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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_721/2022, 6B_722/2022  
 
 
Arrêt du 26 juin 2023  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, Denys et Koch. 
Greffière : Mme Kistler Vianin. 
 
Participants à la procédure 
6B_721/2022 
A._________, 
représenté par Me Yannis Sakkas, avocat, 
recourant 1, 
 
et 
 
6B_722/2022 
B._________, 
représenté par Me Saskia Ditisheim, avocate, 
recourant 2, 
 
contre  
 
1. Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
2. C._________SA, 
représenté par Me Delphine Jobin, avocate, 
3. D._________, 
représentée par Me Jamil Soussi, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
6B_721/2022 
Instigation à tentatives de soustraction de donnés; arbitraire, droit d'être entendu, présomption d'innocence, etc., 
 
6B_722/2022 
Complicité de tentatives de soustraction de données, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 8 avril 2022 
(P/4180/2014 AARP/104/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 23 avril 2021, le Tribunal de police du canton de Genève a condamné A._________ pour instigation à tentatives de soustraction de données à une peine privative de liberté de six mois avec sursis pendant deux ans. Il a condamné B._________ pour complicité de tentatives de soustraction de données à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis durant deux ans. Enfin, il a condamné E._________ pour tentatives de soustraction de données à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à 30 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans. Les trois intéressés ont été condamnés, conjointement et solidairement, à couvrir les parties plaignantes C._________ SA et D._________ d'une partie de leurs honoraires d'avocat, ainsi qu'au trois quarts des frais de la procédure. 
 
B.  
Par arrêt du 8 avril 2022, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a admis partiellement l'appel de A._________ et rejeté les appels de B._________ et de F._________. En conséquence, elle a réformé le jugement attaqué en ce sens que A._________ est condamné à une peine pécuniaire de zéro jour-amende à 2'000 fr. le jour, dite peine étant complémentaire aux peines pécuniaires prononcées en 2014 par le Ministère public central vaudois, en 2017 et en 2020 par le Tribunal cantonal du Valais, sous déduction de 15 jours de détention avant jugement, avec sursis pendant deux ans, ainsi qu'à une amende de 10'000 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif de l'amende étant de cinq jours. 
En résumé, elle a retenu les faits suivants. 
 
B.a. A._________, encaveur bien connu, a été visé par des articles de presse et des émissions de télévision sortis à la fin de l'année 2013 et faisant état de ses déboires avec le fisc notamment. G._________ et F._________ comptaient au nombre des journalistes à l'origine de ces sujets. Convaincu qu'ils avaient bénéficié d'informations transmises, en violation de leur secret de fonction, par des fonctionnaires en charge de diverses procédures le concernant, A._________ a décidé d'identifier leurs sources. Il s'est entouré des conseils de H._________ et de B._________ pour gérer la crise médiatique à laquelle il était confronté.  
H._________ et B._________ avaient, à la fin de 2013, pour projet de monter avec E._________, informaticien spécialisé dans le hacking éthique, une société de conseil.  
 
B.b. H._________, A._________ et E._________ se sont rencontrés pour un déjeuner au restaurant I._________, à l'aéroport de U._________, le 16 janvier 2014, à 12h15, B._________ les rejoignant une heure plus tard environ. Ils ont discuté de piratage informatique et A._________ a donné son accord de principe pour une telle solution, alors que E._________ devait, le cas échéant, la mettre à exécution. Le prix de l'opération n'a toutefois pas été fixé, pas plus que le cercle des cibles.  
A._________ et E._________ se sont rencontrés le dimanche 19 janvier 2014, en fin d'après-midi, dans les locaux de A._________ Vins, à W._________, pour discuter du projet de hacking.  
Le lendemain, le 20 janvier 2014, E._________ a rencontré B._________ dans le but précis de lui communiquer les détails du prix de l'opération de hacking. Le prix fixé par E._________ était de 10'000 fr. de base, payables d'avance indépendamment du résultat, puis 40'000 fr. par journaliste et 80'000 fr. par magistrat, ces derniers montants ne devant être payés que si l'opération de hacking réussissait. Lorsque A._________ a été informé par B._________ de la somme demandée, il a considéré que c'était trop cher et a demandé à ce dernier de négocier le prix à la baisse.  
Les 21 ou 22 janvier 2014, le projet de hacking a été suspendu, à la suite d'une émission humoristique sur la chaîne de radio J._________ qui évoquait des liens entre l'encaveur A._________ et le Service de renseignement de la Confédération (ci-après: SRC).  
Le 29 janvier 2014, E._________, A._________, B._________ et H._________ se sont rencontrés à V._________. Au cours de cette rencontre, le projet de hacking a été à nouveau abordé de manière concrète.  
E._________ a livré les ordinateurs sécurisés à A._________ le 3 ou le 6 février 2014. Les protagonistes ont probablement à nouveau parlé du projet de hacking. 
 
B.c. L'informaticien E._________ a dès lors tenté deux opérations de hacking.  
Le 28 février 2014, il a envoyé à G._________, journaliste employée par C._________ SA, sur son adresse électronique professionnelle, sous le prétendu nom d'expéditeur N._________ et sous un prétexte fallacieux, un courrier électronique contenant, dissimulé de manière sophistiquée dans une pièce jointe, un logiciel malveillant (" malware ") programmé pour scanner, à l'insu de son utilisateur, le contenu du disque dur de l'appareil infecté et envoyer ensuite, entre autres, les fichiers Word, Excel, Powerpoint, PDF et courriels de cet ordinateur, ainsi que de tous les disques réseau connectés, sur un serveur distant appartenant à la société K._________ SA à X._________.  
Le paramétrage du système informatique de C._________ SA, conçu pour se prémunir dans la mesure du possible contre ce genre d'attaques ou d'intrusions non autorisées, a permis de filtrer à l'entrée et de mettre en quarantaine le message électronique contenant le malware. Le message infecté n'a pas été délivré dans la messagerie électronique de sa destinataire, G._________. N'ayant pas reçu le courrier électronique infecté, cette dernière ne l'a pas ouvert. Aucune donnée n'a été soustraite de son ordinateur, ni n'a été envoyée sur le serveur logé chez K._________ SA.  
Le 4 mars 2014, E._________ a envoyé à F._________, journaliste employé par D._________, sur son adresse électronique professionnelle, sous le prétendu nom d'expéditeur L._________ et sous un prétexte fallacieux, un courrier électronique contenant, dissimulé de manière sophistiquée dans une pièce jointe, le même logiciel malveillant programmé de la même manière. 
Préalablement, à savoir le 4 mars 2014 à 12h59, E._________ avait appelé F._________ sur son téléphone portable depuis une cabine téléphonique et, au cours d'une conversation qui a duré un peu plus de deux minutes, s'était présenté sous le faux nom de L._________ afin de nouer un contact avec le journaliste sous un prétexte fallacieux, de le prévenir de l'envoi prochain d'un message électronique, et de l'induire, par des explications mensongères, à ouvrir ce message électronique et sa pièce jointe, permettant au malware de s'exécuter sur son ordinateur.  
Malgré le paramétrage du système informatique de D._________ visant à se prémunir dans la mesure du possible contre ce genre d'attaques ou d'intrusions non autorisées, F._________ a reçu le message électronique infecté dans sa messagerie professionnelle le 4 mars 2014 à 14h05. Anticipant qu'il pouvait s'agir d'une attaque informatique malveillante, il ne l'a toutefois pas ouvert ou, à tout le moins, n'a pas ouvert la pièce jointe. Ainsi, aucune donnée n'a été soustraite de son ordinateur, ni n'a été envoyée sur le serveur logé chez K._________ SA. 
 
B.d. De la sorte, A._________ a commandité les deux opérations tentées par E._________, alors qu'après les avoir pleinement voulues et acceptées, B._________ a, à l'insu du commanditaire, averti F._________ par avance de celle dont il allait être la cible, afin qu'il pût minimiser, voire réduire à néant, les conséquences d'une telle opération en terme de soustraction effective de ses données. Grâce aux avertissements de B._________, F._________ s'est méfié de l'appel du prétendu L._________ le 4 mars 2014 à 12h59 et n'a pas ouvert la pièce jointe au message envoyé par ce dernier, faisant ainsi échouer l'opération de hacking le concernant.  
 
C.  
Contre l'arrêt cantonal du 8 avril 2022, A._________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il conclut, principalement, à ce que l'arrêt attaqué soit déclaré nul, à titre subsidiaire qu'il soit acquitté et que les frais et dépens ne soient pas mis à sa charge et, encore plus subsidiairement, que la solidarité relative aux frais et dépens soit annulée et que seul un quart des frais et dépens soit mis à sa charge (cause 6B_721/2022). 
B._________ forme également un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il conclut, principalement, à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens qu'il est acquitté du chef d'accusation de complicité de tentatives de soustraction de données. A titre subsidiaire, il requiert l'annulation de l'arrêt attaqué et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouveau jugement. En outre, il sollicite l'assistance judiciaire (cause 6B_722/2022). 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les deux recours, dirigés contre le même jugement, concernent le même complexe de faits et portent dans une large mesure sur les mêmes questions de droit. Il se justifie de les joindre et de statuer par une seule décision (art. 71 LTF et 24 PCF). 
 
I. Recours de A._________ (recourant 1)  
 
2.  
Le recourant 1 fait valoir que l'arrêt attaqué devrait être annulé en raison de la destruction d'au moins 67 écoutes téléphoniques par le SRC. En outre, il demande à avoir accès à l'ensemble des écoutes téléphoniques entre B._________ et F._________. 
 
2.1. Le 15 mai 2019, le recourant 1 a déjà déposé un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral, concluant notamment au versement au dossier des écoutes téléphoniques entre B._________ et F._________ du 27 novembre 2013 au 27 février 2014, ainsi qu'à celles censurées par le SRC. Son recours a été rejeté dans la mesure où il était recevable par arrêt du 6 février 2020 (arrêt 1B_234/2019 et 1B_235/2019 du 6 février 2020).  
Il ressort de ce dernier arrêt que, le 29 août 2014, le SRC a procédé au tri des conversations téléphoniques enregistrées et a identifié, sur les 6'189 écoutes concernées, 67 conversations couvertes par le secret de fonction de H._________. Le 27 novembre 2014, le Service de surveillance de la correspondance par la poste et télécommunication du Département fédéral de justice et police a procédé, sur la demande du 24 novembre 2014 du ministère public, à la suppression des 67 conversations identifiées par le SRC comme couvertes par le secret de fonction de H._________ (la retranscription partielle de deux d'entre elles subsistant néanmoins, dans la mesure où elles pouvaient être pertinentes) et délivré un nouveau jeu de DVDs. Le Tribunal fédéral constatait dans cet arrêt (consid. 3) que le recourant 1 ne développait aucune argumentation tendant à démontrer qu'il aurait contesté en temps utile la procédure de censure selon la demande du SRC devant le ministère public. 
S'agissant des conversations téléphoniques entre B._________ et F._________, l'arrêt précité expose que, par ordonnance du 26 juillet 2018, le Tribunal des mesures de contraintes (ci-après: TMC) a ordonné la destruction de 230 conversations enregistrements des échanges entre B._________ et F._________ dans le cadre d'une procédure au sens de l'art. 271 CPP. Il a constaté que l'ensemble desdites conversations n'apportait aucun élément intéressant à la procédure, relevant que ce tri avait déjà été effectué par la police et que seules les conversations intéressant la procédure, selon les enquêteurs, avaient été versées au dossier. Par décision du 28 juin 2018, le TMC avait refusé la participation du recourant 1 à cette procédure de tri. Le Tribunal fédéral a jugé que celui-ci était forclos à contester la décision du 28 juin 2018, par laquelle le TMC lui avait refusé de participer à la procédure de tri des conversations entre le détective privé et le journaliste dès lors qu'il n'avait pas recouru le moment venu (consid. 3; cf. arrêt attaqué p. 34 et 46). 
 
2.2. Il ressort ainsi de l'arrêt précité (cf. art. 105 al. 2 LTF) que le recourant 1 n'a pas démontré avoir contesté la procédure de censure ni n'a contesté son éviction de la procédure de tri des conversations téléphoniques entre le détective et le journaliste. Dans son recours, le recourant ne démontre pas non plus (ou du moins pas de manière claire) qu'il aurait contesté la procédure de censure ou les procédures de tri. Il ne saurait de bonne foi, dans la présente procédure, remettre en cause les décisions relatives à la destruction des écoutes téléphoniques par la voie de l'appréciation des preuves. En tout état de cause, il ne rend pas plausible que l'apport de ces conversations, fût-il possible, serait pertinent pour l'issue de la procédure. Dans la mesure de sa recevabilité, le grief du recourant est dès lors infondé.  
 
3.  
Le recourant 1 critique l'établissement des faits qu'il qualifie de manifestement inexact sur certains points. 
 
3.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat. Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 p. 155 s. et les références citées).  
 
3.2. Le recourant 1 reproche à la cour cantonale d'avoir versé dans l'arbitraire lorsqu'elle retient qu'il a pris la décision ferme de procéder à une opération de hacking lors de la rencontre des 15/16 janvier 2014 au restaurant I._________, à U._________, avec H._________ et l'informaticien E._________, B._________ les rejoignant une heure plus tard.  
La cour cantonale s'est fondée sur les déclarations du recourant 1, de H._________ et de B._________ ainsi que sur les propos de B._________ au journaliste F._________ contenus dans l'écoute téléphonique n° 3428 du 16 janvier 2014 pour retenir "que les quatre protagonistes avaient bien discuté de piratage ce jour-là et que le recourant 1 avait donné son accord de principe pour une telle solution, tandis que l'informaticien E._________ devait, le cas échéant, la mettre à exécution". Elle a ajouté que, "contrairement à ce que soutenait le recourant 1, il n'y avait pas de contradiction à retenir qu'une décision sur le principe du projet avait été prise, alors même que B._________ avait par la suite indiqué à F._________ qu'il fallait encore attendre avant de savoir si vraiment l'encaveur voulait aller de l'avant, car on n'en était encore qu'à une phase très initiale. En particulier, le prix de l'opération n'était pas fixé, pas plus que le cercle exact des cibles. Il se pouvait donc bien qu'après avoir accepté cette solution, le recourant 1 y renonce" (arrêt attaqué p. 11). 
Pour le recourant 1, cette première rencontre a été organisée pour lui présenter E._________ en vue de la sécurisation de son patrimoine informatique et pour le blog/site et, s'il a été évoqué la possibilité d'un hacking pour découvrir qui violait le secret de fonction, aucune action de piratage n'a été concrètement décidée ni élaborée. A l'appui de cette version, le recourant 1 cite des passages des déclarations des protagonistes et termine son argumentation, en se référant aux déclarations de B._________ "je vais voir la semaine prochaine si vraiment, ouais, si il veut vraiment aller de l'avant, voire si il va donner le go".  
Compte tenu de l'ensemble des déclarations citées par le recourant 1 et la cour cantonale, les conclusions qu'en a tirées la cour cantonale ne sont pas arbitraires, étant précisé que celle-ci a nuancé l'accord donné par le recourant 1, en ajoutant que le prix et les cibles n'avaient pas été fixés et que le recourant 1 pouvait bien encore y renoncer. 
 
3.3. Le recourant 1 fait valoir que la cour cantonale a retenu de manière arbitraire qu'il avait versé un montant de 10'000 fr. à titre d'acompte pour l'opération de hacking, à V._________, le 29 janvier 2014. Il conteste le motif du paiement de 10'000 fr. et la date de celui-ci. Selon lui, les 10'000 fr. ont été remis à E._________ lors de la rencontre du 19 janvier 2014, à la cave, à W._________, et cela pour acquérir les ordinateurs.  
La cour cantonale s'est fondée sur les déclarations du 17 juin 2014 de B._________. Elle n'ignore pas que les déclarations de ce dernier sont quelque peu fluctuantes (arrêt attaqué p. 17). Elle a écarté les déclarations de E._________ et du recourant 1 qui ont affirmé que le versement des 10'000 fr. représentait le prix des prestations de E._________ pour la sécurisation du patrimoine informationnel du recourant 1. Elle a qualifié de hautement douteuse l'offre de service, datée du 15 janvier 2014 et jamais signée, établie à l'attention du recourant 1 relative à l'"installation, configuration et formation à l'utilisation de deux ordinateurs portables sécurisés" pour un prix total de 9'950 fr., que E._________ a produite aux débats de première instance. Elle a notamment relevé que ni E._________ ni le recourant 1 n'avaient jamais évoqué un tel document durant les sept années qu'avait duré la procédure, ce qu'ils n'auraient pas manqué de faire si ce document avait existé. Elle en a déduit que le fait que E._________ n'a pas hésité à produire un document fabriqué pour les besoins de la cause ne pouvait qu'affaiblir fortement tant sa crédibilité globale que la thèse soutenue au sujet de la cause du paiement de 10'000 fr., que celui-ci soit intervenu le 19 janvier 2014 ou ultérieurement (arrêt attaqué p. 13). 
Dans son argumentation, le recourant 1 soutient que tous les protagonistes ont affirmé que les 10'000 fr. avaient été versés pour les ordinateurs. Il se réfère toutefois essentiellement à ses propres déclarations et à celles de E._________ (que la cour cantonale a écartées de manière convaincante). Il mentionne également les déclarations de B._________ (qui dit qu'il est "possible que les 10'000 fr. aient servi à rémunérer les services en terme de sécurisation informatique") et de H._________. Dans un deuxième temps, le recourant 1 met en exergue les contradictions des déclarations de B._________, sur lesquelles il n'hésite toutefois pas à fonder sa propre version des faits. L'argumentation du recourant 1 est peu convaincante. Elle ne permet pas d'établir que le raisonnement de la cour cantonale serait arbitraire. Les raisons qui ont conduit la cour cantonale à écarter les déclarations du recourant 1 et de E._________, qui étaient les deux principaux concernés, et à retenir celles de B._________, ne sont pas critiquables. Dans la mesure de sa recevabilité, l'argumentation du recourant est infondée. 
S'agissant de la date du paiement, la cour cantonale a retenu qu'il existait un faisceau d'indices suffisant pour tenir pour établi que la remise des 10'000 fr. avait eu lieu à V._________, le 29 janvier 2014, tel que déclaré par B._________, avant qu'il ne se rétracte, et malgré les dénégations des autres protagonistes. Pour le recourant 1, la cour cantonale a versé dans l'arbitraire en retenant la date du 29 janvier 2014; selon lui, le paiement a eu lieu le 19 janvier 2014 à la cave de Sion. Il fait valoir que les déclarations de B._________ sont contradictoires et soutient que seules ses déclarations et celles de E._________ devraient être retenues, lesquels ont affirmé que le paiement avait eu lieu le 19 janvier 2014. Comme vu ci-dessus, la cour cantonale a écarté de manière convaincante les déclarations du recourant 1 et celles de E._________, considérant que ceux-ci s'étaient entendus sur la date du 19 janvier 2014 pour mieux soutenir que la cause du paiement était la mission de sécuriser le patrimoine informationnel du recourant 1. L'argumentation de celui-ci, essentiellement appellatoire, n'établit pas en quoi le raisonnement de la cour cantonale qui se fonde sur les déclarations de B._________ et l'analyse des circonstances serait arbitraire. Dans la mesure de sa recevabilité, elle doit être rejetée. 
 
