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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_901/2022  
 
 
Arrêt du 31 mai 2023  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Hänni et Hartmann 
Greffier : M. Jeannerat. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Maître Alexandre Emery et Maître Violette Emery Borgeaud, Avocats, 
recourant, 
 
contre  
 
Commune de Châtel-St-Denis, 
avenue de la Gare 33, 1618 Châtel-St-Denis, représentée par Me Nicolas Kolly, avocat. 
 
Objet 
Irrecevabilité de l'action fondée sur la loi cantonale 
sur la responsabilité de l'Etat, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, I e Cour administrative, du 27 septembre 2022 (601 2020 128). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ est propriétaire de la parcelle no xxxx du registre foncier de la Commune de Châtel-St-Denis, parcelle qui est située en contrebas de la route communale dite "B.________". Sur cette parcelle se trouve un chalet, qui a été érigé dans une zone instable dite de "glissement peu actif" selon le cadastre cantonal. L'immeuble en question se situe par ailleurs à une dizaine de mètres d'une autre zone encore plus instable, dite "de glissement actif". Par le passé, des mouvements de terrain, sans lien avec la route et d'éventuelles vibrations liées au trafic, ont fait glisser le chalet. 
Entre septembre et octobre 2011, la Commune de Châtel-St-Denis a assaini la route communale B.________. Dans le but de renforcer le talus situé en contrebas de celle-ci, elle a par ailleurs mis en place, en octobre 2012, un remblai terreux sur une parcelle se situant à côté du chalet de A.________ et appartenant à un particulier. 
Au printemps 2013, A.________ a constaté des dégâts du côté ouest de son chalet, notamment des fissures à l'intérieur et à l'extérieur de son immeuble et de son garage. 
 
B.  
Le 22 avril 2015, A.________ a fait valoir des prétentions en responsabilité auprès de la Commune de Châtel-St-Denis, affirmant qu'en mettant en place un remblai à proximité de son chalet, celle-ci avait contribué à accélérer le mouvement de son terrain. Il concluait à ce que la collectivité reconnaisse sa responsabilité dans le dommage causé à son immeuble et à ce que celle-ci lui verse un montant de 93'208 fr. 20, avec intérêt à 5% l'an dès le 22 avril 2015, montant correspondant à des travaux de remise en état du chalet et de stabilisation du terrain, d'honoraires d'ingénieurs et de frais d'avocat. 
Par décision du 10 juin 2020, le Conseil communal de la Commune de Châtel-St-Denis a entièrement rejeté la requête d'indemnisation de A.________ et a mis à sa charge les frais de la cause, lesquels se montaient à 41'309 fr. 15. 
A.________ a interjeté recours contre la décision précitée auprès du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg (ci-après: le Tribunal cantonal). Il concluait à titre principal à ce que celui-ci reconnaisse la pleine et entière responsabilité de la Commune de Châtel-St-Denis en ce qui concerne le dommage causé à son chalet et à ce que celle-ci soit astreinte à lui verser la somme de CHF 159'896.80, avec intérêts à 5% l'an dès le 22 avril 2015. A.________ a par ailleurs conclu, à titre subsidiaire, au renvoi de la cause à l'autorité inférieure pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Par arrêt du 27 septembre 2022, le Tribunal cantonal a admis le recours dans le sens de ses considérants et annulé la décision de la Commune de Châtel-St-Denis du 10 juin 2020. Dans son arrêt, il estimait en substance que le Conseil communal s'était trompé en statuant lui-même au fond sur la requête d'indemnisation déposée par A.________, puisque le litige ne relevait en réalité pas du droit public cantonal régissant la responsabilité de l'Etat, mais du droit privé fédéral et, plus particulièrement, de l'art. 58 du Code des obligations, lequel réglait spécifiquement la responsabilité du propriétaire de l'ouvrage. Le Tribunal cantonal a dès lors annulé la décision attaquée, tout en constatant dans son dispositif que le litige ne relevait pas de la loi fribourgeoise sur la responsabilité civile des collectivités publiques et de leurs agents. 
 
C.  
A.________ (ci-après: le recourant) dépose un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral contre l'arrêt du Tribunal cantonal du 27 septembre 2022. Il conclut à ce que celui-ci soit réformé en ce sens que les prétentions en responsabilité qu'il a formulées le 22 avril 2015 à l'encontre de la Commune de Châtel-St-Denis soient déclarées recevables. 
Renvoyant aux considérants de son arrêt, le Tribunal cantonal a renoncé à déposer des observations sur le recours, dont il conclut au rejet. La Commune de Châtel-St-Denis a répondu au recours, dont elle conclut principalement à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF). Il contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 145 I 239 consid. 2). 
 
1.1. La voie de droit ouverte devant le Tribunal fédéral - recours en matière civile (art. 72 ss LTF) ou recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) - dépend de la nature civile ou publique de la contestation (ATF 137 II 399 consid. 1.8). Lorsque la nature de cette dernière était déjà litigieuse devant l'instance précédente, la voie de droit ouverte devant le Tribunal fédéral se détermine en fonction de la nature de la procédure que les parties ont initialement choisi de suivre sur le plan cantonal (cf. ATF 128 III 250 consid. 1a; arrêt 2C_118/2020 du 3 août 2020 consid. 1.1). Il s'ensuit notamment que la voie du recours en matière de droit public est en principe ouverte si la partie recourante se plaint du fait que les instances administratives (judiciaires) précédentes auraient refusé de statuer sur le fond de sa cause, en considérant à son avis de manière erronée que sa cause relevait du droit civil (cf. arrêts 2C 254/2018 du 29 août 2019 consid. 1.1, non publié aux ATF 145 II 252; aussi 2C_849/2021 du 17 janvier 2023 consid. 1.1; 2C_261/2017 du 2 novembre 2017 consid. 1.1).  
En l'espèce, le recours porte sur la question de savoir si c'est à juste titre que la I e Cour administrative du Tribunal cantonal a refusé de traiter la cause du recourant au fond, au motif que les prétentions en indemnisation que celui-ci faisait valoir à l'encontre de la Commune de Châtel-St-Denis en lien avec les dégâts subis par son chalet ne relevaient pas du droit public cantonal, mais du droit privé fédéral, contrairement à ce qu'avait précédemment considéré la collectivité précitée dans sa décision du 10 juin 2020. Il s'ensuit que la voie du recours en matière de droit public est en principe ouverte. 
 
1.2. La cause ne relève par ailleurs d'aucun des domaines juridiques dans lesquels la voie du recours en matière de droit public est par principe fermée en application de l'art. 83 LTF. Le recours remplit du reste la condition de recevabilité spécifiquement posée à l'art. 85 al. 1 let. a LTF s'agissant des causes relevant de la responsabilité étatique, dès lors que la valeur litigieuse minimale de 30'000 fr. exigée dans ce domaine est largement dépassée.  
 
1.3. L'arrêt attaqué, rendu par un tribunal supérieur statuant en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), représente également une décision finale susceptible de recours au Tribunal fédéral (cf. art. 90 LTF). La décision du Tribunal cantonal clôt en effet une procédure en paiement engagée par le recourant contre la Commune de Châtel-St-Denis en application du droit public fribourgeois. Le fait que l'autorité précédente ait précisé dans sa motivation que la qualification de droit privé du litige ne vidait pas celui-ci de sa substance, réservant ainsi implicitement la possibilité du recourant d'actionner la Commune de Châtel-St-Denis devant les tribunaux civils, n'y change rien (cf. ATF 128 III 250 consid. 1).  
 
1.4. Enfin, le recours a été interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), ainsi que dans les formes requises (art. 42 LTF), par le recourant, qui est destinataire de l'arrêt attaqué et qui a un intérêt particulier et digne de protection à sa modification. Celui-ci a en effet pour conséquence de lui fermer l'accès à une voie de droit prévue par le droit public cantonal en vue d'un éventuel dédommagement pour les dégâts subis par son chalet. Le recourant a ainsi la qualité pour recourir en l'affaire (art. 89 al. 1 LTF).  
 
1.5. Partant, le recours est recevable.  
 
2.  
 
