du motif de recours invoqué, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose, dès lors, à l'entrée en matière. Demeure réservé l'examen, sous l'angle de sa motivation, du grief formulé par la recourante. 
 
3.  
 
3.1. Un mémoire de recours visant une sentence arbitrale doit satisfaire à l'exigence de motivation telle qu'elle découle de l'art. 77 al. 3 LTF en liaison avec l'art. 42 al. 2 LTF et la jurisprudence relative à cette dernière disposition (ATF 140 III 86 consid. 2 et les références citées). Cela suppose que le recourant discute les motifs de la sentence entreprise et indique précisément en quoi il estime que l'auteur de celle-ci a méconnu le droit. Il ne pourra le faire que dans les limites des moyens admissibles contre ladite sentence, à savoir au regard des seuls griefs énumérés à l'art. 190 al. 2 LDIP lorsque l'arbitrage revêt un caractère international. Au demeurant, comme cette motivation doit être contenue dans l'acte de recours, le recourant ne saurait user du procédé consistant à prier le Tribunal fédéral de bien vouloir se référer aux allégués, preuves et offres de preuve contenus dans les écritures versées au dossier de l'arbitrage. De même se servirait-il en vain de la réplique pour invoquer des moyens, de fait ou de droit, qu'il n'avait pas présentés en temps utile, c'est-à-dire avant l'expiration du délai de recours non prolongeable (art. 100 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 47 al. 1 LTF) ou pour compléter, hors délai, une motivation insuffisante (arrêt 4A_478/2017 du 2 mai 2018 consid. 2.2 et les références citées).  
 
3.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits constatés dans la sentence attaquée (cf. art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter d'office les constatations des arbitres, même si les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui exclut l'application de l'art. 105 al. 2 LTF). Les constatations du tribunal arbitral quant au déroulement de la procédure lient aussi le Tribunal fédéral, qu'elles aient trait aux conclusions des parties, aux faits allégués ou aux explications juridiques données par ces dernières, aux déclarations faites en cours de procès, aux réquisitions de preuves, voire au contenu d'un témoignage ou d'une expertise ou encore aux informations recueillies lors d'une inspection oculaire (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées; arrêts 4A_54/2019 du 11 avril 2019 consid. 2.4; 4A_322/2015 du 27 juin 2016 consid. 3 et les références citées).  
La mission du Tribunal fédéral, lorsqu'il est saisi d'un recours en matière civile visant une sentence arbitrale internationale, ne consiste pas à statuer avec une pleine cognition, à l'instar d'une juridiction d'appel, mais uniquement à examiner si les griefs recevables formulés à l'encontre de ladite sentence sont fondés ou non. Permettre aux parties d'alléguer d'autres faits que ceux qui ont été constatés par le tribunal arbitral, en dehors des cas exceptionnels réservés par la jurisprudence, ne serait plus compatible avec une telle mission, ces faits fussent-ils établis par les éléments de preuve figurant au dossier de l'arbitrage (arrêt 4A_386/2010 du 3 janvier 2011 consid. 3.2). Cependant, le Tribunal fédéral conserve la faculté de revoir l'état de fait à la base de la sentence attaquée si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (ATF 138 III 29 consid. 2.2.1 et les références citées). 
 
3.3. Bien qu'elle déclare à titre liminaire vouloir se référer à l'état de fait retenu par le Tribunal arbitral, la recourante se lance pourtant, sous ch. v. de son mémoire, dans une narration de son propre cru des circonstances factuelles et procédurales de la cause en litige, sans se limiter aux constatations faites souverainement par les arbitres dans la sentence attaquée. Elle n'invoque, du reste, aucune des exceptions sus-indiquées qui lui permettraient de s'en prendre aux constatations du Tribunal arbitral. Dès lors, la Cour de céans examinera le bien-fondé du grief soulevé par la recourante à la lumière de ces constatations-là, et d'elles seules.  
 
4.  
 
4.1. Lorsque le Tribunal fédéral annule une sentence et renvoie la cause au tribunal arbitral, ce dernier ne peut examiner que les questions laissées ouvertes par l'arrêt de renvoi et il est lié par sa première sentence (arrêts 4A_462/2018 du 4 juillet 2019 consid. 3.2.1; 4A_426/2015 du 11 avril 2016 consid. 3.1; 4A_54/2012 du 27 juin 2012 consid. 2.2.3).  
 
4.2. En l'occurrence, le Tribunal fédéral, par arrêt du 25 mars 2020, a annulé la sentence rendue le 20 mai 2019 par le Tribunal arbitral et lui a renvoyé la cause afin qu'il se prononce sur " la question de l'abus de droit ainsi que d'éventuelles autres objections à sa compétence ". Dans sa sentence du 17 juin 2021, le Tribunal arbitral a constaté que la seule objection procédurale maintenue par la recourante était celle ayant trait à l'existence d'un éventuel abus de droit commis par l'intimée. A ce stade, le litige ne porte dès lors plus que sur cette question.  
 
5.  
Dans un unique moyen fondé sur l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, la recourante reproche à l'intimée d'avoir procédé à une restructuration inadmissible de son investissement aux seules fins d'obtenir la protection offerte par le TBI à un moment où la survenance d'un litige avec l'État hôte était prévisible. A son avis, l'attitude adoptée par l'intimée est constitutive d'un abus de droit, raison pour laquelle elle ne mérite aucune protection. 
 
5.1. Saisi du grief d'incompétence, le Tribunal fédéral examine librement les questions de droit, y compris les questions préalables, qui déterminent la compétence ou l'incompétence du tribunal arbitral (ATF 146 III 142 consid. 3.4.1; 133 III 139 consid. 5; arrêt 4A_618/2019 du 17 septembre 2020 consid. 4.1). Il en va de même lorsqu'il est amené à interpréter le sens que revêtent certains termes utilisés dans un traité bilatéral d'investissement, étant précisé que pareille interprétation s'effectuera, dans un tel cas, conformément aux règles de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (RS 0.111; ATF 144 III 559 consid. 4.1; 141 III 495 consid. 3.2 et 3.5.1; arrêt 4A_65/2018 du 11 décembre 2018 consid. 2.4.1 et les références citées).  
Le Tribunal fédéral ne revoit cependant l'état de fait à la base de la sentence attaquée - même s'il s'agit de la question de la compétence - que si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux (cf. art. 99 al. 1 LTF) sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (ATF 144 III 559 consid. 4.1; 142 III 220 consid. 3.1; 140 III 477 consid. 3.1; 138 III 29 consid. 2.2.1). 
 
5.2.  
 
5.2.1. Par sa critique, la recourante soulève la question du changement stratégique de nationalité d'un investisseur accompli dans l'optique d'obtenir la protection des clauses substantielles et/ou juridictionnelles d'un traité d'investissement qui, sans cette opération, ne trouverait pas application. Elle fait ainsi référence au Treaty Shopping ou au "chalandage de traité", pris ici dans son sens le plus large (arrêt 4A_80/2018 du 7 février 2020 consid. 4.3; JORUN KATHARINA BAUMGARTNER, Treaty Shopping in International Investment Law, 2016, p. 7 ss, 30 s. et 305 [cité ci-après: Baumgartner, Treaty Shopping]; LA MÊME, The Significance of the Notion of Dispute and Its Foreseeability in an Investment Claim Involving a Corporate Restructuring, The Journal of World Investment & Trade 2017/2 p. 202 [cité ci-après: Baumgartner, Foreseeability]; NGO/LY, Le chalandage de traités à l'épreuve des accords d'investissement de nouvelle génération, Revue internationale de droit économique 2017/3 p. 86 et 88 ss). Le Treaty Shopping vise diverses constellations, notamment lorsqu'un investisseur ressortissant d'un État tiers - non partie au traité d'investissement - (re) structure son investissement de façon à être rattaché à un Etat contractant, ou lorsqu'une telle opération émane d'un ressortissant de l'Etat hôte; dans cette hypothèse-ci, il s'agit pour l'investisseur d'"internationaliser" son investissement qui, à défaut, n'entrerait pas dans le champ d'application du traité, procédé parfois qualifié de "round-tripping" (arrêt 4A_80/2018, précité, consid. 4.3 et les références citées; cf. aussi MARC-ANTOINE COUET, Round-Tripping in International Investment Law: A Teleological Assessment, Journal of World Investment & Trade 2021 p. 461 ss). Le plus souvent, l'adoption stratégique d'une certaine nationalité s'effectuera par le détour de personnes morales. A l'instar de ce qui prévaut en matière fiscale, le Treaty Shopping implique de tracer une limite entre la planification légitime d'acquisition de nationalité et le procédé abusif (abus de traité; treaty abuse; arrêt 4A_80/2018, précité, consid. 4.3 et la référence citée).  
 
5.2.2. Les États ont différents moyens d'infléchir la pratique du Treaty Shopping. Ils peuvent notamment agir sur la définition de l'investisseur et de l'investissement et sur le critère déterminant la nationalité de la personne morale; ils peuvent exiger un certain lien effectif avec l'État national, permettre de refuser "le bénéfice" du traité protecteur ( denial of benefits clause) à une entité contrôlée par le ressortissant d'un État tiers - voire de l'État hôte -, ou encore imposer des exigences quant à la provenance des fonds investis (arrêt 4A_80/2018, précité, consid. 4.3 et les références citées; NGO/LY, op. cit., p. 103 ss; ANTHONY SINCLAIR, The Substance of Nationality Requirements in Investment Treaty Arbitration, ICSID Review vol. 20/2 [2005] p. 388; XIAO-JING ZHANG, Proper Interpretation of Corporate Nationality under International Investment Law to Prevent Treaty Shopping, Contemporary Asia Arbitration Journal 2013/1 p. 50).  
L'absence de clauses limitatives dans un traité d'investissement ne signifie toutefois pas que des pratiques visant à bénéficier de manière abusive de la protection d'un tel traité devraient être tolérées par les États contractants (arrêt 4A_306/2019, précité, consid. 3.4.2.8 publié aux ATF 146 III 142). Doctrine et tribunaux arbitraux voient ainsi dans l'abus de droit (et son volet procédural qu'est l'abus de procédure [ abuse of process]) un possible correctif au Treaty Shopping (arrêt 4A_80/2018, précité, consid. 4.3 et les références citées; BAUMGARTNER, Treaty Shopping, p. 197 ss et les sentences citées; SIMON FOOTE, The Bona Fide Investor: Corporate Nationality and Treaty Shopping in Investment Treaty Law, 2021, p. 240; ERIC DE BRABANDERE, " Good Faith ", " Abuse of Process " and the Initiation of Investment Treaty Claims, Journal of International Dispute Settlement 2012/3 p. 14 ss; MARK FELDMAN, Setting Limits on Corporate Nationality Planning in Investment Treaty Arbitration, ICSID Review vol. 27/2 [2012] p. 292; EMILY SIPIORSKI, Good Faith in International Investment Arbitration, 2019, § 3.131 p. 77; RICHARD KREINDLER, Are Tribunals Setting New Limits on Access to International Jurisdiction? ICSID Review vol. 25/1 [2010] p. 41 s.).  
Le Tribunal fédéral a lui aussi souligné qu'un investisseur peut, suivant les circonstances, commettre un abus de droit, lequel constitue un principe général reconnu internationalement et faisant partie de l'ordre public matériel suisse (ATF 138 III 322 consid. 4; 132 III 389 consid. 2.2.1), en réclamant une protection offerte par un traité d'investissement (ATF 146 III 142 consid. 3.4.2.8; arrêt 4A_80/2018, précité, consid. 4.8). 
 
