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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4A.7/2002 /ech 
 
Arrêt du 7 février 2003 
Ire Cour civile 
 
Les juges fédéraux Corboz, président de la Cour, 
Walter, Klett, Nyffeler et Favre, 
greffière Aubry Girardin. 
 
X.________, 
recourante, représentée par Me Ute Bugnion, avocate, 
rue de la Corraterie 14, case postale 5549, 1211 Genève 11, 
 
contre 
 
Institut fédéral de la propriété intellectuelle, Einsteinstrasse 2, 3003 Berne, 
 
Commission fédérale de recours en matière de propriété intellectuelle, Einsteinstrasse 2, 3003 Berne. 
 
droit des marques; enregistrement 
 
(recours de droit administratif contre la décision de la Commission fédérale de recours en matière de propriété intellectuelle du 21 octobre 2002). 
 
Faits: 
A. 
En 1994, X.________ a demandé l'enregistrement du signe MASTERPIECE en tant que marque suisse. 
 
Cette demande a été rejetée le 19 septembre 1996 par l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle (ci-après : l'Institut). 
 
X.________ a recouru auprès de la Commission fédérale de recours en matière de propriété intellectuelle (ci-après : la Commission de recours), qui, par décision du 20 février 1998, a rejeté la demande d'enregistrement. Le recours formé par X.________ au Tribunal fédéral à l'encontre de cette décision a été déclaré irrecevable par arrêt du 19 mai 1998, l'avance de frais ayant été versée tardivement. La demande de restitution de délai déposée par X.________ a été rejetée par la Cour de céans le 22 juin 1998. 
B. 
Le 3 juillet 1998, X.________ a présenté une nouvelle demande d'enregistrement de la marque suisse MASTERPIECE pour les services suivants de la classe 36 : "services d'assurance; services de garantie, d'agence et de courtage, en relation avec les assurances, l'investissement, les pensions et la finance; services d'actuariat; services de règlement des pertes; règlement des sinistres; recherches d'assurances et financières; assurances-vie; services de retraite, réassurance; services bancaires, services de crédit; analyses, gérance, recherches et rapports en matière financière; constitution et placement de fonds; services de prêts; gérance de biens fonciers; estimation et évaluation financières; services financiers de location, achat et vente, services de sponsoring financiers; services de garants; services de fiduciaires; services d'informations, services de conseils et de consultants en rapport avec les services précédents". 
 
Le 22 décembre 1998, l'Institut a informé X.________ de son intention de rejeter sa demande d'enregistrement et celle-ci s'y est opposée. Par la suite, l'Institut et X.________ ont maintenu leur position. 
 
Le 13 mars 2000, l'Institut a informé X.________ que, comme il s'agissait de la deuxième tentative du même déposant d'enregistrer le signe MASTERPIECE pour des services identiques en classe 36, sans que la requérante ne se soit prévalue de motifs nouveaux justifiant un changement de pratique, le refus d'enregistrement serait maintenu. X.________ a alors demandé à ce qu'une décision soit rendue. 
 
Par décision du 9 novembre 2001, l'Institut a refusé l'enregistrement du signe MASTERPIECE. 
Le 7 décembre 2001, X.________ a recouru auprès de la Commission de recours, en concluant à l'annulation de la décision du 9 novembre 2001 et à ce que l'enregistrement de la marque suisse MASTERPIECE soit accepté pour tous les services revendiqués. 
 
Par décision du 21 octobre 2002, la Commission de recours a rejeté le recours de X.________. Elle a laissé ouverte la question du caractère abusif de la seconde demande d'enregistrement, dès lors qu'elle avait été déposée immédiatement après la fin de la procédure judiciaire concernant une demande identique. Entrant toutefois en matière, la Commission de recours a confirmé la décision de l'Institut du 9 novembre 2001 selon laquelle le signe MASTERPIECE ne pouvait être protégé en tant que marque. 
C. 
Contre cette décision, X.________ interjette un recours de droit administratif au Tribunal fédéral. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision de la Commission de recours du 21 octobre 2002 et de la décision de l'Institut du 9 novembre 2001. Elle demande également le renvoi de l'affaire à l'Institut pour qu'il procède à l'enregistrement de la marque n° 5411/1998 MASTERPIECE au bénéfice de X.________. 
 
L'Institut a renoncé à déposer des observations. Quant à la Commission de recours, elle invite le Tribunal fédéral à confirmer la décision attaquée. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
La voie du recours de droit administratif au Tribunal fédéral est ouverte contre les décisions de la Commission fédérale de recours en matière de propriété intellectuelle statuant sur le refus de l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle d'enregistrer une marque (cf. art. 98 let. e OJ; David, Commentaire bâlois, n. 14 ad art. 36 LPM [RS 232.11]). 
 
Le présent recours, qui a été déposé en temps utile (art. 106 OJ) et dans les formes requises (art. 108 OJ), par le destinataire de la décision attaquée (art. 103 let. a OJ), est donc en principe recevable. 
2. 
La Commission fédérale de recours en matière de propriété intellectuelle est une autorité judiciaire au sens de l'art. 105 al. 2 OJ (ATF 128 III 454 consid. 1 et les références citées), de sorte que le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés dans ses décisions, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de procédure (art. 105 al. 2 OJ in fine). Ce qui signifie que, dans la procédure devant le Tribunal fédéral, il n'est en principe pas possible de présenter des constatations de fait ou des moyens de preuve nouveaux. Seules sont admissibles dans ce cas les preuves que l'instance inférieure aurait dû retenir d'office et dont le défaut d'administration constitue une violation des règles essentielles de procédure (ATF 128 III 454 consid. 1 in fine; 121 II 97 consid. 1c p. 99 et les arrêts cités). 
3. 
La demande d'inscription de la marque qui fait l'objet de la présente procédure a été déposée par la recourante le 3 juillet 1998, soit quelques jours seulement après l'échec d'une autre procédure portant sur une demande d'enregistrement antérieure dont il a été retenu qu'elle concernait un signe identique se référant aux mêmes services. Il s'agit donc d'un nouvel examen. 
 
La Commission de recours a émis des doutes quant à la recevabilité de cette seconde demande. En effet, il ne ressort pas des faits constatés que les conditions obligeant une autorité à entrer en matière sur une demande de réexamen aient été réunies en l'espèce (cf. sur ces conditions : ATF 127 I 133 consid. 6 et les références citées). Dès lors que les demandes de réexamen ne sauraient servir à remettre continuellement en cause des décisions administratives entrées en force de chose jugée ni à éluder les dispositions légales sur les délais de recours (cf. ATF 120 Ib 42 consid. 2b p. 47 et les références citées), on peut effectivement se demander si, dans le cas d'espèce, les autorités inférieures étaient tenues d'entrer en matière sur la demande d'enregistrement déposée en juillet 1998. Cette question peut toutefois demeurer indécise, car lorsque, sans y être obligée, l'autorité réexamine l'affaire et rend une nouvelle décision au fond, les voies de recours habituelles sont également ouvertes contre cette nouvelle décision (ATF 100 Ib 368 consid. 3b in fine) et il convient de revoir son bien-fondé (cf. Moor, Droit administratif vol. II, Les actes administratifs et leur contrôle, Berne 2002, p. 344 in fine). Il appartient ainsi à la Cour de céans d'entrer en matière et d'examiner la question de l'enregistrement en tant que marque du signe présenté. 
4. 
4.1 La Commission de recours a considéré en substance que le terme MASTERPIECE, compris par une part non insignifiante du public suisse, se traduisait par l'expression de "chef-d'oeuvre". En relation avec un service, cette désignation décrivait la qualité de celui-ci, à savoir ce qu'un maître réalise particulièrement bien, de sorte qu'il s'agissait d'une indication de nature publicitaire ne pouvant être protégée en tant que marque. 
4.2 La recourante s'oppose à ce point de vue. Elle soutient en résumé que la Commission de recours fait erreur en traduisant l'expression MASTERPIECE par "chef-d'oeuvre" et en admettant que celle-ci peut se référer à des services. Selon elle, MASTERPIECE doit être traduit par "Meisterstück" en allemand et se réfère exclusivement à une chose, comme du reste le mot "pièce" en français. Quant au mot anglais "masterwork", dont l'équivalent allemand est "Meisterwerk", il correspond à la définition de "chef-d'oeuvre" en français. Utilisé pour des services appartenant au domaine des assurances et au secteur financier, le terme MASTERPIECE équivaut à un contresens et ne peut donc avoir d'emblée une portée publicitaire. Du reste, MASTERPIECE a été enregistré comme marque dans de nombreux autres pays européens. 
5. 
5.1 Aux termes de l'art. 2 let. a LPM, sont exclus de la protection les signes appartenant au domaine public, sauf s'ils se sont imposés comme marques pour les produits ou les services concernés. Selon une pratique constante, les désignations décrivant notamment la nature ou la qualité du produit ou du service auquel la marque s'applique font partie du domaine public (ATF 127 III 160 consid. 2b/aa p. 166; 118 II 181 consid. 3b p. 182; 100 Ib 250 consid. 1). Les qualificatifs de nature publicitaire tombent en particulier dans cette catégorie (arrêt du Tribunal fédéral 4A.7/1997 du 23 mars 1998, publié in sic! 4/1998 p. 397, consid. 1; cf. également Marbach, Markenrecht, SIWR III, Bâle 1996, p. 41; Rosenkranz, Handbuch über die Markeneintragung, 2e éd., Zurich 1995, n. 103 et 108). 
 
Des associations d'idées ou des allusions qui n'ont qu'un rapport éloigné avec le produit ou le service concerné ne sont cependant pas suffisantes pour admettre qu'une désignation appartient au domaine public. Le rapport avec le produit ou le service doit être tel que le caractère descriptif de la marque doit être reconnaissable sans efforts particuliers d'imagination (ATF 128 III 454 consid. 2.1 p. 458; 127 III 160 consid. 2b/aa p. 166 s.; 120 II 144 consid.3b/aa p. 149 et les références citées). A cet égard, il est suffisant que le signe apparaisse comme descriptif dans une seule région linguistique de Suisse (ATF 127 III 160 consid. 2b/aa in fine et l'arrêt cité; confirmé in ATF 128 III 447 consid. 1.5 p. 451). Des expressions de la langue anglaise peuvent entrer en considération, pour autant qu'elles soient compréhensibles pour une partie non insignifiante du public de notre pays (ATF 108 II 487 consid. 3). 
5.2 La décision entreprise relève que la désignation MASTERPIECE est comprise par une partie importante du public suisse, ce que la recourante admet elle-même. Dans son acception commune, MASTERPIECE définit en anglais une production surpassant en excellence les autres. Contrairement à ce que soutient la recourante, les objets ne sont pas les seuls concernés. Ainsi, on peut dire "his learning in the law being his masterpiece" (cf. The Shorter Oxford English Dictionary, Oxford 1990). En outre, MASTERPIECE correspond à "chef-d'oeuvre" en français et à "capolavoro" en italien, soit deux termes qui s'appliquent aussi bien à un objet qu'à une prestation intellectuelle. Enfin, MASTERPIECE se traduit en allemand à la fois par "Meisterstück" et par "Meisterwerk" (cf. Langenscheidts Enzyklopädisches Wörterbuch, Allemagne 1989), de sorte que les nuances invoquées par la recourante entre "Werk" et "Stück" ou entre "piece" et "work" tombent à faux. Il en découle qu'en fonction de son sens commun, le terme MASTERPIECE est de nature à susciter immédiatement et sans efforts d'imagination particuliers auprès du public suisse moyen un rapprochement avec la qualité, voire l'excellence du produit ou des services offerts en comparaison avec des produits ou des services concurrents. Il s'agit donc d'une désignation qualitative qui appartient au domaine public. 
 
Cette conclusion correspond du reste à la pratique. Le Tribunal fédéral a ainsi considéré que ne pouvaient pas bénéficier de la protection issue du droit des marques les désignations suivantes : "Avantgarde" pour des véhicules automobiles et leurs pièces (arrêt 4A.7/1997 précité, publié in sic! 4/1998 p. 397), "VIP-Card" pour des prestations de services effectuées au moyen d'une carte de crédit (arrêt 4A.11/1993 du 15 décembre 1993, publié in FBDM 1994 I p. 47), "Vantage" pour des appareils électroniques et des instruments de musique (ATF 108 II 487), "More" ou "Super" pour des cigarettes (ATF 103 II 339 consid. 4; 95 II 461 consid. 2 p. 467), "Dominant" pour des vins (ATF 96 I 248 consid. 2), "Extra", "Exactus" pour des montres (ATF 78 II 457 consid. 3). Pour d'autres exemples, cf. David, Commentaire bâlois, n. 13 et 19 ad art. 2 LPM; Marbach, op. cit., p. 41; Willi, Markenschutzgesetz, Zurich 2002, n. 56 ss art. 2 LPM). 
5.3 Comme il ne s'agit pas d'un cas limite, rien ne justifie de procéder à l'inscription et de laisser au juge civil le soin de décider à l'occasion d'un conflit (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A.13/1995 du 20 août 1996, publié in sic! 2/1997 p. 159, consid. 5c; ATF 103 Ib 268 consid. 3b in fine). 
5.4 C'est en vain que la recourante invoque à titre de comparaison des décisions émanant de l'instance inférieure, dès lors que le Tribunal fédéral ne saurait être lié par des précédents dont il n'a pas eu à connaître (ATF 100 Ib 250 consid. 5; 91 I 356 consid. 6). 
5.5 Enfin, ce n'est pas parce que la recourante a pu faire enregistrer sa marque dans d'autres États européens que celle-ci devrait, pour cette seule raison, également l'être en Suisse. L'appartenance au domaine public et plus particulièrement le caractère descriptif d'une désignation ne doit être appréciée qu'en fonction de l'impression que celle-ci dégage en Suisse, car chaque État peut avoir des conceptions différentes (cf. ATF 99 Ib 10 consid. 4; 96 I 251 consid. 4 p. 255). Le fait qu'une désignation ait été enregistrée comme marque à l'étranger n'est donc qu'un élément parmi d'autres qui peut être pris en compte (cf. Willi, op. cit., n. 9 ad art. 2 LPM; David, op. cit., n. 7 ad art. 2 LPM; Marbach, op. cit., p. 30). Les textes internationaux en la matière, à savoir l'Arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques (RS 0.232.112.3), qui renvoie à la Convention d'Union de Paris pour la protection de la propriété industrielle (RS 0.232.04), tous deux révisés à Stockholm le 14 juillet 1967, prévoient du reste une règle similaire à celle de l'art. 2 LPM (cf. ATF 128 III 454 consid. 2). Les États disposent donc d'une grande marge d'appréciation pour décider de l'enregistrement d'une marque, de sorte qu'il est admis que leur pratique en ce domaine puisse différer (Willi, op. cit., n. 4 ad art. 2 LPM). 
 
Dans ces circonstances, le recours doit être rejeté. 
6. 
La recourante, qui succombe, supportera les frais (art. 156 al. 1 OJ). Aucun dépens ne sera alloué (cf. art. 159 al. 2 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie à la recourante, à l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle et à la Commission fédérale de recours en matière de propriété intellectuelle. 
Lausanne, le 7 février 2003 
Au nom de la Ire Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le président: La greffière: