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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1B_49/2019  
 
 
Arrêt du 20 mai 2019  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président, 
Fonjallaz et Kneubühler. 
Greffier : M. Tinguely. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________, B.A.________ et C.A.________, 
tous les trois représentés par Me Arnaud Thièry, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
Ministère public de l'arrondissement de Lausanne. 
 
Objet 
procédure pénale; refus de l'assistance judiciaire, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton 
de Vaud, Chambre des recours pénale, du 12 décembre 2018 (968 PE18.013807-ERY). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 14 juillet 2018, D.A.________, âgé de 21 ans, est décédé à F.________ après s'être jeté du toit d'un bâtiment. Une procédure pénale a été ouverte le même jour par le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne afin d'établir les circonstances entourant le décès.  
 
A.b. L'examen externe du corps par le Centre universitaire romand de médecine légale (CURML) n'ayant révélé aucun élément laissant supposer l'intervention d'un tiers dans ce qui apparaissait être un suicide, il a été renoncé à une autopsie. Le corps du défunt a ainsi été restitué à la famille, qui l'a inhumé en Bosnie-Herzégovine, pays d'origine du défunt.  
 
A.c. Dans un courrier électronique adressé le 19 août 2018 au Ministère public, A.A.________, mère du défunt, a fait part de ses interrogations quant à une possible responsabilité de la directrice et du médecin référent de E.________, à F.________, où le défunt résidait depuis environ deux ans sur une base volontaire.  
Le 20 août 2018, le Procureur a chargé la police de procéder à l'audition de la directrice de E.________ en vue d'établir l'évolution de D.A.________ depuis son arrivée au foyer, l'état dans lequel il se trouvait les jours précédant son décès et les éventuelles mesures prises à son sujet, de déterminer, sur la base des déclarations de la directrice, l'identité de toute personne pouvant apporter des informations sur les points précités ainsi que de procéder à l'audition de toute personne pouvant apporter des éléments utiles à l'enquête. 
 
A.d. Les 27 et 30 août 2018, C.A.________, A.A.________ et B.A.________, respectivement père, mère et soeur du défunt, tous trois assistés par l'avocat Arnaud Thièry, à H.________, ont déposé plainte contre inconnu pour homicide par négligence. Ils ont en outre demandé à être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite, l'avocat Arnaud Thièry leur étant désigné comme conseil juridique gratuit.  
 
B.   
Par ordonnance du 10 septembre 2018, le Ministère public a refusé l'octroi de l'assistance judiciaire et la désignation d'un conseil juridique gratuit aux plaignants. Il a ainsi estimé que les prétentions civiles des plaignants semblaient vouées à l'échec, dès lors que toute intervention de tiers pouvait être exclue en l'état, E.________ étant de surcroît un établissement ouvert, ce qui permettait à D.A.________ d'aller et venir librement. 
Par ailleurs, par ordonnance du 14 septembre 2018, le Ministère public a rejeté la requête des plaignants tendant à l'exhumation du corps du défunt. 
Les recours formés par les plaignants contre ces ordonnances ont été rejetés, dans la mesure de leur recevabilité, par arrêt du 12 décembre 2018 de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois. 
 
C.   
Par acte du 31 janvier 2019, C.A.________, A.A.________ et B.A.________ forment un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 12 décembre 2018. Ils concluent, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens que l'assistance judiciaire gratuite leur est octroyée avec effet au 27 août 2018, l'avocat Arnaud Thièry étant désigné en qualité de conseil juridique gratuit. Subsidiairement, ils concluent à la réforme de l'arrêt en ce sens que l'assistance judiciaire gratuite leur est octroyée pour la procédure cantonale de recours. Plus subsidiairement, ils concluent à l'annulation de l'arrêt entrepris et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Ils requièrent en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure au Tribunal fédéral. 
Invitée à se déterminer, la Chambre des recours pénale s'est référée aux considérants de son arrêt. Le Ministère public a pour sa part conclu au rejet du recours. Le 18 avril 2019, les recourants ont persisté dans leurs conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours en matière pénale est ouvert contre une décision incidente par laquelle l'assistance judiciaire est refusée à une partie à la procédure pénale (art. 78 al. 1 LTF). Un tel refus est susceptible de causer un préjudice irréparable à son destinataire, au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, de sorte qu'il peut faire l'objet d'un recours immédiat au Tribunal fédéral (ATF 140 IV 202 consid. 2.2 p. 205; 133 IV 335 consid. 4 p. 338; arrêt 1B_357/2017 du 15 novembre 2017 consid. 1). 
Aux termes de l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. La qualité pour recourir doit aussi être reconnue à la partie qui invoque une violation de ses droits de procédure lorsque cette violation équivaut à un déni de justice formel (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 5). Il en va notamment ainsi du droit à l'assistance judiciaire. Ce droit étant reconnu à la partie plaignante aux conditions de l'art. 136 CPP, celle-ci est recevable à se plaindre du fait que l'assistance judiciaire lui a été refusée (arrêts 1B_357/2017 précité consid. 1; 1B_245/2017 du 23 août 2017 consid. 1 et les arrêts cités). 
Pour le surplus, le recours a été déposé en temps utile (art. 46 al. 1 let. b, 48 al. 2 et 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue par une autorité cantonale de dernière instance (art. 80 LTF). Partant, il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.   
Les pièces ultérieures à l'arrêt attaqué sont irrecevables (art. 99 al. 1 LTF). Il en va ainsi du rapport d'expertise toxicologique établi le 5 avril 2019 sur initiative des recourants par le CURML (pièce n° 5), lequel a été produit à l'appui de leurs déterminations du 18 avril 2019. 
 
