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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
4A_499/2019  
 
 
Arrêt du 25 mars 2020  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Kiss, présidente, Hohl et May Canellas. 
Greffier: M. O. Carruzzo. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Peter Pirkl, 
intervenant et recourant, 
 
contre  
 
1. B.________ SA, 
2. C.________ SA, 
3. D.________ SA, 
toutes trois représentées par leur commissaire, Me Christophe Zellweger, 
défenderesses et intimées. 
4. E.________, 
représenté par Me Jamil Soussi, 
intervenant et intimé. 
5. Office du registre du commerce du canton de Genève, 
intimé. 
 
Objet 
carences dans l'organisation de la société, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 30 août 2019 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (C/5973/2018, ACJC/1254/2019). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. E.________ et A.________ sont tous deux actionnaires à raison de 50 % de la société B.________ SA. Celle-ci détient la totalité des actions de C.________ SA, ayant notamment pour but la gestion de tout patrimoine, les investissements et la prise de participations dans toutes opérations financières, et l'entier du capital-actions de D.________ SA, dont le but consiste notamment dans les conseils, les investissements, la prise de participations et la gestion dans tous types de sociétés. E.________ et A.________ ont respectivement et simultanément assumé les fonctions d'administrateur président et d'administrateur des trois sociétés précitées, avec signature collective à deux. Lors des assemblées générales ordinaires desdites sociétés portant sur l'exercice 2015, qui se sont tenues le 8 décembre 2017, les mandats des deux administrateurs n'ont pas été reconduits. L'organe suprême des trois sociétés n'a pas été en mesure d'élire d'autres administrateurs. Faute de majorité, il n'a pas pu approuver les comptes révisés de l'exercice 2015 ni reconduire le mandat de l'organe de révision.  
En raison d'un conflit majeur et persistant opposant les deux actionnaires de la holding, les trois sociétés ne parviennent plus à prendre la moindre décision. 
 
A.b. Les trois sociétés n'ont plus d'activité depuis la fin de l'année 2015. Lors d'une séance du conseil d'administration qui s'est tenue le 19 janvier 2016, la société C.________ SA a décidé de résilier les baux portant sur ses locaux commerciaux et de licencier les employés F.________ et G.________ afin de ne plus devoir assumer de charges courantes, hormis les salaires de E.________ et de A.________.  
 
A.c.   
 
A.c.a. A teneur du bilan révisé au 31 décembre 2015, B.________ SA disposait d'actifs évalués à 860'522 fr. 94, comprenant des liquidités (193'895 fr. 54), des participations d'un montant de 400'000 fr. dans les deux sociétés du groupe (provisionnées à hauteur de 21'100 fr. pour les pertes sur participations) et des prêts aux sociétés précitées (287'726 fr. 95). Les fonds étrangers se montaient à 9'100 fr. 80 et les fonds propres s'élevaient à 851'422 fr. 15.  
Un extrait du compte ouvert au nom de B.________ SA auprès d'un établissement bancaire suisse affichait, au 3 mai 2018, un solde positif de 473'801 fr. 
 
A.c.b. Selon le bilan révisé au 31 décembre 2015 et l'annexe aux comptes, les actifs de C.________ SA s'élevaient à 1'281'276 fr. 07. Le bilan mentionnait des actifs circulants d'un montant de 625'605 fr. 85 - comprenant notamment des liquidités, des créances résultant de la prestation de services et des créances à l'égard des autres sociétés du groupe -, ainsi que des participations comptabilisées à hauteur de 655'670 fr. 22 (participation au capital-actions de H.________ et obligations convertibles émises par ladite société). Les passifs comportaient des capitaux étrangers arrêtés à 393'826 fr. 56 et des fonds propres de 887'449 fr. 51.  
Au 2 mai 2018, la participation dans la société H.________ Ltd était évaluée à 477'303 fr. 
Les extraits de comptes bancaires ouverts au nom de C.________ SA auprès d'une banque suisse laissaient apparaître, au 3 mai 2018, un solde positif d'environ 2'550'000 fr. 
 
A.c.c. Selon le bilan établi au 31 décembre 2015, D.________ SA disposait d'actifs pour un total de 79'001 fr. 54, dont 78'975 fr. 94 d'avoirs bancaires. Le bilan mentionnait des fonds étrangers s'élevant à 101 fr. 50 et des fonds propres se montant à 78'900 fr. 04.  
Au 3 mai 2018, le compte bancaire ouvert au nom de D.________ SA affichait un solde positif de 76'366 fr. 94. 
 
B.  
 
B.a. Le 9 mars 2018, l'Office du registre du commerce du canton de Genève a informé le Tribunal de première instance du fait que les trois sociétés précitées présentaient des carences dans l'organisation impérativement prescrite par la loi.  
En date du 11 avril 2018, A.________ a formé une requête d'intervention dans les trois procédures pendantes devant l'autorité genevoise. Il a requis la jonction des causes et a conclu à ce que le tribunal ordonne la vente aux enchères des actions de B.________ SA, ladite vente devant avoir lieu uniquement en présence des actionnaires, chacun d'eux pouvant formuler, sur plusieurs tours, une offre libre en vue d'acquérir la totalité des actions de l'autre. 
E.________ a déposé à son tour une requête d'intervention le 11 mai 2018. Il a conclu principalement à la dissolution des trois sociétés et à la désignation d'un liquidateur. Subsidiairement, il a invité le tribunal à commettre un expert en vue d'établir la valeur intrinsèque des trois sociétés afin de fixer sur cette base, un prix de réserve, dans l'hypothèse où le tribunal ordonnerait la vente aux enchères des actions. 
Par ordonnance du 1 er juin 2018, le Tribunal a nommé l'avocat Christophe Zellweger en qualité de commissaire de B.________ SA, de C.________ SA et de D.________ SA en vue de les représenter dans le cadre des trois procédures pendantes devant l'autorité genevoise.  
Dans leurs déterminations du 12 juillet 2018, les trois sociétés précitées ont indiqué qu'une dissolution était la première mesure à envisager compte tenu de leur absence totale d'activité depuis trois ans et de la composition très liquide de leurs actifs. 
Par ordonnance du 29 août 2018, le Tribunal a ordonné la jonction des causes et a déclaré les requêtes d'intervention recevables. 
Lors de l'audience du 22 novembre 2018, le commissaire a préconisé la dissolution des trois sociétés. Selon lui, la liquidation devrait être confiée à un liquidateur plutôt qu'à l'office des faillites. E.________ a soutenu cette démarche. En revanche, A.________ a indiqué que la vente aux enchères des actions était une mesure moins incisive permettant aux sociétés de poursuivre leurs activités. Il a précisé qu'un séquestre pénal portant sur les avoirs en comptes et placements de C.________ SA déployait toujours ses effets. 
Le commissaire a déclaré que si l'autorité judiciaire venait à ordonner la vente aux enchères des actions, ce qui n'était à son sens pas la meilleure solution, il faudrait alors procéder à l'évaluation de la valeur des sociétés et fixer un prix de réserve, afin d'éviter que, faute de moyens de l'un des enchérisseurs, l'autre ne puisse acquérir les actions à un prix nettement inférieur à leur valeur réelle. 
En cours de procédure, E.________ a indiqué qu'il avait peu de revenus, dès lors qu'il ne touchait plus de salaire. Dans l'hypothèse où une vente aux enchères sans fixation d'un prix de réserve serait ordonnée, il ne serait pas mis sur un pied d'égalité avec A.________, dont le but consistait, selon lui, à racheter la société B.________ SA " pour une bouchée de pain ". A.________ a rétorqué qu'il ne s'opposait pas à la fixation d'un prix de réserve, à condition que les frais d'expertise soient supportés par les sociétés concernées. 
Par jugement du 7 janvier 2019, le Tribunal a ordonné la vente aux enchères des actions de B.________ SA. S'agissant des modalités de la vente aux enchères, il a décidé que celle-ci aurait lieu par le ministère d'un notaire ou d'un huissier judiciaire, et qu'elle serait privée, avec des offres libres sur plusieurs tours, chaque actionnaire pouvant formuler une offre en vue d'acquérir la totalité des actions de l'autre. En substance, le Tribunal a considéré que le conflit opposant les deux actionnaires et administrateurs empêchait la gestion des trois sociétés. La dissolution de celles-ci constituait une mesure disproportionnée car leurs situations économiques respectives étaient bonnes et la cessation de leurs activités semblait résulter du conflit entre les actionnaires. Une telle mesure était contraire aux intérêts des créanciers sociaux dès lors que la réalisation forcée des actifs pouvait conduire à des produits inférieurs à la valeur vénale. Elle apparaissait en outre inappropriée compte tenu du séquestre pénal portant sur les avoirs de C.________ SA. La solution la moins incisive permettant de mettre fin au blocage consistait ainsi à transférer toutes les actions de la holding à l'un des actionnaires. 
 
B.b. Statuant par arrêt du 30 août 2019, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a admis l'appel interjeté par E.________ et a réformé le jugement attaqué, en ordonnant la dissolution et la liquidation des trois sociétés et en désignant l'avocat Christophe Zellweger en qualité de liquidateur  ad hoc desdites sociétés.  
 
C.   
Le 3 octobre 2019, A.________ a formé un recours en matière civile au Tribunal fédéral. En substance, il conclut, principalement, à la réforme de l'arrêt attaqué, en ce sens que la vente aux enchères privée des actions de B.________ SA, avec fixation d'un prix de réserve, est ordonnée. Subsidiairement, il requiert l'annulation de l'arrêt entrepris et le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Dans leurs réponses respectives, E.________ (ci-après: l'intimé) ainsi que B.________ SA, C.________ SA et D.________ SA (ci-après: les sociétés intimées) ont conclu au rejet du recours. 
L'Office du registre du commerce du canton de Genève a indiqué qu'il n'entendait pas se prononcer sur la nature des mesures à prendre et qu'il s'en rapportait à l'appréciation de la cour cantonale concernant le choix de celles-ci. 
L'autorité précédente, qui a produit le dossier de la cause, s'est référée aux considérants de son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par un tribunal supérieur statuant sur recours en dernière instance cantonale (art. 75 LTF).  
 
1.2. Selon l'art. 76 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière civile quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a) et est particulièrement touché par la décision attaquée et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. b).  
 
1.2.1. Le présent litige porte sur la décision de dissoudre trois sociétés anonymes en raison de carences dans leur organisation (art. 731b CO). Dans un tel cas, la légitimation passive appartient à la société qui présente des carences organisationnelles (ATF 138 III 213 consid. 2.1; arrêt 4A_215/2015 du 2 octobre 2015 consid. 3.3).  
 
1.2.2. Aux termes de l'art. 74 CPC, qui règle l'intervention accessoire (  Nebenintervention), quiconque rend vraisemblable un intérêt juridique à ce qu'un litige pendant soit jugé en faveur de l'une des parties peut en tout temps intervenir à titre accessoire et présenter au tribunal une requête d'intervention à cet effet. Par définition, l'intervenant accessoire ne fait pas valoir des prétentions propres, mais soutient les conclusions d'une des parties principales, qu'il a intérêt à voir triompher. L'intervenant peut ainsi accomplir tous les actes de procédure compatibles avec l'état du procès qui sont utiles à la partie principale dont il soutient la cause; il peut notamment faire valoir tous les moyens d'attaque et de défense ainsi qu'interjeter recours (art. 76 al. 1 CPC). Les actes de l'intervenant ne sont cependant pas considérés s'ils contredisent les déterminations de la partie principale (art. 76 al. 2 CPC).  
Dans un arrêt de principe, le Tribunal fédéral a estimé que, lorsqu'en vertu du droit matériel, un jugement produit directement des effets non seulement à l'endroit des parties principales au procès mais également à l'égard de l'intervenant accessoire, sans que de tels effets ne puissent être évités ou adoucis par l'art. 77 CPC, l'intervenant accessoire peut agir contrairement à la volonté de la partie dont il soutient la cause (ATF 142 III 629 consid. 2.3.6). Dans une telle situation, l'art. 76 al. 2 CPC ne trouve pas application. Il s'agit d'une forme particulière d'intervention accessoire, qualifiée d'intervention accessoire indépendante (  streitgenössische Nebenintervention). Les mesures que le juge peut prononcer sur la base de l'art. 731b CO, en particulier la vente aux enchères d'actions ou la dissolution de la société, peuvent affecter directement les droits de tiers. Aussi, lorsqu'un actionnaire participe à titre accessoire à une procédure pour carences dans l'organisation de la société, il peut, en tant qu'intervenant accessoire indépendant, se mettre en contradiction avec les actes de procédure accomplis par la partie principale qu'il soutient (ATF 142 III 629 consid. 2.3.7).  
 
1.2.3. En l'espèce, le recourant a participé à la procédure cantonale en qualité d'intervenant. Contrairement aux sociétés intimées, il a conclu, devant la cour cantonale, au rejet de l'appel, ce qu'il était en droit de faire, en tant qu'intervenant accessoire indépendant. Il a dès lors qualité pour recourir sous l'angle de l'art. 76 LTF.  
 
1.3. Le recours en matière civile n'est recevable que si la valeur litigieuse s'élève au moins à 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF). Lorsque le litige porte sur la dissolution d'une société en raison de carences dans son organisation, la pratique tend à estimer la valeur litigieuse d'après le capital nominal de la société (arrêts 4A_630/2011 du 7 mars 2012 consid. 1 non publié in ATF 138 III 166; 4A_142/2016 du 25 novembre 2016 consid. 1.2.2; 4A_215/2015 du 2 octobre 2015 consid. 1.1; 4A_315/2010 du 19 août 2010 consid. 2; MARCEL SCHÖNBÄCHLER, Die Organisationsklage nach Art. 731b OR, 2013, p. 412 ss). En l'occurrence, la valeur litigieuse atteint le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF).  
Pour le surplus, les exigences de forme (art. 42 LTF) et de délai (art. 100 al. 1 LTF) sont respectées, de sorte que le recours est en principe recevable. 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). "Manifestement inexactes" signifie ici "arbitraires" (ATF 140 III 115 consid. 2 p. 117; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi les conditions précitées seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18 et les références). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16, précité, consid. 1.3.1 p. 18).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral applique d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal. Cela n'implique pas qu'il examine toutes les questions juridiques qui pourraient se poser, à l'instar d'un juge de première instance. Eu égard à l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, l'autorité de céans ne traite que les questions qui sont soulevées devant elle par les parties, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (ATF 140 III 115, précité, consid. 2 p. 116; 140 III 86 consid. 2).  
 
3.  
 
3.1.  
 
3.1.1. L'art. 731b al. 1 CO prévoit que lorsqu'une société anonyme ne possède pas tous les organes prescrits ou que l'un de ces organes n'est pas composé conformément aux prescriptions, un actionnaire, un créancier ou le préposé au registre du commerce peut requérir le juge de prendre les mesures nécessaires. Le juge peut notamment fixer un délai à la société pour rétablir la situation légale, sous menace de dissolution, ou nommer l'organe qui fait défaut, ou désigner un commissaire, ou encore prononcer la dissolution de la société et ordonner sa liquidation selon les dispositions applicables à la faillite.  
 
3.1.2. Selon la jurisprudence, il y a carence dans l'organisation de la société au sens de l'art. 731b al. 1 CO notamment lorsqu'un blocage persistant au sein de l'actionnariat empêche l'élection d'un organe (ATF 140 III 349 consid. 2.1; 138 III 294 consid. 3.1.5 p. 299; arrêts 4A_717/2014 du 29 juin 2015 consid. 2.2; 4A_522/2011 du 13 janvier 2012 consid. 2.1; 4A_630/2011, précité, consid. 2.3 non publié in ATF 138 III 166; cf. aussi PETER/CAVADINI, in Commentaire romand, Code des obligations, vol. II, 2 e éd. 2017, n° 3b ad art. 731b CO; CHRISTOPH B. BÜHLER, Organisationsmängel: Typische Anwendungsfälle von Art. 731b OR und gesondert geregelte Konstellationen, RSJ 2018 p. 444; L. MÜLLER/P. MÜLLER, Organisationsmängel in der Praxis, PJA 2016 p. 49 s.; CHENAUX/HÄNNI, Carence dans l'organisation de la société: étude des aspects matériels et procéduraux de l'art. 731b CO, JdT 2013 II p. 101 s.; DANIEL S. WEBER, Mängel in der Organisation von Gesellschaften - Art. 731b OR - Alter Wein in neuen Schläuchen ?, in Auswirkungen von Krisen auf Wirtschaft, Recht und Gesellschaft, 2009, p. 355).  
 
3.1.3. L'art. 731b al. 1 CO n'énumère pas limitativement les mesures à envisager par le juge; par le mot « notamment », il y est au contraire souligné que des mesures autres que celles textuellement prévues peuvent être aussi adoptées. Lorsque le fonctionnement d'une société formée de deux actionnaires à égalité de suffrages se trouve bloqué par un conflit persistant entre eux, la jurisprudence a reconnu qu'il est admissible d'envisager une vente aux enchères à l'issue de laquelle l'un des actionnaires acquerra les actions de l'autre, ce qui mettra fin au blocage (ATF 138 III 294, précité, consid. 3.3.3 p. 303; arrêts 4A_51/2017 du 30 mai 2017 consid. 5; 4A_147/2015 du 15 juillet 2015 consid. 2.1.3; cf. aussi VISCHER/ZYSSET, BGer 4A_51/2017: Der bessere oder der weniger schlechte Aktionär?, PJA 2017 p. 1550 s.; TRAUTMANN/VON DER CRONE, Organisationsmängel und Pattsituation in der Aktiengesellschaft, RSDA 2012 p. 473; CHENAUX/HÄNNI, op. cit., p. 116; LUKAS BERGER, Bundesgerichtsentscheid zur Behebung von Organisationsmängeln durch das Gericht - Auflösung der Gesellschaft als  ultima ratio, REPRAX 2012 p. 46; HANS CASPAR VON DER CRONE, Lösung von Pattsituationen bei Zweimanngesellschaften, RSJ 1993 p. 42 ss).  
Le juge dispose d'un pouvoir d'appréciation, qui lui permet de prendre la mesure adéquate en fonction des circonstances concrètes. A cet égard, il doit aussi prendre en considération les intérêts de tiers qui ne sont pas parties à la procédure, tels les créanciers de la société, les employés ou les actionnaires (ATF 138 III 294, précité, consid. 3.1.3; 138 III 407 consid. 2.3; arrêts 4A_51/2017, précité, consid. 5; 4A_630/2011, précité, consid. 3.5). Le juge n'est pas lié par les conclusions des parties et peut ordonner une autre mesure que celle requise (ATF 138 III 294, précité, consid. 3.1.3; 138 III 407 consid. 2.3; arrêt 4A_51/2017, précité, consid. 5). 
La liberté du juge n'est toutefois pas illimitée, en ce sens qu'il doit respecter le principe de la proportionnalité. La dissolution prévue au chiffre 3 de l'art. 731b al. 1 CO constitue l'  ultima ratio; elle ne peut être prononcée que si des mesures moins rigoureuses ne sont pas aptes à aboutir (ATF 138 III 294, précité, consid. 3.1.4 p. 298; 136 III 369 consid. 11.4.1; arrêt 4A_51/2017, précité, consid. 5; cf. aussi WATTER/PAMER-WIESER, in Basler Kommentar, Obligationenrecht II, 5 e éd. 2016, n° 25 ad art. 731b CO; CAROLINE PICTET, Principe de la proportionnalité: le rôle du juge dans l'interprétation de cette notion à l'art. 731b CO, in Le législateur, son juge et la mise en oeuvre du droit, 2014, p. 459; PETER V. KUNZ, Rechtsvergleichung/Amerikanisierungen bei Rechtsfolgeermessen aktienrechtlicher Klagen: Art. 736 Ziff. 4 OR sowie Art. 731b OR, in Festschrift für Jolanta Kren Kostkiewicz, 2018, p. 806 s.; BÜRGE/GUT, Richterliche Behebung von Organisationsmängeln der AG und der GmbH, Normgehalt und verfahrensrechtliche Aspekte von Art. 731b OR, RSJ 2009 p. 159 s.).  
 
3.2. Le Tribunal fédéral ne contrôle qu'avec retenue une décision de dernière instance cantonale prise dans l'exercice du pouvoir d'appréciation. Le tribunal intervient lorsque le prononcé s'écarte sans raison des règles établies en la matière par la doctrine et la jurisprudence, ou lorsqu'il repose sur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle, ou encore lorsqu'il méconnaît des éléments qui auraient absolument dû être pris en considération; en outre, le Tribunal fédéral redresse les décisions d'appréciation qui aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 143 III 261 consid. 4.2.5 p. 269; 138 III 252 consid. 2.1 p. 254; 137 III 303 consid. 2.1.1 p. 305).  
 
4.  
 
4.1. Le recourant ne remet pas en cause l'existence d'une carence dans l'organisation des sociétés intimées justifiant l'intervention du juge. Dénonçant une violation de l'art. 731b al. 1 CO, il reproche cependant à la cour cantonale de ne pas avoir respecté le principe de la proportionnalité en prononçant la dissolution des sociétés intimées au lieu d'ordonner la vente aux enchères des actions de la holding.  
 
4.2. Dans l'arrêt attaqué, la cour cantonale a exposé les raisons qui, selon elle, militent en faveur de la dissolution des sociétés intimées. Elle a relevé que si cette mesure est certes la plus incisive, elle constitue cependant la solution la plus à même d'assurer l'égalité entre les actionnaires. A cet égard, les juges précédents ont en effet estimé qu'il existe un risque, souligné par le commissaire, qu'une vente aux enchères avec des offres libres permette à l'actionnaire qui dispose des ressources financières les plus importantes d'acquérir les actions à un prix nettement inférieur à leur valeur réelle. En cas de liquidation, la répartition des actifs assurerait en revanche une répartition équitable entre les actionnaires. Les juges cantonaux ont aussi examiné la possibilité d'une vente aux enchères avec fixation d'un prix de réserve. Sur ce point, ils ont évoqué le risque qu'aucun associé ne puisse s'acquitter du prix de réserve eu égard à l'importance des actifs sociaux et que la liquidation des sociétés doive  in fine être ordonnée. Eu égard aux circonstances de l'espèce, la cour cantonale a jugé cette solution contraire au but de l'art. 731b al. 1 CO qui consiste à résoudre le plus rapidement possible le blocage auquel sont confrontées les sociétés. Elle a noté que la dissolution des sociétés ne lésait ni les intérêts des actionnaires ni ceux des autres intéressés (créanciers sociaux, employés, etc.). Par ailleurs, le séquestre pénal portant sur les avoirs de C.________ SA n'avait aucune incidence sur le choix de la mesure (vente des actions ou liquidation), puisqu'il créait de toute manière une situation de blocage généralisée. Les juges cantonaux ont considéré que la dissolution des sociétés intimées n'était pas disproportionnée, dès lors que celles-ci n'exerçaient plus la moindre activité depuis 2015 - quand bien même cette situation semblait davantage résulter du conflit entre actionnaires que d'une décision commune - et qu'elles avaient déjà liquidé leurs principaux actifs et engrangé d'importantes liquidités. Enfin, la cour cantonale a relevé que la liquidation était la solution préconisée par le commissaire, lequel avait une connaissance approfondie de la situation et ne défendait pas les intérêts de l'un ou l'autre des actionnaires.  
 
4.3. En l'occurrence, il n'apparaît pas, sur le vu de ce qui précède, que la cour cantonale ait fondé sa décision de dissoudre les sociétés intimées sur des circonstances qui ne revêtaient aucune importance, ni qu'elle ait omis de prendre en considération des éléments de fait déterminants.  
A cet égard, l'affirmation péremptoire du recourant, selon laquelle la cour cantonale ne pouvait ordonner la liquidation des sociétés intimées qu'en cas d'échec de la vente aux enchères privée avec un prix de réserve, est inexacte. Si les juges cantonaux ont certes reconnu qu'une telle vente aux enchères représentait une mesure moins incisive, ils ont cependant considéré que celle-ci ne serait pas nécessairement susceptible de remédier au blocage de la situation, dès lors qu'il existait un risque qu'aucun actionnaire ne puisse s'acquitter du prix de réserve vu l'importance des actifs sociaux. La cour cantonale en a déduit qu'une telle solution irait en l'occurrence à l'encontre du but poursuivi par l'art. 731b al. 1 CO commandant de régler le plus rapidement possible la situation de blocage. En d'autres termes, elle a estimé qu'une vente aux enchères avec un prix de réserve n'était pas nécessairement apte à atteindre le but visé. Eu égard à la valeur élevée des actifs sociaux et compte tenu du large pouvoir d'appréciation reconnu à la cour cantonale, la solution retenue dans l'arrêt attaqué n'aboutit pas à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante. 
Le Tribunal fédéral a du reste souligné que la procédure prévue par l'art. 731b al. 1 CO doit déboucher sur une solution rapide du blocage; elle n'est pas destinée à résoudre le conflit des actionnaires ni à élucider leurs fautes, responsabilités ou mérites respectifs. Elle est moins encore destinée à dédommager ou à récompenser l'un des actionnaires au détriment de l'autre (arrêt 4A_51/2017, précité, consid. 6). En tout état de cause, l'on ne saurait déduire de l'art. 731b al. 1 CO la possibilité pour un actionnaire de revendiquer un droit d'acquérir les parts sociales d'un autre actionnaire. En l'espèce, force est de relever que la situation de blocage persiste déjà depuis plusieurs années et que la solution de la vente aux enchères privée avec prix de réserve, préconisée par le recourant, nécessiterait de mettre en oeuvre une expertise afin de déterminer ledit prix et prolongerait encore, pour une durée non négligeable, la situation de carence organisationnelle. Les sociétés intimées ne possèdent plus de locaux, n'exercent plus la moindre activité depuis 2015 et se trouvent, selon le commissaire, dans un état de liquidation de fait avancé, ce qui plaide, selon plusieurs auteurs, en faveur de la dissolution (PIERRE-ALAIN RECORDON, Les premiers pas de l'article 731b CO, in RSDA 2010 p. 4; CHENAUX/HÄNNI, op. cit., p. 116). En outre, depuis le début de la procédure et tout au long de celle-ci, les sociétés intimées, par le truchement du commissaire chargé de les représenter, se sont montrées favorables à une dissolution, en relevant que la vente aux enchères n'était pas la meilleure solution. Aussi, le choix opéré par la cour cantonale, au terme d'une pesée soigneuse des intérêts opposés des différentes personnes concernées, échappe-t-il à la critique. La mesure retenue permet en outre d'assurer l'égalité de traitement des actionnaires. Sur le vu de ce qui précède, la cour cantonale n'a pas enfreint l'art. 731b CO en considérant, dans les circonstances d'espèce, qu'il y avait lieu de prononcer la dissolution des sociétés intimées. Il n'y a dès lors pas matière à intervention du Tribunal fédéral. 
 
5.   
Le recourant dénonce encore la violation de l'art. 736 ch. 4 CO. A l'en croire, la dissolution des sociétés intimées ordonnée par la cour cantonale serait contraire à cette disposition. 
 
5.1. Lorsqu'un actionnaire requiert la dissolution de la société, en se fondant sur l'art. 731b al. 1 ch. 3 CO, le juge doit veiller, à ce que les strictes conditions d'application de l'art. 736 ch. 4 CO ne soient pas contournées. En cas de blocage insurmontable résultant d'un conflit entre les actionnaires, une demande de dissolution fondée sur l'art. 731b al. 1 CO ne saurait en effet servir d'instrument à l'un d'entre eux en vue d'obtenir la dissolution de la société sans que les conditions de l'action de l'art. 736 ch. 4 CO ne soient également réunies (ATF 138 III 294, précité, consid. 3.1.6; PETER/CAVADINI-BIRCHLER, Article 731b CO: Un état des lieux, in Mélanges à la mémoire de Bernard Corboz, 2019, p. 210; RITA TRIGO TRINDADE, Droit de la SA: action en cas de carences dans l'organisation: une institution prend forme, in Regards de marathoniens sur le droit suisse, mélanges publiés à l'occasion du 20e "Marathon du droit", 2015, p. 233).  
 
5.2. La dissolution pour justes motifs est une mesure subsidiaire; elle ne peut être ordonnée qu'en respectant le principe de la proportionnalité, c'est-à-dire en procédant à une pesée des intérêts en présence (ATF 136 III 278 consid. 2.2.2; 105 II 114 consid. 7; arrêt 4A_164/2011 du 10 novembre 2011 consid. 3.2). Elle ne sera pas prononcée s'il apparaît, à la suite d'un examen concret en fonction des circonstances du cas d'espèce, que l'actionnaire minoritaire peut défendre ses intérêts légitimes par une voie moins lourde de conséquences, par exemple en demandant l'annulation d'une décision de l'assemblée générale ou en s'adressant au juge pour obtenir des renseignements (ATF 136 III 278, précité, consid. 2.2.2; arrêt 4A_164/2011, précité, consid. 3.2).  
Parmi les circonstances qui peuvent conduire typiquement à une dissolution pour justes motifs, la jurisprudence envisage notamment le blocage des organes d'une société (ATF 136 III 278, précité, consid. 2.2.2; arrêt 4A_164/2011, précité, consid. 3.2). 
 
5.3. Considéré à la lumière de ce qui précède, le grief du recourant ne résiste pas à l'examen. On relèvera tout d'abord que l'on ne saurait reprocher à l'intimé d'avoir cherché à contourner l'art. 736 ch. 4 CO dès lors que ce n'est pas lui qui a initié la procédure fondée sur l'art. 731b CO, le tribunal ayant été saisi par l'Office du registre du commerce du canton de Genève. Ensuite, quoi qu'en dise le recourant, le conflit insurmontable opposant les deux actionnaires qui a conduit, il y a plusieurs années, à une paralysie complète dans la gestion des sociétés intimées, qui persiste depuis lors, était susceptible de justifier une dissolution de celles-ci pour juste motif. Partant, la cour cantonale n'a nullement violé le droit fédéral.  
 
6.   
Sur le vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours. Le recourant supportera les frais de la procédure de recours (art. 66 al. 1 LTF) et versera des dépens aux sociétés intimées, créancières solidaires (art. 68 al. 1, 2 et 4 LTF; arrêts 4A_235/2013 du 27 mai 2014 consid. 3, non publié in ATF 140 III 349; 4A_527/2011 du 5 mars 2012 consid. 3 non publié in ATF 138 III 213). 
L'art. 68 LTF ne prévoit pas l'octroi de dépens à un intervenant accessoire. En vertu du renvoi de l'art. 71 LTF, il faut donc appliquer l'art. 69 al. 2 PCF, dont il résulte que la question est laissée à la libre appréciation du Tribunal fédéral (arrêt 4A_679/2012 du 1er mai 2013 consid. 3). Étant donné que le sort du procès fondé sur l'art. 731b CO avait une incidence directe sur ses droits, E.________, en sa qualité de participant accessoire indépendant, a aussi défendu ses propres intérêts en concluant au rejet du recours. Dans ces conditions, il peut prétendre à une indemnité à titre de dépens. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, fixés à 15'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.   
Le recourant versera une indemnité de 17'000 fr., à titre de dépens, aux trois sociétés intimées créancières solidaires ainsi qu'une indemnité de 17'000 fr., au même titre, à l'intervenant et intimé E.________. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 25 mars 2020 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Kiss 
 
Le Greffier : O. Carruzzo