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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1B_485/2019  
 
 
Arrêt du 12 novembre 2019  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président, 
Muschietti et Kneubühler. 
Greffier : M. Tinguely. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Loïc Parein, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy. 
 
Objet 
Détention provisoire; mesures de substitution, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale 
de recours, du 2 septembre 2019 (ACPR/670/2019 - P/7252/2019). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le Ministère public de la République et canton de Genève a ouvert une instruction pénale contre A.________, ressortissant français né en 1984, pour soustraction de données (art. 143 CP), extorsion et chantage (art. 156 CP), faux dans les titres (art. 251 CP) et calomnie (art. 174 CP), subsidiairement diffamation (art. 173 CP), à la suite de la plainte pénale déposée le 2 avril 2019, puis complétée le 24 mai 2019, par son ancien employeur B.________ SA, une société active dans la gestion de patrimoines.  
Il est notamment reproché au prévenu d'avoir, en date du 29 mars 2019, à la suite de l'annonce de son licenciement, produit à C.________, directeur de B.________ SA, des copies de divers documents confidentiels (tels que les attestations de salaires 2018 de l'ensemble des employés de la société), stockés sur le serveur de l'entreprise et protégés par un mot de passe, dans le but d'obtenir une indemnité de départ de 250'000 francs. Le 9 avril 2019, lors d'une entrevue organisée avec D.________, administrateur de B.________ SA, et C.________, le prévenu aurait menacé de dévoiler des informations confidentielles et sensibles, ainsi que de propager des accusations pouvant nuire à la réputation de cette société et à la poursuite de son activité, si la somme de 150'000 fr. ne lui était pas versée, produisant pour cela une note décrivant les actions qu'il entendait mener si cette somme ne lui était pas versée, avec comme conclusion "  Shutdown - estimated time 6 -12 months ", ainsi que trois contrats de vente simulant la vente de trois montres, qui, une fois signés par D.________, auraient permis au prévenu de justifier faussement le versement du montant de 150'000 fr. réclamé.  
Le prévenu aurait encore adressé, le 29 avril 2019, un courrier à E.________, client de B.________ SA, sur papier à en-tête de la société, par lequel il dénigrait les compétences de ses dirigeants, ainsi que la qualité des services fournis et l'éthique professionnelle de celle-ci, le courrier étant accompagné de documents confidentiels de B.________ SA. Il était également reproché au prévenu d'avoir créé, après son licenciement, l'adresse e-mail aaa@bbb.one, particulièrement ressemblante à celles utilisées par son employeur, lesquelles se terminaient par @bbb.eu. 
 
A.b. Lors de la perquisition effectuée le 12 avril 2019 au domicile du prévenu, des enveloppes vierges au nom de B.________ SA, des exemplaires des contrats de vente de montres de luxe remis à D.________ et l'ensemble du matériel informatique ont été saisis. Entendu par le police le même jour, le prévenu a contesté les faits qui lui étaient reprochés.  
 
B.   
Par courrier du 13 juin 2019, B.________ SA a avisé le Procureur que A.________, se présentant comme "  Portofolio Manager chez B.________ SA ", ava it contacté, par le réseau social  LinkedIn, un client de la société lui demandant de pouvoir rejoindre son réseau.  
Par ordonnance du 13 juin 2019, le Tribunal civil de première instance, statuant sur mesures superprovisionnelles a, sous la menace de l'art. 292 CP, fait interdiction à A.________ de contacter, de quelque manière que ce soit, la clientèle de B.________ SA, de dénigrer cette dernière, auprès de quiconque et de quelque manière que ce soit, de faire usage de l'adresse e-mail se terminant par  @bbbet de toute autre adresse comportant le nom " B.________ '', de faire usage de toute enveloppe, papier à en-tête, timbres et autres documents portant le nom de cette société, de s'identifier, auprès de quiconque et de quelque manière que ce soit, comme un employé de la société et lui a ordonné de supprimer la mention "  Portfolio Manager chez B.________ SA " de s on profil  Linkedln.  
 
C.   
Par ordonnance du 20 juin 2019, le Tribunal des mesures de contrainte (Tmc) a admis l'existence de charges graves suffisantes à l'encontre du prévenu et a prononcé, à la demande du Ministère public, les mesures de substitution suivantes, propres à pallier les risques de collusion et de réitération retenus: obligation de déférer à toute convocation du pouvoir judiciaire (let. a) et interdiction de contacter, de quelque manière que ce soit, directement, par l'intermédiaire de tiers ou par tous moyens électroniques, les clients de B.________ SA, ainsi que ses partenaires commerciaux et ses employés (let. b). Les mesures de substitution précitées ont été ordonnées pour une durée de 6 mois, soit jusqu'au 20 décembre 2019. 
Par arrêt du 2 septembre 2019, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice a rejeté le recours formé par le prévenu contre cette ordonnance. 
 
D.   
Par acte du 1 er octobre 2019, A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 2 septembre 2019. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens qu'il ne soit pas, à titre de mesures de substitution, astreint à l'obligation de comparaître à toute convocation, ni interdit de tout contact avec les partenaires commerciaux de B.________ SA. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de l'arrêt et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.  
Invitée à se déterminer, la cour cantonale a indiqué ne pas avoir d'observations à formuler. Le Ministère public a conclu pour sa part au rejet du recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre une décision relative aux mesures de substitution à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens de l'art. 237 CPP (arrêt 1B_211/2017 du 27 juin 2017 consid. 1). Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF, le prévenu, contre qui sont ordonnées les mesures de substitution en cause, a qualité pour recourir. Le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
 
2.   
Selon l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. En l'espèce, le recourant produit, à l'appui de son recours, divers documents supposés étayer l'absence de risque de fuite. Compte tenu des développements qui suivent (cf. en particulier consid. 3.3 infra), il n'y a toutefois pas lieu d'examiner plus avant la recevabilité des documents en cause. 
 
3.   
Le recourant conteste les mesures ordonnées en substitution à la détention provisoire en tant qu'elles portent sur l'obligation de comparaître à toute convocation et l'interdiction de prendre contact avec les partenaires commerciaux de B.________ SA. Il y voit en particulier une violation du principe de la proportionnalité. 
 
3.1. En vertu du principe de proportionnalité ancré à l'art. 36 al. 3 Cst., l'autorité doit tenter autant que possible de substituer à la détention toute autre mesure moins incisive propre à atteindre le même résultat (ATF 133 I 270 consid. 2.2 p. 276). Le Code de procédure pénale le prévoit expressément à l'art. 237, en énumérant, de manière non exhaustive (cf. ATF 142 IV 367 consid. 2.1 p. 370), certaines mesures de substitution, notamment l'obligation de se soumettre régulièrement à un service administratif (let. d) ou l'interdiction d'entretenir des relations avec certaines personnes (let. g).  
Selon l'art. 237 al. 4 CPP, les dispositions sur la détention provisoire et la détention pour des motifs de sûreté s'appliquent par analogie au prononcé des mesures de substitution ainsi qu'au recours contre elles. Ce renvoi général aux règles matérielles et formelles concernant la détention se justifie par le fait que les mesures de substitution sont ordonnées aux mêmes conditions que la détention provisoire, soit en présence de soupçons suffisants ainsi que de risques de fuite, de collusion ou de réitération (art. 221 CPP), conditions qui doivent en elles-mêmes faire l'objet d'une réévaluation périodique. Les mesures de substitution ne sauraient en effet sans autre être considérées comme des atteintes bénignes aux droits fondamentaux du prévenu (ATF 141 IV 190 consid. 3.3 p. 192 s.). A l'instar de la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, les mesures de substitution doivent en tout temps demeurer proportionnées au but poursuivi, tant par leur nature que par leur durée (ATF 140 IV 74 consid. 2.2 p. 78). 
Conformément à l'art. 237 al. 5 CPP, le tribunal peut en tout temps révoquer les mesures de substitution, en ordonner d'autres ou prononcer la détention provisoire si des faits nouveaux l'exigent ou si le prévenu ne respecte pas les obligations qui lui ont été imposées. Le tribunal compétent dispose dans ce cadre d'un large pouvoir d'appréciation, comme cela ressort de la formulation potestative de l'art. 237 al. 5 CPP (arrêts 1B_312/2019 du 10 juillet 2019 consid. 2.1 et 1B_470/2016 du 16 janvier 2017 consid. 2.1 et la référence citée). 
 
3.2. Le recourant ne revient pas sur l'existence de charges suffisantes. En particulier, il ne conteste pas que les pièces produites au dossier ainsi que les déclarations de la partie plaignante, de même que les contrats et les enveloppes au nom de la société saisis lors de la perquisition à son domicile, sont propres à fonder de forts soupçons de culpabilité s'agissant des infractions pour lesquelles il est poursuivi (cf. arrêt entrepris, p. 7).  
 
3.3. Le recourant soutient en revanche que l'obligation de comparaître prononcée à titre de mesures de substitution est infondée en tant qu'elle repose sur l'existence d'un risque de fuite.  
A cet égard, la cour cantonale s'est limitée à relever qu'un tel risque existait dès lors que le recourant était de nationalité française (cf. arrêt entrepris, consid. 4.3, p. 10). Ce faisant, elle n'a toutefois mentionné aucun autre élément concret, par exemple quant au caractère de l'intéressé, à sa moralité, à ses ressources, à ses liens avec la Suisse ainsi qu'à ses contacts à l'étranger, qui feraient apparaître un départ dans un autre pays ou un passage à la clandestinité comme non seulement possible, mais également probable (cf. ATF 143 IV 60 consid. 4.3 p. 167; arrêt 1B_332/2019 du 24 juillet 2019 consid. 5.1). Il ressort au contraire de l'arrêt entrepris que le recourant, dont il n'est pas fait état qu'il aurait jusqu'alors refusé de donner suite aux convocations qui lui avaient été adressées, dispose d'attaches relativement fortes avec la Suisse, où il vit depuis 2010 au bénéfice d'un permis C, avec son épouse et leurs deux enfants (cf. arrêt entrepris, p. 7). 
Ainsi, la cour cantonale n'établit pas que la mesure de substitution litigieuse était nécessaire en vue de pallier un risque de fuite. On ne voit pas pour le surplus que la mesure en cause pouvait être justifiée par l'existence d'un risque de collusion ou de réitération, de sorte que cette mesure est contraire au droit fédéral. 
 
3.4.  
 
3.4.1. S'agissant de l'autre mesure contestée par le recourant, à savoir l'interdiction d'entrer en contact avec les partenaires commerciaux de B.________ SA, il apparaît que la cour cantonale l'a justifiée par l'existence d'un risque de réitération. Elle a ainsi relevé que cette mesure n'était pas trop incisive au regard du fait que le recourant s'était déjà fait passer, à tout le moins en ne modifiant pas son profil  LinkedIn, comme étant encore employé de la plaignante lorsqu'il avait pris contact avec un partenaire de celle-ci. La mesure était d'autant plus justifiée compte tenu de la teneur du courrier qu'il avait adressé à un client de la plaignante (E.________), lequel avait, en réaction, retiré le mandat de gestion confié à la société. Ainsi, si l'interdiction n'était pas sans conséquence pour le recourant s'agissant de ses recherches d'emploi, elle apparaissait cependant indispensable pour éviter que, dans un milieu où la discrétion et la réputation étaient essentielles, de nouveaux clients préférassent confier leurs intérêts à d'autres établissements financiers (cf. arrêt entrepris, consid. 4.3 p. 11).  
 
3.4.2. Compte tenu des conséquences attachées au non-respect des obligations imposées par le juge de la détention (cf. art. 237 al. 5 CPP), il est primordial que les mesures de substitution ordonnées soient suffisamment précises quant à leur contenu. Ainsi en particulier, comme cela ressort plus clairement du texte de l'art. 237 al. 2 let. g CPP en langue allemande et italienne (" mit bestimmten Personen "; " con determinate persone ") que de son texte en langue française (" avec certaines personnes "), il a déjà été jugé que l'interdiction d'entrer en contact au sens de la disposition précitée ne pouvait en principe porter que sur des personnes déterminées (cf. arrêt 1B_121/2019 du 8 avril 2019 consid. 4.4).  
En l'occurrence, si le recourant ne conteste pas l'existence d'un risque de réitération, ni ne conteste la clarté de l'interdiction de contact prononcée en tant qu'elle porte sur les clients et les employés de la partie plaignante et ne conclut dès lors pas à son annulation à ces égards, il faut admettre avec lui que la notion de " partenaire commercial " est particulièrement vague et incertaine, le cercle des personnes potentiellement concernées étant du reste susceptible d'évoluer sensiblement au gré du développement des affaires de la société. On ne saurait ainsi imposer au recourant qu'il connaisse l'identité des personnes avec lesquelles la plaignante est en concurrence ou entretient éventuellement des relations d'affaires, à Genève et ailleurs, ni même qu'il se souvienne de toutes celles avec lesquelles il avait été en contact durant son emploi. Il y a dès lors lieu d'admettre que, dans la mesure où elles portent sur l'interdiction de contacter les partenaires commerciaux de la partie plaignante, les mesures de substitution ne sont pas énoncées de manière suffisamment précise, en violation du droit fédéral. 
Il s'ensuit que l'arrêt attaqué doit être annulé en tant que les mesures de substitution portent sur l'interdiction de contacter, de quelque manière que ce soit, directement, par l'intermédiaire de tiers ou par tous moyens électroniques, les partenaires commerciaux de B.________ SA. La cause est renvoyée à la cour cantonale pour qu'elle détermine de manière plus précise l'étendue de l'interdiction litigieuse. 
 
4.   
Le recours doit être admis. L'arrêt attaqué est annulé en tant qu'il prévoit pour le recourant, à titre de mesure de substitution à la détention provisoire, l'obligation de déférer à toute convocation du pouvoir judiciaire et l'interdiction de contacter, de quelque manière que ce soit, directement, par l'intermédiaire de tiers ou par tous moyens électroniques, les partenaires commerciaux de B.________ SA, la cause étant renvoyée, sur ce dernier point, à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. L'arrêt attaqué n'est pas annulé en tant qu'il porte sur les autres mesures de substitution ordonnées. 
Compte tenu du bien-fondé des griefs développés par le recourant, l'arrêt attaqué est également annulé en tant qu'il statue sur les frais et dépens de la procédure cantonale, la cause étant renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur ces points. 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). Le recourant, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un mandataire professionnel, a droit à des dépens pour la procédure fédérale à la charge du canton de Genève (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis. 
 
2.   
L'arrêt attaqué est partiellement annulé au sens des considérants. La cause est renvoyée à la Chambre pénale de recours pour nouvelle décision au sens des considérants. 
 
3.   
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
4.   
Une indemnité de dépens, fixée à 2000 fr., est allouée au recourant à la charge du canton de Genève. 
 
5.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours. 
 
 
Lausanne, le 12 novembre 2019 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Chaix 
 
Le Greffier : Tinguely