5.2.3. Tracer la limite entre planification légitime d'acquisition de nationalité ( legitimate nationality planning) et abus de traité ( treaty abuse) est un exercice difficile auquel doivent régulièrement se livrer les tribunaux arbitraux dans des litiges d'investissement (ATF 146 III 142 consid. 3.4.2.8 et la référence citée; cf. notamment Aguas del Tunari c. Bolivie, CIRDI no ARB/02/3, Decision on Respondent's Objections to Jurisdiction, 21 octobre 2005; Phoenix Action Ltd c. République tchèque, CIRDI no ARB/06/5, sentence du 15 avril 2009; Europe Cement Investment and Trade SA c. Turquie, CIRDI no ARB[AF]/07/2, sentence du 13 août 2009; Cementownia " Nowa Huta " SA c. Turquie, CIRDI no ARB[AF]/06/2, sentence du 17 septembre 2009; Mobil Corporation and others c. Venezuela, CIRDI no ARB/07/27, Decision on Jurisdiction, 10 juin 2010; Pac Rim Cayman LLC c. Salvador, CIRDI no ARB/09/12, Decision on the Respondent's Jurisdictional Objections, 1er juin 2012; Tidewater Investment SRL et Tidewater Caribe, CA c. Venezuela, CIRDI no ARB/10/5, Decision on Jurisdiction, 8 février 2013; ConocoPhillips Petrozuata BV, ConocoPhillips Hamaca BV et ConocoPhillips Gulf of Paria BV c. Venezuela, CIRDI no ARB/07/30, Decision on Jurisdiction and the Merits, 3 septembre 2013; Lao Holdings NV c. Laos, CIRDI no ARB[AF]/12/6, Decision on Jurisdiction, 21 février 2014; Cervin Investissements & Rhone Investissements c. Costa Rica, CIRDI no ARB/13/2, Decision on Jurisdiction, 15 décembre 2014; Renée Rose Levy et Gremcitel SA c. Pérou, CIRDI no ARB/11/17, sentence du 9 janvier 2015; Philip Morris Asia Ltd. c. Australie, PCA no 2012-12, Award on Jurisdiction and Admissibility, 17 décembre 2015; Transglobal Green Energy, LLC et Transglobal Green Panama c. Panama, CIRDI no ARB/13/28, sentence du 2 juin 2016; pour un résumé de ces affaires, cf. BAUMGARTNER, Treaty Shopping, p. 200 ss et WATSON/BREBNER, op. cit., p. 304 ss). La frontière entre les deux procédés est ténue et il existe nécessairement une certaine zone grise (Pac Rim Cayman LLC c. Salvador, sentence précitée, § 2.99: " this dividing-line will rarely be a thin red line, but will include a significant grey area "; JOHN LEE, Resolving Concerns of Treaty Shopping in International Investment Arbitration, Journal of International Dispute Settlement 2015/6 p. 377; JAGUSH ET AL., Restructuring Investments to Achieve Investment Treaty Protection, in Meg Kinnear et al. [éd.], Building International Investment Law, 2016, p. 176).  
Plusieurs tribunaux arbitraux et de nombreux auteurs admettent, à juste titre, que le fait pour un investisseur de (re) structurer son investissement aux fins de remplir les conditions prévues par un traité d'investissement et d'obtenir ainsi le bénéfice de celui-ci, y compris pour se protéger d'éventuels futurs différents avec l'État hôte, n'est pas abusif en soi (Renée Rose Levy et Gremcitel SA c. Pérou, sentence précitée, § 184; Tidewater Investment SRL et Tidewater Caribe, CA c. Venezuela, sentence précitée, § 184; Philip Morris Asia Ltd. c. Australie, sentence précitée, § 540; Mobil Corporation and others c. Venezuela, sentence précitée, § 204; Aguas del Tunari c. Bolivie, sentence précitée, § 330; SINCLAIR, op. cit., p. 357; CAMPBELL MCLACHLAN ET AL., International Investment Arbitration, 2e éd., 2017, § 5.159 p. 204; CHRISTOPH SCHREUER, Nationality of Investors: Legitimate Restrictions vs. Business Interests, ICSID Review vol. 24/2 [2009] p. 524; LE MÊME, Nationality Planning, in Arthur W. Rovine [éd.], Contemporary Issues in International Arbitration and Mediation, 2013, p. 26; JAGUSH ET AL., op. cit., p. 185; SCHILL/BRAY, Good Faith Limitations on Protected Investments and Corporate Structuring, Amsterdam Law School Research Paper 2017-16 p. 19 s.; SKINNER/MILES/LUTTRELL, Access and advantage in investor-state arbitration: The law and practice of treaty shopping, Journal of World Energy Law and Business vol. 3/3 p. 261; BRIGITTE STERN, Are There New Limits on Access to International Arbitration?, ICSID Review vol. 25/1 [2010] p. 31 s.; VALASEK/DUMBERRY, Developments in the Legal Standing of Shareholders and Holding Corporations in Investor-State Disputes, ICSID Review vol. 26/1 [2011] p. 59 s.; HERVÉ ASCENSIO, Abuse of Process in International Investment Arbitration, Chinese Journal of International Law 2014 p. 773; UTKU TOPCAN, Abuse of the Right to Access ICSID Arbitration, ICSID Review vol. 29/3 [2014] p. 632; ZONGNAN WU, Abuse of Rights in the Context of Corporate Nationality Planning, European Investment Law and Arbitration Review Online 2019/1 p. 8 s.; WATSON/BREBNER, Nationality Planning and Abuse of Process: A Coherent Framework, ICSID Review vol. 33/1 [2018] p. 318; DELPHINE BURRIEZ, Le treaty shopping procédural d'incorporation dans le contentieux arbitral transnational, ICSID Review vol. 25/ 2 [2010] p. 395 s.; BAUMGARTNER, Treaty Shopping, p. 305; LA MÊME, Foreseeability, p. 203; YAEL RIBCO BORMAN, Treaty Shopping Through Corporate Restructuring of Investments: Legitimate Corporate Planning or Abuse of Rights? Annuaire de La Haye de Droit International 2011 p. 361 et 368; JULIEN CHAISSE, The Treaty Shopping Practice: Corporate Structuring and Restructuring to Gain Access to Investment Treaties and Arbitration, Hastings Business Law Journal 2015/2 p. 304; FABIAN SIMON EICHBERGER, Die Grenzen der Zulässigkeit des nationality planning im Investitionsschutzrecht, Archiv des Völkerrechts 2020/3 p. 327; JUAN GARAY, Abuse of process through corporate restructuring of assets: the legal standard for the multinational investor, Boston University International Law Journal 2017 p. 400; BJÖRN EBERT, Forum Shopping im internationalen Investitionsschutzrecht: Wie weit geht die Gestaltungsfreiheit, wo beginnt der Missbrauch?, in Krauskopf/Babey [éd.], Internationales Wirtschaftsrecht, 2017, p. 101). Un investisseur peut dès lors légitimement modifier la structure de son investissement aux fins de bénéficier de la meilleure protection possible (BURRIEZ, op. cit., p. 405).  
Une restructuration menée avec l'intention de bénéficier de la protection d'un traité peut toutefois, suivant les circonstances, constituer un abus de traité lorsqu'elle est opérée à un moment où le litige avec l'État hôte est prévisible (Renée Rose Levy et Gremcitel SA c. Pérou, sentence précitée, § 185; Tidewater Investment SRL et Tidewater Caribe, CA c. Venezuela, sentence précitée, § 184; Philip Morris Asia Ltd. c. Australie, sentence précitée, § 554; WATSON/BREBNER, op. cit., p. 318; EMMANUEL GAILLARD, Abuse of Process in International Arbitration, ICSID Review vol. 32/1 [2017] p. 20; ZIADÉ/MELCHIONDA, Structuring and Restructuring of Investment in Investment Treaty Arbitration, in Arthur W. Rovine [éd.], Contemporary Issues in International Arbitration and Mediation, 2014, p. 371 s.; VOON ET AL., Legal Responses to Corporate Manoeuvering in International Investment Arbitration, Journal of International Dispute Settlement 2014/5 p. 65; Z HANG, op. cit., p. 64; BAUMGARTNER, Treaty Shopping, p. 214; JOHN DAVID BRANSON, The Abuse of Process Doctrine Extended: A Tool for Right Thinking People in International Arbitration, Journal of International Arbitration 2021/2 p. 188; EBERT, op. cit., p. 101). 
Pour opérer la distinction entre stratégie légitime et pratique abusive de la part d'un investisseur, la jurisprudence arbitrale attache une importance particulière au facteur temporel (BAUMGARTNER, Treaty Shopping, p. 200 ss et les sentences arbitrales citées; JOHN LEE, Resolving Concerns of Treaty Shopping in International Investment Arbitration, Journal of International Dispute Settlement 2015/6 p. 376; BURRIEZ, op. cit., p. 404; SCHILL/BRAY, op. cit., p. 23 ss; JOSCHA MÜLLER, Reformhindernisse im internationalen Investitionsrecht, 2020, p. 222). Ainsi, lorsque la restructuration d'un investissement est opérée alors que le litige entre les parties est déjà né, le tribunal arbitral doit en principe décliner sa compétence faute de juridiction ratione temporis.  
Si la restructuration s'effectue en vue d'un litige spécifique à venir à un moment où celui-ci est prévisible, l'objection tirée de l'abus de traité peut trouver application (ATF 146 III 142 consid. 3.4.2.8). Plusieurs auteurs pointent toutefois du doigt le caractère relativement flou du critère de la prévisibilité du litige, lequel suscite diverses interrogations sur le plan juridique, et déplorent la mise en oeuvre fluctuante dudit critère par les divers tribunaux arbitraux qui ont été amenés à se prononcer sur cette question (BAUMGARTNER, Treaty Shopping, p. 219 et 226; LA MÊME, Foreseeability, p. 202; ANNA KOZYAKOVA, Foreign Investor Misconduct in International Investment Law, 2021, p. 152 ss; MANJIRI SINGH, A Re-consideration of Nationality Planning in Investment Treaty Arbitration: Challenging Fundamental Assumptions and Beyond, Journal of Law and Legal Studies vol. I/1 p. 3; FELDMAN, op. cit., p. 289 et 292 s.; VOON ET AL., op. cit., p. 44 et 67; WATSON/BREBNER, op. cit., p. 321 ss; JAGUSH ET AL., op. cit., p. 18 s.; WU, op. cit., p. 15 et 22 ss; CHIEH LEE, Resolving Nationality Planning Issue Through the Application of the Doctrine of Piercing the Corporate Veil in International Investment Arbitration, Contemporary Asia Arbitration Journal 2016/1 p. 111; JOHN LEE, op. cit., p. 376 s.; OLUNKULE DAVIS OKE, Towards Limiting Treaty Shopping in International Investment Law and Arbitration: a Critical Analysis of the Effectiveness of the Denial of Benefits Clause, 2019, p. 106 s.). 
Les tribunaux arbitraux se montrent en effet plus ou moins stricts dans l'appréciation de la prévisibilité du litige, exigeant tantôt que ce dernier apparaisse "prévisible à un très haut degré de probabilité et non pas comme un simple différend possible " ("foreseeable as a very high probability and not merely as a possible controversy "; Renée Rose Levy et Gremcitel SA c. Pérou, sentence précitée, § 185; Pac Rim Cayman LLC c. Salvador, sentence précitée, § 2.99), tantôt qu'il soit " hautement probable " (" highly probable "; Lao Holdings NV c. Laos, sentence précitée, § 76), ou encore qu'il soit " raisonnablement prévisible " (" reasonably foreseeable "; Tidewater Investment SRL et Tidewater Caribe, CA c. Venezuela, sentence précitée, § 193) respectivement qu'il existe " une perspective raisonnable qu'une mesure susceptible de donner lieu à une action fondée sur un traité (Treaty Claim) se matérialisera " (" reasonable prospect... that a measure which may give rise to a treaty claim will materialise "; Philip Morris Asia Ltd. c. Australie, sentence précitée, § 554; cf. aussi sur ce point, BAUMGARTNER, Treaty Shopping, p. 219; LA MÊME, Foreseeability, p. 227 s.; W ATSON/BREBNER, p. 324 s.; TOPCAN, op. cit., p. 646 s.; ASCENSIO, op. cit., p. 774). 
Nonobstant ces disparités, plusieurs tribunaux arbitraux reconnaissent, à l'instar de nombreux auteurs, que le seuil permettant de retenir l'existence d'un abus de traité est élevé, raison pour laquelle celui-ci ne doit pas être admis trop facilement (Renée Rose Levy et Gremcitel SA c. Pérou, sentence précitée, § 186; Conoco ConocoPhillips Petrozuata BV, ConocoPhillips Hamaca BV et ConocoPhillips Gulf of Paria BV c. Venezuela, sentence précitée, § 275; Philip Morris Asia Ltd. c. Australie, sentence précitée, § 539 et 550 et les sentences citées; MARIE LEMEY, Incidental Proceedings before the International Court of Justice: The Fine Line between "Litigation Strategy" and "Abuse of Process", in Baetens/Bismuth [éd.], The Law & Practice of International Courts and Tribunals, 2021, p. 23; BAUMGARTNER, Foreseeability, p. 228; VOON ET AL., op. cit., p. 65; WU, op. cit., p. 9; YUKA FUKUNAGA, Abuse of Process under International Law and Investment Arbitration, ICSID Review vol. 33/1 [2018] p. 209; JOHN GAFFNEY, Abuse of process in investment treaty arbitration, The journal of world investment & trade : law, economics, politics 2010/4 p. 538). 
 
