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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
1C_610/2015  
   
   
 
 
 
Arrêt du 4 janvier 2016  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, 
Merkli, Eusebio, Chaix et Kneubühler. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
 A.________, représenté par Me Philippe Currat, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Office fédéral de la justice, Unité Extraditions, Bundesrain 20, 3003 Berne. 
 
Objet 
extradition à la Fédération de Russie, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, du 9 novembre 2015. 
 
 
Faits :  
 
A.   
Le 21 février 2011, l'Ambassade de la Fédération de Russie à Berne a transmis à l'Office fédéral de la justice (OFJ) une demande d'extradition formée par le Parquet général à l'encontre du citoyen russe A.________, recherché pour des faits d'escroquerie. La demande a été complétée à plusieurs reprises, notamment par la présentation d'un état de fait plus détaillé. Directeur d'une société de vente de véhicules à Tver, A.________ aurait détourné à son profit une partie (soit près de 95 millions de roubles) des fonds versés pour l'achat de 86 automobiles. L'OFJ a émis un mandat d'arrêt le 3 mai 2013; l'intéressé a été arrêté le 16 mai suivant et remis en liberté provisoire sous conditions le 5 juillet 2013. Il s'est opposé à son extradition en affirmant notamment qu'il était poursuivi pour des raisons politiques en rapport avec son activité de député à Tver, et que sa fille aurait été assassinée. 
 
B.   
Par décision du 18 août 2015, l'OFJ a accordé l'extradition, sur la base des garanties fournies par les autorités russes les 5 juin et 23 juillet 2015. Dans ses prises de position des 3 et 27 mars 2015, la Direction du droit international public du Département fédéral des affaires étrangères (DDIP) avait confirmé l'absence de motifs politiques et préconisé des garanties spécifiques. Cette prise de position avait été communiquée de manière résumée à l'intéressé, de sorte que son droit d'être entendu était respecté. Les faits décrits dans la demande pouvaient constituer une escroquerie en droit suisse. Les garanties fournies par l'Etat requérant - comprenant la mise en place d'un monitoring - étaient suffisantes. L'intéressé avait fait l'objet d'une décision de non-entrée en matière sur sa demande d'asile. Remarié en Suisse, il n'avait pas été renvoyé en Autriche, mais n'avait pas pour autant obtenu le statut de réfugié. Une indemnité de 7'000 fr. a été allouée à son avocat d'office qui avait présenté une note d'honoraires de 12'127,45 fr. Le 18 août 2015 également, l'OFJ a adressé à la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral une demande concluant au rejet de l'objection de délit politique (art. 55 al. 2 EIMP). 
 
C.   
Par arrêt du 9 novembre 2015, la Cour des plaintes a rejeté le recours formé contre la décision d'extradition et rejeté l'objection de délit politique. La correspondance avec la DDIP ou l'Ambassade de Suisse en Russie était confidentielle, de sorte que le droit d'être entendu était respecté si le recourant s'en voyait communiquer le contenu essentiel. Le recourant avait certes exercé un mandat politique au sein du parlement régional de Tver; toutefois, ses assertions (l'hostilité des autorités en raison de ses actions politiques, la pression sur ses proches ayant amené sa femme à demander le divorce, l'assassinat de sa fille déguisé en suicide) n'étaient pas crédibles. Les garanties données par l'autorité requérante étaient considérées comme suffisantes par la jurisprudence. L'art. 8 CEDH ne permettait pas de s'opposer à une procédure pénale. La demande d'extradition était suffisamment motivée. Les autorités suisses compétentes ayant refusé d'entrer en matière sur la demande d'asile du recourant, l'art. 55a EIMP (coordination des procédures) était inapplicable. En tant qu'il concernait le montant de l'indemnité de l'avocat d'office, le recours était irrecevable faute d'être formé par l'avocat lui-même. L'assistance judiciaire a par ailleurs été refusée pour la procédure de recours, en l'absence de chances de succès. 
 
