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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1P.522/2004 /col 
 
Arrêt du 11 octobre 2004 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal fédéral, Reeb et Fonjallaz. 
Greffier: M. Kurz. 
 
Parties 
A.________, 
recourant, représenté par Me Olivier Couchepin, avocat, 
 
contre 
 
Juge d'instruction de Neuchâtel, 
rue des Tunnels 2, case postale 120, 2006 Neuchâtel 6, 
Ministère public du canton de Neuchâtel, 
rue du Pommier 3, case postale 2672, 2001 Neuchâtel 1, 
Chambre d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, rue du Pommier 1, 
case postale 3174, 2001 Neuchâtel 1. 
 
Objet 
détention préventive, 
 
recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre d'accusation du 12 août 2004. 
 
Faits: 
A. 
Le 23 février 2004, le Juge d'instruction de Neuchâtel a ordonné la mise en détention de A.________, ressortissant suisse né en 1964, arrêté deux jours auparavant, sous l'inculpation de brigandage. Il lui est reproché d'avoir participé, le 25 janvier 2004, au brigandage à main armée et en bande de l'entreprise Métalor Technologies SA à Marin, en compagnie notamment de B.________ et C.________; le butin s'élèverait à 700 kg d'or, soit plus de dix millions de francs. Responsable de l'entreprise chargée de la sécurité de l'usine, B.________ aurait initié l'affaire en s'assurant la complicité de l'agent de sécurité sur les lieux. A.________ lui aurait présenté C.________, lequel aurait fait appel aux services d'un partenaire surnommé "Le Corse". Ce dernier aurait réalisé le brigandage avec des complices et aurait disparu avec l'or. A.________ aurait participé à des séances de préparation, ainsi qu'au repérage des lieux. A l'instar de C.________, il niait avoir pris part au brigandage proprement dit. 
B. 
Le 27 juillet 2004, le juge d'instruction a requis auprès de la Chambre d'accusation du Tribunal cantonal neuchâtelois la prolongation pour six mois de la détention de A.________ et des autres détenus. Le déroulement de l'opération n'était pas encore exactement connu. C.________ refusait de dévoiler l'identité du "Corse", et prétendait ignorer l'endroit où l'or avait été acheminé. A.________ en savait plus qu'il ne voulait le dire; il connaissait le déroulement du brigandage et tout donnait à penser qu'il pouvait avoir pris une part active dans l'opération, ne serait-ce que comme "appui logistique". Il existait un risque de collusion, A.________ et C.________ devant connaître les auteurs du brigandage. De très nombreux actes d'instruction avaient été effectués, et d'autres investigations apparaissaient nécessaires, notamment pour identifier les auteurs encore inconnus; ces investigations étaient mentionnées dans les observations produites le 21 juillet précédent à propos d'un autre recours pendant auprès de la Chambre d'accusation. 
Par arrêt du 12 août 2004, la Chambre d'accusation a autorisé la prolongation requise, jusqu'au 17 février 2005. Il existait des présomptions de culpabilité suffisantes et les investigations en cours pour découvrir tous les auteurs du brigandage et retrouver l'or volé pourraient être entravées en cas de libération des prévenus. La prolongation de la détention n'apparaissait pas disproportionnée compte tenu de la peine encourue par chacun des prévenus. Le juge d'instruction devrait toutefois procéder à une appréciation raisonnable de la nécessité de poursuivre ses investigations; il devrait en outre notifier sans tarder aux prévenus les faits qui leur étaient reprochés. 
C. 
A.________ forme un recours de droit public contre ce dernier arrêt. Il en demande l'annulation, ainsi que sa mise en liberté immédiate, et requiert l'assistance judiciaire. 
La Chambre d'accusation se réfère aux considérants de son arrêt. Le Ministère public a renoncé à se déterminer. Le juge d'instruction se réfère à ses déterminations, ainsi qu'à l'arrêt cantonal. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le recours de droit public est formé contre un arrêt rendu en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ). Le recourant, personnellement touché par l'arrêt attaqué qui autorise la prolongation de sa détention préventive, a qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ. Par exception à la nature cassatoire du recours de droit public, le recourant peut conclure non seulement à l'annulation de l'arrêt cantonal, mais aussi à sa mise en liberté immédiate (ATF 124 I 327 consid. 4b/aa p. 333). 
2. 
Le recourant conteste l'existence de charges suffisantes. Il se serait contenté de mettre en contact les protagonistes, et n'aurait plus eu ensuite aucun rôle actif. Ni les nombreuses écoutes téléphoniques, ni les interrogatoires multiples n'auraient fait ressortir une participation du recourant au brigandage. Le recourant se réfère à la notification des charges faites le 26 août 2004, soit ultérieurement à l'arrêt attaqué, et estime qu'il s'agirait d'un prétexte à des recherches tous azimuts à son encontre. 
2.1 Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle, garantie par l'art. 10 al. 2 Cst. et par l'art. 5 CEDH, que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 117 du code de procédure pénale neuchâtelois (CPP/NE). Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération. La gravité de l'infraction - et l'importance de la peine encourue - n'est, à elle seule, pas suffisante (ATF 117 Ia 70 consid. 4a). Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes (art. 5 par. 1 let. c CEDH; art. 117 in initio CPP/NE; ATF 116 Ia 144 consid. 3). 
S'agissant d'une restriction grave à la liberté personnelle, le Tribunal fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de l'appréciation des preuves, revue sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 123 I 268 consid. 2d p. 271). L'autorité cantonale dispose ainsi d'une grande liberté dans l'appréciation des faits (ATF 114 Ia 283 consid. 3, 112 Ia 162 consid. 3b). 
2.2 En l'occurrence, l'arrêt cantonal se réfère aux explications fournies par le juge d'instruction dans sa requête de prolongation de la détention. Le recourant a admis avoir participé à la formation de la bande (en recrutant C.________), et pris part à des rencontres de préparation ainsi qu'au repérage des lieux. Il a affirmé que le jour du brigandage, il se trouvait avec son amie, mais les déclarations de celle-ci ne concordent pas en tous points. Par ailleurs, le jour des faits, le recourant paraissait parfaitement au courant du déroulement de l'opération, et se serait précipité chez un comparse pour lui en faire part. Il existe par conséquent des présomptions suffisantes, s'agissant à tout le moins des actes préparatoires délictueux (art. 260bis CP) dont le recourant est prévenu à titre subsidiaire. On ne saurait par ailleurs considérer comme "établi" que le recourant n'a pas directement participé au brigandage; l'instruction a précisément pour but de vérifier cette hypothèse, laquelle repose en l'état sur des indices eux aussi suffisants. 
3. 
Le recourant conteste également le risque de collusion. La Chambre d'accusation se serait contentée d'évoquer à cet égard les investigations actuellement en cours, sans mentionner en quoi la libération du recourant pourrait en compromettre le résultat. Ces investigations seraient "partiellement inconnues" du recourant, puisqu'il n'a pu consulter l'intégralité du dossier. 
3.1 
Le maintien du prévenu en détention peut être justifié par l'intérêt public lié aux besoins de l'instruction en cours, par exemple lorsqu'il est à craindre que l'intéressé ne mette sa liberté à profit pour faire disparaître ou altérer les preuves, ou qu'il prenne contact avec des témoins ou d'autres prévenus pour tenter d'influencer leurs déclarations. On ne saurait toutefois se contenter d'un risque de collusion abstrait, car ce risque est inhérent à toute procédure pénale en cours et doit, pour permettre à lui seul le maintien en détention préventive, présenter une certaine vraisemblance (ATF 128 I 149 consid. 2.1 p. 151, 123 I 31 consid. 3c p. 36, 117 Ia 257 consid. 4c p. 261). L'autorité doit ainsi indiquer, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction elle doit encore effectuer, et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement (cf. ATF 123 I 31 consid. 2b p. 33/34, 116 Ia 149 consid. 5 p. 152). 
3.2 La Chambre d'accusation est certes muette quant aux actes d'instruction qui devraient encore être effectués, et dont le résultat pourrait être mis en péril par la libération du prévenu. Le juge d'instruction s'est pour sa part référé à un rapport du 22 juillet 2004 dont le recourant n'a apparemment pas eu connaissance. Il ressort toutefois clairement de la procédure que les explications du recourant quant à son degré de participation au brigandage ne sont pas considérées comme plausibles, et que l'autorité de poursuite désire par ailleurs pouvoir identifier les auteurs du brigandage qui n'ont pas pu être arrêtés; elle cherche également à localiser le butin. Il est dès lors vraisemblable que le prévenu puisse profiter de sa libération pour essayer de se mettre en contact avec les autres prévenus afin de coordonner leur version des faits dans un sens qui lui soit favorable. Le risque existe également qu'il tente de joindre les auteurs non encore identifiés, afin notamment de récupérer une partie du butin. Le risque de collusion, entendu comme un risque d'altération des preuves, est indéniable. 
4. 
Le recourant rappelle également les principes relatifs à l'obligation de célérité (art. 31 al. 3 et 5 par. 3 CEDH), notamment le devoir de mener l'enquête sans désemparer et de libérer le prévenu lorsque la durée de la détention préventive approche celle de la peine privative de liberté susceptible d'être prononcée. Il ne prétend toutefois pas que l'instruction aurait connu des retards inadmissibles. Il relève que sa détention dure depuis sept mois, mais cette durée n'apparaît pas disproportionnée au regard des charges qui pèsent sur le recourant, s'agissant de la mise sur pied d'un brigandage dont le butin s'élève à plus de 10 millions de francs. La prolongation accordée par la Chambre d'accusation s'étend certes au mois de février 2005, mais il s'agit d'un délai maximum, durant lequel le juge d'instruction devra s'interroger sur l'opportunité et les chances de succès des investigations en cours. Pour sa part, le recourant conserve, selon l'art. 121 CPP/NE, la possibilité de requérir sa mise en liberté en tout temps, si les circonstances devaient faire apparaître dans l'intervalle que sa détention ne se trouve plus justifiée. Tel est le sens de la réserve exprimée par la Chambre d'accusation dans son arrêt. 
5. 
Le recours de droit public doit par conséquent être rejeté. Le recourant a demandé l'assistance judiciaire, et celle-ci peut être accordée. Me Couchepin est désigné comme avocat d'office, rétribué par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
La demande d'assistance judiciaire est admise; Me Olivier Couchepin est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1000 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à verser par la caisse du Tribunal fédéral. 
3. 
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Juge d'instruction de Neuchâtel, au Ministère public et à la Chambre d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. 
Lausanne, le 11 octobre 2004 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: