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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
8C_217/2018  
 
 
Arrêt du 26 mars 2019  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Maillard, Président, 
Frésard et Wirthlin. 
Greffier : M. Beauverd. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par PROCAP, 
Service juridique pour personnes avec handicap, 
recourant, 
 
contre  
 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-accidents (entreprise téméraire), 
 
recours contre le jugement de la Cour de droit public du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel du 1er février 2018 (CDP.2017.277-AA/amp). 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________, né en 1960, travaillait depuis le 14 avril 2009 au service de la société B.________ SA. A ce titre, il était obligatoirement assuré contre le risque d'accidents professionnel et non professionnel auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA). 
Le 7 octobre 2016, l'assuré a fait une chute en moto alors qu'il participait à une séance de pilotage libre organisée par l'organisation C.________ sur le circuit de D.________. Grièvement blessé, il a été transféré à l'hôpital E.________ où les premiers soins lui ont été prodigués. Dans sa déclaration de sinistre LAA du 17 octobre 2016, l'employeur de l'intéressé a indiqué que celui-ci avait eu la route coupée par un autre motard alors qu'il effectuait une course de moto sur le circuit de D.________. 
Atteint d'une paraplégie complète, l'assuré a été pris en charge par le Centre F.________ où il a séjourné du 9 octobre 2016 au 3 mai 2017. 
Par décision du 29 mars 2017, confirmée sur opposition le 6 septembre suivant, la CNA a réduit de 50 % ses prestations en espèces au motif du caractère téméraire de l'entreprise à l'origine de l'accident. 
 
B.   
Saisie d'un recours contre la décision sur opposition, la Cour de droit public du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel l'a rejeté par arrêt du 1 er février 2018.  
 
C.   
A.________ interjette un recours en matière de droit public par lequel il conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation du jugement attaqué et à l'allocation par l'intimée des pleines prestations en espèces pour les suites de l'accident survenu le 7 octobre 2016. 
La CNA a conclu au rejet du recours. L'assuré a répliqué et maintenu ses conclusions. L'Office fédéral de la santé publique ne s'est pas déterminé. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le litige porte sur le droit du recourant à des prestations en espèces de l'assurance-accidents. Le Tribunal fédéral n'est donc pas lié par les faits établis par l'autorité précédente (art. 97 al. 2 et 105 al. 3 LTF). 
 
2.  
 
2.1. L'art. 39 LAA habilite le Conseil fédéral à désigner les dangers extraordinaires et les entreprises téméraires qui motivent dans l'assurance des accidents non professionnels le refus de toutes les prestations ou la réduction des prestations en espèces. La réglementation des cas de refus ou de réduction peut déroger à l'art. 21 al. 1 à 3 LPGA (RS 830.1). Fondé sur cette norme de délégation de compétence, l'art. 50 al. 1 OLAA (RS. 832.202) prévoit qu'en cas d'accidents non professionnels dus à une entreprise téméraire, les prestations en espèces sont réduites de moitié; elles sont refusées dans les cas particulièrement graves. Les entreprises téméraires sont celles par lesquelles l'assuré s'expose à un danger particulièrement grave sans prendre de mesures destinées à ramener celui-ci à des proportions raisonnables ou sans pouvoir prendre de telles mesures; toutefois, le sauvetage d'une personne est couvert par l'assurance même s'il peut être considéré comme une entreprise téméraire (art. 50 al. 2 OLAA).  
 
2.2. La jurisprudence qualifie d'entreprises téméraires absolues celles qui, indépendamment de l'instruction, de la préparation, de l'équipement et des aptitudes de l'assuré, comportent des risques particulièrement importants, même si elles sont pratiquées dans les conditions les moins défavorables. Il en va de même des activités risquées dont la pratique ne répond à aucun intérêt digne de protection (ATF 141 V 216 consid. 2.2 p. 218; 138 V 522 consid. 3.1 p. 524 et les références).  
 
2.3. D'après la jurisprudence, la participation à des courses motorisées est considérée comme une entreprise téméraire absolue qui motive, dans l'assurance des accidents non professionnels, le refus de toutes les prestations ou la réduction des prestations en espèces. Il en est ainsi, par exemple, de la participation à une course automobile de côte ou en circuit (ATF 113 V 222; 112 V 44), à une compétition de moto-cross (RAMA 1991 no U 127 p. 221, U 5/90) ou encore à une course de moto tout-terrain (enduro) sur une portion chronométrée d'un parcours (course dite "spéciale"; voir arrêt 8C_388/2017 du 6 février 2018).  
 
2.4. D'autres activités non dénuées d'intérêt comportent des risques élevés, qui peuvent être limités, toutefois, à un niveau admissible si l'assuré remplit certaines exigences sur le plan des aptitudes personnelles, du caractère et de la préparation. A défaut, l'activité est qualifiée de téméraire et l'assurance-accidents est en droit de réduire ses prestations conformément aux art. 39 LAA et 50 OLAA. On parle dans ce cas d'entreprise téméraire relative, en ce sens que le refus ou la réduction des prestations dépend du point de savoir si l'assuré était apte à l'exercer et a pris les précautions nécessaires pour limiter les risques à un niveau admissible (ATF 141 V 216 consid. 2.2 p. 218; 138 V 522 consid. 3.1 p. 524). Peuvent constituer des entreprises téméraires relatives, le canyoning (ATF 125 V 312), la plongée, y compris la plongée spéléologique dans une source (ATF 134 V 340; 96 V 100), l'alpinisme et la varappe (ATF 97 V 72, 86), le vol delta (ATF 104 V 19). Selon le degré de difficulté et le niveau de risque dans un cas particulier, il n'est pas exclu de qualifier l'une ou l'autre de ces activités d'entreprise téméraire absolue (ATF 134 V 340 consid. 3.2.3 p. 345).  
 
2.5. Dans l'arrêt 8C_472/2011 du 27 janvier 2012, le Tribunal fédéral a jugé que la pratique de la moto sur circuit, en dehors de toute compétition, devait être considérée comme une entreprise téméraire absolue, compte tenu des circonstances dans lesquelles la séance de pilotage s'était déroulée. De son côté, la Commission ad hoc des sinistres LAA a établi à l'intention des assureurs-accidents une recommandation en matière d'entreprises téméraires (recommandation n°5/83 du 10 octobre 1983 complétée le 27 juin 2018). Cette recommandation contient une liste des entreprises considérées comme téméraires. Sont notamment considérées comme telles les courses de moto, y compris l'entraînement, ainsi que la moto sur circuit (hors cours de formation à la sécurité routière). De telles recommandations n'ont toutefois pas valeur d'ordonnance administrative ni de directives d'une autorité de surveillance aux autorités d'exécution de la loi. Il s'agit de simples recommandations qui ne lient pas le juge (ATF 114 V 315 consid. 5c p. 318).  
 
3.   
Se fondant sur les déclarations de l'assuré, selon lesquelles neuf tours de circuit étaient généralement réalisés en une vingtaine de minutes, et sachant que le circuit fait 4,627 km de longueur, la juridiction cantonale a conclu que l'assuré roulait vraisemblablement à une vitesse moyenne de 125 km/h. Du fait qu'il s'agit d'une moyenne et que le circuit comporte de nombreux virages, il était hautement probable, selon la cour cantonale, que la vitesse de l'assuré et des autres pilotes ait par moment avoisiné les 200 km/h. Elle a relevé que l'absence de chronométrage n'excluait pas que les motocyclistes mesurent autrement leur vitesse, le simple fait de rouler en groupe étant de nature à favoriser un esprit de compétition. Par ailleurs, il ressortait du dossier que les participants, au nombre de 30, étaient répartis entre quatre groupes (groupe 1: racing-rapide; groupe 2: rapide-moyen; groupe 3: moyen; groupe 4: débutants). L'assuré faisait partie du groupe 2. La vitesse n'était pas limitée et les dépassements n'étaient pas interdits. La présence de 30 motocyclistes sur un circuit de 4,627 km permettait une distance théorique de 154 mètres entre chaque participant, qui n'était pas forcément respectée pendant la durée de la session. Au demeurant, toujours selon la juridiction cantonale, il s'agissait d'une distance insuffisante au vu des vitesses élevées qui pouvaient être atteintes sur le circuit. Compte tenu de la sinuosité de celui-ci, la visibilité devait en outre être restreinte à certains endroits. 
Pour toutes ces raisons, les premiers juges ont confirmé la réduction des prestations opérée par la CNA. 
 
4.   
Le recourant remet en cause la jurisprudence de l'arrêt 8C_472/2011, précité. Il se plaint en outre d'une constatation erronée et incomplète des faits au sens des art. 97 al. 2 et 105 al. 3 LTF, ainsi que d'une violation du droit au sens de l'art. 95 let. a LTF. Il invoque une violation des art. 50 LAA et 39 OLAA, ainsi que des règles en matière de fardeau de la preuve. Selon lui, en l'absence d'un rapport de police et d'un enregistrement vidéo de l'accident, aucun élément ne permettrait de conclure au degré de vraisemblance prépondérante que sa vitesse avoisinait par moment les 200 km/h ou que les motocyclistes roulaient à des distances rapprochées. Quant à l'affirmation selon laquelle il y aurait eu des problèmes de visibilité, elle ne reposerait sur aucun élément du dossier et serait purement spéculative. Le recourant fait valoir qu'une vitesse moyenne de 125 km/h est comparable à la vitesse admise sur autoroute. Les circonstances du cas d'espèce seraient, quoi qu'il en soit, différentes de celles décrites dans l'arrêt 8C_472/2011. Ces différences résideraient notamment dans le fait que le départ se faisait en l'espèce par "grappes" (et non de façon groupée), avec une distance de 150 mètres, et qu'il n'y avait pas de problème de visibilité. 
 
5.  
 
5.1. Dans son arrêt 8C_472/2011, précité, le Tribunal fédéral a considéré qu'on ne saurait d'emblée affirmer que la pratique de la moto sur circuit, en dehors de toute compétition constitue une entreprise téméraire absolue (consid. 4). Cependant, même si les séances de pilotage sur circuit ne font pas l'objet d'un chronométrage, elles n'en impliquent pas moins une certaine recherche de vitesse, sans quoi elles ne présenteraient guère d'intérêt. A l'abri des contraintes de la circulation routière, elles donnent au pilote la possibilité de rouler bien au-delà des limitations de vitesse qu'impose la conduite sur route. Elles lui permettent d'adopter la meilleure trajectoire sur circuit, de s'entraîner aux techniques de freinage et de positionnement sur la moto. Elles lui offrent aussi l'occasion de tester ses propres limites et celles de sa machine. Le fait de rouler en groupe est de nature à susciter une certaine émulation, voire à favoriser un esprit de compétition. Le risque de chute n'est pas négligeable, même pour un pilote expérimenté. Lorsque plusieurs motos roulent à des distances très rapprochées et à des vitesses élevées, de surcroît sur une portion de circuit sans visibilité à l'arrière, une chute présente un danger particulièrement grave, tout d'abord pour la victime, qui risque d'être percutée de plein fouet, et ensuite pour les pilotes qui suivent de près et qui risquent à leur tour de chuter. Un tel danger ne pouvait guère être maîtrisé par le personnel d'encadrement (consid. 5.2).  
 
5.2. L'attrait du pilotage dit "libre" sur un circuit fermé réside donc principalement pour ses adeptes en la recherche d'une vitesse élevée. La déduction des premiers juges, selon laquelle des pointes de vitesse de 200 km/h sont atteintes à certains endroits, n'apparaît pas erronée compte tenu de la sinuosité du circuit (14 virages selon les constatations du jugement attaqué). Une vitesse aussi élevée n'est pas sans risques eu égard notamment à la présence des autres pilotes sur le circuit. Par ailleurs, il n'est pas décisif, dans l'appréciation du cas, que la chute ait eu lieu dans un virage, là où la vitesse est inférieure à la moyenne. La difficulté du pilotage d'une moto réside surtout dans la manière de négocier un virage (vitesse d'entrée, trajectoire, accélération). Le fait invoqué par le recourant que les départs se faisaient par "grappes" de six à sept personnes (et non de façon groupée) et que les pilotes qui le précédaient étaient distants de 150 m n'est pas davantage déterminant. Comme l'ont relevé les premiers juges, il est évident que cette distance n'était pas maintenue pendant la durée de la séance au cours de laquelle d'ailleurs les dépassements étaient permis. Le recourant insiste certes sur le fait que la manifestation était des plus encadrée, avec un "briefing" de sécurité tous les matins, une salle d'observation, deux postes de secours pourvus d'ambulances et de nombreux commissaires de piste le long du circuit. Cependant, outre le fait que ces mesures d'encadrement attestent des risques potentiels encourus par les pilotes, il y a lieu de relever qu'en cas d'accident, l'intervention des secours et des commissaires n'intervient qu'après coup (les commissaires intervenant au bénéfice des concurrents suivants si un accident vient à se produire sur la partie du circuit dont ils ont la surveillance, mais par la force des choses avec un certain décalage dans le temps).  
 
5.3. En définitive, les circonstances du cas d'espèce ne diffèrent guère de celles qui sont à la base l'arrêt 8C_472/2011. Les critiques que le recourant adresse à cet arrêt découlent au moins partiellement d'une interprétation inexacte de celui-ci. Le Tribunal fédéral n'a pas jugé que le pilotage libre devait être examiné, selon les termes du recourant, "tantôt sous l'angle de l'entreprise téméraire absolue, tantôt sous l'angle de l'entreprise téméraire relative". Il a jugé que l'accident survenu dans les conditions décrites résultait de la réalisation d'un risque inhérent et particulièrement important au genre de manifestation à laquelle l'assurée concernée participait.  
 
5.4. De ces similitudes de situations, il faut conclure que la séance de pilotage au cours de laquelle l'accident est survenu, constituait une entreprise téméraire absolue. L'intimée était en droit de réduire ses prestations de moitié.  
 
6.   
Vu ce qui précède, le recours se révèle mal fondé. Le recourant qui succombe supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de droit public du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 26 mars 2019 
 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Maillard 
 
Le Greffier : Beauverd