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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
4A_494/2013  
   
   
 
 
 
Arrêt du 25 février 2014  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux Klett, présidente, 
Kolly et Ch. Geiser, juge suppléant. 
Greffière: Mme Monti. 
 
Participants à la procédure 
X.________ AG, représentée par 
Me Olivier Carrard, 
recourante, 
 
contre  
 
Z.________ SA, représentée par Me Blaise Grosjean, 
intimée. 
 
Objet 
consignation du loyer, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 30 août 2013 par la Chambre des baux et loyers 
de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Faits:  
 
A.   
Le 10 octobre 2005, Z.________ SA a signé en tant que locataire un contrat de bail portant sur des locaux commerciaux qui devaient être construits à ... (GE) pour le 31 mars 2007 au plus tard. Le bail prenait effet le 1er avril 2007 pour une durée de quinze ans. Le loyer pour les bureaux, dépôts et places de parc était arrêté au total à 2'731'800 fr. par année. Depuis le 28 avril 2011, X.________ AG est propriétaire de l'immeuble, et partant bailleresse. 
Le 20 décembre 2007, locataire et bailleur d'alors ont signé une convention destinée à régler leurs différends liés au retard des travaux. Il était notamment prévu que la locataire diminue le loyer de 5% pour chacun des quatre postes définis si les travaux étaient inachevés, mais au maximum jusqu'à 20% et 500'000 fr. En 2008, la locataire a annoncé réduire le loyer de 15%, puis de 20%. 
Le 1er septembre 2009, la locataire a engagé une procédure en réduction de loyer, demandant une baisse de 28% de mai à décembre 2008 et de 17,5% dès janvier 2009 jusqu'à l'achèvement de différents travaux; elle concluait en outre au paiement de 799'653 fr., dont 759'627 fr. à titre de loyers versés en trop. La cause est toujours pendante. 
 
B.  
 
B.a. Dès le mois de mars 2010, la locataire a consigné l'intégralité du loyer, acomptes de charges non compris, auprès des Services financiers du Pouvoir judiciaire genevois. Le 30 mars 2010, elle a agi en validation de la consignation devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers. La conciliation a échoué.  
La locataire a alors porté l'action par-devant le Tribunal des baux et loyers, concluant à ce qu'il constate la validité de la consignation et qu'il ordonne la réparation des défauts, soit l'achèvement des travaux. La bailleresse a requis que la cause soit jointe avec celle en réduction de loyer, que la locataire soit déboutée et que les montants consignés soient immédiatement libérés. Le tribunal a ordonné la jonction des causes le 30 mars 2011. 
 
B.b. Le 7 avril 2011, la bailleresse a sollicité le prononcé de mesures provisionnelles. Elle concluait à ce qu'il soit fait interdiction à la locataire de consigner le loyer jusqu'à droit connu au fond, et à ce que la libération des loyers consignés soit ordonnée; à titre subsidiaire, elle entendait faire interdire à la locataire de consigner une quote-part supérieure à 17,5% du loyer. La locataire s'est opposée.  
Par jugement du 30 mai 2011, le Tribunal des baux et loyers a rejeté la requête des mesures provisionnelles faute pour la demanderesse d'avoir démontré, ni même allégué que la consignation l'exposait au risque d'un préjudice irréparable. Statuant sur appel de la bailleresse, la Cour de justice a confirmé le refus. 
 
B.c. Le 21 mars 2013, la bailleresse a de nouveau sollicité le prononcé de mesures provisionnelles. Elle concluait à ce qu'il soit fait interdiction à la locataire de consigner son loyer dès notification de l'ordonnance de mesures provisionnelles jusqu'à droit connu au fond, et à ce que les montants consignés soient immédiatement libérés. A l'appui de sa requête, elle plaidait que la disproportion entre les prétentions de la locataire et le montant des loyers consignés lui causait un préjudice irréparable et, dès lors qu'elle devait s'accroître avec le temps, rendait urgent le prononcé tendant à la déconsignation. La locataire a conclu au rejet de la requête.  
Par ordonnance du 26 juin 2013, le Tribunal des baux et loyers (2 ème Chambre) a rejeté la requête. Il a retenu ne pas pouvoir faire abstraction de l'exigence légale du risque d'un préjudice difficilement réparable (art. 261 al. 1 let. b CPC); or, la disproportion invoquée ne suffisait pas à consacrer un tel préjudice.  
La bailleresse a interjeté appel, indiquant que le montant des loyers consignés atteignait 10'431'534 fr. La locataire a conclu au rejet. 
Par arrêt du 30 août 2013, la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice a rejeté l'appel et confirmé le rejet de la requête de mesures provisionnelles. Elle a retenu que la bailleresse n'avait pas rendu vraisemblable qu'elle subissait une atteinte risquant de lui causer un préjudice difficilement réparable et qu'elle n'était pas habilitée à invoquer l'abus de droit dès lors que la locataire était légalement en droit de consigner l'entier du loyer. 
 
