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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1P.714/2005 /col 
 
Arrêt du 25 novembre 2005 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Féraud, Président, 
Aeschlimann et Reeb. 
Greffier: M. Kurz 
 
Parties 
A.________, 
recourant, représenté par Me Olivier Couchepin, 
avocat, 
 
contre 
 
Juge d'instruction du canton de Neuchâtel, 
rue des Tunnels 2, case postale 120, 2006 Neuchâtel 6, 
Ministère public du canton de Neuchâtel, 
rue du Pommier 3, case postale 2672, 2001 Neuchâtel 1, 
Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, 
Chambre d'accusation, rue du Pommier 1, 
case postale 3174, 2001 Neuchâtel 1. 
 
Objet 
détention préventive, 
 
recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre d'accusation du Tribunal cantonal neuchâtelois 
du 30 septembre 2005. 
 
Faits: 
A. 
A.________, ressortissant suisse né en 1964, se trouve en détention préventive depuis le 21 février 2004. Il est soupçonné d'avoir participé, le 25 janvier 2004, au brigandage à main armée et en bande de l'entreprise Métalor à Marin, en compagnie notamment de B.________ et C.________; le butin s'élèverait à 700 kg d'or. 
La détention préventive de A.________ a été prolongée le 12 août 2004 par la Chambre d'accusation du canton de Neuchâtel, jusqu'au 17 février 2005. Un recours de droit public a été rejeté par arrêt du 11 octobre 2004. A cette occasion, le Tribunal fédéral a estimé qu'il existait des charges suffisantes, s'agissant en tout cas des actes préparatoires délictueux: A.________ avait admis avoir recruté C.________, et pris part à des séances de préparation. Le jour du cambriolage, il paraissait parfaitement au courant du déroulement de l'opération, dont il avait immédiatement informé un comparse. Le risque de collusion a été confirmé: l'instruction tendait à définir le degré de participation de A.________, à identifier les auteurs en fuite et à localiser le butin. Le prévenu pourrait profiter de sa libération pour coordonner sa version des faits avec les autres prévenus, et tenter de joindre les complices en fuite afin notamment de récupérer une part du butin. 
Par arrêt du 14 février 2005, la Chambre d'accusation a donné suite, pour des motifs similaires, à une nouvelle demande de prolongation de détention présentée par le juge d'instruction, jusqu'au 17 mai 2005. Le recours de droit public formé par A.________ a été rejeté par arrêt du 14 mars 2005. 
La détention préventive a encore été prolongée le 17 mai 2005, jusqu'au 31 août 2005, en raison des risques de fuite et de collusion présentés par les prévenus. 
B. 
Le 25 août 2005, A.________ a demandé au juge d'instruction de lui confirmer qu'il serait remis en liberté le 31 août 2005. Le 31 août 2005, le juge d'instruction lui répondit que le dossier avait été transmis au Ministère public le 16 août précédent. Dès la clôture de l'instruction, les prévenus restaient en détention préventive jusqu'au jugement. Le juge d'instruction rejeta la demande de mise en liberté en se référant aux décisions rendus précédemment à ce propos. 
Par arrêt du 30 septembre 2005, la Chambre d'accusation a rejeté le recours formé par A.________. Selon la jurisprudence constante, le prévenu restait détenu après la clôture de l'instruction, sans qu'une décision de la Chambre d'accusation ne soit nécessaire. Une demande de libération pouvait être adressée au juge d'instruction, qui demeurait compétent jusqu'au renvoi en jugement. Sur le fond, les conditions pour le maintien en détention étaient toujours réunies. 
C. 
A.________ forme un recours de droit public. Il conclut à l'annulation de cet arrêt et à sa mise en liberté immédiate. Il demande l'assistance judiciaire. 
La Chambre d'accusation se réfère à son arrêt, sans observations. Elle produit l'arrêt de non-lieu partiel et de renvoi devant la Cour d'assises rendu le 10 novembre 2005 par le Ministère public. Ce dernier, ainsi que le juge d'instruction, concluent au rejet du recours. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le recours de droit public est formé en temps utile contre un arrêt rendu en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ). Le recourant, personnellement touché par l'arrêt attaqué qui maintient sa détention préventive, a qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ. Par exception à la nature cassatoire du recours de droit public, le recourant peut conclure non seulement à l'annulation de l'arrêt cantonal, mais aussi à sa mise en liberté immédiate (ATF 124 I 327 consid. 4b/aa p. 333). 
2. 
Le recourant soutient qu'il n'existerait aucune base légale permettant le maintien en détention après la clôture de l'instruction. Durant cette phase, le juge d'instruction pourrait ordonner le maintien en détention, sans autorisation de la Chambre d'accusation, et cette situation pourrait perdurer tant que le renvoi n'est pas prononcé. La durée de la détention dépendrait alors de la seule disponibilité de l'autorité de jugement. La Chambre d'accusation a pour sa part considéré que l'obligation de requérir la prolongation de la détention préventive (art. 120 al. 2 CPP/NE) ne valait que jusqu'à la clôture de l'instruction, après quoi le prévenu resterait détenu sans qu'une autorisation de la Chambre d'accusation ne soit nécessaire. 
2.1 Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle, garantie par l'art. 10 al. 2 Cst. et par l'art. 5 CEDH, que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.). S'agissant d'une restriction grave à la liberté personnelle, le Tribunal fédéral examine librement cette question; seule l'appréciation des preuves est revue sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 123 I 268 consid. 2d p. 271). 
2.2 Selon l'art. 117 CPP/NE, le juge d'instruction peut arrêter tout prévenu lorsqu'il existe des présomptions sérieuses de culpabilité, en cas de risque de fuite, de collusion ou de réitération. Le prévenu est relâché lorsque ces motifs cessent d'exister, et si sa libération est justifiée par les circonstances (art. 120 al. 1 CPP/NE). Selon l'art. 120 al. 2 CPP/NE, aucune détention préventive ne peut être maintenue au-delà de six mois par le juge d'instruction. Si des circonstances exceptionnelles en rendent la prolongation nécessaire au-delà de ce terme, celle-ci ne peut être décidée que par la Chambre d'accusation, qui en fixera la durée. 
Comme le relève la Chambre d'accusation, la procédure de prolongation de la détention s'applique tant que le juge d'instruction reste saisi du dossier. Cela ressort des termes clairs de l'art. 120 al. 2 CPP/NE, adopté le 21 juin 1977 ("aucune détention ne peut être maintenue... par le juge d'instruction"). Ainsi, selon la jurisprudence cantonale, "le législateur n'a voulu remédier qu'aux longueurs excessives de la détention préventive qui pourraient être imputables au juge d'instruction, de sorte que les pouvoirs de la Chambre d'accusation et les délais qu'elle fixe ne sauraient aller au-delà de la clôture de l'instruction (RJN 7 II 10; Bauer/Cornu, Code de procédure pénale neuchâtelois annoté, Neuchâtel 2003, p. 283 ad art. 120 CPP/NE). 
L'interprétation constante de la cour cantonale ne prête pas le flanc à la critique puisqu'elle est conforme au texte de la loi, ainsi qu'à la volonté du législateur. Cela signifie que lorsque l'instruction est terminée et le dossier communiqué au Ministère public, le titre de détention préventive continue, ex lege, de déployer ses effets. L'absence de contrôle automatique de la Chambre d'accusation ne signifie pas, comme le soutient le recourant, que la durée de la détention serait laissée à la seule appréciation du juge d'instruction, puis des autorités chargées du renvoi et du jugement: selon l'art. 121 al. 1 CPP/NE, l'inculpé continue de pouvoir requérir en tout temps sa mise en liberté auprès du juge d'instruction - avec recours à la Chambre d'accusation - jusqu'au renvoi, et auprès du président du tribunal saisi - avec recours à la Cour de cassation pénale - après renvoi. Il peut ainsi obtenir un contrôle de la détention, et se plaindre de tout retard qui pourrait survenir à ce stade de la procédure. 
En l'occurrence, le recourant est d'autant moins fondé à tenir sa détention pour illégale que le juge d'instruction a statué sur sa demande de mise en liberté, et l'a rejetée le 31 août 2005, soit avant l'échéance du délai fixé par la Chambre d'accusation. Ainsi, même à suivre l'argumentation du recourant, il y a lieu d'admettre que sa détention actuelle repose sur un titre juridique valable. Le grief doit par conséquent être écarté. 
3. 
Le recourant se plaint également d'un défaut de motivation de l'arrêt attaqué. Il reproche à la Chambre d'accusation de s'être référée à son arrêt du 17 mai 2005, sans avoir tenu compte de la nouvelle situation résultant de la clôture de l'instruction. L'arrêt attaqué ne reposerait sur aucun fait précis, et sur aucune appréciation du degré de responsabilité du recourant. 
3.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. confère à toute personne le droit d'exiger qu'un jugement ou une décision défavorable à sa cause soit motivé. Cette garantie tend à donner à la personne touchée les moyens d'apprécier la portée du prononcé et de le contester efficacement, s'il y a lieu, devant une instance supérieure. Elle tend aussi à éviter que l'autorité ne se laisse guider par des considérations subjectives ou dépourvues de pertinence; elle contribue, par là, à prévenir une décision arbitraire. L'objet et la précision des indications à fournir dépend de la nature de l'affaire et des circonstances particulières du cas; néanmoins, en règle générale, il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidée, sans qu'elle soit tenue de répondre à tous les arguments présentés (ATF 112 Ia 107 consid. 2b p. 109; voir aussi ATF 126 I 97 consid. 2b p. 102, 125 II 369 consid. 2c p. 372, 124 II 146 consid. 2a p. 149). Cela concerne notamment les décisions consécutives à une demande de prolongation de la détention, sur laquelle l'autorité doit statuer à bref délai; il est d'ailleurs admis que celle-ci peut se borner à adhérer aux motifs de la demande ou à ceux d'une décision antérieure (ATF 123 I 31 consid. 2 p. 33). 
3.2 La Chambre d'accusation s'est en effet référée à son arrêt du 17 mai 2005, s'agissant des présomptions de culpabilité et des risques de fuite et de réitération (recte: de collusion, cf. ci-dessous consid. 4.3). S'agissant des charges à l'encontre du recourant, telles qu'elles sont précisées dans les arrêts de la Chambre d'accusation du 14 février et du 17 mai 2005, la clôture de l'instruction et le préavis du juge d'instruction du 16 juin 2005 n'apportent rien de nouveau. Il y est en effet rappelé que le rôle de A.________ n'a pas pu être défini avec certitude, mais que celui-ci aurait participé à des séances de préparation, de reconnaissance des lieux et du parcours. Tout en relevant les indices d'une participation active au brigandage, le juge d'instruction n'exclut pas que la seule complicité soit finalement retenue. Cette appréciation ne modifie pas l'état des charges retenu dans les arrêts précédents de la Chambre d'accusation; elle ne nécessitait donc pas une motivation supplémentaire. 
4. 
Sur le fond, le recourant conteste la gravité des charges, en invoquant la présomption d'innocence. Selon lui, il ne serait pas démontré qu'il a participé activement au brigandage, qu'il a caché le butin et qu'il ait droit à une part de celui-ci, ni qu'il ait préparé l'opération. Il conteste également les risques de fuite et de réitération. Il soutient enfin que le principe de la proportionnalité serait violé. 
4.1 Le recourant invoque à tort le principe de la présomption d'innocence. Celui-ci ne s'impose qu'à l'autorité de jugement. Il n'empêche pas le maintien en détention d'un prévenu sur lequel ne pèsent que des soupçons (cf. la notion de "soupçons plausibles" de l'art. 5 par. 1 let. d CEDH). L'absence de preuves formelles, invoquée par le recourant, n'enlève rien au sérieux des charges qui pèsent sur lui, telles qu'elles sont notamment résumées dans le préavis du juge d'instruction. 
4.2 Le risque de fuite est retenu à l'appui de l'arrêt du 17 mai 2005. La Chambre d'accusation a considéré, à cette occasion que l'importance de la peine encourue et la possibilité de récupérer le butin étaient susceptibles de pousser les prévenus à échapper à la justice suisse. Le recourant conteste cette appréciation. Il estime ne pas encourir de peine de prison supérieure à trois ans; compte tenu des 21 mois de détention déjà subis, le risque de fuite serait nul. 
S'il est vrai que la longueur de la détention déjà subie, au regard de la peine susceptible d'être prononcée, permet en général de relativiser le risque de fuite, il y a lieu de relever que la perspective d'une condamnation apparaît plus concrète depuis la clôture de l'instruction, et plus encore depuis le renvoi en jugement prononcé le 10 novembre 2005 par le Ministère public. Le recourant est renvoyé en Cour d'assises, avec ses comparses, pour brigandage aggravé, subsidiairement complicité de brigandage aggravé. Le Ministère public mentionne notamment la circonstance aggravante prévue à l'art. 140 ch. 4 CP (mise en danger de mort de la victime). Dans ces conditions, on ne voit pas sur quoi repose l'affirmation du recourant, qui prétend n'encourir que trois ans d'emprisonnement ou de réclusion. Le risque de fuite, déjà reconnu dans la précédente décision de la Chambre d'accusation, n'est en rien diminué. 
4.3 La Chambre d'accusation évoque aussi le risque de récidive, en se référant également à son arrêt du 17 mai 2005. Il s'agit toutefois manifestement d'une inadvertance, car la cour cantonale a laissé indécise cette question dans l'arrêt précité. En réalité, elle a manifestement voulu évoquer le risque de collusion qui est pour sa part clairement affirmé dans ce même arrêt: il y est retenu que si les auteurs du brigandage ont été arrêtés en France, A.________ et C.________ savent probablement où le butin a été caché, de sorte qu'une mise en liberté pourrait rendre impossible la découverte de ce dernier. Le Tribunal fédéral a partagé cette manière de voir dans ses précédents arrêts, et les circonstances ne se sont pas modifiées depuis lors. Il est également fortement à craindre que, dans la perspective du jugement, le recourant ne profite d'une mise en liberté pour tenter d'influencer les déclarations de ses comparses quant au rôle qu'il aurait effectivement tenu lors du brigandage, cette question n'ayant pas pu être définitivement éclaircie. 
Les risques de fuite et de collusion sont par conséquent réels. 
4.4 Selon la jurisprudence, le principe de la proportionnalité confère au prévenu le droit d'être libéré lorsque la durée de son incarcération se rapproche de la peine privative de liberté susceptible d'être prononcée (ATF 126 I 172 consid. 5a p. 176; 124 I 208 consid. 6 p. 215). Celle-ci doit être évaluée avec la plus grande prudence, car il faut éviter que le juge de l'action pénale ne soit incité à prononcer une peine excessive pour la faire coïncider avec la détention préventive à imputer. Il n'y a pas lieu, en principe, de tenir compte de la possibilité d'une libération conditionnelle selon l'art. 38 CP
En l'occurrence, le recourant fonde sa démonstration sur sa propre version des faits, soit une participation indirecte au brigandage. Il perd de vue qu'il est renvoyé non seulement en tant que complice, mais aussi comme participant principal à un brigandage aggravé. Il estime aussi qu'il aurait droit dans tous les cas à une réduction de la peine alors que celle-ci n'est, selon l'art. 36 CP, que facultative. Par conséquent, rien ne permet d'affirmer, comme il le fait, que la durée de la détention préventive déjà subie lui permettrait d'ores et déjà d'obtenir une libération conditionnelle. 
Le recourant fait enfin grief au Procureur général de ne pas pouvoir préciser à quelle date l'ordonnance de renvoi pourra être rendue. Il en déduit un retard inadmissible qui devrait conduire à sa libération. L'argument tombe toutefois à faux, puisque l'ordonnance de renvoi a déjà été rendue, le 10 novembre 2005. 
5. 
Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit public doit être rejeté. Le recourant ayant peut-être été incité à recourir en raison de la rédaction ambiguë de l'arrêt attaqué, la demande d'assistance judiciaire peut être admise. Me Olivier Couchepin est désigné comme avocat d'office, rétribué par la caisse du Tribunal fédéral, et il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
La demande d'assistance judiciaire est admise; Me Olivier Couchepin est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1000 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. 
3. 
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Juge d'instruction, au Ministère public et à la Chambre d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. 
Lausanne, le 25 novembre 2005 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: