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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
1B_24/2016  
   
   
 
 
 
Arrêt du 23 février 2016  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, 
Chaix et Kneubühler. 
Greffière : Mme Kropf. 
 
Participants à la procédure 
 A.A.________, B.A.________ et C.A.________, 
tous les trois représentés par Me Loïc Parein, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
 Myriam Bourquin, Procureure au Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois, 
intimée. 
 
Objet 
Procédure pénale, récusation, 
 
recours contre la décision de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 14 décembre 2015. 
 
 
Faits :  
 
A.   
A la suite de l'annonce de la banque D.________ en janvier 2012 au Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent de soupçons au sujet de valeurs patrimoniales relatives à certaines de ses relations bancaires, le Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois instruit une enquête notamment contre A.A.________, B.A.________ et C.A.________ pour escroquerie et blanchiment d'argent. Il leur est reproché, dans le cadre de l'exploitation de la société E.________ SA et de la raison individuelle "F.________", d'avoir vendu divers articles - dont des bougies, serviettes et papiers hygiéniques - à des prix surfaits sur la base d'une publicité mensongère, faisant notamment croire que la marchandise provenait d'ateliers protégés occupant des personnes handicapées. 
Au cours de l'instruction, un témoin a été entendu le 7 décembre 2015 par la Procureure Myriam Bourquin en présence de B.A.________, de C.A.________ et de leur avocat. Lors de cette séance, ces derniers ont annoncé le dépôt d'une demande de récusation de la magistrate susmentionnée. Cette requête a été formellement déposée le jour suivant au nom des trois prévenus. 
 
B.   
Le 14 décembre 2015, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté cette demande. Elle a considéré que les conditions d'une récusation n'étaient pas réalisées, faute d'éléments objectifs qui démontreraient la partialité de la Procureure, ainsi que de fautes graves répétées de la part de cette dernière. 
 
C.   
Par acte du 20 janvier 2015, complété le 21 suivant, A.A.________, B.A.________ et C.A.________ (ci-après : les recourants) forment un recours en matière pénale contre cette décision, concluant à sa réforme en ce sens que leur requête de récusation est admise et que la cause est renvoyée à l'autorité précédente pour désignation d'un nouveau Procureur, ainsi que nouvelle décision sur les frais et indemnités de procédure. A titre subsidiaire, ils demandent le renvoi de la cause. 
Invitées à se déterminer, la Procureure et l'autorité précédente se sont référées à la décision attaquée. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Conformément aux art. 78 et 92 al. 1 LTF, une décision relative à la récusation d'un magistrat pénal peut faire immédiatement l'objet d'un recours en matière pénale. Les recourants, dont la demande de récusation a été rejetée, ont qualité pour recourir (art. 81 al. 1 LTF). Pour le surplus, le recours, complété le 21 janvier 2016, a été interjeté en temps utile (art. 46 al. 1 let. c et 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 al. 1 LTF) et les conclusions prises sont recevables (art. 107 LTF). Il y a donc lieu d'entrer en matière.  
 
1.2. L'avis de prochaine clôture du 20 janvier 2016 - produit par les recourants le 21 janvier 2016 - est une pièce ultérieure à la décision cantonale et, partant, elle est irrecevable (art. 99 al. 1 LTF).  
 
1.3. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Les recourants ne peuvent critiquer ceux-ci que s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 97 al. 1 LTF), ce qu'il leur appartient d'exposer et de démontrer de manière claire et circonstanciée. La correction du vice soulevé doit en outre être susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 139 II 404 consid. 10.1 p. 445; 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62).  
Il en résulte que dans la mesure où les recourants font référence à des éléments qui ne ressortent pas de l'état de fait retenu dans le jugement cantonal, il leur appartenait de démontrer de manière conforme aux principes rappelés ci-dessus en quoi il était arbitraire de la part de la juridiction précédente de ne pas en avoir tenu compte. Il en va ainsi notamment des références à la procédure parallèle intentée par la recourante B.A.________ (xxx). 
 
2.   
Les recourants reprochent à l'autorité précédente une violation de l'art. 56 let. f CPP. Ils soutiennent en substance que celle-ci aurait à tort retenu que la Procureure n'avait pas violé leur droit de participer à l'administration des preuves (défaut d'information sur le nom des témoins à entendre, entrave à leur droit de poser des questions, refus de réitérer une audition sans motivation) et ne les avait pas menacés de mesures de contrainte s'ils ne produisaient pas les pièces requises. 
 
2.1. Un magistrat est récusable pour l'un des motifs prévus aux art. 56 let. a à e CPP. Il l'est également, selon l'art. 56 let. f CPP, "lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil, sont de nature à le rendre suspect de prévention". Cette disposition a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres précédentes. Elle correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 § 1 CEDH. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.1 p. 179 s.; 138 IV 142 consid. 2.1 p. 144 et les arrêts cités).  
Des décisions ou des actes de procédure qui se révèlent par la suite erronés ne fondent pas en soi une apparence objective de prévention; seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs du magistrat, peuvent fonder une suspicion de partialité, pour autant que les circonstances dénotent que le juge est prévenu ou justifient à tout le moins objectivement l'apparence de prévention. En effet, la fonction judiciaire oblige à se déterminer rapidement sur des éléments souvent contestés et délicats. Il appartient en outre aux juridictions de recours normalement compétentes de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises dans ce cadre (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.3 p. 180; 138 IV 142 consid. 2.3 p. 146). 
 
2.2. Dans le cadre de l'instruction, le ministère public n'a pas encore la qualité de partie au sens de l'art. 104 al. 1 let. c CPP (sur cette position, cf. ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2 in fine p. 180; 138 IV 142 consid. 2.2.2 p. 145 s.). En tant que direction de la procédure (art. 61 CPP), son attitude et/ou ses déclarations ne doivent donc pas laisser à penser que son appréciation quant à la culpabilité du prévenu serait définitivement arrêtée (art. 6 et 10 CPP; arrêt 1B_430/2015 du 5 janvier 2016 consid. 3.4). Il est ainsi tenu à une certaine impartialité même s'il peut être amené, provisoirement du moins, à adopter une attitude plus orientée à l'égard du prévenu ou à faire état de ses convictions à un moment donné de l'enquête. Cela est en particulier le cas lorsqu'il décide de l'ouverture d'une instruction (qui suppose l'existence de soupçons suffisants au sens de l'art. 309 al. 1 CPP) ou lorsqu'il ordonne des mesures de contrainte. Tout en disposant, dans le cadre de ses investigations, d'une certaine liberté, le magistrat reste tenu à un devoir de réserve. Il doit s'abstenir de tout procédé déloyal, instruire tant à charge qu'à décharge et ne point avantager une partie au détriment d'une autre (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2 p. 180; 138 IV 142 consid. 2.2.1 p. 145).  
 
2.3. La Chambre des recours pénale a considéré en substance que la Procureure ne faisait pas preuve de partialité en ordonnant les mesures nécessaires au bon déroulement de la procédure dans la mesure où elle agissait pour les besoins de celle-ci et dans le cadre des possibilités légales; elle pouvait ainsi notamment limiter l'accès au dossier, ne pas renvoyer des audiences et/ou ne pas communiquer certaines informations aux parties. Selon la cour cantonale, le Ministère public ne faisait en particulier pas preuve de partialité lorsqu'il ordonnait des mesures de contrainte si celles-ci s'avéraient nécessaires pour garantir la bonne marche de l'enquête. La juridiction précédente a encore considéré que la défense n'avait pas été empêchée d'interroger correctement le témoin entendu le 7 décembre 2015; dix-huit questions lui auraient été posées et il appartenait à la Procureure de veiller au bon ordre des débats. Quant à la mise en accusation annoncée lors de cette même audition, elle ne constituait pas, selon la cour cantonale, un indice de prévention, car il ne paraissait pas inadéquat après trois ans d'instruction que la magistrate intimée prenne position.  
 
2.4. Cette appréciation - qui certes diverge de celle à laquelle aspirent les recourants - ne prête pas le flanc à la critique. En particulier, le fait que les recourants aient contesté quasiment à chaque fois les choix procéduraux - certes parfois peut-être discutables - de la Procureure ne suffit pas pour retenir l'existence d'un motif de prévention à leur encontre de sa part. Les recourants n'ont au demeurant porté que l'une de ses décisions - refus d'accès au dossier - devant l'autorité de recours. Il paraît également difficile de reprocher à une autorité de n'avoir pas appliqué en 2013 une jurisprudence rendue en juin 2014 (cf. l'arrêt 1B_24/2014 du 25 juin 2014). Si, en qualité de prévenus, les recourants ont le droit de ne pas coopérer à l'instruction (cf. art. 113 CPP), l'explication des possibles conséquences pouvant en découler - sous la forme notamment de mesures de contrainte (cf. art. 113 al. 1 2 ème phrase CPP) - ne constitue en revanche pas une "menace", ni ne lie d'ailleurs l'autorité quant à sa mise en oeuvre.  
S'agissant ensuite de l'audience du 7 décembre 2015, il ressort effectivement du procès-verbal qu'à un moment donné, la magistrate intimée a demandé - peut-être de manière peu à propos - si c'était "bientôt terminé avec les questions". Cela étant, il a été formellement mis un terme à l'audition en raison du dépôt annoncé d'une demande de récusation; cela se justifie eu égard à l'art. 60 CPP qui permet, le cas échéant, de faire annuler les actes de procédure auxquels a participé la personne tenue de se récuser. Les recourants ne paraissant pas avoir renoncé à se prévaloir d'un tel droit, la poursuite de l'audition du témoin - mesure qui peut être par ailleurs réitérée devant le tribunal de première instance - était donc dénuée de pertinence. Peu importe également que le principe "in dubio pro duriore" ait été invoqué après ou avant l'annonce du dépôt d'une demande de récusation dès lors que celle-ci est en revanche incontestablement intervenue juste après l'avis sur la direction - a priori défavorable aux recourants - qu'entend suivre la Procureure dans cette cause. En effet, l'information - certes encore informelle - relative à un prochain renvoi en jugement dans une procédure commencée en janvier 2012 ne paraît pas constituer sans autre démonstration un motif de prévention. Les recourants ne prétendent d'ailleurs pas que d'autres mesures d'instruction auraient été entreprises postérieurement à cette séance, voire même seulement envisagées. Le fait de contester les infractions qui leur sont reprochées ne justifie pas à lui seul la poursuite de l'instruction ou la récusation du magistrat en charge de leur dossier. Il leur appartiendra, dans le cadre de la procédure au fond, de faire valoir leurs moyens à cet égard. 
Partant, la Chambre des recours pénale a rejeté, sans violer le droit fédéral, la requête de récusation et ce grief doit être rejeté. 
 
3.   
Il s'ensuit que le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
Les recourants, qui succombent, supportent solidairement les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 23 février 2016 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Fonjallaz 
 
La Greffière : Kropf