5.2.4. Même si elle n'ignore pas la place importante que les sentences arbitrales rendues dans le domaine de la protection internationale des investissements occupent dans les ouvrages spécialisés, la Cour de céans s'attachera à déterminer elle-même si la restructuration d'un investissement doit être qualifiée d'abusive, en tenant compte le cas échéant de la doctrine et en s'inspirant, éventuellement, des solutions dégagées par les tribunaux arbitraux en la matière, étant précisé que les solutions rendues dans certaines causes arbitrales ne lient ni les autres tribunaux arbitraux ni le Tribunal fédéral, de sorte qu'on ne saurait voir dans la jurisprudence arbitrale une source à proprement parler du droit de l'arbitrage (ATF 144 III 559 consid. 4.4.2; arrêt 4A_80/2018, précité, consid. 2.4.3 et les références citées).  
La Cour de céans a eu l'occasion de préciser que le facteur temporel joue en principe un rôle déterminant pour tracer la limite entre planification légitime d'acquisition de nationalité et abus de traité (ATF 146 III 142 consid. 3.4.2.8). La protection d'un traité d'investissement doit ainsi en principe être refusée à un investisseur lorsque celui-ci effectue une opération d'acquisition de nationalité à un moment où " le litige donnant lieu à la procédure d'arbitrage était prévisible (v oraussehbar, foreseeable) et que cette opération doit être considérée, selon les règles de la bonne foi, comme ayant été effectuée en vue de ce litige " (ATF 146 III 142 consid. 3.4.2.8). Il suit de là qu'une restructuration doit avoir été opérée en vue d'un litige spécifique à un moment où la survenance de celui-ci était prévisible.  
Pour apprécier la prévisibilité du litige lors de la restructuration de l'investissement, il n'y a pas lieu de se focaliser sur le point de vue de l'investisseur concerné. Dans la mesure où le recours à l'abus de droit vise à limiter les manoeuvres ne méritant objectivement aucune protection, il convient plutôt de se demander si un litige spécifique aurait été prévisible pour un investisseur raisonnable placé dans la même situation que l'investisseur concerné au moment de la restructuration de l'investissement (BAUMGARTNER, Treaty Shopping, p. 219; LA MÊME, Foreseeability, p. 228; WU, op. cit., p. 24; WATSON/BREBNER, op. cit., p. 319; EBERT, op. cit., p. 99 s.). Au moment de se prononcer sur le point de savoir si le litige était prévisible, il convient de tenir compte de l'ensemble des circonstances particulières de chaque affaire (TOPCAN, op. cit., p. 647; WU, op. cit., p. 9; BORMAN, op. cit., p. 389; EBERT, op. cit., p. 100; cf. dans le même sens, Renée Rose Levy et Gremcitel SA c. Pérou, sentence précitée, § 186; Tidewater Investment SRL et Tidewater Caribe, CA c. Venezuela, sentence précitée, § 147; Mobil Corporation and others c. Venezuela, sentence précitée, § 177). 
L'abus de droit étant un correctif exceptionnel, il y a lieu d'apprécier de manière restrictive le critère de la prévisibilité du litige (ZIADÉ/MELCHIONDA, op. cit., p. 384; BAUMGARTNER, Foreseeability, p. 228; FILIPPO FONTANELLI, Jurisdiction and Admissibility in Investment Arbitration, 2018, p. 88). Il appartient à la partie qui se prévaut de l'existence d'un abus de droit d'alléguer et de prouver les faits permettant d'établir la prévisibilité du litige lors de la restructuration de l'investissement (JAGUSH ET AL., op. cit., p. 185; WATSON/BREBNER, op. cit., p. 318; EBERT, op. cit., p. 104; LEMEY, op. cit., p. 23). Si cette preuve est rapportée, la réorganisation de la structure de l'investissement sera présumée avoir été opérée en vue dudit litige, et, partant, considérée comme abusive. L'investisseur concerné conserve toutefois la possibilité de renverser cette présomption en démontrant que la restructuration, opérée à un moment où le litige était prévisible, a en réalité été principalement entreprise pour d'autres motifs que celui visant à bénéficier de la protection offerte par un traité d'investissement (WATSON/BREBNER, op. cit., p. 320; WU, op. cit., p. 26 s.; EBERT, op. cit., p. 101 ss; FUKUNAGA, op. cit., p. 207). 
 
5.3. Après avoir détaillé les thèses antagonistes des parties (sentence, n. 237-402), le Tribunal arbitral commence par souligner que l'objection soulevée par l'État défendeur ne concerne pas la compétence du tribunal saisi mais a trait à la recevabilité de la demande (sentence, n. 404-407). Il estime, ensuite, que c'est à l'État défendeur de fournir les éléments permettant de retenir que son adverse partie s'est rendue coupable d'un abus de droit, que l'existence de celui-ci ne saurait être présumée et qu'il convient de privilégier une analyse objective aux fins de se demander si le comportement adopté par la demanderesse mérite ou non d'être protégé (sentence, n. 408-412). Il souligne, dans la foulée, qu'une restructuration de l'investissement opérée en vue de bénéficier de la protection du TBI n'est pas en soi illégitime. Pareille démarche constitue en revanche un abus de traité si elle intervient alors qu'un litige entre les parties était prévisible (sentence, n. 415-421). Poursuivant son raisonnement, le Tribunal arbitral indique que le moment déterminant pour apprécier la prévisibilité du litige est celle de la finalisation de la restructuration, mais que des événements survenus avant celle-ci peuvent, dans certaines situations, permettre de considérer que, nonobstant la prévisibilité du litige lorsque la restructuration a été achevée, celle-ci ne peut objectivement pas être considérée comme ayant été réalisée aux fins de bénéficier de la protection d'un traité d'investissement en vue dudit litige (sentence, n. 427). En l'occurrence, il observe que la création de la société demanderesse et le transfert en sa faveur des actions de D.________ ont eu lieu le 15 avril 2011, raison pour laquelle la prévisibilité d'un litige spécifique entre les parties doit être appréciée à cette date (sentence, n. 422-438).  
Le Tribunal arbitral expose ensuite qu'un abus de traité suppose qu'un litige futur spécifique apparaisse probable à un degré très élevé. A son avis, il convient d'opérer une distinction entre la probabilité de l'adoption d'une mesure étatique et celle de la survenance d'un litige spécifique, le degré de probabilité étant nécessairement plus élevé dans le second cas, car les éléments constitutifs d'un litige ne se limitent pas à l'adoption de mesures de portée générale, mais englobent également leur mise en oeuvre pratique et leurs conséquences (sentence, n. 457). Le Tribunal arbitral estime qu'un abus de traité ne peut être retenu que lorsque l'investisseur avait connaissance de tous les éléments permettant de prévoir le litige spécifique à raison duquel il poursuit l'État hôte pour violation du TBI (sentence, n. 457). Cela implique de se demander si le litige spécifique divisant les parties était prévisible pour la demanderesse lorsqu'elle a pris connaissance du discours prononcé par l'ancien Président de l'État hôte en date du 15 janvier 2011 (sentence, n. 458). Sur la base du court extrait de ce discours reproduit ci-dessus (cf. let. A.b), la Formation considère que la seule chose qu'un investisseur pouvait prévoir était l'adoption future d'une loi de réglementation des prix ainsi que la création d'une autorité étatique chargée de fixer lesdits prix. Rien de plus. Un investisseur ne pouvait déterminer ni les produits visés ni l'ampleur de l'intervention étatique (sentence, n. 460). L'annonce d'une nouvelle loi de contrôle des prix ne pouvait pas, en soi, permettre d'anticiper le litige spécifique soumis au Tribunal arbitral, étant précisé qu'un régime de contrôle des prix existe depuis plus de 70 ans dans l'État concerné (sentence, n. 461). Le Tribunal arbitral aboutit dès lors à la conclusion que le litige n'était pas prévisible lors de la restructuration opérée le 15 avril 2011 et que la demanderesse n'a ainsi commis aucun abus de droit, raison pour laquelle il n'est pas nécessaire d'examiner les événements survenus avant la finalisation de la restructuration de l'investissement (sentence, n. 464). 
 
