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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_161/2022  
 
 
Arrêt du 5 juin 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Kiss, Juge présidant, Hohl et May Canellas, 
greffière Monti. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Patrick Fontana, avocat, 
défenderesse et recourante, 
 
contre  
 
Z.________ SNC, 
représentée par Me Christiane Rey Jordan, avocate, 
demanderesse et intimée. 
 
Objet 
action en nullité de l'enregistrement d'une marque; 
risque de confusion, 
 
recours en matière civile contre le jugement rendu 
le 3 mars 2022 par la Cour civile II du Tribunal 
cantonal du canton du Valais (C1 21 6). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. La société en nom collectif Z.________ SNC, sise en Valais (ci-après la demanderesse), oeuvre conformément à son but statutaire dans les domaines de l'agriculture et de la viticulture, activité qui lui procure les deux tiers de son chiffre d'affaires. Elle élève des vaches de la race d'Hérens dont plusieurs ont gagné le titre de "reine" à l'issue de combats.  
La demanderesse a fait inscrire les quatre marques suivantes au registre tenu par l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IPI), pour des produits appartenant à la classe 33 de la Classification de Nice qui regroupe les "Boissons alcoolisées à l'exception des bières" et les "préparations alcoolisées pour faire des boissons", soit notamment les vins et vins de liqueur: 
 
- "Blanc des Reines" le 20 janvier 2014; 
- "Vin des Reines" le 4 septembre 2014; 
- "Cuvée des Reines" le 19 janvier 2016 et 
- "Réserve de l'Eleveur de Reine" le 6 septembre 2016. Il s'agissait d'un hommage au père des deux associés, qui avait dédié sa vie aux combats de ces animaux. 
 
A.b. La société anonyme A.________ SA, sise en Valais (ci-après la défenderesse), exploite un commerce de vins. Pendant une certaine période, elle a vendu une gamme de vins sous l'appellation "La Cuvée des Reines". Elle a cessé de le faire après que la demanderesse lui eut adressé un courrier comminatoire le 11 décembre 2018.  
Cela étant, le 16 janvier 2019, la défenderesse a demandé à l'IPI d'enregistrer la marque "La Réserve des Reines" dans la classe de produits 33. La publication a eu lieu le 14 juin 2019. 
Différents vins ont été commercialisés sous ce label, dont un diolinoir, un merlot et un oeil de Perdrix. 
 
B.  
Le 26 janvier 2021, la demanderesse a saisi le Tribunal cantonal valaisan d'une action en nullité de l'enregistrement de la marque "La Réserve des Reines", cumulée à une action en cessation et en interdiction. 
Statuant en instance cantonale unique, dite autorité a admis la demande. En conséquence, elle a constaté la nullité totale de l'enregistrement de la marque précitée et a enjoint à l'IPI de radier celle-ci. Elle a interdit à la défenderesse de l'utiliser pour commercialiser ses produits, passé un délai de trois mois dès l'entrée en force du jugement. Elle lui a aussi intimé l'ordre, dans ce même délai, de retirer les vins affublés de cette marque de son catalogue des ventes et de son site Internet. 
 
C.  
La défenderesse a saisi le Tribunal fédéral d'un recours en matière civile visant à faire annuler ce jugement, respectivement à faire constater la validité de l'enregistrement de la marque "La Réserve des Reines" et à obtenir l'autorisation de l'utiliser pour commercialiser ses produits. 
La demanderesse a conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. 
Un second échange d'écritures spontané s'en est suivi. 
L'autorité précédente s'est référée à son arrêt. 
Par ordonnance du 16 mai 2022, l'effet suspensif requis a été conféré au recours, à défaut d'opposition. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Devant le Tribunal cantonal, la recourante avait conclu au rejet de la demande. Désormais, elle aspire à faire constater la validité de l'enregistrement de sa marque et son droit d'utiliser celle-ci pour commercialiser ses produits. Ces conclusions nouvelles sont irrecevables (art. 99 al. 2 LTF). Peu importe au demeurant, vu le sort qui doit être donné au présent recours. 
Au surplus, les autres conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment celle afférant au délai de recours (art. 100 al. 1 LTF). L'on rappellera qu'il n'est pas nécessaire d'atteindre une valeur litigieuse minimale dès lors que le Tribunal cantonal a statué en instance cantonale unique (art. 74 al. 2 let. b LTF en lien avec l'art. 5 al. 1 let. a CPC; cf. aussi art. 75 al. 2 let. a LTF; arrêt 4A_97/2020 du 5 août 2020 consid. 1.1). 
 
2.  
La demanderesse est titulaire des quatre marques "Blanc des Reines", "Vin des Reines", "Cuvée des Reines" et "Réserve de l'Eleveur de Reine" (let. A.a supra). Se pose la question de savoir si la marque "La Réserve des Reines", enregistrée ultérieurement au nom de la défenderesse (let. A.b supra), crée un risque de confusion avec celles-ci.  
 
3.  
 
3.1. L'art. 1 LPM (loi fédérale sur la protection des marques et des indications de provenance; RS 232.11) définit la marque comme un signe propre à distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises (al. 1). Les mots, les lettres, les chiffres, les représentations graphiques, les formes en trois dimensions, seuls ou combinés entre eux ou avec des couleurs, peuvent en particulier constituer des marques (al. 2).  
A teneur de l'art. 3 al. 1 let. c LPM, 
" 1 Sont (...) exclus de la protection:  
(...) 
c. les signes similaires à une marque antérieure et destinés à des produits ou services identiques ou similaires, lorsqu'il en résulte un risque de confusion." 
 
3.2. Le risque de confusion est une notion de droit dont le Tribunal fédéral contrôle librement l'application lorsqu'il est saisi d'un recours en matière civile (ATF 128 III 96 consid. 2; 126 III 315 consid. 4b).  
Ce risque est réalisé lorsqu'un signe postérieur porte atteinte à la fonction distinctive d'une marque antérieure: il est à craindre que le public concerné se laisse induire en erreur par la similitude des signes et attribue les marchandises revêtues de l'un ou l'autre signe au faux titulaire. Un risque (indirect) de confusion peut également résulter du fait que le public, tout en parvenant à distinguer les signes, déduit de leur similitude des correspondances qui sont en réalité inexistantes: il croit avoir affaire à une "famille" de marques qui regrouperait différentes lignes de produits de la même entreprise, ou à des produits émanant d'entreprises qui seraient liées entre elles alors qu'il n'en est rien (ATF 128 III 96 consid. 2a; 122 III 382 consid. 1; arrêt 4A_178/2021 du 19 juillet 2021 consid. 2.1; GALLUS JOLLER, in Markenschutzgesetz [MSchG], Stämpflis Handkommentar, 2e éd. 2017, n° 24 ad art. 3 LPM). 
Plus les produits ou services concernés sont proches, plus le signe postérieur doit se distinguer du signe antérieur pour éviter le risque de confusion. Aussi faut-il se montrer particulièrement strict s'agissant de marques destinées à des marchandises identiques (ATF 122 III 382 consid. 3a; arrêt précité 4A_178/2021 consid. 2.1 et 3.1; JOLLER, op. cit., n° 47 ad art. 3 LPM; SCHLOSSER/MARADAN, in Commentaire romand, Propriété intellectuelle, 2013, n° 23 ad art. 3 LPM). 
 
3.3. Importe aussi le cercle de consommateurs auquel les produits ou services sont destinés. Pour les articles d'usage quotidien, il faut compter avec une attention moindre et une capacité de différenciation plus restreinte que pour des produits spécialisés, dont le marché est limité à un cercle plus ou moins fermé de professionnels (ATF 126 III 315 consid. 3b/bb; 122 III 382 consid. 3a p. 388; arrêt précité 4A_178/2021 consid. 2.1). S'agissant du vin, l'acheteur est réputé montrer un degré d'attention faible ou moyen (SCHLOSSER/MARADAN, op. cit., n° 38 ad art. 3 LPM et les décisions citées en sous-note 115; JOLLER, op. cit., n° 56 ad art. 3 LPM).  
Il doit exister une certaine probabilité que le consommateur moyen confonde les marques (ATF 122 III 382 consid. 1 p. 384; 119 II 473 consid. 2d p. 476). 
 
