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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_206/2023  
 
 
Arrêt du 14 juin 2023  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Aubry Girardin, Présidente, Donzallaz et Ryter. 
Greffier : M. Rastorfer. 
 
Participants à la procédure 
Office cantonal de l'emploi du canton de Genève, Service juridique, rue des Gares 16, 1201 Genève, représenté par Me Stéphanie Fuld, avocate, 
recourant, 
 
contre  
 
A.________ SA, 
représentée par Mes Sarah Halpérin et 
Lionel Halpérin, avocats, 
intimée. 
 
Objet 
Location de services, 
 
recours contre la décision de la Cour de justice 
de la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 8 mars 2023 (ATA/229/2023). 
 
 
Considérant en fait et en droit :  
 
1.  
A.________ SA est une société anonyme créée en 2020 qui a pour but statutaire, notamment, de fournir des prestations de conseil et services logistiques et de la location de services. Elle occupe environ 400 employés, essentiellement des coursiers à vélo. Elle a conclu un contrat de licence avec B.________, afin d'utiliser l'application "C.________" pour la mise en relation entre les consommateurs et les restaurateurs, la gestion des commandes et livraisons, ainsi que les transactions financières; elle reverse à cet effet une commission à B.________ 
Par décision du 4 novembre 2022 déclarée exécutoire nonobstant recours, l'Office cantonal de l'emploi du canton de Genève (ci-après: l'Office cantonal) a assujetti A.________ SA à la loi fédérale du 6 octobre 1989 sur le service de l'emploi et la location de services (LSE; RS 823.11) s'agissant de son activité de mise à disposition de livreurs sur la plateforme dite "C.________" et lui a interdit toute activité jusqu'à l'obtention de l'autorisation de pratiquer la location de services. 
Le 9 novembre 2022, A.________ SA a interjeté un recours auprès de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) contre la décision du 4 novembre 2022 de l'Office cantonal. Elle a conclu, principalement, à l'annulation de celle-ci, au constat qu'elle n'était pas assujettie à la LSE, et à la restitution de l'effet suspensif. 
Par décision du 10 novembre 2022, la Cour de justice a admis, à titre superprovisionnel, la restitution de l'effet suspensif au recours. 
Par décision du 8 mars 2023, la Cour de justice a restitué l'effet suspensif au recours interjeté le 9 novembre 2022. 
 
2.  
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, l'Office cantonal demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision sur effet suspensif du 8 mars 2023 de la Cour de justice et de dire que sa décision d'assujettissement à la LSE du 4 novembre 2022 à l'encontre de A.________ SA est exécutoire nonobstant recours. L'Office cantonal expose en substance qu'en supprimant de manière conservatoire le mécanisme légal de la protection prévu par l'art. 12 LSE, la décision attaquée porte atteinte aux intérêts publics qu'il doit préserver. Il se plaint de la violation de l'art. 9 Cst. dans l'application du droit cantonal en matière d'effet suspensif et dans le résultat, ainsi que de la violation de l'art. 8 Cst. 
Il n'a pas été ordonné d'échange des écritures. 
 
3.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 147 I 333 consid. 1). 
 
3.1. En vertu de l'art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a); est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué (let. b); et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c).  
L'art. 89 al. 1 LTF est avant tout conçu pour les particuliers (cf. ATF 147 II 227 consid. 2.3.2; 141 II 161 consid. 2.1). Il est toutefois admis que les collectivités publiques peuvent fonder leur recours sur cette disposition à certaines conditions qui sont appréciées restrictivement (cf. ATF 147 II 227 consid. 2.3.2; 141 I 253 consid. 3.1). En effet, le droit de recours des collectivités publiques est réglé de manière spécifique à l'art. 89 al. 2 LTF, de sorte que l'art. 89 al. 1 LTF a un caractère subsidiaire pour lesdites collectivités (FLORENCE AUBRY GIRARDIN, in Commentaire de la LTF, 3e éd. 2022, n° 49 ad art. 89 LTF). Ce n'est donc que lorsque les conditions de l'art. 89 al. 2 LTF ne sont pas remplies qu'il faut se demander si les collectivités publiques peuvent néanmoins avoir qualité pour recourir en vertu de l'art. 89 al. 1 LTF (cf. ATF 141 I 253 consid. 1.3; 140 I 90 consid. 1.2). 
En l'occurrence, l'Office cantonal recourant ne se prévaut pas de l'art. 89 al. 2 LTF. Il convient toutefois, dans la mesure où il s'agit d'une question de recevabilité relevant du droit fédéral que le Tribunal examine d'office (cf. supra consid. 3) et que l'art. 89 al. 1 LTF a un caractère subsidiaire pour les collectivités, de vérifier en premier lieu si l'Office recourant remplit les conditions de l'art. 89 al. 2 LTF
 
3.2. Parmi les cas de figure visés à l'art. 89 al. 2 LTF, seules les let. c et d peuvent entrer en ligne de compte au vu de l'autorité recourante. La let. c prévoit un droit de recours spécial en faveur des communes et des autres collectivités de droit public qui invoquent la violation de garanties qui leur sont reconnues par la constitution cantonale ou la Constitution fédérale. Est en particulier visé le cas où les communes peuvent invoquer la garantie de leur autonomie communale, ancrée au niveau fédéral à l'art. 50 al. 1 Cst. (cf. ATF 146 I 36 consid. 1.4; 140 I 90 consid. 1.1). S'agissant des "autres collectivités publiques", celles-ci doivent être atteintes en leur qualité de détentrices de la puissance publique et doivent pouvoir faire valoir une atteinte à leur autonomie (cf. ATF 145 I 121 consid. 1.5.2; arrêt 2C_364/2015 du 3 février 2017 consid. 2.3.1 non publié in ATF 143 II 409). Quant à la let. d, elle confère la qualité pour recourir aux personnes, organisations et autorités auxquelles une autre loi fédérale accorde un droit de recours, ce qui suppose une disposition contenue dans une loi au sens formel accordant expressément un droit de recours spécial à une personne, organisation ou autorité donnée (cf. ATF 134 V 53 consid. 2.2.2; 131 II 753 consid. 4.2) ou alors précisant l'étendue, les limites et les éventuelles conditions au droit de recours accordé (arrêt 1C_453/2014 du 23 février 2015 consid. 7.1 et la référence citée).  
En l'occurrence, force est de constater que le présent recours n'émane pas du canton de Genève lui-même, mais d'une autorité administrative cantonale. Or, selon la jurisprudence, les entités de l'administration, même disposant d'une large autonomie dans l'accomplissement de leurs tâches, ne peuvent invoquer l'art. 89 al. 2 let. c LTF (cf. arrêt 2C_364/2015 précité consid. 2.3.1 non publié in ATF 143 II 409; FLORENCE AUBRY GIRARDIN, op. cit., n° 84 ad art. 89 LTF). Par ailleurs, en tant qu'entité cantonale dépourvue de la personnalité juridique, l'Office cantonal ne saurait recourir sans base légale spécifique figurant dans une loi fédérale (art. 89 al. 2 let. d LTF). Or, il n'apparaît pas - et l'Office recourant ne le soutient pas non plus - qu'il serait expressément habilité par une loi fédérale, et en particulier par la LSE, à recourir devant le Tribunal fédéral. La défense de l'intérêt public de manière générale, comme invoqué par l'Office cantonal, ne suffit pas. 
 
3.3. Les conditions de l'art. 89 al. 2 LTF n'étant pas remplies, il faut partant examiner si le recourant peut recourir, comme il le soutient, sur la base de l'art. 89 al. 1 LTF, ce qu'il lui appartient de démontrer de manière suffisamment précise, sous peine d'irrecevabilité (cf. art. 42 al. 1 et 2 LTF; ATF 145 I 121 consid. 1; 142 V 395 consid. 3.1; 141 I 253 consid. 3.3; FLORENCE AUBRY GIRARDIN, op. cit., n° 64 ad art. 89 LTF).  
 
3.3.1. On relèvera en premier lieu que seule une collectivité publique comme telle (voire une autre personne morale de droit public) peut se prévaloir de la légitimation fondée sur l'art. 89 al. 1 LTF, mais non pas, comme en l'espèce (cf. supra consid. 3.2 in fine), une entité cantonale dépourvue de la personnalité juridique, à moins d'avoir une procuration expresse l'autorisant à agir au nom de la collectivité publique en cause (cf. ATF 141 I 253 consid. 3.2 et les arrêts cités; arrêt 9C_460/2021 consid. 2.1 non publié in ATF 148 V 242). Or, il n'apparaît pas que l'Office cantonal recourant, qui a déposé recours en son propre nom, se serait prévalu d'une procuration qui l'aurait autorisé à représenter le canton de Genève.  
Quoi qu'il en soit, quand bien même un tel pouvoir de représentation lui aurait été donné, l'Office recourant ne remplit de toute façon pas les conditions permettant aux collectivités publiques de se prévaloir de la qualité pour recourir sur la base de l'art. 89 al. 1 LTF, pour les raisons qui suivent. 
 
3.3.2. Peuvent recourir sur la base de l'art. 89 al. 1 LTF les collectivités publiques ou les établissements publics si la décision les atteint de la même manière qu'un particulier, ou du moins de manière analogue, dans leurs intérêts juridiques ou patrimoniaux (ATF 141 III 353 consid. 5.2; 140 I 90 consid. 1.2.1 et les arrêts cités).  
Tel n'est à l'évidence pas le cas en l'espèce, l'Office cantonal recourant n'ayant en particulier pas agi en qualité d'employeur de l'intimée lorsqu'il lui a interdit toute activité commerciale jusqu'à l'obtention d'une autorisation de pratiquer selon la LSE (cf. ATF 141 I 253 consid. 3.2; 138 II 506 consid. 2.1.2), mais dans l'accomplissement de la tâche publique qui lui est confiée dans le domaine de la location de services notamment. Il ne soutient au surplus pas que la décision attaquée aurait des effets sur le patrimoine de la collectivité publique. Il s'ensuit que le recourant ne dispose pas de la qualité pour recourir sous cet angle. 
 
3.3.3. Les collectivités publiques ou les établissements publics sont aussi légitimés à recourir, en application de l'art. 89 al. 1 LTF, s'ils sont touchés dans leurs prérogatives de puissance publique et qu'ils disposent d'un intérêt public propre digne de protection à l'annulation ou à la modification de l'acte attaqué (ATF 141 II 161 consid. 2.1; 140 I 90 consid. 1.2.2). Lorsqu'il est porté atteinte à ses intérêts spécifiques, la collectivité publique peut ainsi se voir reconnaître la qualité pour recourir, pour autant qu'elle soit touchée de manière qualifiée. En d'autres termes, la collectivité doit être fortement touchée dans des intérêts publics importants (ATF 141 II 161 consid. 2.3; 140 I 90 consid. 1.2.2 et 1.2.4). Tel est le cas lorsque l'acte attaqué concerne des intérêts publics essentiels dans un domaine qui relève de sa compétence propre (ATF 137 IV 269 consid. 1.4). Le simple intérêt général à l'application correcte du droit ne suffit en revanche pas à permettre aux collectivités publiques de recourir sur la base de l'art. 89 al. 1 LTF (cf. ATF 147 II 227 consid. 2.3.2; 141 III 353 consid. 5.2; 140 I 90 consid. 1.2.2; 135 II 156 consid. 3.1; FLORENCE AUBRY GIRARDIN, op. cit., n° 55 ad art. 89 LTF; REGINA KIENER ET AL., Öffentliches Verfahrensrecht, 2021, nos 1464 et 1515). L'autorité décisionnelle de première instance dont la décision a été entièrement ou partiellement modifiée en procédure de recours n'a ainsi, en principe, pas la qualité pour recourir au Tribunal fédéral du seul fait qu'elle a été déboutée par l'autorité de recours respectivement du seul fait qu'elle défend, dans un domaine où elle est compétente pour appliquer le droit, une conception du droit différente de celle défendue par l'autorité supérieure (cf. ATF 141 III 353 consid. 5.2; 140 V 321 consid. 2.1.1; 131 II 58 consid. 1.3 et les arrêts cités; BERHARD WALDMANN, in Basler Kommentar, Bundesgerichtsgesetz, 3e éd. 2018, n° 44 ad art. 89 LTF; MICHAEL PFLÜGER, Die Legitimation des Gemeinwesens zur Beschwerde in öffentlich-rechtlichen Angelegenheiten, 2013, n° 327 pp. 135 s.).  
En l'espèce, l'Office recourant se plaint de l'application erronée du droit fédéral et du droit cantonal, sans toutefois démontrer qu'il serait atteint dans ses prérogatives de puissance publique ni établir que ses intérêts publics centraux sont en jeu, ce que l'on ne discerne du reste pas. Il se limite en effet à affirmer que la décision l'atteint particulièrement puisqu'il en est le destinataire et qu'elle fait obstacle à la mise en oeuvre de la décision en matière de service de l'emploi et de location de services rendue dans l'exercice de ses attributions publiques; il aurait dès lors un intérêt évident à son annulation au sens de l'art. 89 al. 1 let. b et c LTF. Il s'agit ici uniquement de l'intérêt général à une correcte application de la LSE, ce qui n'est pas suffisant au regard de l'art. 89 al. 1 LTF. Le recourant ne soutient pour le reste pas que se poserait, dans le cas d'espèce, une question juridique ayant valeur de précédent pour l'exécution d'une tâche publique (cf. ATF 141 II 161 consid. 2.3; arrêt 2C_940/2021 du 1er avril 2022 consid. 2.2.2 et les arrêts cités). 
 
3.4. Dans ces conditions, il faut admettre que le recourant ne peut pas justifier d'un droit de recours sur la clause générale de l'art. 89 al. 1 LTF, de sorte que le recours en matière de droit public est irrecevable.  
 
 
4.  
La cause ne peut pas davantage être examinée sous l'angle du recours constitutionnel subsidiaire, l'Office cantonal recourant ne disposant pas d'un intérêt juridique protégé au sens de l'art. 115 LTF
 
5.  
Le recours doit ainsi être déclaré irrecevable pour défaut de qualité pour recourir, sans qu'il soit au demeurant nécessaire d'examiner si la décision attaquée, en tant que décision incidente, pouvait faire l'objet d'un recours au sens de l'art. 93 al. 1 LTF
 
6.  
Il n'est pas imposé de frais judiciaire à charge de l'Office cantonal qui a agi dans l'exercice de ses attributions officielles sans que son intérêt patrimonial ne soit en cause (art. 66 al. 1 et 4 LTF). Il n'est pas alloué de dépens, aucun échange d'écritures n'ayant été ordonné (art. 68 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais de justice. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire de l'Office cantonal de l'emploi, aux mandataires de A.________ SA, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, ainsi qu'au Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO). 
 
 
Lausanne, le 14 juin 2023 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
Le Greffier : H. Rastorfer