5.4.  
 
5.4.1. Dans ses écritures, la recourante commence par passer en revue la jurisprudence arbitrale dans le domaine de la protection internationale des investissements consacrée à la question de la restructuration abusive de sociétés en vue de bénéficier de la protection offerte par les traités bilatéraux d'investissement. Elle s'emploie ensuite à démontrer que la restructuration litigieuse a été opérée immédiatement après le discours présidentiel du 15 janvier 2011 aux seules fins de bénéficier de la protection offerte par le TBI. Se référant notamment aux considérations émises par le tribunal arbitral dans l'affaire Philip Morris Asia Ltd. c. Australie, l'intéressée soutient que la survenance d'un litige spécifique était raisonnablement prévisible à la suite du discours en question. Elle reproche à l'intimée de n'avoir pas été en mesure d'exposer la raison pour laquelle elle a pris la décision soudaine de procéder à ladite restructuration, alors même qu'il lui appartenait de le faire dès lors que la recourante a établi qu'un litige spécifique était prévisible au moment où celle-ci est intervenue. Elle souligne, enfin, que l'intimée n'a pas hésité à produire un document dont l'authenticité a été jugée douteuse aux fins de démontrer que la restructuration litigieuse avait été décidée courant décembre 2010, soit avant le discours présidentiel du 15 janvier 2011.  
 
5.4.2. L'intimée objecte que le Tribunal fédéral ne saurait examiner l'existence d'un éventuel abus de droit dès lors que le Tribunal arbitral a considéré, sans être contredit par la recourante, que cette question ne se rapportait pas à sa compétence mais avait trait à la recevabilité de la demande. Se référant à divers arrêts rendus par le Tribunal fédéral (arrêts 4A_413/2019 du 28 octobre 2019 consid. 3.3.2; 4A_287/2019 du 6 janvier 2020 consid. 4.2; 4A_198/2020 du 1er décembre 2020 consid. 3.2; 4A_626/2020 du 15 mars 2021 consid. 3.2), elle fait valoir que le moyen invoqué par la recourante ne s'inscrit pas dans le cadre tracé par l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, puisqu'il ne s'agit pas d'un problème de compétence mais d'une autre condition de recevabilité de la demande. En tout état de cause, l'intimée soutient qu'un litige spécifique n'était pas prévisible lorsque la restructuration de l'investissement a été opérée. A titre superfétatoire, elle affirme que la restructuration litigieuse, à supposer même qu'elle ait effectuée à un moment où un litige spécifique était prévisible, ne saurait toutefois être taxée d'abusive au regard de l'ensemble des circonstances.  
 
5.5. Point n'est besoin de pousser plus avant l'examen de savoir si l'objection tirée de l'abus de traité affecte la compétence du tribunal arbitral ou constitue une condition de recevabilité de l'action échappant à la cognition du Tribunal fédéral (sur cette distinction, cf. notamment: BAUMGARTNER, Treaty Shopping, p. 297 ss; WU, op. cit., p. 12 ss; STERN, op. cit., p. 33 ss; VOON ET AL., op. cit., p. 44 ss; FUKUNAGA, op. cit., p. 184; GAFFNEY, op. cit., p. 531 ss). Force est en effet d'observer que la Cour de céans a retenu, au consid. 4 de son arrêt de renvoi rendu le 25 mars 2020 dans la présente cause, que " la compétence du Tribunal arbitral ne pouvait être constatée " dès lors que la question d'un éventuel abus de droit de la demanderesse devait être tranchée. Dans ces circonstances et compte tenu de la portée de l'arrêt de renvoi (ATF 140 III 466 consid. 4.2.1; 133 III 201 consid. 4.2; 125 III 421 consid. 2a), le Tribunal fédéral est tenu d'examiner les mérites des critiques formulées par la recourante au soutien de son moyen fondé sur l'art. 190 al. 2 let. b LDIP. C'est le lieu du reste de préciser que la Cour de céans s'est prononcée sur un grief similaire d'abus de traité dans un litige où la partie recourante se plaignait à ce titre d'une violation de l'art. 190 al. 2 let. b LDIP (arrêt 4A_80/2018, précité, consid. 4.8).  
 
5.6. Contrairement à ce que tente de faire accroire l'intimée, la question ayant trait à la prévisibilité du litige au moment de la restructuration de l'investissement n'est pas une question de fait, mais de droit. Cela étant, cette réflexion juridique s'appuie nécessairement sur des faits qui doivent ressortir de la sentence arbitrale (arrêt 4A_80/2018, précité, consid. 4.8). En l'occurrence, le Tribunal arbitral a constaté souverainement que l'ancien Président de la recourante - laquelle connaît un régime de contrôle des prix depuis plus de 70 ans - avait, dans un long discours prononcé le 15 janvier 2011 dont l'intimée avait eu connaissance le jour même, évoqué l'adoption future d'une loi visant à réglementer les prix ainsi que la création d'une autorité chargée de fixer lesdits prix. Il a en outre retenu que la création de l'intimée et le transfert en sa faveur des actions de D.________ étaient intervenus le 15 avril 2011. Il a, par ailleurs, constaté que la recourante avait adopté la loi sur les coûts, les bénéfices et la garantie du juste prix le 18 juillet 2011 et que la décision no 059 promulguée le 28 février 2012 par la SUNDECOP avait, selon le groupe C.________, eu des répercussions négatives sur ses activités commerciales.  
Le discours présidentiel en question laissait certes augurer la possibilité que les mesures annoncées puissent, éventuellement, donner lieu à un différend entre des investisseurs et le Venezuela. De là à en conclure qu'un investisseur raisonnable, placé dans les mêmes circonstances, aurait pu inférer d'un tel discours qu'un litige futur spécifique était prévisible de ce seul fait, il y a un pas qu'il n'est pas possible de franchir ici. A cet égard, force est tout d'abord de souligner que les termes choisis par l'ancien Chef d'État auraient fort bien pu s'apparenter à un simple effet d'annonce visant à galvaniser ses partisans. Aussi n'est-il pas possible d'inférer des mots prononcés par l'ancien Président de l'État concerné que ceux-ci se traduiraient, de façon prévisible, par l'adoption de mesures concrètes. Ensuite, les contours pour le moins vagues de ce court extrait issu de ce long discours présidentiel prononcé le 15 janvier 2011 ne permettaient nullement, bien que la recourante prétende le contraire, de prévoir si les produits commercialisés par un investisseur seraient effectivement affectés par les mesures étatiques projetées. Ils ne permettaient pas davantage de prévoir que celles-ci seraient d'une ampleur telle qu'elles aboutiraient à un litige. Sur ce point, il sied du reste de souligner que le Venezuela connaît, depuis près de 70 ans, un régime de contrôle de prix, lequel n'a toutefois pas dissuadé l'intimée et le groupe de sociétés dont elle fait partie d'y réaliser des investissements. Il est certes probable que ledit groupe ait vu dans l'annonce présidentielle un signal d'alerte lui faisant redouter l'adoption possible de mesures susceptibles d'affecter la pérennité et la rentabilité de ses investissements, raison pour laquelle il a vraisemblablement voulu sécuriser au mieux ses avoirs en procédant à une restructuration. On ne saurait toutefois qualifier pareille démarche d'abusive puisque, sur la base des faits constatés par le Tribunal arbitral, il n'est pas possible de retenir qu'un litige spécifique futur était prévisible lorsque la restructuration de l'investissement a été opérée en date du 15 avril 2011.  
Pour tenter d'établir qu'un litige spécifique était bel et bien prévisible au moment du discours présidentiel du 15 janvier 2011, la recourante se contente d'exposer sa propre interprétation de celui-ci, laquelle n'emporte point la conviction de la Cour de céans. Elle se borne ainsi à affirmer, de manière péremptoire, que l'annonce présidentielle laissait apparaître que le nouveau régime de contrôle des prix viserait tous les produits dont la commercialisation et/ou la distribution générait des revenus proches d'un plafond de rentabilité prédéterminé, ou encore que la création prochaine d'un organe spécifique de contrôle des prix ne laissait aucun doute possible quant à la mise en oeuvre de la nouvelle politique de contrôle des prix. Elle fonde, par ailleurs, en partie, son argumentation sur des faits qui s'écartent de ceux constatés souverainement par le Tribunal arbitral, notamment lorsqu'elle prétend que la date critique pour apprécier la prévisibilité du litige serait celle de la modification de la structure de l'actionnariat intervenue le 3 août 2011. 
Le parallèle que semble vouloir tirer la recourante entre la sentence rendue dans l'affaire Philip Morris Asia Ltd. c. Australie (pour un résumé de celle-ci, cf. BAUMGARTNER, Foreseeability, p. 206 ss) et la présente cause n'apparaît pas davantage convaincant. Tout d'abord, il sied de rappeler que les solutions rendues par des tribunaux arbitraux dans d'autres causes ne lient pas le Tribunal fédéral (cf. consid. 5.2.4 supra). Ensuite, le cas particulier n'est pas comparable avec celui qui a fait l'objet de la sentence arbitrale en question. Dans cette affaire, le groupe Philip Morris, qui estimait que la loi australienne sur l'emballage du tabac promulguée le 21 novembre 2011 (Tobacco Plain Packaging Act) portait atteinte à ses droits de propriété intellectuelle, avait procédé à une restructuration de ses investissements en Australie, matérialisée par le transfert des actions de ses filiales australiennes à une autre entité du groupe, aux fins de bénéficier de la protection avantageuse offerte par le traité bilatéral d'investissement conclu entre Hong Kong et l'Australie. Nonobstant le fait que le transfert desdites actions était intervenu le 23 février 2011, le Tribunal arbitral a constaté que les parties étaient déjà en désaccord auparavant. Alors que les discussions relatives à l'adoption de mesures touchant les emballages de paquet de tabac avaient débuté en 2008, le groupe Philip Morris avait fait savoir au Gouvernement australien, dès 2009, que celles-ci porteraient atteinte à ses droits de propriété intellectuelle. Des documents internes montraient en outre que le groupe avait examiné la question sur le plan juridique. Le Tribunal arbitral a en outre retenu que le Premier ministre ainsi que le Ministre de la santé australiens avaient annoncé, sans équivoque, en date du 29 avril 2010, l'intention du Gouvernement australien d'adopter l'emballage neutre du tabac. Le 7 juillet 2010, le Gouvernement australien avait du reste publié un calendrier à cette fin. Sur la base de telles informations, le Tribunal arbitral a considéré, en substance, qu'un différend spécifique pouvait raisonnablement être envisagé au moment de la restructuration, dès lors qu'il n'y avait aucune incertitude, à compter du 29 avril 2010, quant à l'intention du Gouvernement australien d'introduire un emballage neutre (sentence, § 566). La solution retenue dans cette affaire, dans laquelle les parties avaient, d'une part, déjà croisé le fer au sujet des mesures étatiques projetées avant la restructuration de l'investissement et dans laquelle le Gouvernement australien avait, d'autre part, clairement manifesté son intention d'adopter une législation tendant à l'introduction de l'emballage neutre, ne saurait ainsi s'appliquer en l'espèce mutatis mutandis, dès lors que les circonstances factuelles pertinentes caractérisant l'un et l'autre cas diffèrent sensiblement.  
La recourante reproche, enfin, au Tribunal arbitral d'avoir jugé qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte du comportement adopté par l'intimée au cours de la procédure arbitrale aux fins de se prononcer sur l'existence d'un éventuel abus de traité. A cet égard, elle fait grand cas d'une pièce produite par l'intimée durant la procédure arbitrale, à savoir une prétendue résolution du conseil d'administration d'une société appartenant au groupe C.________, datée du 21 décembre 2010, ayant pour objet la vente des actions de la société D.________. Elle y voit la démonstration de ce que le groupe C.________ a vainement tenté d'établir avoir envisagé la restructuration de son investissement avant le discours présidentiel du 15 janvier 2011, c'est-à-dire avant que le litige divisant les parties ne devienne prévisible. Semblable critique ne résiste pas à l'examen. En l'occurrence, l'expert mandaté par le Tribunal arbitral pour se prononcer sur l'authenticité du document auquel fait allusion la recourante, soit la pièce C-190, n'a certes pas été en mesure d'en confirmer l'authenticité, raison pour laquelle ladite pièce a été déclaré irrecevable. Cela étant, il ressort d'un passage de l'ordonnance de procédure n. 11 du 20 mars 2018, reproduite dans la sentence entreprise, sous n. 195, qu'il n'existe aucun indice permettant de retenir que l'intimée, en produisant ladite pièce, avait l'intention de flouer le Tribunal arbitral et/ou son adverse partie. Aussi n'est-il pas possible de tirer de cette circonstance des conclusions au détriment de l'intimée quant au comportement procédural que celle-ci a adopté. 
En définitive, il y a lieu d'écarter l'objection selon laquelle l'intimée se serait rendue coupable d'un abus de traité, dès lors que la recourante n'a pas réussi à fournir les éléments nécessaires permettant de retenir que la restructuration litigieuse avait été opérée en vue d'un litige spécifique à un moment où celui-ci était prévisible. Il s'ensuit le rejet du moyen considéré. 
 
6.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. La recourante, qui succombe, devra payer les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF) et verser des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF). L'indemnité allouée à cette partie sera prélevée sur les sûretés fournies par la recourante. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 200'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 250'000 fr. à titre de dépens. Cette indemnité sera prélevée sur les sûretés déposées à la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au Tribunal arbitral avec siège à Genève. 
 
 
Lausanne, le 20 mai 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Hohl 
 
Le Greffier : O. Carruzzo