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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
5P.12/2006 /frs 
 
Arrêt du 26 mars 2007 
IIe Cour de droit civil 
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges Raselli, Président, Escher, Meyer, Hohl et Marazzi. 
Greffière: Mme Mairot. 
 
Parties 
État de Genève, 1204 Genève, 
recourant, 
représenté par le Département de l'intérieur, de l'agriculture et de l'environnement du canton de Genève, au nom de qui agit Me Nicolas Jeandin, avocat, 
 
contre 
 
A.________, 
intimée, représentée par Me Jean-Marc Siegrist, avocat, 
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
art. 9 et 26 Cst. (propriété), 
 
recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre 
civile de la Cour de justice du canton de Genève 
du 18 novembre 2005. 
 
Faits: 
 
A. 
A.a A.________ est propriétaire des parcelles 8046 et 8052 de la commune de Z.________. Ces parcelles sont issues de la division-réunion des parcelles 5284 et 5285 de ladite commune, effectuée en 1997 lors du partage de la succession de feu X.________, le père de A.________. A cette occasion, les parcelles 5284 et 5285 ont été divisées en quatre, soit les parcelles 8046, 8047, 8048 et 8052. A.________ s'est vu attribuer la propriété des parcelles 8046 et 8052, alors que la parcelle 8048 (actuellement 8289) a été allouée à sa soeur, B.________. 
 
Dans le cadre de l'introduction du registre foncier fédéral, le Service du cadastre de Genève a procédé, dès les années 1920, à de nouvelles mensurations cadastrales. La révision du lot IV - dont faisaient partie les parcelles 5284 et 5285 - a été mise à l'enquête publique du 10 février au 9 mars 1993. 
 
Le 9 février 1993, le Service du cadastre a remis aux propriétaires concernés une copie des fiches provisoires de la nouvelle mensuration cadastrale et les a invités à venir consulter les plans cadastraux, en précisant que la limite de leurs parcelles avec le domaine public "lac" avait été fixée conformément aux dispositions de la loi cantonale du 24 juin 1961 sur le domaine public (LDP/GE; RSG L 1 05), dont l'art. 6 précise que le lac est délimité par le niveau des hautes eaux moyennes. Une diminution de superficie pouvait en résulter, le terrain perdu passant au domaine public "lac" en application de l'art. 8 de la loi précitée. 
 
Le niveau des hautes eaux moyennes correspond à la moyenne des niveaux élevés du lac calculée sur une période déterminée, à l'exclusion des crues extraordinaires. Le 27 septembre 1967, le Département des travaux publics l'a arrêté à 372,60 mètres sur mer. Par arrêté du Conseil d'État du 24 mai 1995, il a été ramené à 372,45 mètres sur mer. La limite d'une parcelle se fixe, en application de ce critère, par un point d'intersection entre la cote du niveau des hautes eaux moyennes et la parcelle concernée. 
 
Le plan cadastral Dufour, établi pour la rive gauche vers 1850, utilisait apparemment déjà le critère des hautes eaux moyennes pour tracer la limite des eaux publiques. Entre 1860 et 1880, le niveau du lac Léman s'est considérablement élevé, puis il s'est stabilisé à la suite de la construction et de la mise en service du barrage du Pont de la Machine en 1889. Le niveau des hautes eaux moyennes est toutefois resté supérieur à celui qui faisait foi lors de l'établissement du plan Dufour. Des phénomènes d'alluvionnement ou d'érosion ont également modifié la configuration des rives du lac depuis l'établissement de ce plan, à l'avantage ou au détriment des propriétaires riverains. 
A.b Par courrier du 7 mars 1993, l'hoirie de feu X.________ a informé le Service du cadastre qu'elle s'opposait à la nouvelle délimitation des parcelles 5284 et 5285 de la commune de Z.________ avec le domaine public "lac", au motif qu'il en résultait une diminution de la contenance de celles-ci d'environ 600 m2, ce qui constituait une forme d'expropriation. 
 
