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Eidgenössisches Versicherungsgericht 
Tribunale federale delle assicurazioni 
Tribunal federal d'assicuranzas 
 
Cour des assurances sociales 
du Tribunal fédéral 
 
Cause 
{T 7} 
I 531/04 
 
Arrêt du 11 juillet 2005 
IVe Chambre 
 
Composition 
MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Ursprung. Greffier : M. Pellegrini 
 
Parties 
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, recourant, 
 
contre 
 
V.________, représenté par le Service juridique de la Fédération suisse pour l'intégration des handicapés, place du Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne 
 
Instance précédente 
Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne 
 
(Jugement du 22 juillet 2004) 
 
Faits: 
A. 
V.________, né en 1946, a travaillé en qualité de chauffeur poids lourds jusqu'en 1997. Il a été licencié à la suite d'un retrait du permis de conduire et n'a pas repris d'activité lucrative. Invoquant une maladie des mains, il s'est annoncé auprès de l'assurance-invalidité le 20 novembre 1997, en vue d'obtenir un reclassement dans une nouvelle profession et une rente. 
 
Dans le cadre de l'instruction, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après : l'Office AI) a recueilli les avis de la doctoresse P.________, spécialiste FMH en chirurgie plastique et reconstructive et en chirurgie de la main (rapports du 8 janvier 1998 et du 8 juillet 1999) ainsi que des docteurs I.________, spécialiste FMH en chirurgie plastique et reconstructive, et L.________, médecin généraliste FMH (rapport du 24 septembre 2001), tous deux du Service médical régional AI (ci-après : SMR). 
 
Dans ses rapports des 8 janvier 1998 et 8 juillet 1999, la doctoresse P.________ a diagnostiqué chez l'assuré la maladie de Dupuytren bilatérale très sévère touchant les paumes et les rayons digitaux des deux mains. Elle a également relevé que la maladie n'a cessé d'évoluer depuis 1986, nécessitant de très nombreuses opérations. Elle a de plus indiqué que l'assuré avait subi l'amputation de la moitié de la phalange distale du pouce et de la totalité de la phalange distale de l'index à la suite d'un accident dont il a été victime à l'âge de huit ans. Selon la doctoresse P.________, l'assuré est totalement incapable d'exercer son travail de chauffeur poids lourds dès le 27 novembre 1997. En revanche, elle a souligné que le patient peut exercer une activité dans laquelle il n'a pas besoin de porter de lourdes charges, à l'instar d'un emploi de chauffeur de taxi. 
 
De leur côté, les docteurs I.________ et L.________ ont diagnostiqué au terme de leurs examens une maladie de Dupuytren des deux mains et des deux pieds (rapport du 24 septembre 2001). Ils relèvent que l'assuré a une pleine capacité de travail pour autant qu'il ne soit pas appelé à accomplir des travaux nécessitant le port de lourdes charges, une force accrue de serrage, l'exposition au froid et les longs déplacements à pied. 
Dans son rapport intermédiaire du 27 février 2002, l'Office AI a estimé que l'assuré n'a plus les facultés d'adaptation nécessaires pour entreprendre une nouvelle formation et que des mesures de reclassement dans une nouvelle profession ne peuvent être prises en considération. Il a également considéré que la capacité de travail de V.________ est totale dans une activité adaptée à son état de santé. Pour établir le revenu d'invalide, l'Office AI a retenu trois emplois dans le secteur industriel, qui lui procureraient un gain de 50'001 francs. En comparant avec le revenu annuel moyen de 61'685 fr. sans atteinte à la santé, l'Office AI est parvenu à un taux de 19 %, si bien qu'il a rejeté la demande de prestations par décision du 15 avril 2002. 
B. 
V.________ a déféré cette décision au Tribunal des assurances du Canton de Vaud en concluant à la prise en charge, par l'assurance-invalidité, de mesures de réadaptation et à l'allocation d'une rente. L'Office AI a conclu au rejet du recours en admettant la prise en charge d'une aide au placement. 
 
En procédure, V.________ a produit une écriture de la Fondation intégration pour tous (ci-après : la fondation IPT) du 11 février 2003, dans laquelle le directeur a mentionné que l'assuré ne peut qu'exercer une activité à mi-temps dans un atelier protégé. 
 
Comparaissant en qualité de témoin lors de l'audience d'instruction du 30 mars 2004, le directeur de la fondation IPT, a indiqué que l'assuré n'est pas en mesure d'exécuter des tâches de précision ou pour lesquelles de la force est requise. A son avis, V.________ ne peut pas assumer les emplois pris en compte par l'Office AI dans l'évaluation de l'invalidité. 
 
Par jugement du 22 juillet 2004, la juridiction cantonale a admis le recours et alloué à V.________ une rente entière d'invalidité à partir du 1er novembre 1998. Elle a considéré en substance, qu'eu égard à ses troubles de santé, V.________ n'est pas en mesure d'exercer un emploi dans le secteur industriel, ni comme chauffeur de taxi dans la mesure où cette activité implique nécessairement le port de bagages. Par ailleurs, elle a estimé qu'une réadaptation professionnelle n'était guère envisageable que ce soit dans une activité manuelle ou dans tout autre domaine de l'économie. 
 
C. 
L'Office AI interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont il demande l'annulation. 
 
V.________ conclut au rejet du recours sous suite de dépens. L'Office fédéral des assurances sociales n'a pas présenté de déterminations. 
 
Considérant en droit: 
1. 
Le litige porte sur le degré d'invalidité du recourant et en particulier sur son droit à une rente entière. 
2. 
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA) du 6 octobre 2000, entrée en vigueur au 1er janvier 2003, n'est pas applicable au présent litige, dès lors que le juge des assurances sociales n'a pas à prendre en considération les modifications du droit ou de l'état de fait postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse du 15 avril 2002 (ATF 129 V 4 consid. 1.2 et les arrêts cités). Pour les mêmes motifs, les dispositions de la novelle du 21 mars 2003 modifiant la LAI (4ème révision), entrée en vigueur le 1er janvier 2004, ne sont pas non plus applicables. 
3. 
3.1 Selon l'article 4 al. 1 LAI, l'invalidité est la diminution de la capacité de gain, présumée permanente ou de longue durée, qui résulte d'une atteinte à la santé physique, ou mentale provenant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident. Le second alinéa de cette disposition prévoit que l'invalidité est réputée survenue dès qu'elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération. 
 
Aux termes de l'art. 28 al. 1 LAI, l'assuré a droit à une rente entière s'il est invalide à 66 2/3 % au moins, à une demi-rente s'il est invalide à 50 % au moins, ou à un quart de rente s'il est invalide à 40 % au moins. D'après l'art. 28 al. 2 LAI, pour l'évaluation de l'invalidité, le revenu du travail que l'invalide pourrait obtenir en exerçant l'activité qu'on peut raisonnablement attendre de lui, après exécution éventuelle de mesures de réadaptation et compte tenu d'une situation équilibrée du marché du travail, est comparé au revenu qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide. 
3.2 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 261 consid. 4, 115 V 134 consid. 2, 114 V 314 consid. 3c, 105 V 158 consid. 1). 
3.3 En l'occurrence, les rapports des docteurs P.________, I.________ et L.________ remplissent toutes les conditions auxquelles la jurisprudence soumet la valeur probante de tels documents (ATF 125 V 352 consid. 3a et les références citées). 
Recueillis par l'office AI, ces avis médicaux concordent quant au diagnostic. Les docteurs P.________, I.________ et L.________ considèrent par ailleurs que l'intimé est totalement incapable de travailler dans son ancienne activité de chauffeur poids lourd mais qu'il a pleine capacité de travail dans un emploi ne nécessitant pas le port de lourdes charges, une force accrue de serrage, l'exposition au froid ou de longs déplacements à pied (rapport des docteurs I.________ et L.________ du 26 septembre 2001). En outre, ce dernier peut également travailler en qualité de chauffeur de taxi à condition qu'il ne soit pas appelé à porter de bagages (rapport de la doctoresse P.________ du 8 juillet 1999; rapport des docteurs I.________ et L.________ du 24 septembre 2001, p. 3). 
4. 
4.1 Le Tribunal des assurances du canton de Vaud a retenu en fait que l'intimé est atteint de la maladie de Dupuytren et que ses mains sont fragilisées et sensibles. La juridiction cantonale en a déduit que V.________ n'est pas en mesure d'exercer une activité dans le secteur industriel ou dans tout autre domaine de l'économie. Pour étayer son point de vue, elle s'est fondée uniquement sur les déclarations du directeur de la fondation IPT s'écartant ainsi, sans donner une motivation suffisante, des avis médicaux des docteurs P.________, I.________ et L.________. 
L'Office AI reproche aux premiers juges d'avoir privilégié l'avis du directeur de la fondation IPT à celui des médecins du SMR alors que leur expertise satisfait pleinement aux conditions posées par la jurisprudence relative à la valeur probante des rapports médicaux. 
4.2 Les informations des organes d'observation professionnelle ont pour fonction de compléter les données médicales en examinant concrètement dans quelle mesure l'assurée est à même de mettre en valeur une capacité de travail et de gain sur le marché du travail. Dans le cas où ces appréciations divergent sensiblement, il incombe à l'administration, respectivement au juge de confronter les deux appréciations, au besoin de requérir un complément d'instruction. Reste que ces informations recueillies au cours d'un stage pour utiles qu'elles soient ne sauraient supplanter l'avis dûment motivé d'un médecin à qui il appartient, au premier chef, de porter un jugement sur l'état de santé de l'assuré et d'indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités celui-ci est capable de travailler, le cas échéant quels travaux ont peut encore raisonnablement exiger de lui (cf. consid. 3.2 ci-dessus). 
4.3 En l'espèce, les premiers juges n'ont pas suivi ces règles, si bien qu'à cet égard, la motivation de leur jugement est lacunaire. Il n'y a pas lieu pour autant de leur renvoyer le dossier dès lors que les éléments sont suffisants pour statuer. 
 
De l'attestation du directeur de la fondation IPT comme de ses déclarations au juge, il résulte que, contrairement à ce qui se passe dans un COPAI où des activités dans différents secteurs sont organisées, l'assuré a effectué un stage de manoeuvre dans une seule entreprise du 4 au 29 novembre 2002. Il avait un bon rendement lorsqu'on lui a proposé des tâches qu'il pouvait réaliser; en revanche, il ne disposait pas de suffisamment de polyvalence par rapport aux handicaps dus à son état de santé dès lors qu'il ne pouvait accomplir du travail de précision ou du travail de serrage avec les mains. Selon ce témoignage, l'assuré ne pourrait, compte tenu de ses handicaps, travailler qu'en atelier protégé en raison de son rendement faible. 
 
Ces appréciations, qui ne sont au demeurant pas exemptes de contradiction, ne sont toutefois pas propres à remettre en cause l'évaluation donnée par les médecins aux termes de leurs examens. En effet, elles partent de la considération que le marché du travail n'offre, dans les postes non qualifiés, que des travaux de force ou de dextérité. On ne saurait toutefois suivre de telles considérations générales parce qu'elles ne prennent pas en compte le fait que, dans des activités non qualifiées telles que celles recensées par l'Office fédéral de la statistique, il existe un large éventail d'activités variées qui ne requièrent ni force particulière ni dextérité fine. Il suffit à cet égard de se référer à des travaux en partie mécanisés ou automatisés dans le secteur industriel, voire à des activités relativement nombreuses de surveillance. 
 
Dès lors, suivant l'avis des médecins, il y a lieu de tenir l'intimé, incapable de poursuivre son activité de chauffeur de poids lourds, comme pleinement capable d'exercer une activité adaptée à son handicap. 
5. 
5.1 Il est constant que l'intimé aurait pu réaliser, sans atteinte à la santé, un revenu annuel de 61'685 fr. en qualité de chauffeur poids lourds. Ce montant n'est du reste pas contesté. 
5.2 La détermination du revenu d'invalide sur la base de données salariales concrètes est procédé admis par le Tribunal fédéral des assurances au même titre que le recours aux données statistiques (ATF 129 V 472). 
 
Selon la jurisprudence précitée, la détermination du revenu d'invalide sur la base des descriptions de postes de travail (DPT) requiert la production d'au moins cinq DPT. Or, comme l'Office AI n'a recueilli que trois DPT, le recours à cette méthode n'était, en l'état, pas admissible. 
5.3 La méthode basée sur les salaires statistiques concerne avant tout les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers (arrêt non publié L. du 1er avril 2005, I 171/04). En pareilles circonstances, le revenu avec invalidité doit être arrêté à la lumière des statistiques salariales ressortant de l'enquête suisse sur la structure des salaires publiée par l'Office fédéral de la statistique (ATF 124 V 321). Selon la table TA1 relative à l'année 1998 (p. 25), il faut ainsi partir d'un gain déterminant, toutes activités confondues dans le secteur privé, de 4'268 fr. par mois (valeur standardisée) pour des travaux simples et répétitifs (niveau 4) exercés par un homme. Ce revenu statistique tient compte d'un large éventail d'activités légères existant sur le marché du travail; un nombre suffisant d'entre elles peuvent être exercées sans nécessiter le port de charges, de sorte qu'elles sont adaptées au handicap de l'intimé. Ce salaire mensuel hypothétique se base sur une durée hebdomadaire de travail de 40 heures, inférieure à la moyenne usuelle dans les entreprises, il y a lieu de l'ajuster à 41,9 heures par semaine (La vie économique, 9/2004, p. 87, tableau B 9.2), soit un salaire mensuel de 4'470 fr. 73, ou annuel de 53'648 fr. 76. 
 
Il convient ensuite d'appliquer un facteur de réduction au gain annuel statistique de 53'648 fr. 76 , conformément à la jurisprudence (cf. ATF 126 V 75). Compte tenu des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier, un abattement de 15 % paraît approprié, si bien que le gain d'invalide se monte à 45'601 fr. 45. La comparaison des revenus aboutit à un degré d'invalidité de 26.07 % (45'601 / 61'685), qu'il convient d'arrondir à 26 % (ATF 130 V 121), soit à un taux inférieur à la limite de 40 % ouvrant droit à un quart de rente (cf. art. 28 al. 1 LAI). Au demeurant, même en appliquant l'abattement maximum de 25 % admis par la jurisprudence (ATF 126 V 75), le degré d'invalidité se monterait à 35 % et n'ouvrirait donc aucun droit à une rente. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 
1. 
Le recours est admis et le jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 22 juillet 2004 est annulé. 
2. 
Il n'est pas perçu de fais de justice. 
3. 
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
Lucerne, le 11 juillet 2005 
Au nom du Tribunal fédéral des assurances 
Le Président de la IVe Chambre: Le Greffier: