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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
8C_687/2008 
 
Arrêt du 18 novembre 2008 
Ire Cour de droit social 
 
Composition 
Mme et MM. les Juges Widmer, Juge présidant, Lustenberger et Frésard. 
Greffière: Mme Berset. 
 
Parties 
N.________, 
recourant, représenté par Me Franklin Sedaj, avocat, Rr. UÇK Nr. 6 (Fah. Post. 7), 10010 Prishtina, République du Kosovo, 
 
contre 
 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-accidents, 
 
recours contre le jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 11 juillet 2008. 
 
Faits: 
 
A. 
N.________, ressortissant albanais du Kosovo a travaillé en Suisse où il a été victime d'un accident en 2006 sur son lieu de travail. 
 
Par écriture du 12 février 2008, rédigée en allemand et adressée au Tribunal administratif du canton de Lucerne, N.________, alors - et actuellement encore - domicilié à H.________ (Kosovo), a recouru contre une décision sur opposition de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents du 5 février 2008. Le Tribunal administratif a transmis cette écriture au Tribunal des assurances du canton de Vaud comme objet de sa compétence. 
 
Par lettre du 16 mai 2008, le juge instructeur du Tribunal des assurances a invité le mandataire de l'assuré à adresser un acte de recours en français, à compléter son écriture par un exposé des faits, une motivation, ainsi que des conclusions claires et, enfin, à produire une traduction en français, certifiée conforme, du rapport médical joint au recours. A défaut, il ne serait pas entré en matière sur le recours. 
 
Par lettre du 23 mai 2008, rédigée en allemand, le mandataire de l'intéressé (également au Kosovo) a répondu qu'il ne connaissait pas le français et a demandé au Tribunal de correspondre avec lui en allemand. Par courrier du 3 juin 2008, le juge instructeur lui a rappelé que la langue de la procédure était le français et lui a imparti un nouveau délai échéant le 12 juin 2008 pour adresser son recours traduit en français. Le juge instructeur lui a envoyé la même lettre en date du 27 juin 2008, cette fois sous pli recommandé, et a fixé à l'intéressé un ultime délai au 10 juillet 2008 pour s'exécuter. Le mandataire n'a pas donné suite à cette nouvelle demande. 
 
B. 
Statuant le 11 juillet 2008, le Président du Tribunal des assurances a déclaré le recours irrecevable. Il a retenu que l'intéressé n'avait pas donné suite aux courriers du juge instructeur et n'avait pas complété son acte de recours dans la mesure requise par celui-ci. Partant, les écritures des 12 février et 23 mai 2008 ne satisfaisaient pas aux exigences de forme de la loi cantonale sur le Tribunal des assurances (LTAs), dès lors qu'il ne ressortait de l'acte de recours, non traduit en français, aucun exposé des faits, aucun moyen ni aucune conclusion. 
 
C. 
N.________ a formé un recours en matière de droit public dans lequel il conclut au versement par la CNA d'une rente d'invalidité et d'une indemnité pour atteinte à l'intégrité. Le Tribunal des assurances et la CNA concluent au rejet du recours. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Conformément à l'art. 54 al. 1 LTF, la procédure devant le Tribunal fédéral doit être conduite en règle générale dans la langue de la décision attaquée. En l'espèce, l'arrêt entrepris ayant été rendu en français, le présent arrêt sera lui-même rendu dans cette langue. Le seul fait que le recourant procède en allemand ne justifie pas que l'on s'écarte de ce principe. 
 
2. 
Le recours en matière de droit public est dirigé contre un jugement d'irrecevabilité rendu par l'autorité cantonale. Seul doit dès lors être examiné le point de savoir si c'est à bon droit que le premier juge a déclaré le recours irrecevable. Dans la mesure où le recourant prend des conclusions sur le fond, celles-ci sont irrecevables. 
 
3. 
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments de la partie recourante ou par la motivation de l'autorité précédente. Toutefois, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF - sanctionnée par l'irrecevabilité des recours dont la motivation est manifestement insuffisante (art. 108 al. 1 let. b LTF) -, le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués. 
 
4. 
4.1 Le recourant se plaint de n'avoir pas pu correspondre en allemand avec le Tribunal des assurances, ce qui a conduit à l'irrecevabilité du recours. Même si cette motivation est très sommaire, on doit en conclure qu'il reproche au premier juge d'avoir écarté préjudiciellement son recours au motif que ses écritures, ainsi que les annexes produites, n'étaient pas rédigées en français ou qu'elles n'ont pas été traduites en français dans les délais impartis successivement par le juge instructeur. Il convient donc d'examiner ce grief. 
 
4.2 La convention relative aux assurances sociales conclue entre la Suisse et la Yougoslavie le 8 juin 1962 (RS 0.831.109.818.1) a été abrogée et remplacée par des nouvelles conventions bilatérales de sécurité sociale dans les rapports avec la Croatie (art. 40 de la Convention du 9 avril 1996; RS 0.831.109.291.1), avec la Slovénie (art. 39 de la Convention du 10 avril 1996; RS 0.831.109.691.1) et avec la Macédoine (art. 41 de la Convention du 9 décembre 1999; RS 0.831.109.520.1). La convention conclue à l'époque avec la Yougoslavie reste pour l'instant applicable aux relations entre la Suisse et la Bosnie-Herzégovine, la Serbie, le Monténégro et le Kosovo, qui a déclaré son indépendance le 17 février 2008 (voir: La sécurité sociale des travailleurs détachés, Etats contractants non membres de l'UE ou de la l'AELE, Office fédéral des assurances sociales, août 2008; cf. également, de manière plus générale, sur l'applicabilité de cette convention aux relations entre la Suisse et les anciennes parties de la Yougoslavie: ATF 122 V 381 consid. 1 p. 382; 126 V 198 consid.2b p. 203 sv.; cf. également ATF 132 II 65 consid. 3.5.2 p. 73 sv.). Ladite convention avec l'ex-Yougoslavie s'applique notamment à l'assurance contre les accidents et les maladies professionnelles (chap. 2). 
 
4.3 L'art. 20bis de la convention précitée prévoit ceci: 
 
« Les autorités, tribunaux et institutions compétents de l'une des Parties contractantes ne peuvent pas refuser de traiter les requêtes et de prendre en considération d'autres documents du fait qu'ils sont rédigés dans une des langues des nations de la RSF de Yougoslavie ou dans une des langues officielles de la Suisse ». 
 
Par « langues officielles de la Suisse », l'art. 20bis de la Convention entend, l'allemand, le français, l'italien (le romanche étant aussi langue officielle dans les rapports que la Confédération entretient avec les personnes de langue romanche; art. 70 al. 1 Cst.) et pas nécessairement la langue officielle du canton où la procédure se déroule. Cette norme conventionnelle l'emporte donc sur des dispositions cantonales selon lesquelles les recours doivent être rédigés dans la (ou une) langue officielle du canton en question (ATF 109 V 224; JEAN-FRANÇOIS AUBERT/PASCAL MAHON, Petit commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, Zurich/Bâle/Genève 2003, note 7 ad art. 70). 
L'art. 20bis de la convention vise en priorité, il est vrai, des situations où l'intéressé s'exprime dans une des langues de l'Etat dont il est ressortissant (et non comme en l'espèce dans une langue officielle de l'autre Etat contractant): il s'est agi de garantir le principe de l'effectivité en permettant aux ressortissants de l'une des Parties de procéder devant une autorité de l'autre Partie dans la langue (ou l'une des langues) de son pays d'origine sans avoir à supporter des frais de traduction ou risquer de se voir débouter d'entrée de cause. Plusieurs conventions bilatérales de sécurité sociale contiennent d'ailleurs des dispositions dans ce sens (voir par exemple l'art. 37 de la convention avec la Croatie, qui autorise aussi l'usage de l'anglais; voir également, pour les rapports avec l'Union européenne, l'art. 84 par. 4 du règlement (CEE) no 1408/71; RS 0.831.109.268.1). Cependant, comme l'a jugé le Tribunal fédéral des assurances, le texte de la convention de sécurité sociale conclue avec la Yougoslavie, suivant une interprétation littérale et selon le sens ordinaire qu'il convient d'attribuer à ses termes, autorise un ressortissant de l'ex-Yougoslavie à rédiger ses mémoires adressés à un tribunal suisse dans l'une des langues officielles de la Suisse, plutôt que dans la langue de son pays d'origine. Cette solution permet d'ailleurs d'éviter des frais de traduction à la charge de l'Etat, dès lors que la langue du pays d'origine, s'agissant des anciennes Républiques de Yougoslavie, n'est généralement pas comprise par les autorités helvétiques (arrêt non publié I 116/94 du 4 août 1994). En revanche, contrairement à ce que paraît croire le recourant, la disposition conventionnelle en cause ne prévoit pas l'obligation, pour les juridictions des Etats parties à la convention, de s'adresser au justiciable ou de rendre son jugement dans sa propre langue ou dans une langue officielle en Suisse autre que la langue la procédure, soit en l'occurrence le français. 
 
4.4 En l'espèce, le recourant entre dans le champ d'application personnel de la convention et les prestations en cause ressortissent par ailleurs du champ d'application matériel de la convention. En conséquence, le Tribunal des assurances ne pouvait écarter le recours dont il était saisi au motif que les écritures, ainsi que les pièces annexées, n'étaient pas rédigées en français. Ces écritures et pièces pouvaient être rédigées en allemand sans que cela entraîne de préjudice pour le recourant. 
 
5. 
5.1 A la lecture du jugement entrepris et des correspondances antérieures du juge instructeur, l'irrecevabilité du recours paraît aussi être motivée par le fait qu'il ne satisfaisait pas aux exigences de forme requises par le droit cantonal de procédure (motifs et conclusions). Dans sa réponse au recours, le juge instructeur explicite les raisons de l'irrecevabilité du recours en référence seulement aux dispositions de droit cantonal sur la rédaction des actes dans la langue de la procédure. Peu importe toutefois, à ce stade, que l'irrecevabilité ait aussi pour cause un défaut de motivation. 
 
5.2 Les exigences de motivation se déduisent en l'espèce de l'art. 61 let. b LPGA, selon lequel l'acte de recours devant la juridiction cantonale doit contenir un exposé succinct des faits et des motifs invoqués, ainsi que les conclusions, sans quoi il convient d'impartir un délai convenable au recourant pour combler les lacunes, en l'avertissant qu'en cas d'inobservation, le recours sera écarté. 
 
5.3 En l'espèce, le recours à l'autorité cantonale, s'il contient bien des conclusions, est motivé de manière très sommaire. Le recourant s'est en effet borné à se référer à un avis médical selon lequel son invalidité était de 80 pour cent et à demander une expertise judiciaire. La question de savoir si cette motivation répond aux exigences requises n'a pas besoin d'être tranchée maintenant. En déclarant d'emblée que le recours devait être rédigé en langue française, le juge instructeur a donné au recourant une information inexacte. Cette information était susceptible d'entraver le principe de l'effectivité garanti par l'art. 20bis de la convention. Le mandataire du recourant, qui affirmait ne pas connaître le français, aurait pu éventuellement compléter son recours en langue allemande (ou dans une des langues des anciennes nations de la RSF de Yougoslavie) s'il n'avait pas été induit en erreur par l'injonction selon laquelle il ne pouvait procéder qu'en langue française. Il ne saurait dès lors pâtir d'une information inexacte (art. 9 Cst.). 
 
6. 
Dans ces conditions, il convient d'annuler le jugement attaqué et de renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour nouveau jugement. Si celle-ci estime que le recours ne satisfait pas aux exigences posées par l'art. 61 let. b LPGA, elle impartira préalablement un nouveau délai au recourant pour y remédier, en lui rappelant la teneur de l'art. 20bis de la Convention. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Dans la mesure où il est recevable, le recours est admis. Le jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 11 juillet 2008 est annulé et la cause est renvoyée à celui-ci pour qu'il procède conformément aux considérants. 
 
2. 
Les frais de justice, d'un montant de 750 fr., sont mis à la charge de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents. 
 
3. 
La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents versera au recourant une indemnité de dépens de 1'000 fr. pour les instances fédérale et cantonale. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
Lucerne, le 18 novembre 2008 
 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
p. la Juge présidant: p. la Greffière: 
 
Lustenberger Beauverd