C.   
La bailleresse (recourante) a interjeté un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral. Elle conclut principalement à ce qu'il soit fait interdiction à la locataire (intimée) de consigner son loyer dès la notification de l'arrêt du Tribunal fédéral et à ce que la libération immédiate des loyers consignés soit ordonnée. 
L'intimée s'en remet à justice pour ce qui est de la recevabilité du recours. Pour le surplus, elle conclut au déboutement de la recourante. L'autorité précédente se réfère à son arrêt. 
 
 
Considérant en droit:  
 
1.  
 
1.1. Le recours est ouvert contre une décision finale (art. 90 LTF); le terme "finale" se détermine sous l'aspect procédural et non matériel de la décision ( FABIENNE HOHL, Procédure civile II, 2 e éd. 2010, n° 2730). Une mesure provisionnelle donne lieu à une décision finale au sens de l'art. 93 LTF lorsqu'elle est rendue dans une procédure indépendante d'une procédure principale et qu'elle y met un terme (ATF 138 III 46 consid. 1.1).  
La consignation du loyer ensuite de défauts de l'objet loué (art. 259g CO) a un caractère provisoire; elle est levée si le locataire n'ouvre pas action au fond, à savoir en réparation des défauts ou en réduction du loyer, dans les trente jours (art. 259h CO), et elle tombe au plus tard avec le jugement au fond. Une telle procédure de consignation ne peut pas exister indépendamment d'une procédure au fond. La décision sur la levée de la consignation, quelle qu'elle soit, ne termine pas la procédure au fond; elle n'est partant pas une décision finale. La jurisprudence l'a admis pour une décision prononçant la levée de la consignation (arrêt non publié du 7 novembre 2013, 4A_347/2013, consid.1.4.2); il doit a fortiori en aller de même lorsque la levée est refusée et la consignation ainsi maintenue. 
 
1.2. L'arrêt attaqué est donc une décision incidente, qui ne porte ni sur la compétence, ni sur une demande de récusation (cf. art. 92 LTF). Le recours immédiat n'est ouvert qu'aux conditions de l'art. 93 al. 1 LTF, qui envisage deux hypothèses. Selon la première, la décision est attaquable si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF). Il appartient au recourant d'établir que cette dernière condition est remplie si cela n'est pas manifeste; il doit en particulier indiquer de manière détaillée quelles questions de fait sont encore litigieuses, quelles preuves - déjà offertes ou requises - devraient encore être administrées et en quoi celles-ci entraîneraient une procédure probatoire longue et coûteuse (ATF 133 III 629 consid. 2.4.2).  
La recourante allègue que l'admission du recours permettrait de mettre fin à la procédure en validation de la consignation et elle invoque, sans autre précision, le principe de l'économie de procédure. Or, l'admission du recours n'est pas susceptible de conduire à une décision finale qui mettrait un terme à la cause au fond divisant les parties; cela scelle la question. 
 
1.3. Selon la seconde hypothèse, la décision incidente peut faire l'objet d'un recours immédiat si elle est susceptible de causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF). Le préjudice irréparable doit être de nature juridique et ne pas pouvoir être réparé ultérieurement par une décision finale favorable au recourant. Il appartient au recourant d'expliquer en quoi la décision entreprise peut lui causer un tel dommage, sauf si cela découle manifestement de la décision attaquée ou de la nature de la cause (ATF 138 III 46 consid. 1.2).  
En l'espèce, les loyers sont consignés auprès d'une institution étatique et ils seront acquis à la recourante, dans la mesure où elle a une créance en paiement du loyer, lorsque le jugement au fond aura été rendu. Dans ces circonstances, on ne discerne pas de préjudice juridique irréparable. La recourante elle-même ne le prétend pas. 
 
2.   
Le recours est irrecevable. La recourante supporte les frais de procédure et les dépens (art. 66 et 68 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:  
 
1.   
Le recours est irrecevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 10'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 12'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 25 février 2014 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente: Klett 
 
La Greffière: Monti