Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_739/2022  
 
 
Arrêt du 3 juillet 2023  
 
IVe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Maillard, Heine, Viscione et Abrecht. 
Greffière : Mme Betschart. 
 
Participants à la procédure 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), 
Division juridique, Fluhmattstrasse 1, 6002 Lucerne, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par ASSUAS, 
Association Suisse des Assurés, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-accidents (indemnité journalière; remboursement des frais de traitement), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 9 novembre 2022 (A/3113/2020 - ATAS/978/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, né en 1969, était employé depuis le 13 août 2018 par B.________ SA comme manoeuvre et était à ce titre assuré auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) contre le risque d'accidents. Le 13 août 2018 même, il a subi un accident sur un chantier. Il était occupé à visser un panneau sur un mur quand l'échelle sur laquelle il se trouvait a basculé et il s'est fracturé le poignet gauche en chutant. La fracture a été traitée par ostéosynthèse. La CNA a pris en charge le cas et a alloué à l'assuré ses prestations pour les suites de l'accident (traitement médical et indemnité journalière). L'évolution a été compliquée par un syndrome douloureux régional complexe (SDRC). L'assuré a bénéficié d'un séjour à la Clinique C.________.  
 
A.b. Après avoir examiné personnellement l'assuré, le médecin d'arrondissement de la CNA, le docteur D.________, spécialiste en chirurgie orthopédique, a constaté, dans son appréciation du 5 août 2020, la stabilisation de l'état de santé et a conclu que la reprise du travail était exigible dans une activité respectant les limitations fonctionnelles, sans perte de rendement. Se fondant sur cette appréciation, la CNA a, par avis du 6 août 2020, informé A.________ qu'elle mettrait fin aux prestations temporaires de l'assurance-accidents avec effet au 30 septembre 2020 et qu'elle allait examiner son droit aux autres prestations d'assurance. Par décision du 17 août 2020, confirmée sur opposition le 1er septembre 2020, la CNA à nié le droit de l'assuré à une rente d'invalidité ainsi qu'à une indemnité pour atteinte à l'intégrité.  
 
B.  
Par arrêt du 9 novembre 2022, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève a partiellement admis le recours formé par A.________ contre la décision sur opposition, qu'elle a annulée, et a renvoyé la cause à la CNA pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants, selon lesquels l'assuré avait droit, au-delà du 30 septembre 2020, au versement de l'indemnité journalière ainsi qu'au remboursement de ses frais de traitement. 
 
C.  
La CNA interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant à son annulation en tant qu'il reconnaît le droit de A.________ à la poursuite du versement des indemnités journalières et au remboursement des frais de traitement au-delà du 30 septembre 2020. Elle sollicite en outre l'octroi de l'effet suspensif à son recours. 
A.________ conclut au rejet du recours et de la demande de l'effet suspensif. Le Tribunal cantonal et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à se déterminer. 
 
D.  
Par ordonnance du 13 mars 2023, le juge instructeur a admis la requête d'effet suspensif. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) est recevable contre les décisions finales, soit celles qui mettent fin à la procédure (art. 90 LTF), et contre les décisions partielles, soit celles qui statuent sur un objet dont le sort est indépendant de celui qui reste en cause (art. 91 let. a LTF) ou qui mettent fin à la procédure à l'égard d'une partie des consorts (art. 91 let. b LTF). Les décisions préjudicielles et incidentes autres que celles concernant la compétence ou les demandes de récusation (cf. art. 92 LTF) ne peuvent faire l'objet d'un recours que si elles peuvent causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF).  
 
1.2. Il ressort des conclusions (cf. let. C supra) et des motifs du recours que la recourante ne conteste pas le renvoi pour mise en oeuvre d'une instruction complémentaire et nouvelle décision. Elle entreprend l'arrêt attaqué uniquement en tant qu'il constate que l'intimé a droit au versement de l'indemnité journalière et au remboursement de ses frais de traitement au-delà du 30 septembre 2020. Sur ce point, seul contesté en l'espèce, l'arrêt attaqué ne laisse aucune latitude de jugement à l'autorité administrative, si bien qu'il doit être assimilé à une décision finale (cf. art. 90 LTF) pouvant faire l'objet d'un recours en matière de droit public (cf. ATF 144 V 280 consid. 1.2; 140 V 321 consid. 3.2; 138 I 143 consid. 1.2).  
 
1.3. Pour le surplus, le recours est dirigé contre un arrêt rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans la forme et le délai prévus par la loi (art. 42 et 100 LTF). Il est donc recevable.  
 
2.  
 
2.1. Le litige porte donc uniquement sur la question de savoir si la cour cantonale a violé le droit fédéral en obligeant la recourante à prendre en charge le traitement médical et à payer des indemnités journalières au-delà du 30 septembre 2020.  
 
2.2. Lorsque la décision qui fait l'objet d'un recours porte à la fois sur des prestations en espèces et en nature de l'assurance-accidents, comme c'est le cas en l'occurrence, le Tribunal fédéral constate avec un plein pouvoir d'examen les faits communs aux deux objets litigieux et se fonde sur ces constatations pour statuer, en droit, sur ces deux objets; en revanche, les faits qui ne seraient pertinents que pour statuer sur le droit aux prestations en nature ne sont revus que dans les limites définies aux art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF (arrêts 8C_400/2022 du 21 décembre 2022 consid. 2.3; 8C_592/2021 du 4 mai 2022 consid. 2.2 et les références).  
 
2.3. Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF) et n'est limité ni par les arguments de la partie recourante, ni par la motivation de l'autorité précédente. Cela étant, le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes (ATF 145 V 304 consid. 1.1), et ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF).  
 
3.  
La cour cantonale a correctement exposé les dispositions légales régissant le droit aux prestations de l'assurance-accidents (art. 6 al. 1 LAA et art. 4 LPGA), les principes jurisprudentiels relatifs aux notions de causalité naturelle et adéquate (ATF 142 V 435 consid. 1; 129 V 177 consid. 3.1 et 3.2), notamment si l'on est en présence de troubles psychiques (ATF 140 V 356 consid. 5; 115 V 133 consid. 6; 115 V 403 consid. 5), et à la fin du droit au traitement médical et aux indemnités journalières (art. 19 al. 1 LAA), de même que la jurisprudence en matière d'appréciation de rapports médicaux des médecins internes à l'assureur (ATF 139 V 225 consid. 5.2; 135 V 465 consid. 4.4). Il suffit d'y renvoyer. 
 
4.  
 
4.1. Sur le fond, les juges cantonaux ont considéré en substance que l'appréciation du docteur D.________ était contradictoire et ne convainquait pas. En outre, le docteur E.________, spécialiste FMH en anesthésie et spécialiste de la douleur SPS, avait confirmé dans son rapport du 10 décembre 2020 la difficulté de la prise en charge de la douleur chez l'intimé. La décision de la recourante s'appuyant sur l'appréciation de son médecin interne, qui laissait subsister des doutes quant à sa fiabilité et sa pertinence, il y avait lieu de procéder à une instruction complémentaire, soit à la mise en oeuvre d'une expertise orthopédique. Dans la mesure où le docteur E.________ rapportait aussi une atteinte psychique de l'intimé, il se posait au surplus la question du lien de causalité entre cette atteinte et l'accident du 13 août 2018. L'admission d'un tel lien de causalité aurait une influence sur les questions de la stabilisation de l'état de santé et de la capacité de travail déterminant le taux d'invalidité ainsi que le droit à une rente, de sorte que l'analyse de cette atteinte entrait dans l'objet du litige et nécessitait également une instruction complémentaire suivie d'une nouvelle décision. Finalement, l'expert somatique devrait également se prononcer sur le taux de l'atteinte à l'intégrité.  
 
4.2. En ce qui concerne le droit de l'intimé au versement des indemnités journalières et au remboursement des frais de traitement au-delà du 30 septembre 2020, les juges cantonaux l'ont reconnu au motif que la recourante n'avait pas établi que l'état de santé de l'intimé était stabilisé à cette date, en faisant référence à l'arrêt 8C_343/2022 du 11 octobre 2022. La recourante soutient qu'en se limitant à citer cet arrêt, les premiers juges n'auraient pas exposé correctement les principes jurisprudentiels applicables au droit aux prestations d'assurance-accidents pour la période allant du prononcé d'une décision de renvoi par les tribunaux cantonaux des assurances aux assureurs-accidents pour mise en oeuvre d'une instruction complémentaire jusqu'au prononcé d'une nouvelle décision portant sur le droit aux prestations. Ainsi, ils auraient violé le droit fédéral.  
 
5.  
 
5.1.  
 
5.1.1. Lorsque l'effet suspensif est retiré à un recours dirigé contre une décision de révision supprimant ou diminuant une rente ou une allocation pour impotent, ce retrait perdure en cas de renvoi de la cause à l'administration pour instruction complémentaire, également pendant la procédure d'instruction jusqu'à la notification de la nouvelle décision, sous réserve d'une éventuelle ouverture anticipée potentiellement abusive de la procédure de révision (ATF 129 V 370; 106 V 18; arrêts 8C_618/2014 du 19 décembre 2014 consid. 6.2; 9C_207/2014 du 1er mai 2014 consid. 5.3; 8C_451/2010 du 11 novembre 2010 consid. 2, in SVR 2011 IV n° 33 p. 96). Dans cette dernière hypothèse, le tribunal cantonal des assurances doit restituer l'effet suspensif pour le temps correspondant à la durée d'une instruction formellement correcte du dossier de l'assuré; cela permet de sanctionner l'assureur qui statue trop rapidement, uniquement pour avancer autant que possible l'effet de la révision (arrêts 8C_118/2017 du 28 août 2017 consid. 3.1, in SVR 2017 IV n° 90 p. 280; 9C_519/2013 du 26 février 2014 consid. 4.1). A ce propos, le Tribunal fédéral a rappelé que le renvoi pour instruction complémentaire ne signifiait pas nécessairement que les constatations originelles étaient fausses mais seulement que celles-ci ne pouvaient pas être confirmées sur la base des documents disponibles. Il a précisé que les nouvelles observations pouvaient intégralement confirmer celles réalisées initialement, y compris du point de vue temporel (par exemple la date de l'amélioration de la capacité de travail justifiant la modification du droit), auquel cas la première décision supprimant ou diminuant les prestations était correcte et pouvait être entérinée avec effet rétroactif (dans ce sens, cf. ATF 106 V 18 et 129 V 370). Il découlait logiquement de ce qui précède que, si les résultats de l'instruction complémentaire infirmaient au moins partiellement le contenu de la décision originelle (par exemple quant à la date de l'amélioration de la capacité de travail justifiant la modification du droit survenue postérieurement à ce qui avait été retenu dans la première décision, toutes les autres conditions demeurant identiques), il ne saurait être question de faire remonter la suppression ou la réduction des prestations à une époque où les conditions pour le faire n'étaient pas remplies. Il apparaît donc que l'élément distinctif déterminant consiste dans le moment auquel survient le changement notable de circonstances influençant le droit aux prestations au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA (soit durant la procédure initiale d'instruction, soit durant la procédure d'instruction complémentaire; arrêts 9C_846/2018 du 29 novembre 2019 consid. 7.1; 9C_288/2010 du 22 décembre 2010 consid. 4.2).  
 
5.1.2. Cette jurisprudence est également applicable en matière de suppression de l'indemnité journalière et de la prise en charge du traitement médical par l'assureur-accidents, la problématique étant identique à celle d'une procédure en révision. En effet, il se pose dans les deux cas la question de savoir si les prestations doivent être versées à titre provisoire pour la durée de la procédure (dès le renvoi de la cause à l'assureur pour complément d'instruction et jusqu'au moment de l'entrée en force de la nouvelle décision), alors qu'il n'est pas établi - et fait précisément objet du litige - si les conditions requises pour la suppression (ou la diminution) de ces prestations sont effectivement remplies, par exemple si, au moment de la première décision, il n'existait plus de lien de causalité ou si l'état de santé était déjà stabilisé. Les résultats de l'instruction complémentaire montreront donc si la décision originelle pourra être confirmée ou non. Dans l'affirmative, l'assurance aura cessé de prester à juste titre dès la première décision. Autrement, elle devra continuer de prester jusqu'à un moment ultérieur, où les conditions pour la suppression des prestations seront données (arrêts 8C_45/2008 du 16 décembre 2008 consid. 3; U 115/06 du 24 juillet 2007 consid. 6.3, in SVR 2008 UV n° 27 p. 103).  
 