D.   
Par acte du 23 novembre 2015, A.________ forme un recours en matière de droit public. Il demande préalablement un accès complet au dossier de la procédure d'extradition, l'apport du dossier de la procédure d'asile et un délai supplémentaire pour compléter son recours, puis la suspension de la procédure jusqu'à droit connu sur la demande d'asile. Il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et à l'irrecevabilité de la demande d'extradition (subsidiairement à l'annulation de la décision de l'OFJ et au rejet de la demande d'extradition) ainsi qu'à la fixation des honoraires de son avocat à 12'127,45 fr. pour la procédure devant l'OFJ. Plus subsidiairement, il demande le renvoi de la cause à la Cour des plaintes pour nouvelle décision. Il requiert aussi l'assistance judiciaire pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
La Cour des plaintes se réfère à son arrêt, sans observations. L'OFJ conclut au rejet des conclusions préalables et au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. 
Le 7 décembre 2015, le recourant a produit un certificat médical. Le 10 décembre 2015, il a déposé de nouvelles observations, persistant dans ses moyens et conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Selon l'art. 84 LTF, le recours en matière de droit public est recevable à l'encontre d'un arrêt du Tribunal pénal fédéral en matière d'entraide judiciaire internationale notamment lorsque celui-ci a pour objet une extradition. Il doit toutefois s'agir d'un cas particulièrement important (al. 1). Un cas est particulièrement important lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à l'étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves (al. 2). Ces motifs d'entrée en matière ne sont toutefois pas exhaustifs et le Tribunal fédéral peut aussi être appelé à intervenir lorsqu'il s'agit de trancher une question juridique de principe ou lorsque l'instance précédente s'est écartée de la jurisprudence suivie jusque-là (ATF 133 IV 215 consid. 1.2 p. 218). En vertu de l'art. 42 al. 2 LTF, il incombe au recourant de démontrer que les conditions d'entrée en matière posées à l'art. 84 LTF sont réunies (ATF 133 IV 131 consid. 3 p. 132). 
 
1.1. Le recourant estime que les conditions de l'art. 84 LTF seraient réunies car, ayant fait l'objet d'une décision de non-entrée en matière sur sa demande d'asile, il aurait dû être transféré dans les six mois vers un Etat tiers compétent (en l'occurrence l'Autriche). Ne l'ayant pas fait, la Suisse serait compétente pour statuer sur le fond de la demande d'asile. Tant qu'une telle décision n'a pas été rendue à ce sujet, la procédure d'extradition devrait être suspendue. Le recourant estime par ailleurs que les autres objections à son extradition (délit politique, risque de mauvais traitements, violation des art. 3 et 8 CEDH) justifieraient une entrée en matière.  
Les allégations du recourant portent notamment sur des violations de principes fondamentaux ou d'autres vices graves qui pourraient justifier une entrée en matière au sens de l'art. 84 al. 2 LTF. Au stade de la recevabilité, ces allégations apparaissent suffisantes de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière. 
 
1.2. Pour le surplus, le recours est déposé en temps utile contre un arrêt final rendu par le Tribunal pénal fédéral. Le recourant a qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF et ses conclusions sont recevables.  
 
1.3. L'extradition entre la Suisse et la Russie est régie par la CEExtr. et ses deux protocoles additionnels (RS 0.353.11 et 12). Le droit interne, soit en l'occurrence l'EIMP et son ordonnance d'exécution, s'applique aux questions qui ne sont réglées ni explicitement ni implicitement par le traité, y compris lorsqu'il permet la coopération internationale à des conditions plus favorables (ATF 122 II 140 consid. 2, 373 consid. 1a p. 375; 120 Ib 120 consid. 1a p. 122/123, 189 consid. 2b p. 191/192 et les arrêts cités).  
 
2.   
Le recourant persiste à considérer que la décision de non-entrée en matière sur sa demande d'asile serait une décision d'opportunité reposant sur le fait qu'un autre pays serait compétent pour examiner la demande au fond. Cette décision n'ayant pas été exécutée, la Suisse resterait compétente pour statuer au fond. 
 
2.1. Lorsque la personne visée par une demande d'extradition a déposé une demande d'asile en Suisse, l'autorité qui accorde l'extradition doit éviter que les obligations conventionnelles en matière d'extradition n'entrent en conflit avec celles qui découlent de la Convention relative au statut de réfugié (ATF 132 II 469 consid.2.5 p. 473). Ainsi, selon l'art. 55a EIMP, l'OFJ et les autorités de recours doivent tenir compte du dossier d'une procédure d'asile pendante pour statuer sur la demande d'extradition. Cette disposition a pour but d'éviter des décisions contradictoires dans les deux domaines et d'accélérer les procédures (FF 2010 1333). Lorsqu'en revanche l'asile a été préalablement refusé par une décision entrée en force, l'autorité d'extradition saisie d'une objection relative au délit politique, ne peut faire abstraction de cette décision, dans la mesure où les conditions de reconnaissance du statut de réfugié dépendent de critères analogues à ceux qui sont posés à l'art. 3 al. 2 CEExtr.  
 
2.2. En l'occurrence, le recourant a fait l'objet d'une décision de non- entrée en matière le 2 septembre 2010. Selon ses déclarations, il avait déjà présenté une demande d'asile en Autriche, qui l'avait rejetée. En raison de son mariage en Suisse avec une ressortissante suisse, il a été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour et n'a pas été renvoyé. Même si, comme le relève le recourant, la décision de non- entrée en matière ne se prononce pas sur la qualité de réfugié (cf. art. 31a al. 1 de la loi sur l'asile - LAsi, RS 142.31), elle met fin à la procédure d'asile. Le recourant invoque l'art. 29 du Règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride [refonte] (Règlement Dublin III). Selon cette disposition, le transfert vers l'Etat responsable doit avoir lieu au plus tard dans les six mois à compter de l'acceptation de la prise en charge. Outre qu'en l'occurrence il n'est pas prétendu que l'Autriche aurait accepté une telle prise en charge, la disposition précitée n'impose pas qu'une nouvelle procédure d'asile soit rouverte d'office. Le recourant n'a d'ailleurs pas renouvelé sa demande déposée en 2010 et ne saurait dès lors se plaindre de l'absence de décision à ce sujet. A défaut de procédure d'asile ouverte, il n'y a pas de coordination possible avec la procédure d'extradition. Le grief doit dès lors être rejeté, de même que la demande préalable d'apport du dossier d'asile ainsi que la demande de suspension de la procédure d'extradition.  
 
3.   
Invoquant son droit d'être entendu ainsi que la loi fédérale sur la protection des données (LPD, RS 235.1), le recourant réclame l'accès au dossier complet de la procédure, y compris aux pièces auxquelles l'OFJ lui a refusé l'accès (les échanges avec la DDIP). L'arrêt attaqué passerait aussi sous silence ses diverses demandes de consultation auxquelles l'OFJ aurait répondu par la simple remise d'une table des matières du dossier, avant de rendre sa décision une dizaine de jours plus tard. 
 
3.1. Le recourant invoque en vain la LPD puisqu'en vertu de l'art. 2 al. 2 let. c, cette loi ne s'applique pas aux procédures pendantes d'entraide judiciaire internationale. Le droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. et, en matière d'extradition, à l'art. 52 EIMP, comporte notamment le droit d'obtenir consultation de la demande et des pièces à l'appui (art. 26 et 27 PA, applicables par renvoi de l'art. 80b EIMP). Ce droit d'accès peut toutefois être supprimé ou restreint dans la mesure où l'intérêt public ou l'intérêt prépondérant de tiers, voire du requérant lui-même, exigent que tout ou partie de certains documents soient tenus secrets (ATF 126 I 7 consid. 2b p. 10; 122 I 153 consid. 6a et les arrêts cités). Le droit de consulter le dossier peut ainsi être restreint lorsque l'exige l'intérêt de la procédure conduite à l'étranger (let. a), la protection d'un intérêt juridique important, à la demande de l'Etat requérant (let. b), la nature ou l'urgence des mesures à prendre (let. c), la protection d'intérêts privés importants (let. d) ou l'intérêt de la procédure conduite en Suisse (let. e; cf. art. 80b al. 2 EIMP). L'autorité doit toutefois communiquer à l'intéressé la teneur essentielle des documents secrets sur lesquels se fonde son prononcé (art. 28 PA).  
 
3.2. On comprend aisément que, pour des motifs diplomatiques, le DFAE ne désire pas que les termes exacts de sa prise de position soient divulgués (cf. arrêt 1C_559/2011 du 7 mars 2012 consid. 2.1). Il en va de même des communications émanant de l'Ambassade de Suisse à Moscou et portant sur le caractère prétendument politique de la procédure pénale. Cela étant, l'OFJ a résumé ces différentes prises de position à l'attention du recourant, dans une lettre du 6 mai 2015: la poursuite ne reposait pas sur des motifs politiques; l'extradition pouvait être accordée moyennant des garanties diplomatiques adéquates quant aux conditions de détention et aux garanties de procédure; la mise en place d'un monitoring par une personne désignée par l'Ambassade permettrait un suivi effectif du procès, la personne désignée devant être informée des étapes de la procédure et bénéficier d'un accès sans restriction aux audiences. La teneur essentielle des prises de position confidentielles a ainsi été communiquée au recourant, conformément à l'art. 28 PA.  
 
3.3. Le recourant se plaint aussi de n'avoir obtenu qu'une table des matières des pièces du dossier, quelques jours seulement avant le prononcé de la décision d'extradition et alors que le dossier était en suspens depuis quatre ans et demi. Le recourant s'est toutefois déterminé à plusieurs reprises devant l'OFJ, notamment le 12 juin et le 10 juillet 2015. Il réclamait pour l'essentiel l'accès aux pièces mentionnées ci-dessus et demandait une copie complète du dossier, si possible par voie électronique. Par courrier électronique du 30 juillet 2015, l'OFJ lui a fait parvenir un bordereau des pièces du dossier, précisant que certaines d'entre elles étaient confidentielles et que le recourant avait déjà obtenu copie du dossier jusqu'à la pièce 56. Le mandataire du recourant était invité à indiquer s'il avait besoin d'une copie de l'un ou l'autre des actes mentionnés. Compte tenu du volume du dossier, ce mode de faire échappe à la critique. Le recourant, qui savait qu'une décision d'extradition allait être rendue à brève échéance, a disposé de plus de deux semaines pour demander l'accès aux pièces qui lui manquaient. Il pouvait également réclamer ces pièces dans le cadre de la procédure de recours, laquelle pouvait permettre de remédier à une éventuelle violation de son droit d'être entendu. Le grief doit dès lors être écarté.  
 
4.   
Invoquant les art. 3 par. 1 CEExtr. et 3 al. 1 EIMP (ainsi que les art. 3 par. 2 CEExtr. et 2 let. b et c EIMP dans un grief distinct, qu'il convient de traiter simultanément), le recourant soutient que la procédure pénale aurait été ouverte pour des motifs politiques. Durant la période de 2007 à 2009, il était député de la Douma (parlement) de Tver, représentant du parti "Russie Unie". Il aurait mené une enquête parlementaire au sujet de la dilapidation de l'argent de l'Etat (notamment à propos de détournements de fonds pour des logements communautaires). Il se serait aussi opposé à l'annulation de l'élection du maire de la ville et à la fermeture des maisons de jeux. Le gel de ses avoirs aurait été organisé par certains députés et il aurait été menacé de l'ouverture d'une procédure pénale s'il ne collaborait pas. Ayant refusé, il se serait enfui en Autriche où il avait déposé une demande d'asile. Il aurait divorcé de sa femme en janvier 2010 afin de la protéger. En septembre 2012, sa fille serait décédée dans des circonstances troubles, laissant une lettre d'adieu qui ne lui correspondait pas. 
 
4.1. Selon la jurisprudence, constitue un délit politique absolu celui qui est dirigé exclusivement contre l'organisation sociale et politique de l'Etat; il s'agit typiquement des actes tendant au renversement de l'Etat (sédition, coup d'Etat, haute trahison). Constitue un délit politique relatif l'infraction de droit commun qui a été commise dans le cadre d'une lutte pour ou contre le pouvoir. Enfin, par fait connexe à une infraction politique, on entend l'acte punissable selon le droit commun, mais qui bénéficie aussi d'une certaine immunité parce qu'il a été accompli parallèlement à un délit politique, généralement pour préparer, faciliter, assurer ou masquer la commission de celui-ci, voire en procurer ultérieurement l'immunité (ATF 130 II 337 consid. 3.2 et les arrêts cités).  
 
4.2. Les agissements reprochés au recourant ne sauraient en aucune manière être considérés comme des infractions politiques. Il s'agit de délits de droit commun sans rapport avec la lutte pour ou contre le pouvoir. C'est dès lors à juste titre que la Cour des plaintes n'a pas considéré les infractions poursuivies comme des délits politiques, et a examiné l'argumentation du recourant sous l'angle des art. 2 let. b et c EIMP et 3 par. 2 CEExtr.  
 
4.3. Selon ces dispositions, la demande d'extradition est irrecevable s'il y a lieu d'admettre que la procédure dans l'Etat requérant, apparemment motivée par des délits de droit commun, tend en réalité à poursuivre une personne en raison de ses opinions politiques, de son appartenance à un groupe social déterminé, de sa race, de sa confession ou de sa nationalité, ou lorsque la procédure risque d'aggraver la situation de la personne poursuivie pour l'une de ces raisons. La personne visée par une demande d'extradition et qui soulève le grief de violation de l'art. 2 let. b EIMP ne peut se borner à dénoncer une situation politico-juridique particulière; il lui appartient de rendre vraisemblable l'existence d'un risque sérieux et objectif d'un traitement discriminatoire prohibé, respectivement d'un fondement politique aux poursuites pénales (ATF 123 II 161 consid. 6b p. 167, 511 consid. 5b p. 517; 122 II 373 consid. 2a p. 377, et les arrêts cités). Il ne suffit pas non plus de prétendre que la procédure pénale ouverte à l'étranger s'inscrirait dans le cadre d'un règlement de comptes, tendant à l'éliminer de la scène politique (ATF 115 Ib 68 consid. 5a p. 85; 109 Ib 317 consid. 16c p. 338/339). La personne recherchée doit au contraire apporter des éléments concrets permettant de supposer qu'elle serait poursuivie pour des motifs cachés, ayant trait notamment à ses opinions politiques (ATF 129 II 268 consid. 6.3 p. 272; arrêt 1C_559/2011 du 7 mars 2012 consid. 3.3 publié in SJ 2012 I 401).  
 
4.4. S'il n'est pas contesté que le recourant a effectivement été député à la Douma de Tver (en tant que représentant d'un parti majoritaire), le simple fait qu'il y aurait manifesté son opposition à certains projets, aux côtés d'un certain nombre d'autres députés, ne saurait suffire à rendre vraisemblable un acharnement à son encontre. Le recourant n'explique d'ailleurs pas en quoi, ni pour qui les projets auxquels il se serait opposé présentaient un enjeu susceptible de justifier l'acharnement dont il fait état. Il n'indique pas non plus de qui proviendraient les menaces dont il aurait fait l'objet. Le recourant prétend avoir divorcé en janvier 2010 pour protéger son ex-épouse; il s'est toutefois remarié à une Suissesse à peine une année plus tard. Les allégations relatives au décès de sa fille ne sont pas plus étayées. Si la demande d'extradition ne fait aucune allusion à la qualité de député du recourant, c'est que les actes décrits sont sans rapport avec ce mandat. Les menaces de poursuites pénales et le blocage de ses comptes constituent également des affirmations non étayées. Le fait que le recourant ait présenté ses allégations à l'appui de sa demande d'asile et avant que son extradition ne soit requise n'est pas non plus pertinent si l'on considère qu'il a pu fuir son pays d'origine pour se soustraire à la poursuite pénale. Au surplus, le recourant ne prétend pas que la demande d'extradition serait entachée d'invraisemblances manifestes qui viendraient renforcer ses allégations. Les imprécisions relevées quant à la qualification juridique des faits ne permettent pas de remettre en cause ces faits eux-mêmes. Le recourant semble au contraire admettre qu'il n'a pas honoré certains contrats, en expliquant que cela serait dû au blocage de ses comptes.  
Les objections relatives au but déguisé de la demande d'extradition doivent par conséquent être écartées. 
 
5.   
C'est également en vain que le recourant se prévaut de son mariage en Suisse en invoquant l'art. 8 CEDH. Cette disposition conventionnelle ne saurait faire obstacle à une extradition qu'en présence de circonstances tout à fait exceptionnelles et pour autant que la Suisse puisse se charger elle-même de la poursuite pénale (ATF 129 II 100 consid. 3.5 p. 105 et les arrêts cités). Tel n'est pas le cas en l'occurrence, l'argumentation du recourant consistant d'ailleurs essentiellement à contester la régularité de la procédure pénale étrangère. 
 
6.   
Dans un dernier argument de fond, le recourant invoque l'art. 3 CEDH. Il relève que son état de santé se serait considérablement détérioré depuis son incarcération: il aurait dû être amené au centre hospitalier de Curabilis, où il aurait été pris en charge à deux reprises au moins par l'unité de psychiatrie pénitentiaire en raison d'actes d'auto-agression. Le 7 décembre 2015, le recourant a produit un certificat médical selon lequel il tiendrait un discours inquiétant avec volonté de mettre fin à ses jours; il aurait fait deux tentatives ayant nécessité un transfert aux urgences et suivrait un traitement antidépresseur et neuroleptique. 
 
6.1. L'OFJ et le TPF n'ont pas méconnu qu'il existe, dans l'Etat requérant, des risques de violation des principes fondamentaux concernant notamment les conditions de détention et les garanties de procédure. Ils ont toutefois considéré que les garanties obtenues de la part de l'Etat requérant étaient propres à prévenir un traitement contraire aux droits de l'homme. Telles qu'elles ont été acceptées en dernier lieu par l'autorité requérante, ces garanties ont la teneur suivante:  
 
1. Les conditions de détention de la personne extradée ne seront pas inhumaines ou dégradantes et seront conformes aux exigences posées par l'art. 3 CEDH
2. La personne extradée ne sera soumise à aucun traitement portant atteinte à son intégrité physique et psychique (art. 3 CEDH et art. 7, 10 et 17 Pacte ONU II). 
3. Les conditions de détention de la personne extradée ne pourront pas être aggravées durant la détention en vue du jugement ou de l'exécution de la peine, en raison de ses opinions ou ses activités politiques, de son appartenance à un groupe social déterminé ou pour des considérations de race, de religion ou de nationalité (art. 2 let. b EIMP); 
4. La santé du prévenu sera assurée durant sa détention de manière adéquate, notamment par l'accès à des soins médicaux suffisants; 
5. Les autorités de la Fédération de Russie accorderont à la personne extradée durant toute la durée de sa détention le droit de contacter, respectivement d'avoir accès sans restrictions et sans mesure de contrôle à un avocat de choix ou un avocat d'office. La personne extradée aura, en outre, la possibilité de recevoir en prison des visites de sa famille ainsi que de son cercle de connaissances. 
6. L'Ambassade de Suisse à Moscou se verra accorder le droit de désigner des représentants ou des personnes qui pourront rendre visite à la personne extradée après son extradition, sans que les rencontres ne fassent l'objet de mesures de contrôle. La personne extradée pourra en tout temps s'adresser à des représentants ou à des personnes désignées. En outre, lesdits représentants ou lesdites personnes désignées pourront s'enquérir de l'état de la procédure et assister aux débats judiciaires et seront informés en temps utile des diverses étapes de la procédure à l'encontre de la personne extradée. Un exemplaire de la décision mettant fin à la procédure pénale lui sera remis. 
 
 
6.2. Selon les derniers arrêts rendus par le Tribunal fédéral sur cette question (ATF 134 IV 156 consid. 6.11 p. 171; arrêts 1C_104/2014 du 27 mars 2014, 1C_274/2015 du 12 août 2015 concernant la Turquie), les garanties diplomatiques constituent en général, à l'égard de l'Etat requérant, un moyen efficace d'assurer aux personnes extradées un traitement conforme à la CEDH. Jusqu'à présent, il n'apparaît pas que les autorités russes auraient failli à leurs engagements à ce propos. Ces garanties sont en outre assorties d'un monitoring permettant à la Suisse de s'assurer de leur respect dans le cas particulier.  
 
6.3. Quant aux motifs tenant à l'état de santé du recourant, il s'agit d'arguments qui n'ont pas été soumis à l'instance précédente et les faits allégués à ce propos (les troubles sont apparemment survenus en rapport avec la procédure d'extradition) sont, eux aussi, nouveaux (art. 99 al. 1 LTF). Quoi qu'il en soit de la recevabilité du grief, il n'apparaît pas que l'état du recourant nécessite des soins spécialisés qui ne pourraient lui être prodigués dans une prison étrangère. L'autorité requérante s'est engagée à assurer la santé du recourant de manière adéquate et l'OFJ a indiqué qu'il informera l'autorité requérante, préalablement à l'exécution de l'extradition, de l'état de santé du recourant et des soins nécessaires.  
 
7.   
Les derniers griefs du recourant ont trait à l'assistance judiciaire devant les instances précédentes. 
 
7.1. Le recourant se plaint en premier lieu de ce que la Cour des plaintes a refusé d'entrer en matière sur le grief relatif à l'indemnisation de l'avocat d'office, ce dernier n'ayant pas recouru lui-même. Le recourant relève que les dispositions sur la qualité pour agir (art. 80h let. b EIMP) ne s'appliqueraient pas en matière d'indemnisation et qu'il aurait un intérêt à ce que le défenseur qui lui est nommé d'office soit suffisamment rétribué.  
Que la qualité pour agir dans ce domaine soit régie à l'art. 80h EIMP ou par la disposition générale de l'art. 6 PA, le recourant doit disposer d'un intérêt, sinon juridique, du moins digne de protection. Or, seul l'avocat est bénéficiaire de l'indemnité qui lui est allouée pour une défense d'office. Il est donc en principe également le seul habilité à remettre en cause le montant de cette indemnité (cf. également l'art. 135 al. 3 CPP; ATF 140 IV 213 consid. 1; arrêt 5A_504/2015 du 22 octobre 2015 consid. 1.3). Il n'y a pas de violation du droit fédéral sur ce point. 
 
7.2. Le recourant se plaint aussi de ce que l'assistance judiciaire lui a été refusée pour la procédure devant la Cour des plaintes. Celle-ci a considéré que les conclusions présentées dans le recours étaient vouées à l'échec. Le recourant relève que son indigence n'est pas contestée; il estime avoir démontré que la présente cause est particulièrement importante et qu'il ne pourrait se défendre seul, ne parlant pas le français et ayant été hospitalisé plusieurs fois.  
 
7.2.1. L'art. 65 al. 1 PA indique, comme condition d'octroi de l'assistance judiciaire (la condition de l'indigence n'est en l'occurrence pas contestée), que les conclusions présentées ne doivent pas être vouées à l'échec. Un avocat d'office peut en outre être désigné si la sauvegarde des droits de la partie concernée le requiert (al. 2). Selon la jurisprudence, une procédure de recours est dépourvue de chances de succès lorsque les perspectives de gagner sont notablement plus faibles que les risques de perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'un plaideur raisonnable et de condition aisée renoncerait à engager la procédure en raison des frais qu'il s'exposerait à devoir supporter (ATF 133 III 614 consid. 5 p. 616; 129 I 129 consid. 2.3.1 p. 135).  
 
7.2.2. La Cour des plaintes a considéré que son arrêt était fondé sur des dispositions claires et sur la jurisprudence récente en matière d'extradition avec la Fédération de Russie. Il n'en demeure pas moins que le recourant faisait valoir que la procédure à l'étranger revêtait une dimension politique et se plaignait de mauvais traitements possibles. Ces assertions n'ont pas été prises à la légère puisqu'elles ont donné lieu à des prises de position circonstanciées de la DDIP et de l'Ambassade de Suisse, lesquelles n'ont d'ailleurs pas été portées directement à la connaissance de l'intéressé. Les conditions posées à l'extradition ont dû être complétées à plusieurs reprises. Il y a lieu aussi de tenir compte des incidences de la décision d'extradition sur la situation personnelle de l'intéressé, qui demeure en Suisse depuis plusieurs années et s'est marié à une Suissesse. L'état de santé du recourant est également un élément à prendre en considération, celui-ci n'étant manifestement pas en état de se défendre seul. Dans ces circonstances, le refus de l'assistance judiciaire apparaît d'une rigueur excessive, et viole ainsi le droit garanti à l'art. 29 al. 3 Cst. Le recours doit être admis sur ce point.  
 
8.   
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être partiellement admis en ce sens que l'assistance judiciaire est accordée au recourant pour la procédure devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral, Me Phillipe Currat étant désigné comme avocat d'office du recourant. La cause doit être renvoyée à la Cour des plaintes afin qu'elle fixe le montant de l'indemnité allouée au défenseur d'office. Le recours est rejeté pour le surplus. Le recourant a aussi requis l'assistance judiciaire pour la procédure devant le Tribunal fédéral. Comme cela est relevé ci-dessus, celle-ci peut lui être accordée. Me Philippe Currat est désigné comme avocat d'office, rétribué par la caisse du Tribunal fédéral, et il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est partiellement admis en ce sens que l'assistance judiciaire est accordée au recourant pour la procédure devant le Tribunal pénal fédéral, Me Phillipe Currat étant désigné comme avocat d'office. La cause est renvoyée à la Cour des plaintes afin qu'elle fixe le montant de l'indemnité allouée au défenseur d'office. Le recours est rejeté pour le surplus. 
 
2.   
La demande d'assistance judiciaire est admise. Me Philippe Currat est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 2'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à verser par la caisse du Tribunal fédéral; il n'est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à l'Office fédéral de la justice, Unité Extraditions, et au Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes. 
 
 
Lausanne, le 4 janvier 2016 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Fonjallaz 
 
Le Greffier : Kurz