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, il n'examine toutefois le respect des droits fondamentaux que si le grief a été invoqué et motivé par le recourant (ATF 141 I 36 consid. 1.3; 136 II 304 consid. 2.5). En outre, le grief de violation du droit cantonal ne peut en principe pas être soulevé dans un recours devant le Tribunal fédéral, sauf exceptions non pertinentes en l'espèce (cf. art. 95 let. c et e LTF). En revanche, il est toujours possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle contrevient à l'interdiction de l'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou qu'elle est contraire à un autre droit fondamental (cf. ATF 142 II 369 consid. 2.1; 140 III 385 consid. 2.3 6).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été constatés de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (cf. art. 97 al. 1 LTF; ATF 142 II 355 consid. 6; 139 II 373 consid. 1.6). La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées. A défaut d'une telle motivation, il n'est pas possible de prendre en considération un état de fait qui diverge de celui contenu dans la décision attaquée, ni des faits qui n'y sont pas constatés (ATF 137 II 353 consid. 5.1; arrêt 2C_777/2015 du 26 mai 2016 consid. 2, non publié in ATF 142 I 152).  
 
3.  
Soulevant un grief de nature formelle à l'encontre de l'arrêt attaqué qu'il convient de traiter en priorité, le recourant se plaint tout d'abord d'une violation de son droit d'être entendu protégé par l'art. 29 al. 2 Cst. et, plus particulièrement, de son droit à l'obtention d'un décision motivée. Il reproche en l'occurrence au Tribunal cantonal de n'avoir pas répondu aux différents arguments développés dans sa détermination du 27 juillet 2022 et de s'être " hât[é] de rendre un bref arrêt d'irrecevabilité pour faire l'économie de trancher le litige au fond ".  
 
3.1. Le droit constitutionnel d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) comprend l'obligation pour l'autorité de motiver sa décision, afin que l'intéressé puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle (ATF 135 V 65 consid. 2.6; 134 I 83 consid. 4.1). Le juge doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; 134 I 83 consid. 4.1 et les arrêts cités).  
 
3.2. En l'occurrence, dans l'arrêt attaqué, le Tribunal cantonal rappelle que l'art. 58 CO prévoit que le propriétaire d'un bâtiment ou de tout autre ouvrage répond du dommage causé par les vices de construction ou le défaut d'entretien qui peuvent affecter l'ouvrage en question. Il souligne également que, selon la jurisprudence, cette règle de droit privé constitue une lex specialis par rapport aux dispositions de droit cantonal sur la responsabilité de l'Etat pour les actes de ses agents, lorsque les manquements reprochés à ces derniers sont en rapport avec le défaut d'un ouvrage appartenant à la collectivité. Il s'ensuit, selon lui, que le recourant ne peut pas se prévaloir de la loi fribourgeoise sur la responsabilité de l'Etat (LResp/FR) en la cause, puisque les prétentions en responsabilité qu'il invoque à l'encontre de la Commune de Châtel-St-Denis sont liées à l'existence d'un ouvrage. Les juges cantonaux considèrent en effet que le remblai mis en place par la commune en 2012 en vue de renforcer la route B.________ - et prétendument responsable des dégâts engendrés au chalet du recourant - représente un ouvrage au sens de l'art. 58 CO. Selon eux, le recourant aurait donc dû déposer une action civile fondée sur l'art. 58 CO contre la commune et non lui adresser une requête en indemnisation en application de la LResp/FR. Il en découlait que le Conseil communal de la commune s'était lui aussi trompé en statuant directement sur la requête d'indemnisation de l'intéressé comme le prévoyait le droit public cantonal, de sorte que sa décision de rejet d'indemnisation du 10 juin 2020 devait être annulée, pour autant qu'elle ne soit pas nulle ab ovo.  
 
3.3. Sur le vu de ce qui précède, il résulte clairement de l'arrêt attaqué que les juges cantonaux ont estimé que la demande d'indemnisation du recourant ne pouvait pas relever de la loi cantonale sur la responsabilité de l'Etat, au motif que les prétentions que l'intéressé faisait valoir en lien avec l'installation d'un remblai par la Commune de Châtel-St-Denis tombait dans le champ d'application de l'art. 58 CO. On ne voit pas en quoi une telle motivation ne satisferait pas aux exigences découlant du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. Ce droit fondamental n'est en tout cas pas violé du simple fait que le Tribunal cantonal ne se soit pas attardé sur l'argument du recourant d'après lequel un remblai ne constituerait pas un ouvrage au sens de l'art. 58 CO. L'autorité précédente y a sommairement répondu, en soulignant dans son arrêt que, selon la jurisprudence fédérale, tout objet rattaché au sol et créé ou disposé par la main de l'homme constituait un "ouvrage" au sens légal, ce qui incluait donc les remblais. De même ne peut-on pas reprocher au Tribunal cantonal de n'avoir pas répondu expressément au grief du recourant selon lequel l'art. 58 CO ne pourrait pas s'appliquer en la cause, dès lors que le remblai n'aurait jamais été affecté d'aucun vice de construction ni pâti d'aucun défaut d'entretien. Ce grief, dont on peine à comprendre l'intérêt pour le recourant, concerne la question de savoir si la Commune de Châtel-St-Denis est véritablement responsable des dégâts causés au chalet de l'intéressé selon l'art. 58 CO, soit une question que le Tribunal cantonal, en cohérence avec la motivation de son arrêt, ne devait pas trancher dans le cadre d'une procédure relevant du droit public cantonal sur la responsabilité de l'Etat.  
 
3.4. Contrairement à ce que soutient le recourant, le Tribunal cantonal n'a donc nullement violé le droit de l'intéressé à obtenir une décision motivée conformément au droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst.  
 
4.  
Avant d'examiner si, concrètement la cause relève du droit privé, comme l'a retenu l'arrêt attaqué, ou du droit public cantonal sur la responsabilité étatique, comme le soutient le recourant, il convient de présenter l'articulation des normes susceptibles de s'appliquer en l'affaire. 
 
4.1. La responsabilité des collectivités publiques cantonales et communales, des fonctionnaires et des employés publics des cantons et des communes à l'égard des particuliers pour le dommage qu'ils causent dans l'exercice de leur charge est en principe régie par les art. 41 ss du Code des obligations (CO). Les cantons sont toutefois libres de soumettre cette problématique au droit public cantonal en adoptant une réglementation spécifique en vertu de l'art. 59 al. 1 du Code civil suisse (CC) et de l'art. 61 al. 1 CO (ATF 148 I 145 consid. 4.1; 128 III 76 consid. 1a; 127 III 248 consid. 1b). Le Canton de Fribourg a fait usage de la faculté exposée ci-devant en édictant la loi fribourgeoise du 16 septembre 1986 sur la responsabilité civile des collectivités publiques et de leurs agents (loi fribourgeoise sur la responsabilité de l'Etat; LResp/FR; RSF 16.1). Aux termes de l'art. 6 al. 1 de cette loi, les collectivités publiques répondent du préjudice que leurs agents causent d'une manière illicite à autrui dans l'exercice de leurs fonctions. Sont notamment considérées comme des collectivités publiques au sens de cette disposition l'Etat de Fribourg, mais aussi les communes et associations de communes du canton de Fribourg (cf. art. 2 al. 1 let. b LResp/FR). Or, sur un plan procédural, lorsqu'une personne s'estime lésée par un acte dommageable commis par un agent d'une commune fribourgeoise, elle doit faire valoir ses prétentions en indemnisation auprès du conseil communal de ladite commune, lequel doit rendre sa décision dans le délai de douze mois ou, exceptionnellement, dans un délai plus long si des preuves doivent être administrées (cf. art. 20 al. 1 let. b et 20a al. 1 LResp/FR). Un recours peut le cas échéant être interjeté contre cette décision auprès du Tribunal cantonal selon le code de procédure et de juridiction administrative fribourgeois (art. 20 LResp/FR).  
 
4.2. La compétence des cantons d'édicter des dispositions sur la responsabilité civile de l'Etat et de ses agents dérogeant aux règles ordinaires de droit privé n'est cependant pas générale. S'il existe une norme fédérale de responsabilité dans une loi spéciale - comme l'art. 58 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR; RS 741.01) - qui s'applique également aux collectivités publiques, cette norme fédérale prime et les cantons ne peuvent pas y déroger (art. 49 Cst.; ATF 144 II 281 consid. 4.1; pour d'autres exemples, cf. arrêt 4A_397/2012 du 11 janvier 2013 consid. 2.1). De même, les dispositions spéciales du CO réglant la responsabilité des détenteurs d'animaux et des propriétaires d'ouvrages, fixées aux art. 56 et art. 58 CO, ainsi que l'art. 679 CC régissant la responsabilité du propriétaire voisin pour les immissions excessives, l'emportent sur le droit de la responsabilité de l'Etat (voir notamment ATF 144 II 281 consid. 4.1 et arrêt 5A_772/2017 du 14 février 2019 consid. 3.2; aussi ATF 116 II 645 consid. 3a; 115 II 237 consid. 2; 112 II 228 consid. 2b; 72 II 198 consid. 1a). Ainsi, selon une jurisprudence ancienne et constamment suivie, quels que soient les critères généraux distinguant le droit public du droit privé, les collectivités publiques assument la responsabilité de droit privé fondée sur les art. 58 CO et/ou 679 CC pour les ouvrages qui dépendent d'elles, tels que des bâtiments et des routes, ce indépendamment du fait que ces derniers appartiennent à son patrimoine financier ou administratif ou qu'ils se situent ou non sur le domaine public (cf. notamment ATF 108 II 184 consid. 1a; Paul-Henri Steinauer, Traité de droit privé suisse - Vol II/1: Le Titre préliminaire du Code civil, 2009 no 256 ad § 3; Oftinger/Stark, Schweizerisches Haftpflichtrecht, Besonderer Teil, Vol. II/1, 4e éd. 1987, nos 23 s. ad § 19), sous réserve des immissions excessives inévitables provenant de ces ouvrages ou de celles ne pouvant être évitées qu'à frais disproportionnés, lesquelles sont en principe indemnisées selon la procédure et aux conditions de l'expropriation (cf. ATF 134 III 248 consid. 5.1; 132 III 49 consid. 2; 123 II 481 consid. 7a; 96 II 337 consid. 6; aussi II-Rey/Strebel, in Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch II, 7e éd. 2023, no 14 ad art. 679 CC; Werro/Perritaz, in Commentaire romand, Code des obligations I, 3e éd. 2021, n° 24 ad art. 58 CO). Relevons que la loi fribourgeoise sur la responsabilité de l'Etat exclut en ce sens elle-même de son champ d'application - de manière déclarative - les prétentions du tiers lésé lorsque la responsabilité des collectivités publiques ou de leurs agents est régie par le droit privé fédéral. La procédure est alors régie par le code de procédure civile (cf. art. 4 LResp/FR).  
 
4.3. Il résulte de ce qui précède, entre autres conséquences, que la responsabilité d'un canton ou d'une commune s'examine en principe à l'aune de l'art. 58 CO lorsqu'une personne se plaint d'avoir subi un préjudice causé par un ouvrage appartenant à l'une de ces collectivités. Relevons au passage que, si l'ouvrage en question a causé un dommage non pas à une chose mobilière, mais à un immeuble qui lui est proche, le régime de responsabilité du propriétaire d'ouvrage peut, selon les cas, s'appliquer concurremment à la responsabilité du propriétaire voisin réglée à l'art. 679 CC. Cette disposition prévoit en effet que celui qui est atteint ou menacé d'un dommage, parce qu'un propriétaire excède son droit, peut actionner ce dernier pour qu'il remette les choses en état ou prenne des mesures pour écarter le danger, sans préjudice de tous dommages et intérêts (ATF 111 II 429 consid. 2c; 91 II 474 consid. 6 et 7; cf. aussi arrêts 4A_143/2018 du 4 avril 2018 consid. 8 et 4C.250/1991 consid. 4, non publié in ATF 122 II 229).  
 
5.  
Sur la base de ces principes, il s'agit de vérifier si le Tribunal cantonal a estimé à juste titre que le droit privé fédéral et, plus particulièrement, l'art. 58 CO s'appliquaient en l'espèce et ne laissaient donc aucune place à l'invocation de la législation cantonale sur la responsabilité de l'Etat s'agissant des prétentions en indemnisation du recourant. 
 
5.1. Pour rappel, l'art. 58 al. 1 CO dispose que le propriétaire d'un bâtiment ou de tout autre ouvrage répond du dommage causé par des vices de construction ou par le défaut d'entretien. Il découle en l'occurrence du texte même de cette disposition que celle-ci ne prime sur les règles de droit public en matière de responsabilité étatique que lorsque deux conditions sont réunies: il faut, premièrement, qu'un dommage a été causé par un "ouvrage" et, secondement, que la personne prétendument responsable - en l'occurrence une collectivité publique - soit la "propriétaire" de ce dernier.  
 
5.2. Par ouvrage, il faut entendre, selon la jurisprudence, tout bâtiment ou installation stable, artificielle, construite ou technique, liée au sol de manière durable, que ce soit directement ou indirectement (ATF 130 III 736 consid. 1.1; aussi arrêt 2C_560/2019 du 22 juillet 2019 consid. 3.2.1). Cette définition, assez large, inclut évidemment toute construction indépendante, comme un bâtiment ou une route ouverte à la circulation (cf. notamment ATF 108 II 184 consid. 1a), mais aussi les parties accessoires qui leur sont liées ou qui sont directement attachées au sol, tels que les escaliers, les ascenseurs et les conduites en tant que parties intégrantes d'une maison, ou les murs, les barrières et les ouvrages de protection en tant que composantes d'une route (ATF 106 II 201 consid. 2a; aussi Martin Kessler, in Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 7e éd. 2020, n° 12 ad art. 58 CO). La notion d'ouvrage peut aussi s'étendre à certaines choses naturelles qui, lorsqu'elles sont artificiellement aménagées, peuvent acquérir la qualité d'ouvrages. Tel est notamment le cas d'un remblai installé en vue d'assurer la fonctionnalité d'un ouvrage, dont il fait dès lors partie intégrante, comme l'a déjà relevé le Tribunal fédéral dans un ATF 91 II 474 (cf. consid. 6; cf. aussi, sur l'extension de la notion d'ouvrages aux choses naturelles, ATF 112 II 439 consid. 1a et Werro/Perritaz, op. cit., nos 6 à 9 ad art. 58 CO).  
 
5.3. En l'occurrence, il ressort de l'arrêt attaqué que le recourant entend obtenir une indemnisation de la part de la Commune de Châtel-St-Denis, parce qu'un remblai terreux posé en contrebas de la route communale B.________ aurait endommagé son chalet. Selon l'intéressé, cette opération de terrassement, consistant à rapporter des terres pour combler un creux de terrain apparu avec le temps le long de la route, aurait, par son poids, accéléré le mouvement du sol sur lequel se trouve son immeuble. Cela étant dit, force est d'admettre que le remblai dont le recourant se plaint constitue bien un ouvrage au sens de l'art. 58 CO. Ce type d'aménagement humain, qui fait partie intégrante de la route communale B.________ dans la mesure où il tend à en assurer la fonctionnalité, comme le prévoit expressément le droit cantonal (cf. art. 12 al. 2 de la loi fribourgeoise du 5 novembre 2021 sur la mobilité [LMob/FR; RSF 780.1]; aussi art. 2 al. 1 de l'ancienne loi fribourgeoise du 15 décembre 1967 sur les routes, abrogée au 31 décembre 2022 [aLR/FR), peut effectivement être qualifié de la sorte, même s'il avait uniquement pour but de rétablir une situation préexistante, ainsi que l'a déjà reconnu la jurisprudence (cf. supra consid. 5.2). Reste encore à savoir si la Commune de Châtel-St-Denis représente véritablement la "propriétaire" du remblai litigieux au sens de l'art. 58 CO, sachant que, d'après l'arrêt attaqué, celui-ci a été aménagé sur une parcelle appartenant à un tiers.  
 
5.4. Selon la jurisprudence, il convient en principe de déterminer qui est le "propriétaire" de l'ouvrage défectueux ou mal entretenu au sens de l'art. 58 CO en application des règles de droit réel du Code civil. La jurisprudence du Tribunal fédéral reconnaît toutefois certaines exceptions à cette règle de base (cf. ATF 121 III 448 consid. 2; aussi 4A.189/2018 du 6 août 2018 consid. 4.2.2). Notamment, lorsque deux choses juridiquement indépendantes forment un seul et même ouvrage d'un point de vue fonctionnel et que le défaut affectant la chose la moins importante se présente comme un défaut de l'autre, il importe peu que les deux choses appartiennent à des propriétaires différents. La responsabilité du propriétaire de l'ouvrage de l'art. 58 CO est alors encourue par le propriétaire de la partie la plus importante, qui a en principe construit l'ouvrage dans son ensemble, l'utilise et en dispose effectivement et doit donc veiller à son entretien (ATF 91 II 281 consid. 3b; aussi 74 II 156; 59 II 176).  
 
5.5. Il ressort en l'occurrence de l'arrêt attaqué que la Commune de Châtel-St-Denis a aménagé le remblai terreux dont se plaint le recourant en 2012, ce afin de pallier une modification naturelle du terrain menaçant l'intégrité de la route communale B.________. Ce remblai, par lequel la collectivité publique a satisfait à son devoir d'entretien des installations routières (cf. art. 132 LMob/FR; aussi art. 104 aLR/FR), constitue - comme on l'a déjà dit - une partie accessoire de la route précitée, laquelle appartient à la Commune de Châtel-St-Denis (cf. art. 33 al. 1 LMob/FR; aussi art. 3 al. 2 aLR/FR). Il relève à ce titre de la "propriété" de celle-ci au sens l'art. 58 CO, même s'il ne se situe pas sur un terrain communal à l'aune des droits réels, ce conformément à la jurisprudence exposée ci-avant selon laquelle le propriétaire de la partie principale d'un ouvrage - telle une route - doit être traité comme celui de ses parties accessoires (cf. supra consid. 5.4).  
 
5.6. Il résulte de ce qui précède qu'en réclamant à la Commune de Châtel-St-Denis un dédommagement pour des dégâts prétendument causés à son chalet par l'installation d'un remblai en contrebas de la route communale, le recourant fait bien valoir un dommage lié à l'existence d'un ouvrage appartenant à la collectivité précitée au sens de l'art. 58 CO. Le bien-fondé de ses prétentions doit donc être analysé sous l'angle de cette disposition (entre autres normes de droit privé), et non sous celui du droit public cantonal régissant la responsabilité de l'Etat.  
 
5.7. Le recourant tente en vain d'échapper à l'application du droit privé fédéral en déclarant que ce n'est pas un défaut du remblai qui lui aurait causé préjudice, mais avant tout la décision communale de le mettre en place. Comme déjà dit (cf. supra consid. 3.3), l'affirmation selon laquelle le remblai ne présenterait aucun défaut ne concerne pas l'objet du présent litige; elle a trait à la question de savoir si la Commune de Châtel-St-Denis est véritablement responsable des dégâts causés au chalet de l'intéressé en application de l'art. 58 CO, ce qu'il n'y a pas lieu de trancher dans le cadre d'une procédure relevant de la responsabilité étatique comme en l'espèce. A cela s'ajoute que la loi fribourgeoise sur la responsabilité de l'Etat n'entre de toute façon pas en ligne de compte, même dans l'hypothèse où l'acte dommageable imputable à la commune consisterait dans le fait d'avoir décidé d'aménager un remblai, certes construit dans les règles de l'art, mais susceptible par nature de provoquer des mouvements de terrain à ses alentours. Il faudrait en effet considérer que, sous cet angle, le recourant se plaint d'un excès du droit de propriété - a priori évitable ou pouvant être évité sans frais disproportionnés - de la part de la commune. Or, une telle problématique ne relève pas des règles en matière de responsabilité de l'Etat, mais de celles régissant les rapports de voisinage fixées aux art. 679 et 685 CC, lesquelles priment également en tous les cas sur le droit public cantonal en matière de responsabilité étatique, ainsi qu'on l'a vu (cf. supra consid. 4.2 et 4.3).  
 
 
5.8. Sur le vu de ce qui précède, le Tribunal cantonal n'a pas violé le droit fédéral en retenant que les prétentions en dommages et intérêts que le recourant soulevait à l'encontre de la Commune de Châtel-St-Denis relevaient a priori du droit privé fédéral, et non pas des normes de droit public cantonal en matière de responsabilité de l'Etat. C'est dès lors à bon droit qu'il a refusé d'examiner la cause du recourant à l'aune de la loi fribourgeoise sur la responsabilité de l'Etat, rendu l'intéressé attentif à sa faculté d'agir devant les tribunaux civils et annulé la décision de la Commune de Châtel-St-Denis rejetant toute indemnisation en application de cette loi.  
 
6.  
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. 
 
7.  
Succombant, le recourant supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et n'aura droit à aucuns dépens (art. 68 al. 2 LTF). Aucune indemnité à titre de dépens ne sera accordée à la Commune de Châtel-St-Denis (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à CHF 2'000.-, sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires du recourant et de la Commune de Châtel-St-Denis, ainsi qu'au Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, I e Cour administrative. 
 
 
Lausanne, le 31 mai 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
Le Greffier : E. Jeannerat