Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
5C.54/2003 /frs 
 
Arrêt du 7 juillet 2003 
IIe Cour civile 
 
Composition 
M. et Mmes les Juges Raselli, Président, Nordmann et Hohl. 
Greffier: M. Fellay. 
 
Parties 
X.________, 
recourante, représentée par Me Gérald Benoît, avocat, rue des Eaux-Vives 49, case postale 6213, 
1211 Genève 6, 
 
contre 
 
Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3565, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
interdiction (art. 369 CC), 
 
recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 17 janvier 2003. 
 
Faits: 
A. 
Le 4 octobre 2001, le Procureur général du canton de Genève a signalé au Tribunal tutélaire de Genève le cas de la recourante, X.________, née le 24 juillet 1942, originaire de Bonaduz (Grisons), divorcée et domiciliée à Genève. Elle faisait l'objet d'une procédure d'évacuation de son logement et sa situation laissait craindre qu'elle ne soit pas en mesure d'assurer la gestion de ses affaires. D'après un courrier du Service des évacuations du 1er octobre 2001, elle vivait dans un appartement insalubre et était gravement atteinte dans sa santé mentale et physique. Le procès-verbal de constat établi par l'huissier judiciaire retenait que le logement en question était dans un état de délabrement et de saleté indescriptible; en particulier, le tapis qui couvrait le sol du hall d'entrée avait pratiquement disparu, rongé par la vermine et les détritus, le plancher était recouvert de déjections et d'immondices et "un nuage d'insectes" survolait le monticule qui interdisait l'accès aux toilettes et à la salle de bains. 
Le 14 novembre 2001, le tribunal tutélaire a ordonné que la recourante soit soumise à une expertise médicale. Il l'a en outre privée provisoirement de l'exercice de ses droits civils et lui a désigné Me Y.________, avocate, en qualité de représentante légale provisoire. Le 30 du même mois, il a maintenu son placement à la Clinique de Belle-Idée, établissement psychiatrique dans lequel sa représentante provisoire l'avait placée. 
Dans son rapport d'expertise du 7 février 2002, le Dr R.________ a relevé notamment que la recourante vivait dans un état d'incurie et de misère sociale manifestement incompatible avec la dignité humaine; l'impression générale qu'elle donnait était caractérisée par une atmosphère délirante où l'imaginaire se télescopait avec le réel par des noyaux interprétatifs persécutoires et mégalomaniaques au milieu de plages de psychisme sain; en outre, son raisonnement était pathologique avec une apparence d'ordre révélant une perception pervertie de la réalité et une "spirale" d'approches personnelles inadéquates, état de choses encore assorti d'une anosognosie totale l'empêchant de reconnaître ses troubles et d'une quérulence processive extrême, l'expertisée menaçant constamment de déposer plainte auprès du Procureur général, du Pape et d'autres autorités. Toujours selon l'expert, la recourante se considérait comme étant tout à fait normale, refusant toute prise en charge médicale et tout traitement de quelque nature que ce soit; priée de s'expliquer sur l'état d'indigence dans lequel elle vivait à son domicile, elle expliquait "en toute sérénité" que cette situation était due à son domestique qui était tombé malade; ainsi, l'expertisée présentait des troubles psychiques graves et était incapable de gérer ses affaires; elle était donc atteinte d'un trouble grave de la personnalité de type paranoïaque, mais il n'était pas totalement assimilable à une maladie mentale ou à une faiblesse d'esprit; de ce fait, elle était dans l'incapacité de gérer ses affaires; son état nécessitait des soins qu'elle refusait et des secours permanents; cependant, sa sécurité immédiate et celle d'autrui ne paraissaient pas menacées. 
Le 21 mars 2002, le Dr R.________ a confirmé son rapport du 7 février 2002 en précisant qu'au vu des éléments qu'il avait recueillis, une prise en charge appropriée de l'intéressée devait être constituée par une tutelle. 
Le 1er février 2002, la recourante a quitté la Clinique de Belle-Idée et a vécu dans trois hôtels, donnant lieu à des plaintes pour son comportement contraire aux règles les plus élémentaires de la vie communautaire. Le 1er juillet 2002, elle a dû être à nouveau placée à la clinique, sur demande de sa représentante légale provisoire, après avoir provoqué, le 30 juin 2002, une inondation dans sa chambre de l'Hôtel Z.________ en laissant couler l'eau durant toute la journée, sinistre qui a considérablement endommagé deux chambres. Le directeur de l'hôtel a en outre relevé, le 4 juillet 2002, que la recourante constituait un véritable danger pour tous les clients de l'établissement en raison de son tempérament violent, méchant et agressif, allant jusqu'à un passage à l'acte. Selon sa représentante légale provisoire, elle avait provoqué à l'hôtel en question des bagarres, n'hésitant pas à échanger des coups avec d'autres pensionnaires au point que l'une d'elles avait définitivement quitté l'hôtel après une violente échauffourée provoquée par la recourante. 
Le Conseil de surveillance psychiatrique a considéré que la recourante souffrait d'une maladie mentale chronique se manifestant par des convictions délirantes et par une grande difficulté à se confronter à la réalité, la patiente imaginant des solutions irréalistes en vue de remédier à sa situation critique. 
Au dire de son avocat, la recourante était titulaire en 2001 d'une fortune représentant 600'000 fr. Selon les indications fournies par sa représentante légale provisoire au début de 2002, ses dettes atteignaient 235'000 fr. et ses ressources mensuelles étaient de 1'941 fr.; elle était en outre propriétaire d'une villa à C.________ (Vaud), dont la vente forcée avait été requise, et d'actions de la Société M.________ lui donnant la jouissance d'un appartement; il n'avait toutefois pas été possible de retrouver le certificat d'actions se rapportant à ce logement, ce qui empêchait la recourante d'obtenir un crédit en vue d'assainir sa situation financière, voire d'éviter la vente de la villa de C.________. 
B. 
La recourante s'est opposée à sa mise sous tutelle et a demandé que, dans son cas, il soit instauré un conseil légal combiné, le curateur devant être une personne autre que sa représentante légale provisoire. 
Par ordonnance du 31 juillet 2002, le tribunal tutélaire a prononcé l'interdiction de la recourante et désigné sa représentante provisoire légale en qualité de tutrice. 
Saisie d'un appel de la recourante, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève l'a rejeté par arrêt du 17 janvier 2003, dont les motifs sont en substance les suivants: à dire d'expert, la recourante a impérativement besoin d'un suivi constant sur le plan médical et social, n'étant pas à même, du fait de son état mental, d'adopter un comportement adéquat dans les actes courants de la vie quotidienne et dans ses relations avec autrui; l'état dans lequel elle a laissé son logement et l'échec de ses placements dans des hôtels sont particulièrement révélateurs de cet état de choses; de surcroît, ce comportement inadéquat est de nature à mettre en danger les personnes qu'elle peut côtoyer et leurs biens; la recourante a donc besoin d'une assistance personnelle continuelle, qu'elle n'apparaît du reste pas vouloir accepter; la situation a pour origine un trouble grave de la personnalité de type paranoïaque empêchant l'intéressée de percevoir d'une manière sensée la réalité, une anosognosie totale et une quérulence processive, qui l'amènent à des idées de grandeur sans relation avec sa vie réelle; les conditions de la maladie mentale sont manifestement réalisées au regard des constatations faites par l'expert et le Conseil de surveillance psychiatrique; d'autre part, le trouble dont souffre la recourante l'empêche de gérer de manière sensée ses affaires essentielles et courantes et de prendre des dispositions en conséquence, au point que, pour y remédier, un suivi médico-social constant est absolument nécessaire. En conclusion, estime la Cour cantonale, force est de constater que les conditions de l'art. 369 CC sont réalisées en l'espèce et qu'en l'absence de toute soumission de la part de l'intéressée en fonction de sa situation réelle, l'instauration d'un conseil légal coopérant et gérant dans son cas n'est pas envisageable. 
C. 
Par acte du 20 février 2003, la recourante a recouru en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut préalablement à la constatation de l'effet suspensif de son recours, au fond et principalement à l'annulation de l'arrêt cantonal du 17 janvier 2003, à l'instauration d'un conseil légal et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale à fin de désignation de ce conseil légal; elle conclut subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité cantonale à ces mêmes fins. 
Des observations n'ont pas été requises. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a; 128 II 66 consid. 1). 
1.1 Le présent recours est recevable au regard des art. 44 let. e, 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ. 
1.2 Le recours en réforme, s'il est recevable, suspend l'exécution de la décision attaquée dans la mesure des conclusions formulées (art. 54 al. 2 OJ). Ainsi, le chef de conclusions tendant à la constatation de l'effet suspensif est superflu. 
1.3 Aux termes de l'art. 55 al. 1 let. c OJ, l'acte de recours doit indiquer quelles sont les règles de droit fédéral violées par la décision attaquée et en quoi consiste cette violation. Il n'est pas nécessaire de citer expressément des articles de la loi; il suffit qu'à la lecture de l'exposé, on comprenne quelles sont les règles du droit privé fédéral prétendument violées par la juridiction cantonale. Il est indispensable, en revanche, que le recourant discute effectivement les motifs de la décision entreprise, qu'il précise quelles dispositions auraient été violées, qu'il indique pourquoi elles auraient été méconnues. Des considérations générales, sans lien manifeste ni même perceptible avec des motifs déterminés de la décision entreprise ne répondent pas à ces exigences (ATF 116 II 745 consid. 3 et les arrêts cités). 
1.4 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils ont été constatés par la dernière autorité cantonale, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, que des constatations ne reposent sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il ne faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et prouvés (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c p. 252 et la jurisprudence citée). En dehors de ces hypothèses, les griefs dirigés contre les constatations de fait - ou l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée l'autorité cantonale (ATF 127 III 543 consid. 2c p. 547) - et les faits nouveaux sont irrecevables (art. 55 al. 1 let. c OJ). 
2. 
La Cour de justice a confirmé l'interdiction de la recourante en application du seul art. 369 CC, alors que le tribunal tutélaire avait fondé sa décision en plus sur l'art. 370 CC
La recourante ne conteste pas la nécessité d'une mesure tutélaire à son égard. Toutefois, elle est d'avis que l'autorité cantonale aurait dû la pourvoir d'un conseil légal coopérant et gérant au lieu de l'interdire. Elle reproche ainsi à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 369 CC et le principe de la proportionnalité. Si elle admet souffrir de troubles psychiques considérés comme maladie mentale au sens de l'art. 369 al. 1 CC, elle conteste avoir besoin de soins et de secours permanents. Elle soutient être capable de gérer ses affaires quotidiennes. 
3. 
Aux termes de l'art. 369 al. 1 CC, sera pourvu d'un tuteur tout majeur qui, pour cause de maladie mentale ou de faiblesse d'esprit, est incapable de gérer ses affaires, ne peut se passer de soins et de secours permanents ou menace la sécurité d'autrui. Il suffit que le malade mental ou le faible d'esprit remplisse une de ces trois conditions pour être interdit. La différence entre l'interdiction et le conseil légal est, quant aux conditions de ces mesures et quant à leurs effets, essentiellement quantitative (ATF 81 II 259 p. 264; 80 II 17, 199; 38 II 437). 
Dès lors que la recourante ne conteste pas être affectée par une maladie mentale au sens de l'art. 369 CC, il faut uniquement examiner si la cour cantonale a violé le droit fédéral en retenant que cette affection mentale rend la recourante incapable de gérer ses affaires essentielles et courantes, et nécessite des soins et secours permanents. Ces deux critères permettant l'interdiction d'un malade mental sont relativement imprécis. Le juge qui les applique dispose inévitablement d'un large pouvoir d'appréciation. Lorsque le Tribunal fédéral contrôle une décision impliquant un large pouvoir d'appréciation du juge, il ne substitue pas sa propre appréciation à celle de l'instance inférieure, mais s'impose une certaine retenue. Il n'intervient que si l'autorité cantonale a excédé son pouvoir d'appréciation ou en a abusé. Tel est le cas lorsque la décision s'est écartée sans raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence ou lorsqu'elle s'est appuyée sur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle ou, à l'inverse, lorsqu'elle n'a pas tenu compte d'éléments qui auraient absolument dû être pris en considération. Le Tribunal fédéral sanctionne en outre les décisions rendues en vertu d'un tel pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une inéquité choquante (ATF 126 III 266 consid. 2b p. 273; 123 III 246 consid. 6a p. 255;119 II 157 consid. 2a in fine; 118 II 50 consid. 4; 116 II 145 consid. 6a). 
En l'espèce, la recourante ne fait pas valoir que l'autorité cantonale aurait commis un excès de son pouvoir d'appréciation ou en aurait abusé, en particulier, qu'elle aurait négligé certains éléments ou aurait pris en considération des faits non pertinents. Elle ne prétend pas non plus que la décision incriminée serait manifestement injuste ou choquante. Elle se borne à opposer sa propre appréciation des faits à celle de l'autorité cantonale. Son grief est dès lors insuffisamment motivé au vu des exigences de l'art. 55 al. 1 let. c OJ (cf. supra, consid. 1.3 et 1.4). 
4. 
A l'appui de son grief de violation du principe de la proportionnalité, la recourante fait valoir les arguments suivants: l'instauration d'un conseil légal coopérant et gérant serait suffisant pour son besoin de protection au niveau des soins personnels; la situation médicale ne serait pas grave au point de rendre nécessaire son interdiction; cette mesure n'offrirait d'ailleurs pas une meilleure protection que l'application de l'art. 395 al. 1 et 2 CC; sur le plan des soins, bien qu'elle soit hospitalisée dans une clinique psychiatrique depuis le 1er juillet 2002, elle ne nécessiterait aucune prise en charge justifiant une tutelle, un conseil légal étant à même de se préoccuper de son bien-être, et elle serait apte à gérer ses affaires quotidiennes pour autant qu'elle puisse disposer d'un budget mensuel ou hebdomadaire. La recourante se réfère en outre à de la jurisprudence concernant des personnes affectées d'autres maladies mentales et qui ont été pourvues d'un conseil légal et non pas interdites. Elle affirme par ailleurs qu'elle n'a pas besoin de traitements médicamenteux, même pendant ses séjours d'hospitalisation forcée. 
Cette dernière question n'a pas été abordée par l'arrêt attaqué et l'allégation de la recourante à ce sujet porte sur un fait nouveau irrecevable (cf. supra, consid. 1.4). 
L'arrêt attaqué retient qu'un conseil légal coopérant et gérant n'est pas envisageable dans le cas de la recourante, vu l'absence de toute soumission de sa part en fonction de sa situation réelle. La recourante ne discute pas du tout cette motivation, qui montre du reste que la cour cantonale s'est posé la question de la proportionnalité de la mesure ordonnée. Ainsi, le grief de violation du principe de la proportionnalité ne remplit pas non plus les exigences de motivation posées par l'art. 55 al. 1 let. c OJ. 
5. 
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être déclaré irrecevable, aux frais de son auteur (art. 156 al. 1 OJ). 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est irrecevable. 
2. 
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie à la recourante, au Procureur général du canton de Genève et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
Lausanne, le 7 juillet 2003 
Au nom de la IIe Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: