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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_195/2023  
 
 
Arrêt du 27 septembre 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Pont Veuthey, Juge suppléante. 
Greffière : Mme Rouiller. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représentée par Me Olivier Peter, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Instance d'indemnisation LAVI de la République et canton de Genève, p.a. Direction générale de l'action sociale, rue de Lyon 89-91, 1203 Genève. 
 
Objet 
Indemnisation LAVI, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 7 mars 2023 (ATA/222/2023 - A/4255/2022-LAVI). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 17 mars 2021, le Tribunal correctionnel de la République et canton de Genève a reconnu B.________ coupable de contrainte sexuelle et lésions corporelles simples. Celui-ci avait, en février 2020, agressé A.________, la faisant tomber et la maintenant au sol, l'empêchant de bouger et de respirer, et lui caressant le sexe. Le Tribunal correctionnel a alloué à A.________ une somme de 14'204 fr. 50 à titre de réparation du dommage matériel, correspondant à 13'000 fr. de perte de gain et à 1'204 fr. 50 de frais médicaux; il lui a aussi octroyé 8'000 fr. à titre de réparation du tort moral. 
 
B.  
Le 15 juillet 2021, A.________ a déposé une requête auprès de l'instance genevoise d'indemnisation LAVI (ci-après: instance LAVI), concluant à l'allocation de 14'204 fr. 50 à titre d'indemnisation du dommage matériel et de 8'000 fr. à titre de réparation du tort moral. Par décision du 10 novembre 2022, l'instance LAVI lui a alloué 2'000 fr. à titre de réparation du tort moral et a rejeté sa demande d'indemnisation relative au préjudice matériel. 
Par arrêt du 7 mars 2023, la Chambre administrative de la Cour de Justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice ou Cour cantonale) a partiellement admis le recours formé contre la décision du 10 novembre 2022. Elle a ainsi annulé cette décision en ce qu'elle fixait l'indemnité pour tort moral à 2'000 fr. et a fixé ladite indemnité à 3'000 fr., en raison notamment du fait que l'intéressée a cru qu'elle allait mourir, des conséquences psychiques durables qui ont découlé de l'agression et de l'impact de celle-ci sur l'exercice de son activité professionnelle. Au surplus, la Cour de justice a confirmé la décision de l'instance LAVI s'agissant de l'indemnité pour préjudice matériel. A.________ n'avait pas attesté de son incapacité de travail pour la période du 6 juin au 2 novembre 2020; en tout état, son incapacité d'exercer son activité de travailleuse du sexe à Genève n'était pas due aux conséquences de son agression, mais à son déménagement à Madrid. 
 
C.  
Par acte du 27 avril 2023, A.________ forme un recours en matière de droit public contre l'arrêt de la Cour de justice. Elle conclut à titre principal à l'annulation de celui-ci, à ce qu'il lui soit octroyé 13'000 fr. à titre d'indemnité pour perte de gain et 8'000 fr. à titre d'indemnité pour tort moral, et à ce qu'il soit constaté que son droit à une indemnisation adéquate pour les femmes victimes de violence a été violé, tout comme l'obligation de la Suisse de s'abstenir de toute pratique discriminatoire à l'égard des femmes. Subsidiairement, elle demande le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour qu'une nouvelle décision soit rendue dans le sens des considérants. Elle sollicite également l'octroi de l'assistance judiciaire. 
Invitée à se déterminer, l'instance LAVI se réfère aux considérants de sa décision. La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. L'Office fédéral de la justice s'abstient de prendre position. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions mentionnées à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. La recourante a un intérêt à obtenir l'annulation ou la modification de l'arrêt attaqué qui confirme le refus de lui accorder l'indemnisation LAVI requise (art. 89 al. 1 LTF). 
Les autres conditions de recevabilité énoncées aux art. 82 ss LTF sont remplies, de sorte qu'il y a en principe lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
Le recours en matière de droit public se caractérise comme un recours en réforme (art. 107 al. 2 LTF). Selon un principe général de procédure, les conclusions en constatation de droit ne sont recevables que lorsque des conclusions condamnatoires ou formatrices sont exclues. Sauf situations particulières, les conclusions constatatoires ont donc un caractère subsidiaire (cf. ATF 141 II 113 consid. 1.7). 
La recourante conclut à la constatation d'une violation du droit à une indemnisation adéquate pour les femmes victimes de violence au sens de l'art. 30 al. 1 de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (Convention d'Istanbul, RS 0.311.35), ainsi que de l'obligation de s'abstenir de toute pratique discriminatoire à l'égard des femmes au sens de l'art. 2 let. d de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDEF, RS 0.108). 
Comme la recourante prend aussi des conclusions qui tendent à l'annulation de l'arrêt entrepris et à l'octroi d'indemnisations LAVI, elle n'est en principe pas autorisée à prendre également des conclusions purement constatatoires. Elle n'expose au demeurant pas en quoi sa situation serait particulière au point de s'écarter de la jurisprudence rappelée plus haut. En tout état, le chiffre 5 de ses conclusions devant le Tribunal fédéral est nouveau et - pour cet autre motif - irrecevable (art. 99 al. 2 LTF). 
 
3.  
La recourante fait grief à l'instance précédente d'avoir arbitrairement refusé l'indemnisation requise pour perte de gain, d'un montant de 13'000 fr., correspondant à 5 mois de salaire à 2'600 fr. pour la période du 6 juin au 2 novembre 2020. La Cour de justice aurait à tort nié l'incapacité de travail de la recourante, ainsi que le lien de causalité entre ladite incapacité et l'agression dont elle a été victime en février 2020. Dans ce contexte, la recourante reproche à la Cour cantonale d'avoir apprécié les faits de manière arbitraire. 
 
3.1. Selon l'art. 1 al. 1 LAVI, toute personne qui a subi, du fait d'une infraction, une atteinte directe à son intégrité physique, psychique ou sexuelle a droit au soutien prévu par la LAVI. Les art. 19 ss LAVI prévoient que la victime peut demander une indemnisation pour le dommage subi.  
 
3.1.1. La notion de dommage au sens de la LAVI correspond de manière générale à celle du droit de la responsabilité civile (ATF 133 II 361 consid. 4). Il peut ainsi être renvoyé aux principes posés par les art. 46 al. 1 CO en cas de lésions corporelles, auquel l'art. 19 al. 2 LAVI fait d'ailleurs expressément référence (ATF 128 II 49 consid. 3.2; arrêt 1C_407/2016 du 1 er juin 2017 consid. 2.1.1). Le législateur a cependant choisi de ne pas reprendre en tous points le régime de la responsabilité civile et l'instance LAVI peut donc au besoin s'en écarter (ATF 133 II 361 consid. 5.1; 129 II 312 consid. 2.3). Ainsi, toutes les prétentions résultant des dispositions sur la responsabilité civile ne fondent pas nécessairement le droit à une aide financière au sens de la LAVI, solution par ailleurs confirmée par le fait que celle-ci ne couvre notamment pas le dommage purement patrimonial et/ou économique (cf. art. 19 al. 3 LAVI). Des solutions spécifiques sont donc possibles, même si des différences en matière de détermination du dommage ne se justifient qu'exceptionnellement (arrêts 1C_407/2016 du 1 er juin 2017 consid. 2.1.1; 1C_845/2013 du 2 septembre 2014 consid. 5). Dans tous les cas, lorsqu'une des conditions des art. 41 ss CO fait défaut, une indemnisation LAVI n'entre pas en considération (ATF 133 II 361 consid. 5.1).  
 
3.1.2. En vertu de l'art. 46 al. 1 CO, la victime de lésions corporelles a droit à la réparation du dommage qui résulte de son incapacité de travail totale ou partielle, ainsi que de l'atteinte portée à son avenir économique; est déterminante à cet égard la diminution de la capacité de gain (ATF 131 III 360 consid. 5.1; arrêt 1C_152/2020 du 8 septembre 2020 consid. 3.1.2). Le dommage consécutif à l'invalidité doit, autant que possible, être établi de manière concrète (arrêt 1C_152/2020 du 8 septembre 2020 consid. 3.1.2; 4C.197/2001 du 12 février 2002 consid. 3b, in SJ 2002 I p. 414). Le juge partira du taux d'invalidité médicale (ou théorique) et recherchera ses effets sur la capacité de gain ou l'avenir économique du lésé; cette démarche l'amènera à estimer le gain que le lésé aurait obtenu dans son activité professionnelle s'il n'avait pas subi l'accident (ATF 131 III 360 consid. 5.1 et les arrêts cités; arrêt 1C_152/2020 du 8 septembre 2020 consid. 3.1.2). Lors de l'appréciation de ce préjudice, celui-ci doit être rendu suffisamment vraisemblable au regard de toutes les circonstances concrètes entrant en jeu (arrêts 1C_407/2016 du 1er juin 2017 consid. 2.1.2; 1C_845/2013 du 2 septembre 2014 consid. 5.1).  
 
3.2. Dans l'arrêt entrepris, l'instance précédente a jugé que l'incapacité de travail de la recourante n'était pas démontrée. L'intéressée avait produit plusieurs certificats médicaux qui décrivaient ses troubles et traumatismes liés à l'agression; néanmoins, aucun de ces certificats ne concernait sa capacité de travail. Au surplus, le fait que la recourante ait continué à travailler, même à un taux réduit, entre le 12 février (date de l'agression) et la mi-mars 2020 (date du début du semi-confinement et du départ de l'intéressée pour Madrid) attestait, selon la Cour de justice, de la capacité de travail de l'intéressée.  
Même si une incapacité de travail était retenue, la Cour de justice a nié qu'un lien de causalité entre celle-ci et l'agression puisse être établi. Depuis mi-mars 2020, et sauf pour l'audience pénale de confrontation ayant eu lieu en juillet 2020, la recourante n'était pas revenue à Genève. La Cour de justice a ainsi jugé que l'impossibilité, pour la recourante, d'exercer son activité de travailleuse du sexe à Genève ne trouvait pas sa cause dans les conséquences de son agression, mais dans son déménagement à Madrid. Dans ces circonstances, il ne serait pas démontré que la perte de gain pour la période du 6 juin au 2 novembre 2020 est liée à l'agression dont la recourante a été victime. 
 
3.3. La recourante se plaint d'une appréciation arbitraire des faits.  
 
3.3.1. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins que ceux-ci n'aient été établis de façon manifestement inexacte - c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 148 IV 356 consid. 2.1; 147 IV 73 consid. 4.1.2) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Si la partie recourante entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente, elle doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées et la correction du vice susceptible d'influer sur le sort de la cause (cf. art. 97 al. 1 LTF; ATF 148 IV 356 consid. 2.1; 147 IV 73 consid. 4.1.2). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (ATF 148 IV 356 consid. 2.1; 147 IV 73 consid. 4.1.2).  
En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (cf. ATF 148 IV 356 consid. 2.1; 146 IV 88 consid. 1.3.1). 
 
3.3.2. En l'espèce, la recourante reproche en premier lieu à la Cour de justice de ne pas avoir tenu compte du fait qu'elle était en incapacité de travail partielle entre le 12 février et la mi-mars 2020; l'instance précédente aurait ainsi à tort retenu que l'exercice ininterrompu de son activité professionnelle directement après l'agression attestait de sa capacité à travailler. La recourante rappelle à cet égard que son taux de travail s'est immédiatement réduit après l'agression, mais qu'elle n'avait d'autre choix, afin de payer son loyer, que de continuer à exercer son activité à taux réduit.  
La Cour de justice n'aurait pas non plus tenu compte de l'aggravation de l'état de santé de la recourante au fil du temps, ni de son statut d'indépendante et de sa vulnérabilité. Dans ce cadre, la recourante s'en prend à l'appréciation faite par l'instance précédente des certificats médicaux produits. Selon elle, ces certificats doivent être considérés comme des certificats d'incapacité de travail alors même qu'ils ne traitent que de l'état de santé de la recourante et n'évoquent pas la question de sa capacité de travail. Au surplus, il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir produit un certificat d'incapacité de travail dans la mesure où elle avait un statut d'indépendante, qu'elle ne disposait pas d'une assurance perte de gain et qu'elle se trouvait, compte tenu de son statut professionnel et social, dans une situation de précarité et de vulnérabilité. 
Il ressort de l'arrêt attaqué que l'instance précédente n'a nullement nié le fait que la recourante avait moins travaillé entre le 12 février et mi-mars 2020 qu'avant l'agression (cf. p. 3 de l'arrêt attaqué). En tout état, la recourante ne démontre pas, comme il lui appartenait pourtant de le faire (cf. consid. 3.3.1 ci-dessus), en quoi le fait qu'elle ait été en incapacité de travail partielle entre mi-février et mi-mars 2020 serait décisif pour l'issue du litige. 
Concernant une prétendue incapacité de travail, la recourante se limite à opposer sa propre appréciation des certificats médicaux - qu'elle considère comme des certificats d'incapacité de travail - et des circonstances à celle effectuée par l'instance précédente. En particulier, il n'est pas contesté que la recourante n'a pas, durant la procédure, produit un certificat d'incapacité de travail, alors même que la décision de l'instance LAVI faisait déjà état du fait qu'une indemnité à titre de perte de gain ne pouvait être octroyée en l'absence d'un certificat médical attestant de l'incapacité de travail. Ainsi, et quand bien même une autre conclusion aurait été possible, il faut admettre que l'appréciation effectuée par la Cour de justice, selon laquelle la recourante n'a pas établi la prétention qu'elle fait valoir, n'apparaît pas insoutenable. L'instance précédente pouvait donc sans arbitraire considérer que, faute de certificat médical attestant de l'incapacité de travail de la recourante, il ne pouvait lui être octroyé d'indemnité pour perte de gain. 
Il résulte de ce qui précède que les critiques de la recourante quant à l'appréciation de ces faits sont mal fondées et doivent être rejetées. 
 
3.3.3. La recourante allègue encore que la Cour de justice aurait apprécié arbitrairement les faits en retenant que son départ de Suisse constituait la raison pour laquelle elle avait cessé son activité de travailleuse du sexe. Elle précise au contraire avoir quitté Genève parce que, étant dans l'incapacité de travailler en raison de l'agression qu'elle avait subie, elle ne disposait plus d'un revenu lui permettant de payer son loyer. Par conséquent, et contrairement à ce qu'en tire la Cour de justice, un lien de causalité naturelle entre l'agression et l'alléguée incapacité de travail ne pouvait être nié.  
Il a été établi ci-dessus (cf. consid. 3.3.2) que l'appréciation de l'instance précédente, selon laquelle l'incapacité de travail de la recourante n'était pas établie, n'apparaissait pas insoutenable. Partant, la question de l'existence d'un lien de causalité entre l'agression et une prétendue incapacité de travail n'est pas déterminante et peut rester indécise. 
 
3.4. Dès lors que l'appréciation des faits par l'instance précédente n'apparaît pas arbitraire, celle-ci n'a pas violé le droit en rejetant la requête d'indemnisation de 13'000 fr. à titre de perte de gain; ce grief doit donc être rejeté.  
 
4.  
La recourante estime que l'indemnité de 3'000 fr. qui lui a été octroyée à titre de tort moral est insuffisante au vu de la gravité des séquelles entraînées par l'agression du 12 février 2020. A cet égard, elle prend également des conclusions constatatoires, en lien avec une violation notamment de la Convention d'Istanbul. Comme ont l'a vu, de telles conclusions sont irrecevables (cf. consid. 2 ci-dessus). 
 
4.1. A teneur de l'art. 22 al. 1 LAVI, la victime a droit à une réparation morale lorsque la gravité de l'atteinte le justifie. Le montant de la réparation morale est fixé en fonction de la gravité de l'atteinte (art. 23 al. 1 LAVI). Ce montant ne peut excéder 70'000 fr. lorsque l'ayant droit est la victime (art. 23 al. 2 let. a LAVI). Au regard des particularités de ce système d'indemnisation, le Tribunal fédéral a relevé que le législateur n'avait pas voulu assurer à la victime une réparation pleine, entière et inconditionnelle du dommage (ATF 131 II 121 consid. 2.2; 129 II 312 consid. 2.3 et la référence citée). Ce caractère incomplet est particulièrement marqué en ce qui concerne la réparation du tort moral, qui se rapproche d'une allocation "ex aequo et bono" (arrêts 1C_184/2021 du 23 septembre 2021 consid. 3.2; 1C_508/2020 du 26 août 2021 consid. 3.3). La collectivité n'est en effet pas responsable des conséquences de l'infraction, mais seulement liée par un devoir d'assistance publique envers la victime. Partant, elle n'est pas nécessairement tenue à des prestations aussi étendues que celles exigibles de la part de l'auteur de l'infraction (ATF 129 II 312 consid. 2.3; 128 II 49 consid. 4.3, cf. Christian Denys, Commentaire romand, Constitution fédérale, 2021, n° 12 s. ad art. 124 Cst.). Si le principe d'un droit subjectif à la réparation morale est ancré dans la LAVI (art. 22 LAVI), le plafonnement de l'indemnisation implique que les montants alloués en vertu de cette loi sont nettement inférieurs à ceux alloués selon le droit privé (arrêts 1C_184/2021 du 23 septembre 2021 consid. 3.2; 1C_583/2016 du 11 avril 2017 consid. 4.3; cf. Christian Denys, Commentaire romand, Constitution fédérale, 2021, n° 13 ad art. 124 Cst.; Peter Gomm, in Opferhilfegesetz, 4ème éd., 2020, n° 5 ad art. 23 LAVI). Sans avoir voulu instaurer une réduction systématique et proportionnelle des montants alloués en vertu du droit privé, le législateur a fixé les plafonds environ aux deux tiers des montants de base généralement attribués en droit de la responsabilité civile (Message du Conseil fédéral du 9 novembre 2005 concernant la révision totale de la LAVI, FF 2005 6744 s.). La fourchette des montants à disposition est ainsi plus étroite qu'en droit civil, les montants les plus élevés devant être réservés aux cas les plus graves, tels qu'une invalidité à 100% (arrêts 1C_184/2021 du 23 septembre 2021 consid. 3.2; 1C_583/2016 du 11 avril 2017 consid. 4.3).  
 
4.2. L'OFJ a à cet égard établi un guide, remanié entièrement le 3 octobre 2019. Il prévoit notamment, pour des atteintes à l'intégrité sexuelle, des montants allant jusqu'à 8'000 fr. pour les victimes ayant subi une atteinte grave à leur intégrité sexuelle, p. ex. lors d'une tentative de viol ou une (tentative de) contrainte sexuelle (Guide relatif à la fixation du montant de la réparation morale selon la LAVI [ci-après: le Guide], 2019, p. 12) et, pour des atteintes à l'intégrité physiques, des montants allant jusqu'à 5'000 fr. pour des "atteintes corporelles non négligeables, en voie de guérison [et des] atteintes de peu de gravité avec circonstances aggravantes", p. ex. des fractures ou des commotions cérébrales (Guide, p. 10). Pour des atteintes à l'intégrité psychique, ce guide prévoit des montants allant jusqu'à 5'000 fr. pour une "atteinte à l'intégrité psychique non négligeable même si temporaire avec circonstances aggravantes déterminées par l'acte, p. ex. utilisation d'armes ou d'autres objets dangereux, commission en groupe, acte commis dans un cadre protégé, récidive: longue période et fréquence", citant à titre d'exemples le vol à main armée et les menaces de mort appuyées et répétées, ainsi que des montants allant de 5'000 fr. à 15'000 fr. pour une "atteinte à l'intégrité psychique sévère en raison de circonstances dramatiques avec de lourdes séquelles (traitement psychothérapeutique reconnu ou incapacité de travail prolongée) ", en raison, par exemple, d'un vol à main armée particulièrement brutal sans séquelles corporelles, ou d'une séquestration ayant causé une atteinte durable à l'intégrité psychique (Guide, p. 15).  
Ces directives ne sauraient certes lier les autorités d'application; toutefois, dans la mesure où elles concrétisent une réduction des indemnités LAVI par rapport aux sommes allouées selon les art. 47 et 49 CO, elles correspondent en principe à la volonté du législateur et constituent une référence permettant d'assurer une certaine égalité de traitement, tant que le Conseil fédéral n'impose pas de tarif en application de l'art. 45 al. 3 LAVI (arrêts 1C_508/2020 du 26 août 2021 consid. 3.3; 1C_583/2016 du 11 avril 2017 consid. 4.3). 
S'agissant de l'application du droit fédéral, le Tribunal fédéral dispose en principe d'un plein pouvoir d'examen (art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF). L'autorité qui fixe le montant de la réparation morale dispose toutefois d'un large pouvoir d'appréciation à l'égard duquel le Tribunal fédéral n'intervient qu'avec retenue, par exemple lorsque l'autorité précédente s'écarte sans raison de la pratique constante ou lorsqu'elle se fonde sur des éléments de fait dénués de pertinence (ATF 132 II 117 consid. 2.2.5; arrêt 1C_542/2015 du 28 janvier 2016 consid. 3.3). 
 
4.3. Dans le cas d'espèce, la Cour de justice a retenu à juste titre que la recourante ne pouvait prétendre à une réparation d'un montant identique à celui qui a été alloué devant le juge pénal. La recourante ne conteste pas non plus les circonstances de l'agression telles que retenues par l'instance précédente. Cette dernière a notamment tenu compte du fait que des conséquences psychiques durables ont découlé de l'agression et que la recourante nécessitait encore un suivi et un traitement médicamenteux. Elle a également retenu, pour octroyer une indemnité plus élevée que celle allouée par l'instance LAVI, le fait que l'agression avait eu un impact inévitable sur l'exercice de son activité professionnelle, notamment au niveau du sentiment de sécurité. La Cour de justice a ensuite pris soin d'énumérer dans le détail des cas répertoriés dans la doctrine et dans la jurisprudence cantonale, considérant sur le vu de l'ensemble des circonstances que l'indemnisation allouée par l'instance LAVI (2'000 fr.) était trop basse et qu'un montant de 3'000 fr. apparaissait justifié.  
 
4.4. Force est ainsi de constater que la Cour de justice a tenu compte de toutes les circonstances pertinentes et que l'indemnité fixée se situe dans la fourchette des cas qui peuvent offrir une comparaison avec celui de la recourante. Cette dernière persiste à considérer qu'elle aurait droit à l'entier de l'indemnité qui a été fixée dans le cadre de la procédure pénale, ce qui n'est toutefois pas le cas compte tenu des principes rappelés ci-dessus. Sans nier le caractère traumatique de l'agression subie par la recourante, il résulte de ce qui précède que le montant de l'indemnité octroyée par l'instance précédente est conforme au droit fédéral.  
 
5.  
Dans un dernier grief, la recourante invite le Tribunal fédéral à constater que l'indemnité symbolique qu'elle a reçue à titre de tort moral reflète une pratique discriminatoire à l'égard des femmes. La recourante estime que la pratique du système LAVI, consistant à octroyer des montants symboliques à titre de tort moral pour les séquelles d'une agression sexuelle, touche principalement les femmes, dans la mesure où elles sont majoritairement victimes de violences sexuelles; cela constituerait par conséquent une défaillance structurelle qui équivaudrait à une pratique discriminatoire, même si celle-ci ne découle pas de la volonté expresse des autorités. 
 
