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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_623/2022, 1B_624/2022  
 
 
Arrêt du 1er juin 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Müller, Juge présidant, 
Chaix et Kölz. 
Greffière : Mme Kropf. 
 
Participants à la procédure 
1B_623/2022 
A.________ SA, 
représentée par Me Ludovic Tirelli, avocat, 
recourante, 
 
et 
 
1B_624/2022 
B.L.________ Sàrl, 
représentée par Me Ludovic Tirelli, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy. 
 
Objet 
Procédure pénale; refus de levée de séquestre, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 4 novembre 2022 (ACPR/762/2022 - P/22314/2020). 
 
 
Faits :  
 
A.  
En juin 2020, la police a saisi, à U.________, de manière fortuite une importante quantité de pains de cannabis dans un véhicule. A la suite de leur analyse, l'observation au microscope d'un échantillon a mis en évidence des poils glandulaires, ainsi que de la matière végétale fine et la police en a déduit que les pains étaient constitués de résine de cannabis (cf. le rapport de police du 13 novembre 2020), soit une substance prohibée quelle que soit sa teneur en tétrahydrocannabinol (ci-après : THC). 
Le 29 avril 2021, ont été saisis huit sachets de fleur de chanvre (906 g) et cinq savonnettes de résine de chanvre (509.7 g); leur analyse a révélé la présence d'un "produit similaire à la ADB-Butanica, cannabinoïde de synthèse qui ne serait pas soumis au contrôle au sens de l'ordonnance du [Département fédéral de l'intérieur (ci-après : DFI)] sur les tableaux des stupéfiants, des substances psychotropes, des précurseurs et des adjuvants chimiques du 30 mai 2011 (OTStup-DFI; RS 812.121.11), état au 15 décembre 2020" (cf. le rapport de police du 6 août 2021). Plusieurs tonnes de résine de chanvre à faible teneur en THC ont été saisies, notamment lors des perquisitions ordonnées par le Ministère public de la République et canton de Genève (ci-après : le Ministère public) les 18 mai et 11 juin 2021 dans les locaux de B.S.________ SA. Les diverses perquisitions ont également permis de réunir de la documentation bancaire, comptable et douanière; en particulier, un document intitulé "Classeur 5" a permis, à première vue, de déduire qu'entre 2020 et 2021, avaient été produits 29'405 kilos de résine de chanvre à faible teneur en THC (cf. le rapport d'arrestation du 18 mai 2021). 
Le 18 mai 2021, la police a procédé à l'arrestation de C.________, co-fondateur du groupe B.________ - actif entre autres dans le domaine des produits à base de chanvre - et administrateur de la dizaine de sociétés que ce groupe comporte, dont B.H.________ SA, B.L.________ Sàrl, A.________ SA et B.S.________ SA. Le 19 mai 2021, C.________ a été mis en prévention pour infractions graves aux art. 19 al. 1 let. a, b, c, d et al. 2 let. c de la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup; RS 812.121). Il lui est notamment reproché d'avoir, à U.________ et dans la région lémanique, à tout le moins depuis juin 2020, utilisé les sociétés "B.________" pour produire, confectionner, transporter et vendre de la résine de cannabis cannabidiol (ci-après : CBD), soit une substance interdite en Suisse quelle que soit sa teneur en THC. Le prévenu est également soupçonné de s'être livré, à tout le moins en 2021, à un trafic international portant sur plusieurs kilos de chanvre sprayé de cannabinoïdes de synthèse. 
Lors de ses auditions - dont le 18 mai 2021 par la police et le 6 juillet 2022 par le Ministère public -, C.________ a en particulier déclaré que B.S.________ SA ne produisait pas de résine de chanvre, mais de "l'extrait de chanvre", substance en dessous de 1 % de THC et donc légale en Suisse; tous les produits - fleur ou chanvre - étaient facturés sous l'appellation "chanvre" sans distinction. Confronté notamment à des propos tenus lors de conversations téléphoniques avec un correspondant d'un pays européen, il a nié être impliqué dans un trafic de cannabinoïdes de synthèse (cf. le rapport de police du 15 décembre 2021). 
A la suite d'une première analyse de la documentation saisie, la police a estimé que la société avait vendu, depuis le 1er mai 2020, environ 23'000 kilos de résine de chanvre CBD, pour un montant minimum de 4'600'000 fr., mais plus vraisemblablement de 16'100'000 fr. (cf. le rapport de police du 21 juin 2021). L'examen des factures de B.S.________ SA établies entre septembre 2018 et mai 2021 confirmait que la résine de chanvre était vendue sous diverses appellations, dont "extrait de chanvre" ou "fleurs de chanvre"; il n'était ainsi pas possible de savoir si elles concernaient du haschich illégal ou des fleurs de chanvre CBD légales. B.L.________ Sàrl avait vraisemblablement été utilisée pour vendre du haschich CBD en Europe, probablement sous d'autres appellations que celles figurant dans les factures analysées. 
Le 19 août 2022, le Ministère public a reçu de l'Ecole des sciences criminelles de l'Université de Lausanne un rapport complémentaire d'expertise confirmant que la substance retrouvée sur les spécimens saisis le 29 avril 2021 était de l'ADB-Butinaca, un cannabinoïde de synthèse soumis à contrôle au sens du tableau e, page 76, numéro 265 de l'OTStup-DFI (état au 15 décembre 2020). 
 
B.  
 
B.a. A la suite des ordonnances du Ministère public du 14 juillet et du 16 août 2021 visant notamment les relations bancaires liées à C.________, ont été placés sous séquestre le compte n° xxx ouvert au nom de B.L.________ Sàrl auprès de la banque D.________ Cie, ainsi que les comptes IBAN yyy et zzz A détenus par A.________ SA auprès de l'établissement E.________ SA.  
Selon l'analyse de la documentation bancaire effectuée par la police, les rentrées d'argent sur le compte de la société B.L.________ Sàrl - en provenance d'un autre compte de la société - avaient fortement augmenté depuis janvier 2020 (virements d'environ EUR 50'000.-, puis de près de EUR 100'000.- dès janvier 2021), soit durant la période pour laquelle le prévenu était mis en cause pour s'être adonné à un trafic de résine de chanvre. A suivre la police et vu un courrier électronique interne de la banque du 24 janvier 2020, ces versements correspondraient à des contreparties pour des ventes de résine de chanvre produite en Suisse. Entre le 10 décembre 2020 et le 10 mars 2021, différentes sommes - allant de 850'000 fr. à 1'000'000 fr. - ont été ainsi transférées entre les entreprises du groupe B.________, notamment en faveur de A.________ SA. 
 
B.b. En octobre 2021, A.________ SA et B.L.________ Sàrl ont sollicité la levée des séquestres portant sur leurs comptes; ces mesures entravaient leurs activités commerciales alors qu'elles n'avaient aucun lien avec celles de B.S.________ SA sous enquête.  
Par arrêt du 10 mars 2022 (ACPR_1), la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après : la Chambre pénale) a confirmé les séquestres ordonnés par le Ministère public, considérant qu'il existait des indices suffisants de la commission d'une infraction, que la connexité entre les entités dont le prévenu était l'administrateur et les différents versements intervenus entre elles ne permettait pas d'exclure le prononcé d'une créance compensatrice et que la mesure demeurait proportionnée. Le 16 août 2022 (ACPR_2), cette autorité a, une deuxième fois, validé le maintien des séquestres, les sociétés n'ayant pas démontré être entravées dans leurs activités par la mesure ordonnée. 
 
B.c. Le 2 août 2022, les deux sociétés ont, une nouvelle fois, requis la levée des séquestres portant sur leurs comptes, relevant qu'à la suite de la modification de l'OTStup-DFI entrée en vigueur le 1er août 2022, la résine de chanvre CBD était légale en Suisse, pour autant que son taux de THC soit inférieur à 1 %. Elles ont produit deux expertises privées, dont l'une affirmait en particulier que la substance litigieuse ne pouvait objectivement pas être considéré comme un produit stupéfiant vu sa faible teneur en THC.  
Par décision du 9 septembre 2022, le Ministère public a relevé que le prévenu n'était pas seulement soupçonné d'avoir utilisé ses sociétés pour s'adonner à un trafic de résine de cannabis CBD, mais également pour avoir pris des mesures, mis sur pied et participé, avec ses comparses, à un trafic international de chanvre sprayé de cannabinoïdes de synthèse; il ressortait notamment de l'analyse de conversations téléphoniques, des témoignages recueillis, du rapport de police du 15 décembre 2021 et du procès-verbal du 6 juillet 2022 que, dès le début de la production massive de résine (automne 2019), le prévenu aurait pris des mesures afin d'y ajouter du THC de synthèse - substance dont il n'ignorait pas la dangerosité pour la santé - et aurait organisé l'obtention et la remise de sprays de THC de synthèse pour écouler ses produits; une première analyse de la documentation bancaire - toujours en cours - avait révélé un système de facturation incomplet, des entrées de fonds suspectes durant la période pénale et des transferts d'argent entre les différentes sociétés du groupe en lien avec les marchandises visées par la procédure; il n'était pas exclu qu'un examen plus détaillé des comptes et de la comptabilité des sociétés puisse mettre en lumière des infractions commises dans le cadre de leur gestion, outre la question du blanchiment d'argent reproché au prévenu. Pour le Ministère public, la question de l'application de la "lex mitior" ne se posait pas, puisque ne pouvait être écartée la possibilité d'une confiscation des valeurs patrimoniales en raison d'une origine criminelle, d'un prononcé d'une créance compensatrice ou de l'utilisation des fonds pour garantir le paiement des frais de procédure, peines pécuniaires, amendes et indemnités. 
 
C.  
Le 4 novembre 2022, la Chambre pénale a joint les recours formés par A.________ SA et B.L.________ Sàrl contre cette décision et les a rejetés. 
 
D.  
Par deux actes séparés du 7 décembre 2022, A.________ SA (cause 1B_623/2022) et B.L.________ Sàrl (cause 1B_624/2022) forment des recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt, concluant à son annulation et à la levée des séquestres portant sur leurs comptes bancaires respectifs (pour la première, IBAN yyy et zzz détenus auprès de l'établissement E.________ SA; pour la seconde, n° xxx détenu auprès de la banque D.________ Cie SA). A titre subsidiaire, les deux recourantes demandent le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants. 
L'autorité précédente a renoncé à déposer des observations. Quant au Ministère public, il a conclu au rejet des deux recours. Le 31 janvier 2023, les recourantes ont persisté dans leurs conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les recours dans les causes 1B_623/2022 et 1B_624/2022 sont formés par des recourantes différentes. Cela étant, elles agissent par le biais d'un même avocat et déposent des écritures - actes de recours et déterminations - quasi identiques. Elles remettent en outre en cause un même arrêt, lequel rejette pour des motifs similaires leurs recours cantonaux contre le séquestre prononcé sur leurs comptes bancaires respectifs. 
Partant et pour des raisons d'économie de procédure, il se justifie de joindre ces causes et de statuer dans un seul arrêt (art. 24 al. 3 PCF, applicable par analogie vu le renvoi de l'art. 71 LTF). 
 
2.  
L'arrêt attaqué, qui confirme le maintien du séquestre sur des comptes bancaires, est un prononcé rendu en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF
Le séquestre pénal étant une décision à caractère incident, le recours n'est recevable que si l'acte attaqué est susceptible de causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF; ATF 140 IV 57 consid. 2.3 p. 60). En matière de séquestre, un tel préjudice est généralement reconnu au détenteur qui se trouve privé temporairement de la libre disposition de l'objet et/ou des valeurs saisis (ATF 128 I 129 consid. 1 p. 131; arrêt 1B_123/2022 du 9 août 2022 consid. 1); tel est le cas en l'occurrence dès lors que les recourantes sont les titulaires des relations bancaires séquestrées. Pour ce même motif, elles disposent d'un intérêt juridique à obtenir l'annulation ou la modification de l'arrêt entrepris (cf. art. 81 al. 1 let. a et b LTF; ATF 133 IV 278 consid. 1.3 p. 282 s.; arrêt 1B_590/2022 du 20 avril 2023 consid. 1). 
Pour le surplus, les autres conditions de recevabilité - dont le dépôt en temps utile des recours (cf. art. 100 al. 1 LTF) - étant réalisées, il y a lieu d'entrer en matière. 
 
3.  
Les recourantes reprochent à l'autorité précédente d'avoir considéré qu'il existait des soupçons suffisants de la commission d'une infraction à la LStup; tel ne serait en effet plus le cas vu la modification de l'OTStup-DFI du 22 juin 2022, entrée en vigueur le 1er août 2022 (RO 2022 387); en application notamment des principes liées à la "lex mitior", les valeurs patrimoniales issues de comportements qui ne sont plus punissables ne pourraient donc plus être confisqués. Selon les recourantes, la condition des soupçons suffisants ne serait pas non plus réalisée eu égard à l'infraction de blanchiment d'argent, faute de crime préalable; en particulier, peu importerait que les prétendus actes d'entrave aient été réalisés avant que le comportement litigieux ne soit dépénalisé. 
 
3.1. A teneur de l'art. 197 al. 1 CPP, les mesures de contrainte ne peuvent être prises qu'aux conditions suivantes : elles sont prévues par la loi (let. a); des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b); les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c); elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction (let. d). Les mesures de contrainte qui portent atteinte aux droits fondamentaux des personnes qui n'ont pas le statut de prévenu sont appliquées avec une retenue particulière (art. 197 al. 2 CPP).  
Selon l'art. 263 al. 1 CPP, des objets et des valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peuvent être mis sous séquestre, lorsqu'il est probable qu'ils seront utilisés comme moyens de preuves (let. a); qu'ils seront utilisés pour garantir le paiement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités (let. b); qu'ils devront être restitués au lésé (let. c); et/ou qu'ils devront être confisqués (let. d). L'autorité d'instruction peut placer sous séquestre, en vue de l'exécution d'une créance compensatrice, des valeurs patrimoniales appartenant à la personne concernée; le séquestre ne crée pas de droit de préférence en faveur de l'Etat lors de l'exécution forcée de la créance compensatrice (art. 71 al. 3 CP). 
Un séquestre - au sens des art. 263 al. 1 CPP ou 71 al. 3 CP - est une mesure fondée sur la vraisemblance (ATF 143 IV 357 consid. 1.2.3 p. 359 s. et les arrêts cités); elle porte sur des objets dont on peut admettre, prima facie, qu'ils pourront être confisqués en application du droit pénal fédéral. Tant que l'instruction n'est pas achevée et que subsiste une probabilité de confiscation, de créance compensatrice ou d'une allocation au lésé, la mesure conservatoire doit être maintenue (ATF 141 IV 360 consid. 3.2 p. 364; 140 IV 57 consid. 4.1.1 p. 61 s.); l'intégralité des fonds doit demeurer à disposition de la justice aussi longtemps qu'il existe un doute sur la part de ceux-ci qui pourrait provenir d'une activité criminelle (arrêt 1B_398/2022 du 13 décembre 2022 consid. 5.3). Un séquestre ne peut donc être levé que dans l'hypothèse où il est d'emblée manifeste et indubitable que les conditions matérielles d'une confiscation ne sont pas réalisées et ne pourront pas l'être (ATF 140 IV 133 consid. 4.2.1 p. 138; 139 IV 250 consid. 2.1 p. 252 s.; arrêt 1B_527/2022 du 21 avril 2023 consid. 2.1). Cependant, les probabilités d'une confiscation, respectivement du prononcé d'une créance compensatrice, doivent se renforcer au cours de l'instruction (ATF 122 IV 91 consid. 4 p. 96; arrêt 1B_398/2022 du 13 décembre 2022 consid. 5.3). L'autorité doit pouvoir statuer rapidement (cf. art. 263 al. 2 CPP), ce qui exclut qu'elle résolve des questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 141 IV 360 consid. 3.2 p. 364; arrêt 1B_527/2022 du 21 avril 2023 consid. 2.1). 
De manière similaire à ce qui prévaut pour ordonner une créance compensatrice, un lien de connexité entre les biens et/ou valeurs à placer sous séquestre et les infractions examinées n'est pas exigé lorsque le séquestre est ordonné afin de garantir un tel prononcé (cf. art. 71 al. 3 CPP; ATF 140 IV 57 consid. 4.1.2 p. 63). 
 
3.2.  
 
3.2.1. Selon l'art. 2 al. 1 CP, la loi pénale ne s'applique qu'aux faits commis après son entrée en vigueur (principe de la non-rétroactivité de la loi pénale). Cependant, en vertu de l'art. 2 al. 2 CP, une loi nouvelle s'applique aux faits qui lui sont antérieurs si, d'une part, l'auteur est mis en jugement après son entrée en vigueur et si, d'autre part, elle est plus favorable à l'auteur que l'ancienne (exception de la "lex mitior"). Il en découle que l'on applique en principe la loi en vigueur au moment où l'acte a été commis, à moins que la nouvelle loi ne soit plus favorable à l'auteur (ATF 134 IV 82 consid. 6.1 p. 86 s.; arrêt 6B_782/2022 du 17 avril 2023 consid. 3.2 destiné à la publication).  
 
3.2.2. A teneur de l'art. 70 CP, le juge prononce la confiscation des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction ou qui étaient destinées à décider ou à récompenser l'auteur d'une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits (al. 1); la confiscation n'est pas prononcée lorsqu'un tiers a acquis les valeurs dans l'ignorance des faits qui l'auraient justifiée, et cela dans la mesure où il a fourni une contre-prestation adéquate ou si la confiscation se révèle d'une rigueur excessive (al. 2).  
Le but poursuivi au travers de l'art. 70 CP est d'empêcher qu'un comportement punissable procure un gain à l'auteur ou à des tiers, conformément à l'adage selon lequel "le crime ne doit pas payer". La confiscation au sens de la disposition précitée suppose une infraction, des valeurs patrimoniales, ainsi qu'un lien de causalité tel que l'obtention des secondes apparaisse comme la conséquence directe et immédiate de la première. L'infraction doit être la cause essentielle, respectivement adéquate, de l'obtention des valeurs patrimoniales et celles-ci doivent typiquement provenir de l'infraction en cause (ATF 145 IV 237 consid. 3.2.1 p. 242). Selon la jurisprudence, en cas de blanchiment d'argent, l'argent blanchi ou en voie de l'être est confiscable dans son intégralité, indépendamment notamment des infractions qui l'ont généré, car il constitue en lui-même le produit de l'infraction (arrêts 6B_917/2018 du 13 janvier 2022 consid. 6.2; 6B_67/2019 du 16 décembre 2020 consid. 5.8.2; 1B_282/2020 du 13 août 2020 consid. 2.2; MADELEINE HIRSIG-VOUILLOZ, in Commentaire romand, Code pénal I, 2e éd. 2021, n° 9 ad art. 70 CP). 
 
3.2.3. Selon l'art. 305bis CP, se rend coupable de blanchiment d'argent celui qui aura commis un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales, dont il savait ou devait présumer qu'elles provenaient d'un crime ou d'un délit fiscal qualifié.  
Le comportement punissable consiste à mettre en sécurité des valeurs patrimoniales acquises illicitement par le crime préalable (ATF 145 IV 335 consid. 3.1 p. 341; 144 IV 172 consid. 7.2.2 p. 174). L'acte d'entrave peut être constitué par n'importe quel comportement propre à faire obstacle à l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de la valeur patrimoniale provenant d'un crime (ATF 136 IV 188 consid. 6.1 p. 191; arrêt 6B_295/2022 du 15 septembre 2022 consid. 1.2). Constituent notamment des actes d'entrave le transfert de fonds de provenance criminelle d'un compte bancaire à un autre, dont les bénéficiaires économiques ne sont pas identiques (arrêt 6B_807/2021 du 7 juin 2022 consid. 7.1). Conformément à la jurisprudence, l'infraction de blanchiment d'argent est également réalisée lorsque l'auteur blanchit des valeurs patrimoniales qu'il a lui-même obtenues par la commission d'un crime (ATF 145 IV 335 consid. 3.1 p. 341). Un acte d'entrave constitutif de l'infraction de blanchiment d'argent n'entre toutefois en considération que si des valeurs patrimoniales en cause sont susceptibles d'être confisquées; si un droit de confisquer n'existe plus - par exemple en raison de l'atteinte de la prescription -, la confiscation des valeurs patrimoniales ne peut plus être entravée (ATF 145 IV 335 consid. 3.2 p. 342). 
En vertu de son caractère accessoire, l'infraction de blanchiment nécessite la preuve de l'acte d'entrave, du crime préalable, ainsi que d'un lien de connexité entre les valeurs patrimoniales en cause et l'acte préalable (ATF 145 IV 335 consid. 3.1 p. 341 s.). La preuve stricte de ce dernier n'est cependant pas exigée; il n'est ainsi pas nécessaire que l'on connaisse en détail les circonstances du crime, singulièrement son auteur, pour pouvoir réprimer le blanchiment. De même, le lien exigé entre le crime à l'origine des fonds et le blanchiment d'argent est volontairement ténu (ATF 138 IV 1 consid. 4.2.2 p. 5; arrêt 6B_295/2022 du 15 septembre 2022 consid. 1.2). 
 
3.3. La cour cantonale a tout d'abord relevé qu'au vu du changement de loi intervenu le 1er août 2022, le principe de la "lex mitior" pourrait faire obstacle à une condamnation du prévenu pour les chefs d'accusation qui lui avaient été notifiés le 19 mai 2021, même s'il s'avérait que la matière saisie était de la résine de cannabis - anciennement - prohibée indépendamment de sa teneur en THC. L'autorité précédente a ensuite retenu qu'en l'état, les soupçons relatifs à des infractions dans la gestion des sociétés demeuraient insuffisants pour retenir que la condition de l'art. 197 al. 1 let. b CPP serait réalisée (cf. consid. 4.5 p. 10). Elle a enfin laissé indécise cette question s'agissant de l'utilisation reprochée au prévenu de cannabinoïdes de synthèse (matière soumise à contrôle selon l'expertise du 19 août 2022, respectivement exclue d'un tel examen à suivre l'expertise privée des recourantes du 3 septembre 2022 [cf. consid. 4.5 p. 11]).  
La Chambre pénale a en revanche considéré qu'il existait des soupçons suffisants d'actes de blanchiment d'argent. Se référant à son arrêt du 10 mars 2022, elle a rappelé l'existence d'indices de la commission d'une infraction à la LStup et la connexité de celles-ci avec les sommes séquestrées; compte tenu des quantités en jeu et de la réglementation en vigueur au moment des faits, il ne pouvait être exclu que les différents transferts intervenus entre les comptes des sociétés dominées par le prévenu puissent réaliser les éléments constitutifs de l'art. 305bis CP. Selon l'autorité précédente, peu importait que le prévenu ne puisse plus être poursuivi ou condamné pour le commerce de résine de cannabis; il suffisait que l'acte initial réalise les conditions objectives d'un comportement pénalement répréhensible (cf. consid. 4.5 p. 10 s.). 
 
3.4. Ce raisonnement peut encore en l'état être confirmé. Il appartient en effet au juge du fond de trancher les problématiques - non dénuées en outre de complexité dans le cas d'espèce - en rapport avec la détermination du droit applicable, respectivement les conséquences pouvant découler de l'application de la "lex mitior", que ce soit eu égard à la confiscation et/ou aux conditions de l'infraction de blanchiment d'argent; cela vaut d'autant plus que ces questions paraissent liées à l'appréciation de la culpabilité du prévenu, problématique n'entrant pas dans le cadre des compétences du juge appelé à vérifier l'existence de soupçons suffisants permettant le maintien des séquestres sur les valeurs litigieuses.  
Dans ce cadre particulier où l'autorité doit également statuer rapidement, il suffit de constater qu'au moment où les actes d'entrave potentiellement constitutifs de blanchiment d'argent ont été réalisés (cf. notamment les virements intervenus entre décembre 2020 et mars 2021 [ad let. B.j p. 5 de l'arrêt attaqué]), le trafic de résine de chanvre, indépendamment du taux de THC, était punissable; les recourantes ne le contestent d'ailleurs pas. Il ne ressort au demeurant pas non plus clairement de l'arrêt attaqué que l'ensemble du trafic reproché à cet égard aurait porté entièrement sur des substances avec un taux de THC inférieur à 1 %; une telle conclusion ne s'impose en tout cas pas du seul fait que le prévenu (cf. ad let. B.g p. 3 de l'arrêt attaqué) et les expertises privées des recourantes le soutiennent (cf. let. B.n p. 6 de l'arrêt attaqué). Le Ministère public ne manquera pas, le cas échéant, d'approfondir cette question. Enfin, les recourantes ne remettent pas en cause l'éventuel lien de connexité entre ces faits et les valeurs patrimoniales saisies et/ou la mesure du séquestre opéré à cet égard. Partant, toute origine illicite des valeurs saisies et toute confiscation de celles-ci, notamment à titre de produits de l'infraction de blanchiment d'argent, ne peuvent être d'emblée exclues en l'occurrence. 
Cette appréciation vaut d'autant plus qu'on ne saurait occulter les reproches en matière de trafic de cannabinoïdes de synthèse, sur lesquelles ne s'est certes pas prononcée l'autorité précédente. Il appartiendra, le cas échéant, au Ministère public d'étayer cette problématique (soit en particulier par rapport à la connexité entre l'infraction reprochée et les valeurs saisies, ainsi que la proportionnalité des séquestres ordonnés); il en va de même de l'existence de soupçons suffisants d'infractions dans la gestion des entreprises du prévenu, dont font partie les recourantes. 
 
4.  
Il s'ensuit que le recours est rejeté. 
Les recourantes, qui succombent, supportent, solidairement entre elles, les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF); ceux-ci seront fixés en tenant compte de la jonction des causes, ainsi que du dépôt d'écritures similaires. Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Les causes 1B_623/2022 et 1B_624/2022 sont jointes. 
 
2.  
Les recours dans les causes 1B_623/2022 et 1B_624/2022 sont rejetés. 
 
3.  
Les frais judiciaires, fixés à 3'000 fr., sont mis à la charge des recourantes, solidairement entre elles. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourantes, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 1 er juin 2023  
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Müller 
 
La Greffière : Kropf