Dans sa réponse du 17 mars 1993, le Service du cadastre a expliqué que la limite de propriété entre les parcelles litigieuses et le domaine public "lac" avait été fixée, ainsi que le prévoyait désormais l'art. 6 LDP/GE, en application du critère des hautes eaux moyennes, d'où la diminution de superficie observée. Comme d'autres propriétaires riverains avaient formé recours au Conseil d'État contre la nouvelle délimitation cadastrale, les consorts X.________ étaient cependant invités à patienter jusqu'à droit jugé sur lesdits recours. 
 
Par arrêté du 28 novembre 1994 rendu en la cause C.________ et consorts, le Conseil d'État a statué sur les recours joints formés par les propriétaires de six parcelles sises à Z.________ contre la détermination du Service du cadastre relative à la délimitation du domaine public "lac" jouxtant leurs parcelles. Admettant l'existence de droits réels valablement constitués avant l'entrée en vigueur, le 4 août 1961, de la loi sur le domaine public, le Conseil d'État a jugé que la limite cadastrale entre le domaine public "lac" et les parcelles des intéressés devait être tracée, sur le plan cadastral issu des nouvelles mensurations, selon la limite retenue par le plan Dufour. 
A.c Une enquête publique complémentaire a eu lieu du 9 janvier au 9 février 1995 concernant la délimitation des parcelles du lot IV avec le domaine public "lac". 
 
Les 8 et 10 février 1995, l'hoirie X.________ a réitéré son opposition à la nouvelle délimitation de ses parcelles côté lac, faisant valoir que la contenance de la parcelle 5284, fixée à 4760 m2, avait diminué de 217 m2 par rapport à celle figurant sur l'ancien plan cadastral (dit plan Dufour), tandis que la contenance de la parcelle 5285 passait de 4343 m2 à 3965 m2, soit une diminution de 378 m2. 
 
Par courrier du 26 septembre 1997, le Service du cadastre a informé les consorts X.________ qu'il avait entrepris des recherches dans les archives de l'État et que celles-ci avaient permis de mettre en évidence l'existence de droits réels valablement constitués sur une partie des terres immergées au-devant de la parcelle 5285. Par acte du 21 décembre 1877, la commune de Z.________ avait en effet procédé à l'échange des parcelles 2473B, C, D, E - devenues 2694, 2695, 2696 et 2697 - se trouvant en bordure de la parcelle des consorts X.________ contre des bandes de terre sises au sud-ouest des parcelles des propriétaires concernés, au lieu-dit "L.________". Les terres échangées correspondaient au tracé d'un chemin communal envahi par les eaux, l'opération ayant pour but de créer un nouveau chemin communal à "L.________". Cet échange ne concernait toutefois que la parcelle 8048, devenue 8289, appartenant à la soeur de A.________. 
A.d En 1997, d'autres propriétaires de parcelles sises sur la rive gauche du lac, soit notamment les époux D.________, ont saisi le Tribunal de première instance du canton de Genève d'une action tendant à faire constater que la nouvelle limite cadastrale séparant leurs parcelles respectives du domaine public "lac" correspondait à celle retenue par le plan Dufour. Le traitement du dossier de A.________ a dès lors été suspendu. Le Tribunal de première instance du canton de Genève a débouté les demandeurs des fins de leur action par jugement du 23 mars 1999, au motif qu'ils ne pouvaient se prévaloir de la réserve de droits réels constitués antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi sur le domaine public. Par arrêt du 17 mars 2000, la Cour de justice du canton de Genève a annulé la décision de première instance et jugé que la limite séparant leur parcelle du domaine public "lac" devait être tracée, sur le nouveau plan cadastral, conformément à la limite retenue par le plan Dufour. Le 15 mars 2001, le Tribunal fédéral a admis le recours de droit public formé par l'État de Genève et annulé l'arrêt du 17 mars 2000 (arrêt 5P.147/2000 du 15 mars 2001, in SJ 2001 I p. 493). 
Par courrier du 5 novembre 2002, la Direction cantonale de la mensuration officielle (ci-après: DCMO; anciennement: Service du cadastre) a informé le conseil de A.________ qu'à la suite de cet arrêt, elle avait repris les cas en suspens, dont le sien. Elle lui remettait un extrait du plan du Registre foncier sur lequel la limite à fixer en application du droit public cantonal était indiquée et mentionnait par ailleurs qu'aucune preuve ou même indice de droits réels valablement constitués ne figurait au dossier. 
 
Par décision du 6 février 2003, la DCMO a confirmé sa position telle qu'exposée dans son courrier du 5 novembre 2002 et a retenu en conséquence que la limite des parcelles 8046 et 8052 de la commune de Z.________ était celle résultant de l'application du droit public, faute pour A.________ d'avoir établi l'existence de droits réels valablement constitués avant l'entrée en vigueur de la loi sur le domaine public du 24 juin 1961. 
 
Par arrêté du 12 février 2003, le Conseil d'État a approuvé la mensuration cadastrale du lot IV de la commune de Z.________ constatant la nouvelle délimitation des parcelles avec le domaine public "lac" et dit que les tableaux de mutation concernés étaient réalisés. Il a également déclaré définitive la mensuration officielle de ce lot et a fixé son entrée en vigueur au 15 février 2003. 
A.e Le 7 mars 2003, A.________ a recouru au Tribunal administratif de Genève contre la décision de la DCMO du 6 février 2003 et contre l'arrêté du Conseil d'État du 12 février 2003. 
 
Par assignation déposée en vue de conciliation le 8 avril 2003 au greffe du Tribunal de première instance, elle a par ailleurs formé une demande à l'encontre de l'État de Genève, en prenant les conclusions suivantes: 
"Principalement 
 
Dire et constater que, dans sa totalité, y compris les portions actuellement immergées, les parcelles n° 8046 et 8052 de la commune de Z.________ relèvent du domaine privé selon le plan cadastral dit Dufour et font par là l'objet d'un droit de propriété privée. 
 
Dire et constater que le droit de propriété précité a été réservé, au titre de droit valablement constitué et, par là, maintenu lors de l'entrée en vigueur de la loi genevoise sur le domaine public du 24 juin 1961. 
 
Faire en conséquence interdiction à l'Etat d'usurper la propriété des portions immergées ou non, des parcelles n° 8046 et 8052 de la commune de Z.________, pour les rattacher sans droit au domaine public. 
 
Enjoindre à l'Etat de corriger s'il y a lieu les plans cadastraux et de réinscrire les limites cadastrales correspondantes au plan dit Dufour. 
 
 
 
 
Subsidiairement 
 
Dire et constater que tout transfert de terrain du domaine privé au domaine public s'analyserait, s'il était par impossible admis, comme une expropriation illégale. 
 
Réserver le droit de la demanderesse de réclamer une indemnité." 
A l'appui de ses conclusions, A.________ affirmait que la nouvelle mensuration cadastrale réduisait de 439 m2 la contenance des anciennes parcelles 5284 et 5285 dont étaient issues ses propres parcelles. Elle estimait que son droit de propriété s'étendait jusqu'à la limite retenue par le plan Dufour, qui avait fait foi jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi sur le domaine public de 1961, et comprenait dès lors des portions de terres immergées, la loi précitée réservant les droits privés valablement constitués avant 1961. Subsidiairement, elle faisait valoir qu'elle avait acquis la propriété des parties immergées par voie de prescription. Par ailleurs, le transfert de propriété du domaine privé au domaine public résultant des nouvelles limites cadastrales équivalait à une expropriation dont les conditions légales n'étaient pas réalisées. 
 
Dans son mémoire de réponse du 19 septembre 2003, l'État de Genève a conclu au rejet de la demande. Se référant à l'arrêt du Tribunal fédéral du 15 mars 2001 dans la cause 5P.147/2000, il soutenait que la limite des parcelles litigieuses devait être tracée, côté lac, selon le critère des hautes eaux moyennes, comme le prévoyait le droit genevois en vigueur. L'ancien plan cadastral Dufour ne pouvait donc servir à définir les limites entre le domaine public "lac" et le domaine privé. Il faisait par ailleurs valoir que le droit genevois excluait toute acquisition du domaine public par l'écoulement du temps. Enfin, il n'était pas démontré qu'il existât, sur les portions immergées bordant les parcelles litigieuses, des droits réels constitués avant l'entrée en vigueur de la loi sur le domaine public. 
 
Au cours de la procédure, A.________ a produit la copie d'un acte authentique du 6 juillet 1892, portant sur la vente par la commune de Z.________ à une société en nom collectif d'"un terrain d'une superficie de 1582 m2, à prendre au levant de la parcelle 2773, feuille 5 du cadastre de la commune de Z.________, de la contenance totale de 2 hectares, 6 ares, 7 mètres, 60 décimètres". Le terrain vendu, sis au lieu-dit "L.________", comprenait, en un plan de division dressé le 3 mars 1892, les sous-parcelles 2773B, 2773C et 2773D. L'acte stipulait que "les acquéreurs (...) prendr[aient] le terrain vendu en son état actuel, sans pouvoir réclamer aucune indemnité ni diminution de prix à raison de l'envahissement d'une partie de ce terrain par les eaux du lac". 
 
Dans ses dernières écritures de première instance, A.________ a persisté dans ses conclusions initiales. Concernant l'acte de vente du 6 juillet 1892, elle a allégué que les parcelles 2773B et 2773D se trouvaient dans la prolongation du chemin riverain envahi par les eaux, dont le premier tronçon avait entraîné l'échange de 1877. Elle estimait dès lors avoir établi que des droits réels avaient été valablement constitués sur la bande immergée située devant sa parcelle, avant l'entrée en vigueur de la loi sur le domaine public. 
 
L'État de Genève a également persisté dans ses conclusions. 
 
B. 
Par jugement du 21 avril 2005, le Tribunal de première instance a débouté la demanderesse de toutes ses conclusions. Cette autorité a jugé que la seule vente d'une parcelle partiellement immergée considérée comme objet de propriété privée de la commune ne suffisait pas pour admettre l'existence de droits réels valablement constitués sur la partie immergée de ladite parcelle. Ainsi, la demanderesse ne pouvait se prévaloir de la réserve prévue à l'art. 4 al. 2 LDP/GE. 
 
La Cour de justice du canton de Genève a, par arrêt du 18 novembre 2005, annulé le jugement de première instance, constaté que A.________ est au bénéfice d'un droit réel valablement constitué avant l'entrée en vigueur de la LDP/GE sur les parcelles 8046 et 8052 de la commune de Z.________, telles qu'elles figurent sur le plan cadastral dit Dufour, et débouté les parties de toutes autres conclusions. 
 
C. 
Parallèlement à un recours en réforme, l'État de Genève exerce un recours de droit public au Tribunal fédéral pour arbitraire et violation de la garantie de la propriété contre l'arrêt du 18 novembre 2005, dont il demande l'annulation. 
 
L'intimée propose la confirmation de l'arrêt attaqué et le rejet de toutes autres ou contraires conclusions. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
 
1. 
Conformément à la règle générale de l'art. 57 al. 5 OJ, il y a lieu de statuer d'abord sur le recours de droit public. 
 
2. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 132 III 291 consid. 1 p. 292). 
 
2.1 La loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1242). La décision attaquée ayant été rendue avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132 al. 1 LTF). 
 
2.2 Déposé en temps utile - compte tenu de la suspension des délais prévue par l'art. 34 al. 1 let. c OJ - contre une décision finale prise en dernière instance cantonale, le recours est recevable au regard des art. 86 al. 1, 87 (a contrario) et 89 al. 1 OJ. Le recourant a en outre qualité pour recourir au sens de l'art. 88 OJ (cf. ATF 123 III 454 consid. 2 p. 456). 
 
3. 
Le recourant se plaint en substance d'une application arbitraire de l'art. 4 al. 2 LDP/GE. Il reproche à la Cour de justice d'avoir admis que l'intimée était au bénéfice de droits réels valablement constitués en raison de la vente précitée du 6 juillet 1892. Selon lui, la mise en oeuvre de l'art. 4 al. 2 LDP/GE présuppose qu'une acquisition ait porté sur une parcelle relevant exclusivement du domaine public cantonal; or tel n'était pas le cas de la vente en question, qui concernait une parcelle ressortissant dans sa totalité au domaine privé de la commune. Cette parcelle restait donc soumise à toutes les dispositions légales, présentes et futures, régissant ses limites par rapport au domaine public "lac". L'autorité cantonale aurait dès lors aussi violé l'art. 6 LDP/GE, qui prévoit que le lac est délimité par le niveau des hautes eaux moyennes, et l'art. 9 LDP/GE, selon lequel l'état de fait - soit notamment le niveau effectif des hautes eaux moyennes - prime les indications cadastrales. Le recourant soulève en outre à cet égard l'arbitraire dans l'appréciation des preuves et la violation de l'art. 26 Cst. 
 
3.1 Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si elle apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. Il ne suffit pas que la motivation de la décision critiquée soit insoutenable; encore faut-il que celle-ci se révèle arbitraire dans son résultat. En outre, il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution que celle adoptée par l'autorité intimée serait concevable, voire préférable (ATF 132 III 209 consid. 2.1 p. 211; 131 I 57 consid. 2 p. 61, 217 consid. 2.1 p. 219; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9, 173 consid. 3.1 p. 178 et les arrêts cités). 
 
3.2 Selon l'art. 664 CC, les choses sans maître et les biens du domaine public sont soumis à la haute police de l'État sur le territoire duquel ils se trouvent (al. 1); sauf preuve contraire, les eaux publiques, notamment, ne rentrent pas dans le domaine privé (al. 2). De même, l'art. 1er let. b LDP/GE prévoit que le lac appartient au domaine public cantonal, et l'art. 4 al. 1 LDP/GE qu'aucun droit réel ne peut être constitué sur le domaine public sans l'accord du Grand Conseil. Demeurent toutefois réservés les droits valablement constitués avant l'entrée en vigueur de cette loi, le 4 août 1961 (art. 4 al. 2 LDP/GE). La souveraineté des cantons sur les biens du domaine public est en effet limitée par les droits acquis, protégés par la garantie constitutionnelle de la propriété ancrée à l'art. 26 Cst. (art. 664 al. 2 CC; art. 4 al. 2 LDP/GE; Meier-Hayoz, Commentaire bernois, n. 118 ad art. 664 CC). Par ailleurs, selon l'art. 6 LDP/GE, le lac est délimité par le niveau des hautes eaux moyennes, ce qui signifie qu'à partir de la ligne marquée par les hautes eaux des crues ordinaires vers le lac, il ne subsiste en principe aucun droit d'exploitation, respectivement de propriété pour les particuliers. La description de la délimitation entre les rives publiques et les biens-fonds soumis à la propriété privée des propriétaires limitrophes, telle qu'elle est opérée par la LDP/GE, apparaît conforme à la jurisprudence et à la doctrine (ATF 123 III 454 consid. 5a p. 458; 113 II 236 consid. 4 p. 238 s.; 93 II 170 consid. 7a p. 177; Haab et autres, Commentaire zurichois, n. 2 ad art. 659 CC; Meyer-Hayoz, op. cit., n. 6 ad art. 659 CC). 
 