5.1. Le Tribunal fédéral n'examine le moyen tiré de la violation de droits fondamentaux et du droit cantonal que si ce grief a été invoqué et motivé par la partie recourante, à savoir s'il a été exposé de manière claire et détaillée (cf. art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 I 73 consid. 2.1). Cette exigence implique notamment que la partie recourante indique avec précision en quoi le principe juridique qu'elle invoque aurait été violé (cf. Grégory Bovey, in Commentaire de la LTF, 3ème éd. 2022, n° 35 ad art. 106 LTF).  
Il est douteux que le grief de la recourante soit recevable. D'une part, le grief est purement constatatoire et a par conséquent un caractère subsidiaire (cf. consid. 2 ci-dessus). D'autre part, elle ne développe pas de manière claire et détaillée en quoi l'interdiction de discrimination aurait été violée et se contente de renvoyer à un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme (CourEDH). Ce faisant, elle ne paraît pas satisfaire aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF
 
5.2. En tout état, le fait que les indemnités octroyées par la LAVI à titre de tort moral soient peu élevées ne paraît pas être constitutif d'une discrimination envers les femmes, telle qu'interdite par l'art. 14 CEDH.  
 
5.2.1. L'art. 14 CEDH prohibe la discrimination en prévoyant que la jouissance des droits et libertés reconnus dans la CEDH doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe. Cette interdiction comprend également la discrimination indirecte, soit lorsqu'une mesure étatique, sous des apparences de neutralité, défavorise tout particulièrement, dans les faits, une catégorie spécifique de la population sans raisons objectives (arrêt de la CourEDH Hugh Jordan contre Royaume-Uni du 4 mai 2001, § 154). En lien avec la réparation d'un tort moral, la CourEDH a notamment jugé que la réduction, motivée par le sexe d'une requérante, du montant de l'indemnité pour préjudice moral n'était pas admissible au regard de l'art. 14 CEDH (arrêt de la CourEDH, Carvalho Pinto de Sousa Morais contre Portugal du 25 juillet 2017, § 52 ss).  
 
5.2.2. En l'espèce, il ne ressort pas de l'arrêt entrepris que l'indemnité pour tort moral octroyée à la recourante aurait été réduite au motif qu'elle était une femme. L'autorité précédente, qui a d'ailleurs augmenté le montant du tort moral alloué à la recourante, a procédé à un examen de la jurisprudence et des directives pertinentes afin de s'assurer que la somme octroyée corresponde aux indemnités habituellement allouées dans des cas similaires. Au surplus, on ne voit pas en quoi le système instauré par la LAVI en matière d'indemnités pour tort moral, qui est subsidiaire aux autres possibilités d'obtenir réparation à disposition de la victime et qui se rapproche d'une allocation "ex aequo et bono", constituerait une pratique discriminatoire, qui défavoriserait particulièrement les femmes.  
 
5.3. Partant, le grief de violation de l'interdiction de discrimination doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.  
 
6.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. La recourante a demandé l'assistance judiciaire et les conditions d'octroi en paraissent réunies, dès lors que le recours n'était pas d'emblée dénué de chances de succès (art. 64 al. 1 LTF). Il y a lieu de désigner Me Olivier Peter en qualité d'avocat d'office et de fixer ses honoraires, qui seront supportés par la Caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF). Conformément au principe de gratuité posé à l'art. 30 al. 1 LAVI, il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est admise. Me Olivier Peter est désigné comme avocat d'office et ses honoraires, supportés par la caisse du Tribunal fédéral, sont fixés à 1'500 fr. 
 
3.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, à l'Office fédéral de la justice, ainsi qu'à l'Instance d'indemnisation LAVI et à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 27 septembre 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Rouiller