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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
 
1B_385/2017  
   
   
 
 
 
Arrêt du 30 novembre 2017  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président, 
Eusebio et Chaix. 
Greffière : Mme Kropf. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
2. B.________, 
tous les deux représentés par Maîtres Patrick Hunziker et Elisa Bianchetti, avocats, 
recourants, 
 
contre  
 
Ministère public de la Confédération, route de Chavannes 31, case postale, 1001 Lausanne. 
 
Objet 
Procédure pénale; refus de levée de séquestre, 
 
recours contre la décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral du 10 août 2017 (BB 2017.44-45). 
 
 
Faits :  
 
A.   
A la suite d'une annonce du Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent, le Ministère public de la Confédération (MPC) instruit depuis le 6 novembre 2015 une enquête contre C.________ et inconnus pour blanchiment d'argent aggravé (art. 305bis ch. 1 et 2 CP). A cette même date, le Procureur a ordonné la production (1) de la documentation bancaire relative aux comptes n° xxx et yyy auprès de la banque D.________, relations bancaires dont le prévenu, respectivement son fils, A.________, sont les titulaires, ainsi que (2) de celle de toutes autres relations dont les deux susmentionnés sont ou ont été titulaires, ayants droit économiques ou fondés de procuration; le MPC a également ordonné le blocage desdites relations bancaires. Les valeurs patrimoniales déposées sur le compte n° zzz à la banque D.________ de B.________ - ex-épouse de C.________ - et pour lequel A.________ dispose d'une procuration ont par conséquent été séquestrées et la documentation y relative saisie. 
Le 9 février 2016, B.________ et A.________ ont requis du MPC la levée des séquestres portant sur leurs comptes, demande qui a été rejetée s'agissant des avoirs détenus auprès de la banque D.________. Le 19 décembre 2016, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a rejeté les recours déposés par les deux susmentionnés, qui tendaient en substance à limiter la mesure à EUR 250'000.- s'agissant de la première et à EUR 200'000.- pour le second. 
 B.________ et A.________ ont demandé, le 3 octobre 2016, au MPC de reconsidérer sa décision, puis ont sollicité, le 31 janvier 2017, la levée du séquestre portant sur le compte du second à hauteur de 20'000 fr. afin de couvrir des arriérés de frais et d'honoraires, ainsi que de permettre l'exercice de leur défense; ils ont également requis la levée de ces mesures sur les valeurs patrimoniales au-delà des avoirs litigieux venant de C.________, soit les valeurs dépassant les montants de EUR 250'000.- et EUR 200'000.-. Le 20 février 2017, le MPC a refusé de reconsidérer sa décision du 12 mai 2016 et a renvoyé pour le surplus à la décision rendue par la Cour des plaintes en décembre 2016. 
 
B.   
Le 10 août 2017, la Cour des plaintes a rejeté le recours formé par B.________ et A.________ contre cette ordonnance. Relevant que les considérations émises dans sa précédente décision étaient toujours valables, cette autorité a estimé que les séquestres opérés sur les comptes des deux susmentionnés reposaient sur des soupçons suffisants et n'étaient disproportionnés ni sur leur principe, ni quant à leur durée. La Cour des plaintes a encore indiqué que, jusqu'à l'éventuelle reprise de la poursuite pénale par les autorités brésiliennes, le MPC devait poursuivre son instruction afin de mieux éclaircir les soupçons de provenance illicite des fonds déposés sur les relations litigieuses. 
 
C.   
Par acte du 11 septembre 2017, A.________ et B.________ (ci-après les recourants) forment un recours en matière pénale contre cet arrêt, concluant à son annulation ainsi qu'à la levée des séquestres portant sur les avoirs du compte "n° aaa" [recte n° yyy] déposés auprès de la banque D.________ pour le premier et sur ceux du compte "n° bbb" [recte n° zzz] auprès du même établissement bancaire pour la seconde. A titre subsidiaire, ils demandent la levée des séquestres portant sur les avoirs déposés sur ces comptes dépassant le montant de (1) EUR 200'000.- s'agissant d'A.________ et de (2) EUR 250'000.- en ce qui concerne B.________. 
L'autorité précédente a persisté dans les termes de sa décision, sans déposer d'observations. Quant au MPC, il a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Selon l'art. 79 LTF, le recours en matière pénale est recevable contre les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral qui portent sur des mesures de contrainte, dont font partie les prononcés relatifs à un séquestre (ATF 143 IV 85 consid. 1.2 p. 87; 136 IV 92 consid. 2.1 et 2.2 p. 93 s.). Ce type de décision a un caractère incident et cause en principe un dommage irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF car le détenteur des valeurs et/ou biens saisis se trouve privé temporairement de leur libre disposition (ATF 128 I 129 consid. 1 p. 131). En tant que détenteurs des comptes bancaires placés sous séquestre, les deux recourants - qui ont participé à la procédure devant l'instance précédente - ont qualité pour recourir au sens de l'art. 81 al. 1 LTF. Le recours a été déposé en temps utile (art. 46 al. 2 et 100 al. 1 LTF) et les conclusions qui y sont prises sont recevables (art. 107 al. 2 LTF). Partant, il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.   
Dans ses déterminations, le MPC se réfère au prononcé de blocage des comptes des recourants qu'il a rendu le 23 août 2017 afin de donner suite à la requête déposée par les autorités brésiliennes dans le cadre de leur demande d'entraide du 19 mai 2017. Cette décision n'est pas à l'origine du présent litige et elle est en outre ultérieure à l'arrêt attaqué (art. 99 al. 1 LTF). Il n'y a dès lors pas lieu d'en tenir compte pour examiner si les conditions du séquestre étaient réalisées au moment où l'autorité précédente a statué. 
 
3.   
Invoquant notamment un établissement arbitraire des faits, les recourants reprochent à l'autorité précédente d'avoir maintenu le séquestre sur l'intégralité de leurs avoirs déposés sur les comptes n° yyy et n° zzz. En particulier, ils soutiennent que la prescription du droit de confisquer serait atteinte pour certaines opérations considérées par le MPC comme étant litigieuses (cf. ad 71 ss du mémoire de recours); quant à d'autres versements, notamment sur le compte de la recourante (cf. ad 79 ss de l'écriture susmentionnée), il n'aurait pas été démontré, après deux ans d'enquête, qu'ils seraient en lien avec les actes - notamment de blanchiment - reprochés au prévenu. 
 
3.1. Le séquestre est une mesure de contrainte qui ne peut être ordonnée, en vertu de l'art. 197 al. 1 CPP, que si elle est prévue par la loi (let. a), s'il existe des soupçons suffisants laissant présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elle apparaît justifiée au regard de la gravité de l'infraction (let. d). Les mesures de contrainte qui portent atteinte aux droits fondamentaux des personnes qui n'ont pas le statut de prévenu sont appliquées avec une retenue particulière (art. 197 al. 2 CPP). Si le motif du séquestre disparaît, le ministère public ou le tribunal lève la mesure et restitue les objets et valeurs patrimoniales à l'ayant droit (art. 267 al. 1 CPP).  
Lors de l'examen de cette mesure, l'autorité statue sous l'angle de la vraisemblance, examinant des prétentions encore incertaines. Le séquestre pénal est en effet une mesure provisoire destinée à préserver les objets ou valeurs qui peuvent servir de moyens de preuve, que le juge du fond pourrait être amené à confisquer, à restituer au lésé ou qui pourraient servir à l'exécution d'une créance compensatrice (art. 263 al. 1 CPP et 71 al. 3 CP). L'autorité doit pouvoir statuer rapidement (cf. art. 263 al. 2 CPP), ce qui exclut qu'elle résolve des questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 141 IV 360 consid. 3.2 p. 364). 
Un séquestre est proportionné lorsqu'il porte sur des avoirs dont on peut admettre en particulier qu'ils pourront être vraisemblablement confisqués en application du droit pénal. Tant que l'instruction n'est pas achevée et que subsiste une probabilité de confiscation, de créance compensatrice ou d'une allocation au lésé, la mesure conservatoire doit être maintenue (ATF 141 IV 360 consid. 3.2 p. 364); l'intégralité des fonds doit demeurer à disposition de la justice aussi longtemps qu'il existe un doute sur la part de ceux-ci qui pourrait provenir d'une activité criminelle (arrêt 1B_145/2016 du 1er juillet 2016 consid. 3.1 et les arrêts cités). Les probabilités d'une confiscation, respectivement du prononcé d'une créance compensatrice, doivent cependant se renforcer au cours de l'instruction (ATF 122 IV 91 consid. 4 p. 96; arrêt 1B_416/2012 du 30 octobre 2012 consid. 2.1). Un séquestre peut en effet apparaître disproportionné lorsque la procédure dans laquelle il s'inscrit s'éternise sans motifs suffisants (ATF 132 I 229 consid. 11.6 p. 247). En outre, pour respecter le principe de proportionnalité, l'étendue du séquestre doit rester en rapport avec le produit de l'infraction poursuivie (ATF 130 II 329 consid. 6 p. 336). 
 
3.2. S'agissant tout d'abord des deux virements de EUR 200'000.- et de EUR 250'000.- versés par le prévenu - par l'intermédiaire du recourant s'agissant de la recourante -, la Cour des plaintes a renvoyé aux considérations émises dans sa décision du 19 décembre 2016, constatations qu'elle considérait comme toujours valables (cf. consid. 2.4 de l'arrêt entrepris). Elle avait alors retenu que les deux recourants ne contestaient pas qu'une partie des valeurs patrimoniales saisies puisse être le produit d'infractions et ne demandaient dès lors pas la levée des séquestres s'agissant des deux versements susmentionnés (cf. consid. 2 de l'arrêt du 19 décembre 2016); vu les soupçons pesant sur le prévenu - dépôt d'avoirs sur ses comptes en lien avec des actes de corruption et de blanchiment d'argent opérés dans le contexte de l'affaire E.________ (cf. consid. 2.1 de l'arrêt du 19 décembre 2016) - et l'arrière-plan douteux de ces deux transactions, leur séquestre se justifiait (cf. consid. 2.4 de l'arrêt du 19 décembre 2016).  
Selon l'autorité précédente, les explications données le 3 octobre 2016 par les recourants ne modifiaient pas cette appréciation; en effet, elles ne reposaient sur aucun élément concret et les motifs alors avancés étaient différents de ceux donnés précédemment pour les justifier (avancement d'hoirie, donation, puis remboursement d'un prêt); de plus, le prévenu n'avait pas été entendu sur ces allégations et le dossier n'établissait pas la bonne foi des recourants dès lors qu'au vu des raisons invoquées, les montants en cause pourraient avoir été versés aux recourants sans contre-prestation (cf. consid. 2.4 de l'arrêt entrepris). 
Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique et les recourants ne développent aucune argumentation propre à le remettre en cause, notamment pour expliquer les différents motifs soulevés pour justifier les virements de la part du prévenu en leur faveur. Leur argumentation tend au demeurant avant tout à démontrer que les autres avoirs qu'ils détiennent sur les relations bancaires en cause n'auraient pas de provenance illicite et/ou ne concerneraient pas la période des infractions examinées à l'encontre du prévenu. 
Il y a donc lieu de rejeter le recours tendant à la levée des séquestres qui portent sur ces montants, à savoir à hauteur de EUR 250'000.- s'agissant de la recourante et de EUR 200'000.- pour le recourant. 
 
3.3. En ce qui concerne ensuite le séquestre portant sur les avoirs excédant les montant de EUR 250'000.- pour la recourante et de EUR 200'000.- pour le recourant, la Cour des plaintes a retenu que le MPC avait mis en évidence d'autres opérations intervenues sur les comptes des deux recourants qui nécessitaient d'être éclaircies malgré les explications - non étayées - données le 3 octobre 2016 (cf. consid. 2.4 de l'arrêt attaqué); cela concernait en particulier un montant de US$ 765'000.- viré le 1er février 2008 sur la relation bancaire de F.________ Inc. - société de droit panaméen détenue alors par la recourante (art. 105 al. 2 LTF; cf. ad 1.2.2 p. 4 s. des déterminations du 3 octobre 2016 des recourants) - et une transaction de US$ 500'000.- créditée le 9 avril 1998 au recourant (cf. consid. 2.1 de l'arrêt entrepris).  
Mis à part rappeler les doutes du MPC quant aux indications données pour expliquer les virements relevés ci-dessus (soit en particulier la liquidation du régime matrimonial à l'origine des fonds de la société de la recourante [cf. consid. 2.1 de l'arrêt entrepris]), l'autorité précédente n'établit pas quel pourrait être le lien de ces montants avec l'enquête en cours contre le prévenu. Si la titularité des comptes, respectivement la qualité d'ayant droit économique, pouvait justifier le maintien des séquestres sur l'intégralité des avoirs bancaires des recourants - fils et ex-épouse du prévenu - au début de l'enquête, ce seul élément ne suffit plus en l'occurrence après deux ans de procédure. La date desdits virements ne permet pas non plus d'établir un éventuel lien avec la procédure pénale, dès lors que l'arrêt entrepris ne constate pas la période au cours de laquelle le prévenu aurait commis des infractions. On peut d'ailleurs d'autant plus douter d'un tel rapport que la demande de délégation de la poursuite pénale du 20 février 2017 adressée aux autorités brésiliennes fait état d'éventuelles infractions - par le biais de la société du prévenu - à partir de 2010. Enfin, il ne peut être exclu que la prescription du droit de confisquer en lien avec d'éventuelles infractions de blanchiment d'argent aggravé pourrait être atteinte au jour de l'arrêt attaqué pour la période antérieure au 10 août 2002 (cf. art. 70 al. 3 CP en lien avec les art. 97 al. 1 let. b et 305bis ch. 1 et 2 CP). En tout état de cause, le MPC ne démontre pas quels actes d'instruction seraient en cours afin d'étayer ses soupçons quant à la provenance de ces virements, ainsi qu'il lui incombait de le faire, ayant d'ailleurs été invité à procéder dans ce sens en décembre 2016 déjà (cf. consid. 2.4 de l'arrêt du 19 décembre 2016). 
Au regard des considérations précédentes, aucun motif ne permet en l'état d'établir un lien - même sous l'angle de la vraisemblance - entre les montants excédant EUR 250'000.- pour la recourante, respectivement EUR 200'000.- pour le recourant, et la procédure pénale en cours contre le prévenu. Partant, la Cour des plaintes a violé le droit fédéral, notamment par rapport à la proportionnalité de la quotité saisie et eu égard à la durée de la procédure, en confirmant cette mesure pour l'intégralité des avoirs saisis et le séquestre portant sur des valeurs supérieures aux deux montants susmentionnés doit être levé. 
 
4.   
Il s'ensuit que le recours est partiellement admis. L'arrêt attaqué est annulé dans la mesure où il ordonne le maintien des séquestres sur les valeurs patrimoniales supérieures à EUR 250'000.- pour le compte n° zzz et à EUR 200'000.- sur celui n° yyy. 
Le séquestre des deux montants précités est maintenu. Pour le surplus, sous réserve de l'existence d'un autre prononcé ordonnant le blocage de l'intégralité des valeurs patrimoniales en cause détenues par les recourants pour d'autres motifs, cette mesure est levée pour les deux comptes bancaires en cause. 
Les recourants obtiennent partiellement gain de cause avec l'assistance de mandataires professionnels. Ils ont droit à des dépens pour les procédures devant le Tribunal fédéral et devant le Tribunal pénal fédéral à la charge de la Confédération (art. 68 al. 1 et 5 LTF), montant qui sera cependant réduit eu égard au rejet d'une partie de leurs conclusions. Il n'y a pas lieu de percevoir de frais judiciaires pour les deux procédures de recours (art. 66 al. 4 et 67 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est partiellement admis. L'arrêt du 10 août 2017 de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral est annulé dans la mesure où il il ordonne le maintien des séquestres sur les montants supérieurs à EUR 250'000.- pour le compte n° zzz et à EUR 200'000.- sur celui n° yyy. Le séquestre des deux montants précités est maintenu et, pour le surplus, cette mesure est levée au sens des considérants. 
 
2.   
Une indemnité de dépens, fixée à 3'000 fr., est allouée aux recourants pour les procédures devant le Tribunal fédéral et devant le Tribunal pénal fédéral à la charge de la Confédération (Ministère public de la Confédération). 
 
3.   
Il n'est pas perçu de frais judiciaires pour les deux procédures de recours. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourants, au Ministère public de la Confédération et à la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral. 
 
 
Lausanne, le 30 novembre 2017 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Merkli 
 
La Greffière : Kropf