3.4. Le risque de confusion s'apprécie en fonction de toutes les circonstances d'espèce, soit de l'impression d'ensemble que produisent les marques sur le cercle concerné. Pour les marques verbales, cette impression d'ensemble découle de leur sonorité, de leur image visuelle et de leur signification (ATF 127 III 160 consid. 2b/cc p. 168; 122 III 382 consid. 5a; arrêt précité 4A_178/2021 consid. 2.2).  
Les circonstances extérieures aux signes eux-mêmes ne sont pas prises en compte en droit des marques, tandis qu'elles le sont pour jauger un tel risque en droit de la concurrence déloyale (arrêt 4A_335/2019 du 29 avril 2020, consid. 7.2; JOLLER, op. cit., n os 124 et 126 ad art. 3 LPM; STÄDELI/BRAUCHBAR BIRKHÄUSER, in Basler Kommentar, 2017, n° 160 ad art. 3 LPM; SCHLOSSER/MARADAN, op. cit., n os 20 et 28 ad art. 3 LPM). Peu importe donc que d'autres éléments permettent d'identifier l'origine de l'article proposé, tels que la présentation de l'emballage ou des différences de prix (ATF 96 II 236 consid. 4 p. 242 et la réf. à l'art. 6 al. 1 aLPM [RO 12 p. 2: "la marque dont le dépôt est effectué doit se distinguer, par des caractères essentiels, de celles qui se trouvent déjà enregistrées."]; cf. aussi ATF 119 II 473 consid. 2b i.f.; 63 II 282 consid. 2 p. 286).  
 
4.  
 
4.1. Après avoir rappelé en détail les préceptes théoriques gouvernant cette matière, la cour cantonale a développé l'analyse suivante:  
 
- Les marques en cause s'appliquent à des marchandises identiques ou fortement similaires, soit du vin, résultant d'un savoir-faire identique fondé sur la même matière première (le raisin). Il faut donc exiger un degré strict de distinction. 
- Le vin étant un bien de consommation relativement courant, l'on doit s'attendre à un degré d'attention moyen de la part des consommateurs. 
- Toutes les marques comparées ont en commun l'utilisation du mot "Reines" ou "Reine" pour l'une d'entre elles. 
Au sens premier, ce vocable vise l'épouse d'un roi ou une monarque en fonction. Il désigne également ce qui domine et prime. Il s'applique ainsi à la vache qui l'emporte dans les combats entre bêtes de la race d'Hérens. De tels combats sont une tradition en Valais, dans le Val d'Aoste et la Vallée de Chamonix. 
- La marque de la défenderesse et l'une des marques antérieures contiennent le mot "Réserve". En matière de vin, ce terme désigne souvent une cuvée de qualité supérieure au sein d'une gamme de vins ou une cuvée destinée à la garde. Ce mot n'a pas de force distinctive particulière, à l'instar des termes "Blanc", "Vin" et "Cuvée" dans les marques enregistrées par la demanderesse. 
- Le mot "Reine (s) " est bel et bien l'élément verbal central déterminant pour les marques concernées. Il en découle une forte similitude des signes comparés, au niveau sémantique. 
- Il n'est pas courant d'utiliser le mot "Reine (s) " dans le domaine du vin. Il ne s'agit pas, en l'espèce, d'un signe appartenant au domaine public (art. 2 let. a LPM), car il est clairement apte à exercer la fonction distinctive d'une marque, en relation avec des produits viticoles. Il est de nature à rester dans la mémoire des consommateurs. La reprise d'un élément essentiel des marques antérieures peut entraîner un risque de confusion, en particulier auprès d'un public faisant preuve d'un degré d'attention moyen. 
- La marque litigieuse ("La Réserve des Reines") est presque entièrement comprise dans une des marques antérieures de la demanderesse ("Réserve de l'Eleveur de Reine"). Elle revêt un sens concordant avec cette marque antérieure, ainsi qu'avec une autre marque antérieure de la demanderesse intitulée "Cuvée des Reines". 
- Même si les consommateurs parvenaient à distinguer les signes en question, ils pourraient légitimement penser qu'il s'agit d'une famille de marques de la même entreprise. Pareille ressemblance est de nature à susciter une association d'idées erronées chez les consommateurs. 
Forte de ces réflexions, la cour cantonale a retenu un risque de confusion justifiant d'exclure la marque "La Réserve des Reines" de la protection conférée par son enregistrement. Partant, celui-ci devait être radié (art. 35 let. c LPM), et les conclusions en interdiction et en cessation devaient également être admises (art. 55 al. 1 let. a et b LPM). 
 
4.2. La défenderesse/recourante argue du "caractère générique et large" du terme "reine", qui appartiendrait au domaine public.  
Ce grief est inopérant. Le Tribunal cantonal a cité plusieurs sens du mot "reine". Peu importe qu'il se soit abstenu de mentionner d'autres significations (la femelle féconde dans une colonie d'abeilles, de guêpes ou de fourmis, une pièce d'échec ou une carte de jeu) : son analyse ne s'en trouverait pas modifiée. Il a expliqué que le mot "reine (s) " désignait ici les vaches d'Hérens, ce que la recourante ne conteste pas, et il a souligné l'originalité consistant à utiliser un tel vocable pour du vin. On ne saurait le contredire. Cette singularité est due au double domaine d'activités dans lesquelles évolue la famille d'agriculteurs à l'origine de la société demanderesse. L'usage du pluriel conforte dans l'idée qu'il s'agit ici du sens particulier désignant les vaches d'Hérens victorieuses, issu d'une tradition en Valais. Dans une des marques, le terme est au singulier, mais précédé du mot "Eleveur", ce qui ne laisse place à aucun doute. 
 
4.3. C'est encore en vain que la recourante nie le risque de confusion. Elle ne conteste pas qu'un degré de distinction strict soit applicable, vu l'identité ou la quasi-identité des produits auxquels les marques se rapportent. Sur ce point aussi, l'analyse des juges cantonaux est convaincante. Ils relèvent à bon escient que les consommateurs pourraient croire à une ligne de produits émanant de la même entreprise. La recourante ne parvient pas à réfuter cette analyse. Elle objecte principalement que le risque de confusion serait moindre compte tenu des étiquettes apposées sur les bouteilles, qui comportent en outre la mention obligatoire du producteur. Elle soulève même le grief d'arbitraire en plaidant qu'"une simple lecture de l'étiquette permet[trait] au consommateur de savoir qui est à l'origine du produit (...) et donc de se rendre compte que les marques précitées ne sont aucunement issues d'une même entreprise ou d'un même producteur".  
Le Tribunal fédéral examine librement si la notion juridique de risque de confusion a été correctement appliquée, sur la base des faits établis par la cour cantonale (cf. JOLLER, op. cit., nos 43-44 ad art. 3 LPM). En l'occurrence, ceux-ci lient l'autorité de céans dans la mesure où aucun grief recevable n'a été formulé à leur encontre (ATF 140 III 86 consid. 2 p. 90; 140 III 115 consid. 2 p. 117). Au surplus, un tel risque s'apprécie en fonction des signes eux-mêmes - soit ici des marques verbales -, à l'exclusion d'éléments extérieurs ( supra consid. 3.4 i.f.), ce qui scelle le sort du grief. L'étiquette des bouteilles ou la mention du producteur ne saurait donc être prise en compte pour examiner le risque de confusion qui pourrait découler de ces marques purement verbales.  
 
4.4. La défenderesse dénonce encore l'abus de droit dans lequel aurait versé la demanderesse en l'actionnant en justice deux ans après qu'elle eut déposé une demande d'inscription au registre de l'IPI, et après avoir toléré l'exploitation de cette marque.  
La défenderesse se prévaut de la jurisprudence selon laquelle les actions défensives en matière de droits de propriété intellectuelle et de concurrence déloyale peuvent s'éteindre lorsqu'elles sont mises en oeuvre tardivement. Cela étant, la péremption pour avoir tardé à agir n'est retenue qu'à titre exceptionnel. L'ayant droit doit avoir toléré la violation de ses droits pendant une longue période sans s'y opposer, et l'auteur de la violation doit avoir acquis dans l'intervalle une position digne de protection (ATF 117 II 575 consid. 4a p. 577; arrêts 4C.371/2005 du 2 mars 2006 consid. 3.1; 4A_91/2020 du 17 juillet 2020 consid. 4.1; voir aussi KILLIAS/DE SELLIERS, in Commentaire romand, op. cit., n os 14 ss ad art. 52 LPM). Le simple fait de tarder avant de faire valoir son droit ne constitue pas à lui seul un abus de droit (ATF 131 III 439 consid. 5.1 p. 443).  
En l'espèce, l'état de fait de l'arrêt attaqué ne saurait alimenter une telle objection: on ne discerne tout bonnement pas quelle forme d'abus pourrait être reprochée à l'intéressée, respectivement en quoi les conditions strictes posées par la jurisprudence seraient réalisées. La défenderesse/recourante se trouve bien en peine d'établir un tel abus. Elle a d'ailleurs entrepris des démarches pour enregistrer une nouvelle marque prêtant à confusion avant même d'avoir répondu (le 8 février 2019) au courrier comminatoire de la demanderesse (daté du 11 décembre 2018) concernant l'utilisation du signe "La Cuvée des Reines", et elle a fait mine d'obtempérer en cessant d'utiliser celle-ci. 
 
4.5.  
 
4.5.1. Enfin, la défenderesse se prévaut du fait que plusieurs marques antérieures sont affublées du vocable "Reine" pour des produits vinicoles (REINE ROCHE, enregistrée en 1984 et radiée en 2014; REINE BLANCHE, enregistrée en 1990; LA VIGNE DE LA REINE, enregistrée en 1991; REINE D'OR, enregistrée en 1992; REINE MARGOT, enregistrée en 1993; LA REINE DE PARIS, enregistrée en 1998; LA REINE DES ROSES, enregistrée en 2007 et radiée en 2016; DAME-REINE, enregistrée en 2010), respectivement pour une bière (REINE, assortie d'une vache sur l'étiquette, marque mixte enregistrée en 2005). Elle croit ainsi démontrer que ce mot n'aurait aucun trait distinctif et relèverait du domaine public. En outre, l'antériorité de ces marques devrait priver de toute protection les marques de la demanderesse.  
 
4.5.2. La recourante soulève cet argument pour la première fois devant l'autorité de céans. Elle prétend pouvoir invoquer librement des faits qu'elle considère comme notoires et oublie l'exigence de l'épuisement des griefs, dont l'irrespect dispense la cour de céans d'entrer en matière (ATF 146 III 203 consid. 3.3.4; arrêt 4A_148/2022 du 21 décembre 2022 consid. 4.1 et les réf.; GRÉGORY BOVEY, in Commentaire de la LTF, 3e éd. 2022, nos 15 et 16 ad art. 75 LTF). Au demeurant, ce type d'argument aurait sa place dans le cadre d'une action reconventionnelle en nullité des marques de la demanderesse, étant entendu que l'argument du domaine public paralyserait aussi la marque de la défenderesse elle-même. De toute façon, le moyen est voué à l'échec. La plupart de ces marques, qui utilisent le terme "Reine" au singulier, ne se réfèrent pas aux vaches d'Hérens (REINE MARGOT; LA REINE DE PARIS; LA REINE DES ROSES), ou du moins la correspondance n'est-elle pas manifeste. L'une d'elles fait aussi référence aux vaches d'Hérens (marque mixte), mais elle concerne un autre produit, soit une bière. De toute façon, il est acquis que le mot "Reine (s) ", tel qu'utilisé par la demanderesse pour du vin, n'appartient pas au domaine public et revêt une fonction distinctive (consid. 4.2 supra), ce que le présent argument, supposé recevable, ne saurait remettre en cause. Au surplus, la recourante ne prétend pas qu'un autre motif absolu de protection serait réalisé (art. 2 LPM). Et il ne s'agit pas de faire le procès des marques de la demanderesse - qui devrait être intenté par les titulaires de marques antérieures encore en vigueur (art. 3 al. 3 LPM) -, mais bien de déterminer si la marque ultérieure de la défenderesse peut ou non bénéficier de la protection. Les juges valaisans ont répondu à cette question par la négative, sans aucunement enfreindre les préceptes du droit fédéral.  
 
5.  
En définitive, le recours se révèle dépourvu de fondement et doit être rejeté dans la mesure où il est recevable, aux frais de son auteur (art. 66 al. 1 LTF), qui versera une indemnité à son adversaire partie pour ses frais d'avocat (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, fixés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour civile II du Tribunal cantonal valaisan ainsi qu'à l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle. 
 
 
Lausanne, le 5 juin 2023 
 
Au nom de la I re Cour de droit civil  
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Juge présidant : Kiss 
 
La Greffière : Monti