3.3 Il résulte du dossier que, par acte authentique du 6 juillet 1892, la commune de Z.________a vendu à une société en nom collectif, sur la base du plan Dufour, respectivement de la limite des eaux publiques tracée à l'époque - apparemment déjà selon le critère des hautes eaux moyennes - un terrain d'une superficie de 1582 m2, correspondant aux parcelles nos 8046, 8052 et 8048 (actuellement 8289). Un droit valablement constitué antérieurement à l'entrée en vigueur de la LDP/GE, au sens de l'art. 4 al. 2 de cette loi, ne peut cependant être admis que si le canton, en tant que propriétaire détenteur de la puissance publique, a accordé un tel droit sur les mètres carrés immergés. Le droit que le détenteur de la puissance publique a concédé et qui, en vertu du principe de la bonne foi, s'est condensé en un droit de propriété, ne peut être retiré sans indemnité d'expropriation. 
 
Or, la commune a vendu, comme un particulier, le bien-fonds, dont une bande était immergée, à un tiers. Il n'est pas allégué qu'à l'époque (1892), ladite commune aurait eu des droits de souveraineté sur les eaux et qu'elle aurait constitué un droit sur celles-ci. Le fait qu'elle ait vendu, à l'instar d'une personne privée, du terrain provenant de son patrimoine financier ne suffit pas pour admettre l'octroi d'un droit (acquis) par le canton. Certes, on peut se demander si l'approbation de la vente par le Conseil d'État du canton de Genève, le 22 mars 1892, pourrait éventuellement constituer l'octroi d'un tel droit. C'est ce que retient la décision attaquée: l'État ne pourrait aujourd'hui prétendre que seule la partie émergée constituait l'objet de la vente, sous peine d'adopter un comportement contradictoire ("venire contra factum proprium"; cf. ATF 125 III 257 consid. 2a p. 259; 123 III 70 consid. 3c p. 75, 220 consid. 4d p. 228), lequel constituerait un abus de droit (art. 2 al. 2 CC). Mais ce n'est pas le cas. Selon la jurisprudence, l'ordre juridique ne protège pas l'attitude contradictoire lorsque le comportement antérieur d'une partie a inspiré chez l'autre partie une confiance légitime qui l'a déterminée à des actes qui se révèlent préjudiciables une fois que la situation a changé (ATF 115 II 331 consid. 4a p. 338; 110 II 494 consid. 4 p. 498; 106 II 320 consid. 3a p. 323). Or une telle occurrence n'est pas réalisée ici. L'intimée ne le prétend du reste pas. La procédure d'approbation en question était de nature formelle. Elle signifiait simplement que, du point de vue du canton, agissant en qualité d'autorité de surveillance de la commune, rien ne s'opposait à la vente de ce terrain bordant le lac et que cette transaction pouvait être effectuée. Aucun élément du dossier ne permet de dire que cette approbation officielle devrait être interprétée comme une fixation de la limite entre le domaine public "lac" et le bien-fonds riverain, au sens d'une garantie définitive et inspirant une confiance légitime, confiance qui permettrait de l'emporter sur le tracé général selon l'art. 6 LDP/GE. 
-:- 
La Cour de justice est dès lors tombée dans l'arbitraire en considérant que l'intimée avait établi, du seul fait de la vente du 6 juillet 1892, l'existence de droits réels sur la partie actuellement immergée de sa parcelle. En admettant de manière insoutenable que l'intimée pouvait se prévaloir de droits réels valablement constitués, avant l'entrée en vigueur de la LDP/GE, sur la partie immergée de sa parcelle, les juges cantonaux ont donc aussi fait preuve d'arbitraire dans l'application du droit cantonal, en particulier des art. 4 al. 2 et 9 LDP/GE. 
 
4. 
Vu ce qui précède, le recours, fondé, doit par conséquent être admis et l'arrêt attaqué annulé, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés par le recourant. L'intimée, qui succombe, supportera dès lors les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ) et versera en outre des dépens au recourant (art. 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé. 
 
2. 
Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la charge de l'intimée. 
 
3. 
L'intimée versera au recourant une indemnité de 5'000 fr. à titre de dépens. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
Lausanne, le 26 mars 2007 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: