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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1B_403/2012 
 
Arrêt du 15 octobre 2012 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, Karlen et Chaix. 
Greffier: M. Rittener. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Catherine Chirazi, avocate, 
recourant, 
 
contre 
 
Ministère public du canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy. 
 
Objet 
détention provisoire, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 1er juin 2012. 
 
Faits: 
 
A. 
Le 13 mai 2012, A.________ a été arrêté à l'aéroport de Genève, après la découverte dans ses bagages d'une vingtaine de cartes de crédit "skimmées". Ce ressortissant de Malaisie a expliqué en substance avoir été envoyé en Suisse pour faire des achats avec les cartes en question. Deux compatriotes du prénommé ont été arrêtés en même temps que lui pour les mêmes motifs. Le Ministère public du canton de Genève (ci-après: le Ministère public) a mis A.________ en prévention d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur et de tentative d'escroquerie. Par ordonnance du 15 mai 2012, le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Genève (ci-après: le Tmc) a ordonné sa détention provisoire jusqu'au 15 août 2012, en raison de risques de collusion et de fuite. 
Statuant sur recours de l'intéressé, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a confirmé cette décision par arrêt du 1er juin 2012. Elle a retenu que les charges étaient suffisantes, que les risques précités étaient bien réalisés et que le principe de la proportionnalité était respecté. Le même jour, le Ministère public a ordonné la mise en liberté immédiate de A.________. 
 
B. 
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour de justice et de constater le caractère illicite de la détention ainsi qu'une violation de l'art. 29 al. 1 Cst. et des art. 5 et 6 CEDH. Il requiert en outre l'octroi de l'assistance judiciaire. La Cour de justice s'est déterminée sommairement en se référant à sa décision. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Le recourant a présenté des observations complémentaires. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Selon l'art. 78 LTF, le recours en matière pénale est ouvert contre les décisions rendues en matière pénale, dont font partie les décisions relatives à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 220 ss CPP (ATF 137 IV 22 consid. 1 p. 23). 
 
1.1 La recevabilité du recours en matière pénale dépend notamment de l'existence d'un intérêt juridique actuel à l'annulation de la décision entreprise (art. 81 al. 1 let. b LTF). En matière de détention, un tel intérêt fait en principe défaut lorsque le recourant a été remis en liberté. Exceptionnellement, un examen au fond des griefs soulevés peut néanmoins avoir lieu lorsque le recourant invoque une violation manifeste de la CEDH, en demandant une réparation qui peut lui être accordée immédiatement par la constatation de cette violation et une répartition des frais qui lui serait plus favorable (ATF 136 I 274 consid. 1.3 p. 276 s.; 125 I 394 consid. 4a p. 397; arrêts 1B_438/2011 du 16 septembre 2011 consid. 1.2, 1B_173/2011 du 17 mai 2011 consid. 1 non publié in ATF 137 IV 118 et les références). Tel est le cas en l'occurrence, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière sur ces griefs. 
 
1.2 Pour le surplus, le recours est formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF
 
2. 
Dans un premier grief, le recourant se plaint d'une violation du principe de la célérité, en invoquant notamment l'art. 5 par. 3 CEDH et l'art. 6 par. 3 let. a, b et c CEDH. Il reproche au Ministère public d'avoir tardé à communiquer la nomination de son conseil d'office et l'autorisation de consulter le dossier. 
 
2.1 Aux termes de l'art. 5 par. 3 CEDH, toute personne arrêtée ou détenue doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. Quant à l'art. 6 par. 3 CEDH, il prévoit que tout accusé a droit notamment à (let. a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui, (let. b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et (let. c) se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent. 
 
2.2 En l'occurrence, le recourant ne se plaint pas d'une omission de le traduire rapidement devant un magistrat et il n'invoque pas son droit à être jugé dans un délai raisonnable ou remis en liberté. Il a d'ailleurs été libéré une vingtaine de jours après son arrestation. Il ne prétend pas non plus n'avoir pas été informé correctement de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui, de sorte que les griefs tirés de l'art. 5 par. 3 CEDH et de l'art. 6 par. 3 let. a CEDH n'apparaissent pas suffisamment étayés. 
 
2.3 En réalité, les griefs du recourant relèvent davantage d'une prétendue atteinte aux droits de la défense que d'une violation du principe de la célérité. En effet, l'intéressé allègue en substance que son avocat d'office a eu connaissance de sa désignation trois jours après que cette décision a été prise le 15 mai 2012 et qu'il n'a pu consulter le dossier que le 24 mai 2012, soit la veille du délai de recours contre l'ordonnance de mise en détention. Ni le Ministère public ni la Cour de justice ne remettent en question les dates avancées par le recourant. La Cour de justice estime cependant que la communication de la désignation du conseil d'office n'était pas tardive, la notification étant intervenue le 18 mai parce que la veille était un jour férié. Quant à la consultation du dossier, elle aurait pu intervenir plus tôt si le conseil du recourant l'avait effectuée directement auprès du Ministère public. 
Cette position peut prêter le flanc à la critique, les lenteurs susmentionnées n'apparaissant guère justifiées et la privation de liberté du prévenu imposant une diligence particulière. Cela ne suffit toutefois pas pour constater une violation de l'art. 6 par. 3 let. b et c CEDH. Selon la Cour européenne des droits de l'homme, l'art. 6 CEDH ne joue un rôle avant la saisine du juge du fond que si et dans la mesure où l'inobservation initiale de ses dispositions risque de compromettre gravement le caractère équitable du procès (arrêt Imbrioscia c/ Suisse du 24 novembre 1993, série A n° 275 p. 13, § 36). Il en va notamment ainsi lorsque le prévenu a fait des déclarations déterminantes pour l'accusation alors qu'il n'était pas assisté d'un avocat, provoquant ainsi une atteinte irréparable aux droits de la défense, ou si la limitation de l'accès au dossier jusqu'à un stade avancé de la procédure compromet l'égalité des armes (arrêt Öcalan c/ Turquie du 12 mai 2005, Recueil CourEDH 2005-IV, § 131 et 145 ss). L'équité de la procédure s'apprécie en outre au regard de l'ensemble de celle-ci (arrêt Pélissier et Sassi c/ France du 25 mars 1999, Recueil CourEDH 1999-II, § 46). Les retards constatés dans le cas d'espèce sont clairement d'un autre ordre et le recourant ne prétend pas qu'ils l'aient entravé dans sa défense au fond. Il est certes regrettable que l'avocat d'office n'ait pas été informé immédiatement de sa désignation et qu'il n'ait pas pu consulter le dossier plus tôt, mais cela ne l'a pas empêché de contester utilement la mise en détention du recourant. Par ailleurs, le Tmc a statué sans tenir d'audience le jour même de la désignation du conseil d'office et l'on ignore quelle décision a été prise en premier, si bien qu'on ne voit pas ce qu'une communication plus prompte de la désignation aurait changé concrètement. Quoi qu'il en soit, il n'est aucunement démontré que les retards dont se plaint le recourant soient constitutifs d'une violation des normes de la CEDH invoquées, de sorte que ce grief doit être rejeté. 
 
3. 
Le recourant se plaint par ailleurs d'une violation des règles relatives à la détention provisoire, en alléguant que celle-ci ne reposait pas sur des charges suffisantes. Il invoque à cet égard l'art. 5 par. 1 let. c CEDH, selon lequel une privation de liberté avant jugement ne peut intervenir que s'il y a des raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction. L'art. 221 al. 1 CPP, également invoqué, reprend les conditions précitées. Le recourant soutient qu'il ne peut être soupçonné d'aucune infraction, puisqu'il a été arrêté avant même d'avoir pu esquisser une tentative d'escroquerie. Il n'en demeure pas moins que son arrivée en Suisse avec une vingtaine de cartes de crédit "skimmées" dans ses bagages et ses explications sur ses projets d'effectuer des achats dans le cadre d'une opération en apparence très organisée suffisaient à éveiller des soupçons de commission d'infractions. Au tout début de l'instruction, il n'appartenait pas au juge de la détention d'opérer des distinctions délicates entre des actes préparatoires en principe non punissables ou une tentative inachevée de commission des différentes infractions qui pourraient entrer en considération. Les soupçons précités étaient suffisants à ce stade de l'enquête, de sorte que le recourant pouvait être placé en détention - compte tenu des risques non contestés de fuite et de collusion - en attendant l'accomplissement des actes d'instruction envisageables. Ce grief doit donc lui aussi être rejeté. 
 
4. 
Enfin, le recourant se plaint d'un déni de justice, au motif que la Cour de justice n'a pas statué sur un grief qu'il avait présenté dans une écriture complémentaire, dans laquelle il invoquait les art. 5 et 6 CEDH en relation avec une renonciation prétendument non éclairée à la tenue d'une audience devant le Tmc. Il est vrai que l'écriture en question mentionne ce point et que l'arrêt attaqué ne le traite pas. On ne saurait cependant reprocher à la Cour de justice un déni de justice pour ce motif. Le grief figurait en effet parmi d'autres critiques au sein d'une argumentation relative au principe de la célérité et aux droits de la défense, à laquelle il a été dûment répondu. Au demeurant, l'autorité n'est pas tenue de traiter tous les griefs soulevés par les parties, mais elle peut se limiter aux questions décisives pour la résolution du litige (cf. ATF 134 I 83 consid. 4.1 p. 88; 133 I 270 consid. 3.1 p. 277 et les références), ce qu'elle a fait en l'espèce. 
 
5. 
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Dès lors que le recourant est dans le besoin et que ses conclusions ne paraissaient pas d'emblée vouées à l'échec, l'assistance judiciaire doit lui être accordée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant requiert la désignation de Me Catherine Chirazi en qualité d'avocate d'office. Il y a lieu de faire droit à cette requête et de fixer d'office les honoraires de l'avocate, qui seront supportés par la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
 
2. 
La demande d'assistance judiciaire est admise. 
 
3. 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
4. 
Me Catherine Chirazi est désignée comme avocate d'office du recourant et ses honoraires, supportés par la caisse du Tribunal fédéral, sont fixés à 1'500 fr. 
 
5. 
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire du recourant, au Ministère public et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale de recours. 
 
Lausanne, le 15 octobre 2012 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président: Fonjallaz 
 
Le Greffier: Rittener