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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1B_630/2020  
 
 
Arrêt du 23 mars 2021  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Juge présidant, 
Müller et Merz. 
Greffier : M. Tinguely. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représentée par Me Jean-Pierre Schmid, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
intimé, 
 
Office régional du Ministère public du Valais central, rue des Vergers 9, 1950 Sion. 
 
Objet 
Récusation d'un expert, 
 
recours contre l'ordonnance du Tribunal cantonal 
du canton du Valais, Juge unique de la Chambre pénale, du 16 novembre 2020 (P3 20 249). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 28 janvier 2015, C.________, âgé de 56 ans, est décédé à l'Hôpital X.________, après avoir développé un pneumothorax à l'occasion d'une opération chirurgicale menée dans le même établissement hospitalier le 19 décembre 2014 en lien avec le traitement d'un cancer du poumon.  
Le 30 janvier 2015, le Ministère public du canton du Valais, Office régional du Valais central, a ouvert une instruction pénale contre inconnu, ordonnant dans ce cadre l'examen du cadavre (art. 253 ss CPP). 
L'épouse et le fils de C.________ se sont constitués parties plaignantes le 27 février 2015. 
 
A.b. Le 25 mai 2016, le Ministère public a désigné en qualité d'experts les Prof. D.________ (expert) et B.________ (co-expert), tous deux notamment responsables d'unités à la Faculté de médecine de l'Université de Genève, à charge pour eux de déterminer si le décès de C.________ était imputable à une erreur ou à une négligence dans la prise en charge médicale de ce dernier, qui serait survenue lors de l'opération chirurgicale du 19 décembre 2014, voire à la suite de celle-ci.  
Dans leur rapport du 18 novembre 2016, qui a fait l'objet d'un complément le 31 mars 2017, les experts ont notamment relevé que le décès de C.________ devait être " imputé au diagnostic tardif du pneumothorax qui est dû à une erreur d'appréciation de la part des anesthésistes des problèmes ventilatoires (et ensuite hémodynamiques) du patient ". Ainsi, selon eux, " un diagnostic précoce aurait permis d'entreprendre des mesures adaptées et d'éviter l'arrêt cardiaque ainsi que l'hypoxie cérébrale à l'origine du décès ". 
 
A.c. Le 20 juin 2017, le Ministère public a mis en prévention les médecins anesthésistes E.________ (cheffe de clinique), A.________ (médecin hospitalier) et F.________ (médecin cadre) du chef d'homicide par négligence (art. 117 CP).  
Les parties ont été informées, par ordonnance du Ministère public du 14 avril 2020, de la prochaine clôture de l'instruction. La Procureure leur alors fait part de son intention de mettre prochainement les prévenues en accusation. 
 
B.  
 
B.a. Par ordonnance du 10 septembre 2020, le Ministère public a rejeté la demande de E.________ tendant à faire retrancher du dossier le rapport d'expertise et son complément.  
 
B.b. Le 15 septembre 2020, A.________ a demandé au Ministère public la récusation de l'expert B.________ ainsi que le retrait du dossier du rapport d'expertise et de son complément. Elle a fait valoir l'existence d'une apparence de prévention, au motif que B.________ est le responsable du Service d'anesthésiologie de l'Hôpital Y.________, unité où la co-prévenue E.________ travaillait depuis le 1er novembre 2015.  
Le 21 septembre 2020, le Ministère public a transmis la demande à la Chambre pénale du Tribunal cantonal du Valais comme objet de sa compétence. 
Le 12 octobre 2020, B.________ a implicitement conclu au rejet de la demande. Le 19 octobre 2020, A.________ a pour sa part persisté dans ses conclusions. 
Statuant par ordonnance du 16 novembre 2020, la Chambre pénale a rejeté la demande de récusation. 
 
C.   
Par acte du 9 décembre 2020, A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'ordonnance du 16 novembre 2020. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens que la demande de récusation est admise et que les rapports signés par l'expert B.________ sont écartés du dossier. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'ordonnance et au renvoi de l'affaire à la Chambre pénale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Invité à se déterminer, B.________ conclut implicitement au rejet du recours. Quant au Ministère public et à la Chambre pénale, ils renoncent à présenter des observations. 
A.________ persiste dans les conclusions de son recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Selon les art. 78, 80 al. 2 in fineet 92 al. 1 LTF, une décision prise en instance cantonale unique relative à la récusation d'experts peut faire immédiatement l'objet d'un recours en matière pénale nonobstant son caractère incident (ATF 144 IV 90 consid. 1 p. 94). La recourante, prévenue, a participé à la procédure devant l'autorité précédente et dispose d'un intérêt juridique à la réforme de l'arrêt attaqué dans le sens d'une admission de sa demande de récusation (art. 81 al. 1 LTF). Pour le surplus, le recours a été déposé en temps utile et les conclusions qui y sont prises sont recevables (art. 107 al. 2 LTF). Il y a donc lieu d'entrer en matière.  
 
2.  
 
2.1. Pour que le Tribunal fédéral soit en mesure de vérifier si le droit fédéral a été correctement appliqué en relation avec les questions soulevées, il est nécessaire que le jugement de l'instance précédente fasse clairement ressortir les motifs déterminants de fait et de droit (art. 112 al. 1 let. b LTF). Il résulte de cette norme que les décisions attaquées doivent indiquer clairement les faits qui sont établis et les déductions juridiques qui sont tirées de l'état de fait déterminant (ATF 135 II 145 consid. 8.2 et les réf. citées). Si une décision attaquée ne satisfait pas aux exigences fixées à l'art. 112 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral peut soit la renvoyer à l'autorité précédente en invitant celle-ci à la parfaire, soit l'annuler (art. 112 al. 3 LTF).  
 
2.2. Conformément à l'art. 58 al. 1 CPP, la récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation (arrêt 1B_335/2019 du 16 janvier 2020 consid. 3.1.2 et l'arrêt cité), sous peine de déchéance (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3 p. 275 et les arrêts cités). Il est en effet contraire aux règles de la bonne foi de garder ce moyen en réserve pour ne l'invoquer qu'en cas d'issue défavorable ou lorsque l'intéressé se serait rendu compte que l'instruction ne suivait pas le cours désiré (ATF 143 V 66 consid. 4.3 p. 69; 139 III 120 consid. 3.2.1 p. 124). En matière pénale, est irrecevable pour cause de tardiveté la demande de récusation déposée trois mois, deux mois ou même vingt jours après avoir pris connaissance du motif de récusation. En revanche, n'est pas tardive la requête formée après une période de six ou sept jours, soit dans les jours qui suivent la connaissance du motif de récusation (arrêts 1B_118/2020 du 27 juillet 2020 consid. 3.2; 1B_113/2020 du 16 avril 2020 consid. 3; 1B_335/2019 du 16 janvier 2020 consid. 3.1.2 et les arrêts cités).  
 
2.3. Dans sa demande de récusation du 15 septembre 2020, la recourante s'était prévalue d'une suspicion de prévention à l'égard de l'expert B.________, lequel serait selon elle le supérieur hiérarchique de la prévenue E.________ au Service d'anesthésiologie de l'Hôpital Y.________ et aurait ainsi pu avoir minimisé, de manière volontaire ou non, le rôle de sa subordonnée et, au-delà, tenté de préserver la réputation de l'unité hospitalière dont il a la responsabilité.  
Par déterminations adressées le 12 octobre 2020 à la Chambre pénale, B.________ avait en substance contesté que ses contacts entretenus avec le personnel du Service d'anesthésiologie de l'Hôpital Y.________, qui comptait plus de 120 médecins, avaient eu une incidence sur le déroulement des auditions menées dans le cadre de l'expertise, le travail d'analyse et la rédaction des rapports. Il a précisé à cet égard qu'il dirigeait le secteur cardio-vasculaire thoracique du Service d'anesthésiologie, secteur dans lequel E.________ n'avait jamais effectué de " rotation clinique prolongée ". De surcroît, en sa qualité de cheffe de clinique, cette dernière n'était pas subordonnée à lui-même, mais au chef de service, qui était en l'occurrence le Prof. G.________. Au reste, ses relations avec E.________, toujours limitées au cadre professionnel, avaient été " cordiales, respectueuses et empreintes du sens du devoir pour assurer les meilleurs soins aux patients ". 
 
2.4. Si la Chambre pénale est parvenue à la conclusion qu'au regard des art. 56 let. f et 183 al. 3 CPP, les circonstances ne suffisaient pas à faire redouter une activité partiale de la part de l'expert B.________, faute pour ce dernier de s'être trouvé dans la sphère d'influence de la prévenue E.________ (cf. ordonnance attaquée, p. 6), on cherche en vain dans l'ordonnance attaquée tout développement en lien avec la recevabilité de la demande de récusation sous l'angle de l'art. 58 al. 1 CPP.  
 
2.4.1. Il est observé à cet égard que, dans sa demande de récusation, la recourante semblait soutenir avoir pris connaissance de l'existence d'un potentiel lien de subordination entre l'expert B.________ et la prévenue E.________ après s'être vu notifier l'ordonnance du Ministère public du 10 septembre 2020, rejetant une requête de E.________ qui contestait, pour d'autres motifs également, le caractère exploitable de l'expertise.  
Or, des éléments laissent supposer que la recourante avait appris, bien avant le mois de septembre 2020, que les précités exerçaient tous deux au sein du Service d'anesthésiologie de l'Hôpital Y.________. La recourante et son mandataire étaient ainsi présents lors de l'audition de E.________ effectuée par la police le 28 février 2018 après que les parties avaient eu accès au dossier. A cette occasion, E.________ avait alors précisé oeuvrer comme cheffe de clinique à l'Hôpital Y.________ depuis le 1 er novembre 2015 (cf. procès-verbal de l'audition du 28 février 2018, p. 2 ad Q. 2) et avait répondu par l'affirmative à la question proposée par le mandataire de la recourante lui demandant si les experts D.________ et B.________ savaient qu'elle travaillait à l'Hôpital Y.________ (cf.  ibidem, p. 5 ad Q. 22). La pratique de l'expert B.________ au sein du Service d'anesthésiologie de l'Hôpital Y.________ pouvait pour sa part être déduite du courrier que l'expert D.________ avait adressé à la Procureure le 17 mars 2016, lui demandant l'autorisation de s'adjoindre les services d'un co-expert en la personne de B.________ " du Service d'anesthésiologie de l'Hôpital Y.________ " (cf. dossier cantonal, P. 85). Cela ressortait également du courrier du 5 avril 2016 adressé par la Procureure au mandataire des parties plaignantes pour l'informer de son intention de désigner B.________ en qualité de co-expert (cf. dossier cantonal, P. 88).  
 
2.4.2. Dans ce contexte, il n'y a rien d'évident à considérer que la demande de récusation réponde aux réquisits temporels de l'art. 58 al. 1 CPP.  
En particulier, alors que les motifs développés à l'appui de la demande de récusation s'attachent exclusivement aux relations supposées entre les deux médecins, il ne peut être déduit des faits retenus dans l'ordonnance attaquée que, lors de l'audition du 28 février 2018 ou à la suite de celle-ci, la recourante s'était préoccupée de la nature et de l'intensité des contacts entretenus par les précités dans le cadre de leurs activités professionnelles à l'Hôpital Y.________. Cela étant, les circonstances ne permettent pas d'exclure que la demande de récusation, déposée par la recourante après que la Procureure avait annoncé son intention de la renvoyer en jugement, consacre un procédé contraire à la bonne foi, qui n'aurait pour but que d'écarter du dossier le rapport d'expertise et son complément, lesquels paraissent  a priori lui être défavorables - ainsi qu'à E.________ au demeurant -, voire simplement de retarder l'avancement de la procédure en vue d'atteindre une possible prescription de l'action pénale.  
 
2.5. Néanmoins, dès lors que la cour cantonale n'a pas examiné la recevabilité de la demande de récusation à l'aune de l'art. 58 al. 1 CPP, il se justifie, en application de l'art. 112 al. 3 LTF, d'annuler l'ordonnance attaquée et de renvoyer la cause à l'autorité précédente pour qu'elle complète sa décision à cet égard. Au surplus, il n'y a pas lieu que le Tribunal fédéral se prononce, en l'état, sur les griefs de la recourante visant à démontrer le bien-fondé, sous l'angle de l'art. 56 let. f CPP, de sa demande de récusation de l'expert B.________.  
 
3.   
Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission du recours. L'ordonnance attaquée est annulée et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle instruction au sens des considérants et nouvelle décision. 
Il est statué sans frais (art. 66 al. 1 et 4 LTF). Le canton du Valais versera des dépens à la recourante, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 66 al. 1 et 5 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis. L'ordonnance de la Chambre pénale du Tribunal cantonal du Valais du 16 novembre 2020 est annulée et la cause renvoyée à cette autorité pour qu'elle rende une nouvelle décision au sens des considérants. 
 
2.   
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.   
Une indemnité de 2000 fr. est allouée à la recourante, à titre de dépens, à la charge du canton du Valais. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à l'Office régional du Ministère public du Valais central et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Juge unique de la Chambre pénale. 
 
 
Lausanne, le 23 mars 2021 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Chaix 
 
Le Greffier : Tinguely