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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_255/2021  
 
 
Arrêt du 27 juillet 2021  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Juge présidant, 
Haag et Müller. 
Greffière : Mme Nasel. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Maëlle Le Boudec, avocate, 
recourant, 
 
contre  
 
Pierre Bruttin, Président du Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne, Palais de justice de Montbenon, 1014 Lausanne, 
intimé, 
 
Ministère public de l'arrondissement de Lausanne, p.a. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens. 
 
Objet 
Procédure pénale; récusation, 
 
recours contre la décision du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 15 mars 2021 (256 - PE17.022577-PRB). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 7 décembre 2020, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne, présidé par Pierre Bruttin, a notamment constaté que A.________ s'était rendu coupable d'injure, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires, empêchement d'accomplir un acte officiel, dénonciation calomnieuse, contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et conduite en état d'ébriété qualifiée. 
 
B.  
Par annonce du 8 décembre 2020, A.________ a formé appel contre le jugement du 7 décembre 2020 et a requis que le jugement motivé soit notifié à son nouveau conseil. 
Par avis du 10 décembre 2020, le Président du Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a refusé de relever l'ancien conseil de son mandat de défenseur d'office. A la suite du courrier du 11 décembre 2020 de ce dernier indiquant avoir exposé à son client qu'il ne serait pas en mesure de le représenter dans le cadre de la procédure d'appel, le Président a notifié le jugement motivé directement à A.________. Ce n'est qu'ensuite d'un avis de la Juge présidant la Cour d'appel pénale du 19 janvier 2021 que, le 27 janvier 2021, la nouvelle avocate de A.________ a été désignée en qualité de défenseur d'office; le jugement motivé lui a été transmis le 16 février 2021. 
 
C.  
Le 23 février 2021, A.________ a adressé à la Chambre des recours pénale une demande de récusation dirigée contre le Président du Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne, en faisant valoir que, dans le jugement du 7 décembre 2020, il aurait été traité à plusieurs reprises de " menteur ", de " justiciable querelleur, menteur, ergoteur et vindicatif " ayant " des comportements querelleurs, ergoteurs et pénibles que rien n'excuse ", " accumulant les assertions les plus stupides et les mensonges les plus grossiers ", ce qui dénoterait une apparence de prévention, ce d'autant plus que le Président du Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne aurait refusé, dans un premier temps, de désigner sa nouvelle avocate comme défenseur d'office et lui aurait notifié directement le jugement alors qu'il ne parle pas bien le français. 
 
D.  
Par arrêt du 15 mars 2021, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: Tribunal cantonal) a rejeté la demande de récusation dirigée contre le Président Pierre Bruttin déposée par A.________ le 23 février 2021. 
 
E.  
Par acte du 17 mai 2021, A.________ forme un recours en matière pénale par lequel il demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal, subsidiairement de renvoyer la cause au Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne pour nouvelle décision. Il sollicite également l'assistance judiciaire. 
Invités à se déterminer sur le recours, le Tribunal cantonal ainsi que le Ministère public y ont renoncé. Le Président du Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a conclu au rejet du recours. Le recourant s'est déterminé en maintenant ses conclusions. 
Par ordonnance du 3 juin 2021, le Président de la I re Cour de droit public du Tribunal fédéral a admis la requête d'effet suspensif présentée par A.________. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Conformément aux art. 78 et 92 al. 1 LTF, une décision relative à la récusation d'un magistrat pénal peut faire immédiatement l'objet d'un recours en matière pénale. Le recourant, auteur de la demande de récusation rejetée, a qualité pour recourir (art. 81 al. 1 LTF). Pour le surplus, le recours a été interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue par une autorité cantonale statuant en tant qu'instance unique (art. 80 al. 2 LTF et 59 al. 1 let. c CPP) et les conclusions prises sont recevables (art. 107 LTF). Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
Le recourant se plaint d'arbitraire dans l'établissement des faits. 
 
2.1. Il n'y a arbitraire dans l'établissement des faits ou l'appréciation des preuves que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (cf. ATF 144 II 281 consid. 3.6.2; 140 III 264 consid. 2.3; arrêt 1C_208/2020 du 24 juillet 2020, consid. 3.2). Il appartient à la partie recourante de démontrer le caractère arbitraire par une argumentation répondant aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF. Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire (ATF 146 IV 114 consid. 2.1).  
 
2.2. Le recourant allègue que c'est en raison des interpellations musclées dont il a fait l'objet qu'il aurait déposé plainte et que les fractures et blessures subies, constatées par un rapport médical, ne ressortiraient pas des enregistrements vidéos; cela expliquerait ses doutes sur leur authenticité. De la sorte, le recourant se prévaut d'éléments qui ne ressortent pas de l'arrêt attaqué sans démontrer l'arbitraire de leur omission (cf. art. 97 al. 1 et 106 al. 2 LTF). Au demeurant, le recourant n'établit pas que ces seuls éléments - dont l'appréciation doit par ailleurs être effectuée dans le cadre de la procédure principale au fond - seraient à même de remettre en cause l'issue du présent litige en matière de récusation; il s'agit uniquement d'un exemple de l'une de ses déclarations cité par la cour cantonale pour consolider son argumentation.  
Partant, le grief doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. 
 
3.  
Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 56 let. f CPP. Le contenu du jugement du 7 décembre 2020 auquel le juge intimé a participé ainsi que son refus de nommer un nouveau conseil d'office et la transmission du jugement directement au recourant et non à son conseil démontreraient qu'il ne se serait pas tenu à l'attitude neutre qui lui incombait et que ces éléments seraient objectivement de nature à faire redouter une activité partiale de sa part. 
 
3.1. Un magistrat est récusable, selon l'art. 56 let. f CPP, " lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à le rendre suspect de prévention ". Cette disposition a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres précédentes. Elle correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 143 IV 69 consid. 3.2, arrêts 1B_13/2021 du 1er juillet 2021 consid. 3.3; 1B_310/2019 du 5 septembre 2019 consid. 2.1).  
De manière générale, les déclarations d'un magistrat - notamment celles figurant au procès-verbal des auditions - doivent être interprétées de manière objective, en tenant compte de leur contexte, de leurs modalités et du but apparemment recherché par leur auteur (arrêt 1B_192/2021 du 27 mai 2021 consid. 3.1). 
De plus, des décisions ou des actes de procédure qui se révèlent par la suite erronés ne fondent pas en soi une apparence objective de prévention; seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs du magistrat, peuvent fonder une suspicion de partialité, pour autant que les circonstances dénotent que le juge est prévenu ou justifient à tout le moins objectivement l'apparence de prévention (ATF 143 IV 69 consid. 3.2; 141 IV 178 consid. 3.2.3). En effet, la fonction judiciaire oblige à se déterminer rapidement sur des éléments souvent contestés et délicats. Il appartient en outre aux juridictions de recours normalement compétentes de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises dans ce cadre. La procédure de récusation n'a donc pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises notamment par la direction de la procédure (ATF 143 IV 69 consid. 3.2). 
Enfin, conformément à l'art. 58 al. 1 CPP, la récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, sous peine de déchéance (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3; arrêt 1B_340/2021 du 21 juin 2021 consid. 3). Il est en effet contraire aux règles de la bonne foi de garder ce moyen en réserve pour ne l'invoquer qu'en cas d'issue défavorable ou lorsque l'intéressé se serait rendu compte que l'instruction ne suivait pas le cours désiré (ATF 143 V 66 consid. 4.3). 
 
3.2. La cour cantonale a considéré, en l'occurrence, que les termes utilisés dans le jugement du 7 décembre 2020 manquaient de retenue, étaient inadéquats et contraires à l'exigence d'humanité et de respect du justiciable à laquelle tout juge était soumis. Elle a toutefois estimé qu'il fallait lire ce jugement dans son ensemble et non seulement les extraits cités par le recourant; une telle lecture permettait de constater que la position procédurale, les réponses et les accusations du recourant, soit par exemple que les vidéos étaient truquées, dépassaient les limites admissibles et donnaient l'impression qu'il se moquait du tribunal. Elle a exposé, sans que le recourant ne le conteste, qu'il appartenait au tribunal de première instance de relever ces éléments pour appuyer sa motivation et la sanction prononcée, faute de quoi l'autorité supérieure n'aurait pas eu une perception complète de l'affaire. Elle est parvenue à la conclusion que les termes employés, intégrés dans le jugement pénal sans qu'il ressorte du procès-verbal ou du déroulement de l'audience une marque de prévention à l'égard du justiciable, n'étaient pas tels qu'ils constituaient une marque de prévention.  
 
3.3. Le recourant se contente de prétendre le contraire en substituant son avis à celui de la cour cantonale.  
En l'occurrence, il ne ressort nullement de l'arrêt cantonal ni d'ailleurs des éléments avancés par le recourant que le magistrat intimé se serait forgé, avant la fin des débats, une opinion ferme et définitive sur sa culpabilité. On comprend au contraire que les termes employés, certes inadéquats pour certains, étaient destinés à décrire l'attitude du recourant en procédure, respectivement à apprécier sa culpabilité par rapport aux faits reprochés. Or, l'on ne saurait reprocher au juge intimé d'avoir effectué un examen entrant dans le cadre des tâches lui incombant (cf. arrêt 1B_310/2019 du 5 septembre 2019 consid. 2.3). 
Toutefois, la rédaction d'un jugement doit respecter les principes qui lui sont applicables, et ce peu importe l'attitude du prévenu. Selon les principes de la rédaction judiciaire, il faut préférer l'usage de termes neutres et objectifs à tout vocabulaire renfermant des aspects subjectifs (François Chaix, La rédaction de l'acte d'appel, in Une empreinte sur le Code civil, Mélanges en l'honneur de Paul-Henri Steinauer, Berne 2013, p. 726). Or, tel n'a pas été le cas en l'espèce au vu des différents termes utilisés, notamment ceux de " justiciable querelleur, menteur, ergoteur et vindicatif ", ayant " des comportements querelleurs, ergoteurs et pénibles que rien n'excuse ", ou encore " accumulant les assertions les plus stupides et les mensonges les plus grossiers ". Comme l'a relevé à juste titre l'autorité précédente, ces termes sont inadéquats et contraires à l'exigence d'humanité et de respect du justiciable à laquelle tout juge est soumis. L'utilisation de termes neutres tels que " le prévenu répète sa version des faits, laquelle ne ressort pas des enregistrements vidéos ", " le prévenu ne semble pas prendre conscience de la portée de ses actes ", aurait permis au juge intimé de décrire l'attitude du recourant sans recourir à des termes inutilement offensants. 
Quoi qu'il en soit, la cour cantonale a retenu à juste titre qu'aucune marque de prévention antérieure à la rédaction du jugement de condamnation ne ressortait du procès-verbal ou du déroulement de l'audience. Elle a également considéré à bon droit que la lecture du jugement dans son entier, et ce malgré les passages inadéquats et contraires aux principes habituels de la rédaction judiciaire, ne permettait pas de remettre en cause l'impartialité du juge intimé qui a exécuté la tâche qui lui était confiée en décrivant notamment l'attitude du recourant. A cet égard, ce dernier ne peut se contenter de soutenir de façon générale que la motivation de la cour cantonale empêcherait de déposer une requête en récusation lorsque des motifs la justifiant apparaîtraient pour la première fois dans un jugement, sans démontrer l'existence de tels motifs en l'espèce. 
 
3.4. Le recourant poursuit sa critique de l'arrêt entrepris par une argumentation peu compréhensible selon laquelle la cour cantonale aurait violé l'art. 58 al. 1 CPP. Il considère que ce jugement rendrait impossible le dépôt d'une requête en récusation fondée sur des motifs ressortant du procès-verbal ou du déroulement de la procédure à la réception du jugement, car elle serait tardive en application de cet article.  
Toutefois, le jugement entrepris n'aborde pas la problématique du dépôt tardif d'une requête en récusation. Conformément à l'art. 58 al. 1 CPP, la récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation; la réception du jugement ne modifie pas cette règle. Quoiqu'il en soit, le recourant n'allègue pas une apparence de prévention antérieure au jugement, ni ne démontre que les termes susmentionnés en révéleraient une à la lecture du jugement dans son entier. 
 
3.5. L'autorité précédente a encore ajouté que l'erreur du président dans la notification du jugement et le refus de nommer immédiatement un nouveau défenseur d'office ne constituaient pas davantage une apparence de prévention, étant donné, pour le surplus, que la cause serait revue par l'autorité d'appel disposant d'un plein pouvoir d'examen.  
Les arguments du recourant à cet égard, soit que l'ensemble des circonstances de la présente cause laisserait clairement apparaître une apparence de prévention du juge intimé et que la saisine de l'autorité d'appel ne saurait être utilisée par la cour cantonale comme motif de rejet de sa demande de récusation, ne changent rien à ce qui précède. Le juge de la récusation n'a pas à constater ni à redresser les erreurs éventuellement commises dans la conduite de la procédure, ce d'autant qu'en l'occurrence, le recourant n'établit aucun autre motif susceptible de concrétiser une prévention du magistrat concerné. En tout état de cause, les éventuelles erreurs matérielles ou de procédure que contient le jugement de condamnation pourront être corrigées par la juridiction d'appel d'ores et déjà saisie. 
 
3.6. Partant, le grief de violation du droit fédéral doit être rejeté.  
 
4.  
Vu ce qui précède, le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. 
Le recourant a demandé l'octroi de l'assistance judiciaire (art. 64 al. 1 LTF). Les conditions posées à l'art. 64 al. 1 LTF étant réunies, il convient de mettre le recourant au bénéfice de l'assistance judiciaire, de lui désigner Me Maëlle Le Boudec comme avocate d'office et d'allouer à celle-ci une indemnité à titre d'honoraires, qui sera fixée forfaitairement et supportée par la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF). Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF), ni alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. 
 
2.  
La requête d'assistance judiciaire est admise. Me Maëlle Le Boudec est désignée comme avocate d'office du recourant et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire du recourant, au Président du Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne, au Ministère public de l'arrondissement de Lausanne, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 27 juillet 2021 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Chaix 
 
La Greffière : Nasel