5.1.3. En l'occurrence, on constate que la recourante avait retiré l'effet suspensif tant dans sa décision du 17 août 2020, que dans sa décision sur opposition du 1er septembre 2020. Par conséquent et à teneur des principes jurisprudentiels pertinents, la restitution de l'effet suspensif retiré dans le cadre des décisions susmentionnées ne pouvait intervenir que si la recourante avait mis fin aux prestations temporaires de manière abusive. Or, ces décisions ont été rendues à l'issue d'une procédure d'instruction étendue, en particulier sur le plan médical. En effet, les médecins d'assurance se sont prononcés à de multiples reprises sur le dossier de l'intimé. Ils ont notamment organisé un séjour de l'intimé au sein de la Clinique C.________, l'ont examiné personnellement et ont fait récolter les pièces utiles à leurs appréciations avant de se prononcer de manière définitive.  
En ce qui concerne les troubles psychiques, qui exigent selon la cour cantonale un examen du lien de causalité avec l'accident, la recourante souligne à juste titre d'une part que les premiers juges ont fondé leur argumentation sur le rapport du docteur E.________ du 10 décembre 2020, soit sur un avis postérieur aux décisions rendues par la recourante, et d'autre part qu'à teneur des pièces au dossier les troubles allégués ont toujours été discrets. 
Ainsi, si les juges cantonaux ont considéré que l'appréciation du médecin d'assurance laissait subsister un doute quant à sa fiabilité et sa pertinence, nécessitant une instruction complémentaire sous la forme d'une expertise, ils n'ont en revanche - et à raison - pas retenu que la recourante avait mis fin aux prestations temporaires de l'assurance-accidents de manière abusive, respectivement dans le seul but d'avancer autant que possible la fin du droit aux prestations temporaires d'assurance. L'exception à la règle selon laquelle l'effet suspensif perdure durant la phase d'instruction complémentaire n'étant pas réalisée en l'espèce, la cour cantonale ne pouvait donc pas s'écarter de la jurisprudence selon laquelle le retrait de l'effet suspensif couvre la période d'instruction complémentaire prescrite par renvoi de l'autorité de recours jusqu'à la notification de la nouvelle décision. 
 
5.2. La cour cantonale s'est limitée à citer un arrêt récent du Tribunal fédéral (8C_343/2022 du 11 octobre 2022), où celui-ci a été amené à se prononcer sur un cas particulier mais n'a pas remis en cause la jurisprudence mentionnée ci-dessus ni discuté ou examiné la question de l'effet suspensif. En revanche, elle n'a ni considéré ni appliqué les règles jurisprudentielles appropriées, violant par là le droit fédéral. Or l'examen du cas particulier à l'aune de ces principes jurisprudentiels révèle, comme on vient de le voir, que l'intimé n'a pas droit aux indemnités journalières et à la prise en charge du traitement médical durant la phase d'instruction complémentaire jusqu'au prononcé d'une nouvelle décision portant sur le droit aux prestations. Par conséquent, l'arrêt entrepris est contraire au droit fédéral en tant qu'il oblige la recourante à continuer de verser ces prestations temporaires et doit être annulé sur ce point, en admission de recours.  
 
6.  
L'intimé, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. L'arrêt de la Chambre des assurances sociales de Cour de justice de la République et canton de Genève du 9 novembre 2022 est annulé en tant qu'il reconnaît le droit de l'intimé aux prestations temporaires au-delà du 30 septembre 2020. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 3 juillet 2023 
 
Au nom de la IVe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
La Greffière : Betschart