3.   
Les recourants, qui demandent à être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire à compter du jour du dépôt de leur requête (27 août 2018), reprochent à la cour cantonale d'avoir considéré que les conditions posées à l'art. 136 al. 1 CPP n'étaient pas réalisées. 
 
3.1. A teneur de l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert.  
L'art. 136 CPP concrétise les conditions d'octroi de l'assistance judiciaire pour la partie plaignante dans un procès pénal. Selon l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante indigente (let. a) pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles si l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. b). L'assistance judiciaire comprend l'exonération d'avances de frais et de sûretés (art. 136 al. 2 let. a CPP), l'exonération des frais de procédure (let. b) et/ou la désignation d'un conseil juridique gratuit, lorsque la défense des intérêts de la partie plaignante l'exige (let. c). Cette norme reprend ainsi les trois conditions cumulatives découlant de l'art. 29 al. 3 Cst., à savoir l'indigence, les chances de succès et le besoin d'être assisté. 
Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter; il ne l'est en revanche pas lorsque les chances de succès et les risques d'échec s'équilibrent à peu près, ou que les premières ne sont que légèrement inférieures aux secondes. L'élément déterminant réside dans le fait que l'indigent ne doit pas se lancer, parce qu'il plaide aux frais de la collectivité, dans des démarches vaines qu'une personne raisonnable n'entreprendrait pas si, disposant de moyens suffisants, elle devait les financer de ses propres deniers (cf. ATF 138 III 217 consid. 2.2.4 p. 218; 129 I 129 consid. 2.2 p. 133 ss). La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 133 III 614 consid. 5). Les chances de succès ne doivent pas être déniées lorsque les démarches à entreprendre portent sur des questions complexes et que leur issue apparaît incertaine (ATF 124 I 304 consid. 4b p. 309; arrêt 5A_842/2011 du 24 février 2012 consid. 5.3, non publié in ATF 138 III 217). L'assistance judiciaire peut être refusée lorsqu'il apparaît d'emblée que la démarche est manifestement irrecevable, que la position du requérant est juridiquement infondée (par exemple en raison du dépôt tardif de la plainte ou d'une infraction ne protégeant pas les intérêts privés) ou si la procédure pénale est vouée à l'échec, notamment lorsqu'une ordonnance de non-entrée en matière ou de classement doit être rendue. De manière générale, en cas de doute, l'assistance judiciaire doit être accordée, le cas échéant, en la limitant à la première instance (arrêt 6B_855/2016 du 26 juillet 2017 consid. 3.1 et les références citées). 
 
3.2. S'il est certes admis, comme le relèvent les recourants, que la partie plaignante a le droit de requérir l'assistance judiciaire tant lors de la phase d'instruction conduite par le Ministère public que lors des investigations policières (cf. art. 299 al. 1 CPP; ATF 144 IV 377 consid. 2 p. 380 ss), il n'en demeure pas moins que l'octroi de l'assistance judiciaire à la partie plaignante doit s'apprécier en toute hypothèse à l'aune des conditions énumérées à l'art. 136 al. 1 CPP.  
A cet égard, la cour cantonale a estimé que l'action civile des recourants paraissait en l'état vouée à l'échec (cf. art. 136 al. 1 let. b CPP), dès lors qu'aucun élément au dossier ne mettait en lumière le moindre début de soupçon de responsabilité d'un tiers dans le décès de D.A.________, qui paraît résulter d'un suicide sans qu'une intervention extérieure puisse être décelée. Ainsi, le seul fait que le défunt résidait dans un foyer destiné à des personnes présentant des difficultés psychosociales, sur un mode volontaire et sans surveillance imposée, ne suffisait pas à retenir, au regard des éléments constitutifs de l'infraction d'homicide par négligence (cf. art. 117 CP), que les responsables du foyer avaient une position de garant, ni qu'ils auraient violé des règles de prudence par une omission qui puisse être qualifiée de fautive. 
 
3.3. Les recourants objectent qu'en ayant accepté de donner suite, par la mise en oeuvre d'investigations complémentaires (cf. art. 312 al. 1 CPP), à leur requête tendant à déterminer une éventuelle implication des intervenants de E.________, le Ministère public aurait reconnu que leur action civile - qui tendait à l'indemnisation de leur tort moral et des frais consécutifs au décès - n'était pas dépourvue de chances de succès. Cela étant, il ne ressort pas de l'arrêt entrepris que ces investigations complémentaires ont permis de déceler des éléments concrets pouvant laisser supposer une responsabilité des intervenants du foyer. De surcroît, il apparaît que les investigations policières ont été ordonnées après que la recourante A.A.________ en avait fait personnellement la demande au Procureur. On ne saurait dans ce contexte retenir que l'assistance d'un avocat se soit révélée nécessaire, l'intervention initiale du conseil des recourants et le dépôt de la demande d'assistance judiciaire (27 août 2018) étant postérieures au mandat confié à la police (20 août 2018). Quant aux éventuelles autres mesures d'instruction requises par les recourants, on ne saurait déduire de l'arrêt entrepris que le Ministère public entend y donner suite en l'état.  
Ainsi, en l'absence de tout élément propre à établir la commission d'une infraction pénale, il n'apparaît pas, à ce stade de la procédure, que celle-ci pourrait aboutir à un autre résultat qu'à un classement (cf. art. 319 al. 1 CPP). L'appréciation de la cour cantonale quant à l'absence de chances de succès de l'action civile ne prête donc pas le flanc à la critique. 
 
 
4.   
Les recourants soutiennent à titre subsidiaire que l'assistance judiciaire aurait dû leur être octroyée à tout le moins pour la procédure de recours à la Chambre des recours pénale. 
Si cette dernière a certes estimé à bon droit que les recourants ne pouvaient pas bénéficier de l'assistance judiciaire à ce stade de la procédure préliminaire, l'examen des conditions d'octroi a toutefois nécessité une appréciation circonstanciée de l'autorité de recours, réalisée après une étude détaillée du dossier. Dans ces conditions, elle ne pouvait pas considérer que le recours cantonal était en lui-même dénué de chances de succès, ni que l'assistance d'un conseil n'était pas nécessaire dans ce cadre. Au surplus, il apparaît que l'indigence des recourants est établie (cf. arrêt entrepris, consid. 3.3 p. 8), de sorte que les conditions de l'art. 136 al. 1 CPP sont réunies s'agissant de la procédure de recours. 
Le recours doit dès lors être admis sur ce point. 
 
5.   
Pour le surplus, les recourants n'émettent aucune critique sur l'arrêt attaqué en tant qu'il a trait à leur recours contre l'ordonnance du Ministère public du 14 septembre 2018 relative à l'exhumation du défunt, qui a été rejeté. 
 
6.   
Il s'ensuit que le recours doit être partiellement admis. L'arrêt attaqué est annulé en tant que la requête d'assistance judiciaire pour la procédure de recours contre l'ordonnance du 10 septembre 2018 est rejetée et que les frais judiciaires y relatifs sont mis à la charge des recourants, la cause étant renvoyée à la cour cantonale pour qu'elle accorde aux recourants l'assistance judiciaire pour la procédure de recours contre l'ordonnance du 10 septembre 2018, sous la forme d'une exonération des frais de procédure et de la désignation d'un conseil juridique gratuit. Pour le surplus, l'arrêt est confirmé. 
Le canton de Vaud versera une indemnité de dépens aux recourants, qui obtiennent partiellement gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 1 LTF). Leur requête d'assistance judiciaire pour la procédure fédérale est ainsi partiellement sans objet et, pour le surplus, doit être admise, dès lors que les conditions posées à l'art. 64 al. 1 LTF sont réunies. Il y a lieu de désigner Me Arnaud Thièry en tant qu'avocat d'office pour la procédure fédérale et de lui allouer une indemnité à titre d'honoraires, qui seront supportés par la caisse du tribunal. Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 4 et 64 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est partiellement admis. L'arrêt attaqué est annulé en tant que la requête d'assistance judiciaire pour la procédure de recours contre l'ordonnance du 10 septembre 2018 est rejetée et que les frais judiciaires y relatifs sont mis à la charge des recourants, la cause étant renvoyée à la cour cantonale pour qu'elle statue au sens des considérants. 
 
2.   
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.   
Une indemnité de dépens, arrêtée à 1000 fr., est allouée au mandataire des recourants, à la charge du canton de Vaud. 
 
4.   
La demande d'assistance judiciaire est admise. Me Arnaud Thièry est désigné comme avocat d'office des recourants et une indemnité de 1000 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. 
 
5.   
Le présent arrêt est communiqué aux recourants, au Ministère public de l'arrondissement de Lausanne et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale. 
 
 
Lausanne, le 20 mai 2019 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Chaix 
 
Le Greffier : Tinguely