3.4. Le recourant 1 explique que l'opération de hacking a été stoppée à partir du 22 janvier 2014, à la suite d'une émission de J._________, où il avait été dit que le recourant 1 était proche des services de renseignements de la Confédération et que ces derniers l'aidaient. Pour le recourant 1, l'opération de hacking aurait été définitivement abandonnée et il serait arbitraire d'avoir retenu que celle-ci aurait été reprise, quelques jours plus tard seulement à V._________.  
La cour cantonale a retenu que la décision de relancer le projet de hacking avait été prise au plus tard le 31 janvier 2014 en se fondant sur deux échanges entre B._________ et F._________ (arrêt attaqué p. 17). Dans la première écoute téléphonique du 31 janvier 2014, le journaliste F._________ demande à B._________ "si l'action sur la personne a commencé" et ce dernier répond par l'affirmative, ajoutant qu'il y aura "deux actions" avec un "back up". Le 7 février 2014, B._________ a indiqué à F._________ "ça a commencé, il a été payé [...] un certain montant". Enfin, la cour cantonale s'est référée à une troisième conversation, celle du 3 février 2014, entre le recourant 1 et B._________. Lors de cette conversation, les deux comparses évoquent d'autres moyens d'identifier la source de G._________, B._________ ajoutant que si l'objectif était ainsi atteint, il ne serait alors pas nécessaire de "mener les actions qu'on souhaitait mener" (arrêt attaqué p. 18 s.).  
Le recourant 1 conteste ces déclarations, soutenant que ces conversations n'ont rien avoir avec l'opération de piratage. De plus, il explique qu'il avait de multiples raisons de renoncer à un tel projet. Outre l'émission de J._________, il fait valoir qu'un impératif moral l'aurait finalement empêché d'agir et qu'en outre, le prix était excessif. Pour établir que le projet a été définitivement abandonné, il se réfère aux déclarations du journaliste F._________ du 22 janvier 2016, qui fait allusion à un arrêt brutal de l'opération de hacking, comme le lui avait expliqué B._________. Il conclut son argumentation, en exposant qu'il aurait été absurde de reprendre l'opération compte tenu de l'émission de J._________, de l'article de M._________ qui parlait à demi-mot de cette opération, du fait que H._________ venait d'être mis sous enquête par le SRC et que B._________ venait d'être arrêté.  
Le raisonnement de la cour cantonale peut être suivi. Elle s'est fondée sur les déclarations de plusieurs protagonistes. L'argumentation du recourant 1 ne permet pas d'établir le caractère arbitraire des conclusions de la cour cantonale. De nature essentiellement appellatoire, elle est irrecevable. 
 
3.5. Le recourant 1 soutient qu'il n'a jamais donné son accord pour l'opération de hacking et que E._________ a procédé au hacking par "excès de zèle". Il avance plusieurs raisons d'un tel comportement: E._________ était un idéaliste, il voulait montrer à B._________ et à H._________ ses compétences pour obtenir une collaboration avec le SRC ou enfin il avait agi pour des raisons bassement financières, convaincu que s'il avait obtenu l'information souhaitée, il aurait pu la revendre au recourant 1. Cette argumentation est purement appellatoire, le recourant 1 se bornant à présenter sa propre version des faits. Elle est en conséquence irrecevable.  
 
4.  
Le recourant 1 conteste sa condamnation pour instigation à tentatives de soustraction de données. 
Le recourant 1 ne motive pas son grief. Il invite juste le Tribunal fédéral à analyser si une instigation a bien eu lieu, ajoutant que "la notion d'enrichissement illégitime doit être examinée d'office". S'il est vrai que le Tribunal fédéral examine le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), l'art. 42 al. 2 LTF pose une exigence minimale de motivation qui n'est manifestement pas remplie en l'espèce. Le Tribunal fédéral n'entrera donc pas en matière sur ces questions. 
Le recourant 1 émet en outre l'hypothèse que seul un délit impossible devrait être retenu, dès lors qu'il ressort du dossier que F._________ avait vidé le contenu de son ordinateur. Ce grief est aussi irrecevable, dans la mesure où il se fonde sur un fait qui ressort du dossier et non de l'arrêt attaqué; le Tribunal fédéral ne peut en effet se fonder que sur les faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). En outre, le recourant 1 ne développe aucune argumentation juridique (art. 42 al. 2 LTF). 
 
5.  
Enfin, le recourant 1 critique les frais et dépens. 
 
5.1. Il conteste d'abord l'émolument complémentaire de 3'000 fr., prononcé en raison de la demande de motivation du jugement de première instance. Il fait valoir qu'il a dénoncé en appel une violation de l'art. 6 CEDH en relation avec cet émolument complémentaire, grief que la cour cantonale aurait omis d'examiner en violation de son droit d'être entendu.  
Les frais judiciaires sont des taxes causales qui doivent respecter les principes de couverture des coûts et d'équivalence: ils ne doivent jamais être supérieurs à l'ensemble des dépenses de l'État pour fournir la prestation en cause, doivent être en rapport avec la valeur objective de la prestation fournie et rester dans les limites raisonnables (cf. FF 2006 p. 1309). La doctrine admet une hausse modérée (" mässig ") des frais de justice en cas de motivation écrite du jugement (SCHMID/JOSITSCH, Schweizerische Strafprozessordnung, Praxiskommentar, 2e éd. 2018, n° 4 ad art. 82 CPP; cf. également NILS STOHNER, in: Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2e éd. 2014, n° 20 ss. ad art. 82 CPP; DANIELA BRÜSCHWEILER/NADIG/SCHNEEBELI, in: Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung [StPO], 3e éd. 2020, n° 5a ad art. 82 CPP; dans ce sens également: ATF 141 I 105 consid. 3.5). Il s'ensuit qu'un émolument complémentaire pour la motivation du jugement est admissible. Le montant de 3'000 fr. ne paraît en outre pas excessif dans le cas d'espèce compte tenu de la complexité de l'affaire.  
 
5.2. Le recourant 1 conteste, en ce qui concerne la procédure préliminaire et de première instance, sa condamnation à payer les frais et les dépens de manière solidaire avec les co-prévenus.  
Selon l'art. 418 al. 2 CPP, l'autorité pénale peut ordonner que les personnes astreintes au paiement de frais répondent solidairement de ceux qu'elles ont occasionnés ensemble. Selon le message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, ce cas de figure se produit notamment dans les cas de complicité ou de participation lors desquels un motif d'équité commande que les personnes soient tenues responsables solidairement (cf. FF 2006, p. 1308). Compte tenu de leur rôle dans les tentatives de piratage, la condamnation solidaire des trois prévenus aux frais se justifie en l'espèce. 
Bien que l'art. 418 CPP n'évoque expressément que les frais de procédure, il est admis que cette disposition s'applique aussi aux indemnités, dès lors qu'elle fait partie des dispositions générales en la matière (ATF 145 IV 268 consid. 1.2). Le lien entre les frais de procédure et les indemnités doit conduire à considérer que, lorsque le juge fait application de l'art. 418 al. 2 CPP et condamne solidairement les prévenus aux frais, les indemnités accordées aux parties plaignantes doivent aussi être supportées solidairement par les prévenus. 
La motivation de la cour cantonale est claire sur cette question. La cour de céans ne voit pas en quoi celle-ci aurait violé le droit d'être entendu du recourant 1. Insuffisamment motivé, le grief tiré de la violation du droit d'être entendu est irrecevable. 
 
6.  
En conséquence, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
II. Recours de B._________ (recourant 2)  
 
7.  
Le recourant 2 conteste sa condamnation pour complicité de tentatives de soustraction de données. Il fait valoir que le commencement de l'exécution de l'infraction de soustraction de données n'a pas commencé le 29 janvier 2014, lors de la réunion à V._________, mais le 28 février 2014, date à laquelle les deux tentatives de piratage ont été menées par E._________, et que toute complicité antérieure au 28 février 2014 n'est pas concevable. 
 
7.1. Le complice est un participant secondaire qui prête assistance pour commettre un crime ou un délit (art. 25 CP). La complicité suppose que le participant apporte à l'auteur principal une contribution causale à la réalisation de l'infraction, de telle sorte que les événements ne se seraient pas déroulés de la même manière sans cette assistance. Il n'est pas nécessaire que celle-ci soit une condition sine qua non de la réalisation de l'infraction, il suffit qu'elle accroisse les chances de succès de l'acte principal (ATF 132 IV 49 consid. 1.1 p. 51 s.).  
Subjectivement, il faut que le complice sache ou se rende compte qu'il apporte son concours à un acte délictueux déterminé et qu'il le veuille ou l'accepte. A cet égard, il suffit qu'il connaisse les principaux traits de l'activité délictueuse qu'aura l'auteur, lequel doit donc avoir pris la décision de l'acte. Le dol éventuel suffit (ATF 132 IV 49 consid. 1.1 p. 52). 
L'assistance prêtée par le complice peut être matérielle, intellectuelle ou consister en une simple abstention (ATF 79 IV 146). La complicité par omission suppose toutefois une obligation juridique d'agir, autrement dit une position de garant (ATF 118 IV 309 consid. 1a et c p. 312 ss). La seule approbation de l'infraction commise par un tiers ne constitue pas un acte de complicité (ATF 113 IV 84 consid. 4 p. 87; DUPUIS ET AL., op. cit., n° 8 ad art. 25 CP). La complicité peut être commise avant ou pendant l'infraction, et au plus tard jusqu'à l'achèvement de l'infraction de celle-ci (ATF 121 IV 120, 118 IV 312, 106 IV 296, 98 IV 85). Elle couvre également l'assistance prêtée au stade de la préparation. 
 
7.2. La cour cantonale a retenu que la contribution du recourant 2 était à la fois psychique (ou intellectuelle) et physique (ou matérielle). C'est ainsi qu'en approuvant, dès le 16 janvier 2014, le projet dans son principe, quand bien même tous les contours, notamment la liste des cibles n'était pas définie, le recourant 2 a encouragé (contribution intellectuelle) le recourant 1 et E._________ à prendre leur décision, étant rappelé que les deux hommes ne se connaissaient pas mais avaient confiance dans le troisième. Par sa présence le 29 janvier 2014 à V._________, il a continué de conforter (contribution intellectuelle) les deux autres dans leur intention d'aller de l'avant. Il a au préalable veillé à ce que le recourant 1 ne recherche pas un autre exécutant et a accepté de servir d'intermédiaire dans la négociation du prix (contribution matérielle). La cour cantonale a conclu qu'il ne pouvait être exclu que, sans cette intermédiation, les deux hommes seraient néanmoins parvenus à trouver un terrain d'entente, mais il était certain que l'intervention du recourant 2 avait grandement facilité les choses (arrêt attaqué p. 48).  
 
7.3. Au vu des faits retenus dans l'arrêt attaqué, le recourant 2 a mis en contact, avec H._________, les deux comparses, il a conforté le recourant 1 dans la volonté d'aller de l'avant dans le projet de hacking et de mettre en oeuvre E._________ à cette fin et a servi d'intermédiaire, notamment lors de la négociation du prix. Par un tel comportement, le recourant 2 a bien apporté une aide psychique et matérielle aux deux protagonistes, de sorte que la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en retenant que le recourant 2 avait prêté assistance au recourant 1 et à E._________ dans leur projet de soustraction de données. Contrairement à ce que soutient le recourant 2, le complice peut déjà intervenir au stade de la préparation de l'infraction, de sorte que le moment du seuil du commencement de l'exécution est sans pertinence en l'espèce. Les griefs soulevés par le recourant 2 sont donc infondés.  
 
8.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. 
 
III. Frais  
 
9.  
Le recourant 1 qui succombe devra supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
Le recours 2 était voué à l'échec, de sorte que l'assistance judiciaire doit être refusée (art. 64 al. 1 LTF). Les frais judiciaires, dont la quotité tiendra compte de la situation financière du recourant 2, sont mis à la charge de ce dernier (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Les causes 6B_721/2022 et 6B_722/2022 sont jointes. 
 
2.  
Le recours de A._________ (6B_721/2022) est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
3.  
Les frais judiciaires pour la cause 6B_721/2022, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de A._________. 
 
4.  
Le recours de B._________ (6B_722/2022) est rejeté. 
 
5.  
La demande d'assistance judiciaire de B._________ est rejetée. 
 
6.  
Les frais judiciaires pour la cause 6B_722/2022, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge de B._________. 
 
7.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
 
Lausanne, le 26 juin 2023 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Kistler Vianin