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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1B_440/2018  
 
 
Arrêt du 28 janvier 2019  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Merkli, Juge présidant, 
Fonjallaz et Muschietti. 
Greffière : Mme Kropf. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
2. B.________ SRL, 
3. B.________ LTD, 
4. C.________ LTD, 
5. D.________ SA, 
6. E.________ SA, 
tous représentés par Me Daniel Kinzer, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève. 
 
Objet 
Procédure pénale; levée de scellés, 
 
recours contre la décision de la Direction de la procédure du Tribunal des mesures de contrainte du Tribunal pénal de la République et canton de Genève du 22 août 2018 (P/3072/2018-16) et l'ordonnance du Tribunal des mesures de contrainte du Tribunal pénal de la République et canton de Genève du 30 août 2018 (P/3072/2018-16 STMC/18/2018). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Le Ministère public de la République et canton de Genève instruit une enquête contre différentes personnes - dont F.________ et G.________ -, employés ou prestataires de services pour le groupe H.________, pour complicité de corruption d'agents publics étrangers (art. 322septies CP) et pour blanchiment d'argent (art. 305bis CP), respectivement pour soustraction de données (art. 143 CP). 
Dans ce cadre, il leur est reproché d'avoir, tout ou en partie depuis Genève dès 2004, mis en place un système de corruption des employés de I.________ SA - compagnie pétrolière appartenant à un état d'Amérique du Sud - pour obtenir en substance des informations leur permettant de connaître les stocks, les besoins et les futurs appels d'offre de cette société, ce afin de faire attribuer les marchés aux seules sociétés détenues par F.________ et G.________, soit notamment H.________ (INC). Ces employés ou prestataires de services sont également soupçonnés d'avoir organisé, en Suisse et depuis Genève, la détention et le mouvement des fonds provenant des infractions de corruption d'agents publics étrangers, ainsi que d'avoir mis en place un dispositif permettant d'accéder à distance, notamment depuis la Suisse et une ville des USA, à des données confidentielles contenues sur les serveurs de I.________ SA. Le 9 février 2018, ladite société a déposé plainte pénale. 
 
B.   
Le 28 mai 2018, le Ministère public a reçu une communication datée du 25 mai 2018 du Bureau en matière de blanchiment d'argent (MROS), à laquelle étaient annexées des annonces de J.________ SA et de K.________ SA, toutes deux relatives à des comptes détenus par A.________. Il y était fait référence à une autre communication du MROS reçue le 2 mai 2018 en lien avec une annonce de L.________ SA portant sur le compte "LLL" dont M.________ est détentrice; son compte avait été crédité par cinq entrées de fonds en provenance du compte de A.________, personne visée par la plainte civile déposée par le trust de I.________ SA aux USA dans le contexte de l'affaire opposant I.________ SA à H.________. M.________ a reçu différents versements, notamment du compte détenu par la société H.________ (INC) auprès de la banque N.________, entre le 9 mars et le 30 juin 2009 sur son compte "LLL", ainsi qu'entre le 19 octobre 2009 et le 13 août 2012 sur celui dénommé "AAA", détenu auprès de O.________. A titre de justification de ces transferts, F.________ a déclaré à la banque N.________ être l'ayant droit économique des comptes "LLL" et "AAA". P.________, frère de M.________ et directeur de la section trading en lien avec l'Amérique latine de la société Q.________, est signataire sur ces deux comptes et a été visé par la plainte pénale déposée par I.________ SA comme participant au schéma de corruption; il était ainsi suspecté que les versements opérés sur le compte de sa soeur puissent faire partie des actes de corruption dénoncés. 
Par ordres de dépôt des 17 et 29 mai 2018, le Ministère public a requis la transmission de documents bancaires en relation avec A.________ à K.________ SA, à la banque R.________ et à S.________. 
Le mandataire de A.________, avocat représentant également B.________ SRL, a requis, par courriers du 26 juillet 2018, la mise sous scellés de l'ensemble de cette documentation, ainsi que celles en lien avec la communication du MROS du 25 mai 2018 et avec l'annonce de J.________ SA, se prévalant de la protection de la sphère privée, ainsi que du secret bancaire. Le 13 août 2018, le Ministère public a demandé au Tribunal des mesures de contrainte du Tribunal pénal de la République et canton de Genève (Tmc) la levée des scellés. Invité à se déterminer jusqu'au 27 août 2018, A.________ et B.________ SRL ont demandé la prolongation de ce délai, requête rejetée par décision du 22 août 2018 de la Direction de la procédure du Tmc. Les deux requérants ont déposé des observations le 27 suivant; dans ce même courrier, leur avocat a annoncé se constituer pour la défense des sociétés E.________ SA, B.________ LTD, C.________ LTD et D.________ SA. Le Ministère public a répliqué par courrier du 28 août 2018. 
Par ordonnance du 30 août 2018, le Tmc a levé les scellés apposés sur l'ensemble des pièces énumérées à l'annexe 3 de la demande du Ministère public. Le Tmc a considéré qu'il existait des soupçons suffisants de la commission d'infractions (cf. let. B p. 4 s.), que l'intérêt de l'enquête pénale primait la protection des intérêts privés, ainsi que le secret bancaire invoqués (cf. let. C/1 p. 5 s.) et que les pièces placées sous scellés présentaient une utilité potentielle pour l'instruction (cf. let. C/2 p. 6 ss). 
 
C.   
Par acte du 27 septembre 2018, complété le 1er octobre suivant, A.________, B.________ SRL, B.________ SA (recte LTD), C.________ LTD, D.________ SA et E.________ SA (ci-après : les recourants) forment un recours en matière pénale contre les prononcés rendus les 22 et 30 août 2018, concluant à leur annulation (ch. 5 et 6 du premier mémoire et ch. 6 et 9 du second). Ils demandent tout d'abord la constatation de la violation de leur droit d'être entendus (ch. 4 du premier et du second mémoire), ainsi que du fait que les sociétés B.________ LTD, C.________ LTD, D.________ SA et E.________ SA ont été privées à tort de leur droit de se déterminer sur la requête de levée des scellés déposée le 13 août 2018 (ch. 5 du second mémoire). Les recourants sollicitent ensuite le rejet de cette demande (ch. 7 du premier et second mémoire) et la restitution des documents mis sous scellés à l'intermédiaire financier les ayant établis, à défaut au titulaire de la relation bancaire concernée, voire à A.________ (ch. 8 du premier et second mémoire). Subsidiairement, les recourants demandent le renvoi de la cause à l'autorité précédente (ch. 9 du premier mémoire et ch. 10 du second). Ils sollicitent, à titre de mesures superprovisionnelles et provisionnelles, l'octroi de l'effet suspensif (ch. 2 et 3 des deux mémoires). 
L'autorité précédente s'en est remise à justice s'agissant de l'effet suspensif et a conclu au rejet du recours. Le Ministère public a conclu au rejet de la requête d'effet suspensif et du recours. Le 23 novembre 2018, les recourants ont persisté dans leurs conclusions. 
Par ordonnance du 4 octobre 2018, le Président de la Ire Cour de droit public a admis la demande d'effet suspensif. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 144 II 184 consid. 1 p. 186). 
 
1.1. Les recourants ont déposé en temps utile (art. 45 al. 1 et 100 al. 1 LTF) deux mémoires de recours. Le second, daté du 1er octobre 2018, indique contenir tous les moyens des recourants, ce afin d'éviter de devoir "combiner deux mémoires" (cf. p. 1 et ad 20 p. 8). Par conséquent, l'examen du Tribunal fédéral se fondera exclusivement sur cette seconde écriture.  
 
1.2. Le recours est formé contre deux décisions rendues au cours d'une même procédure, soit le refus de prolonger le délai pour se déterminer sur la demande de levée des scellés déposée par le Ministère public prononcé le 22 août 2018 par la Direction de la procédure du Tmc et la levée des scellés ordonnée le 30 suivant par le Tmc.  
Conformément à l'art. 393 al. 1 let. c CPP, un recours n'est ouvert contre les décisions du Tmc que dans les cas prévus par ledit code. Aux termes de l'art. 248 al. 3 let. a CPP, cette juridiction statue définitivement sur la demande de levée des scellés au stade de la procédure préliminaire. Le code ne prévoit pas de recours cantonal contre les autres décisions rendues par le Tmc dans le cadre de la procédure de levée des scellés, dont celles relatives à la conduite de l'instruction. La voie du recours en matière pénale au Tribunal fédéral est ainsi en principe directement ouverte contre de tels prononcés (art. 80 al. 2 in fine LTF; ATF 143 IV 462 consid. 1 p. 465). 
 
1.3. S'agissant des autres conditions de recevabilité en lien avec l'ordonnance du 30 août 2018, elles sont réalisées.  
En effet, le prononcé levant les scellés revêt vis-à-vis des recourants - qui ne sont en l'état pas prévenus, mais des tiers intéressés par un acte de procédure au sens de l'art. 105 al. 1 let. f CPP - le caractère d'une décision partielle au sens de l'art. 91 let. b LTF. Il n'est ainsi pas nécessaire d'examiner si le secret bancaire invoqué constitue dans le cas d'espèce un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 143 IV 462 consid. 1 p. 465). 
Les recourants disposent également de la qualité pour recourir vu en particulier la violation des droits de partie invoquée (art. 81 al. 1 LTF; ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 5). 
 
1.4. Au regard de l'issue du présent litige, les questions de recevabilité liées à la décision du 22 août 2018 peuvent rester indécises.  
 
2.   
S'agissant tout d'abord de la conclusion des recourantes B.________ LTD, C.________ LTD, D.________ SA et E.________ SA relative à la constatation d'une privation de leurs droits de se déterminer sur la demande de levée des scellés, elle peut - dans la mesure de sa recevabilité - être rejetée. 
En effet, les recourantes reconnaissent que leurs arguments de fond sont les mêmes que ceux soulevés - au demeurant dans de mêmes écritures et par le biais d'un mandataire commun - par les recourants A.________ et B.________ SRL; elles admettent également que leurs griefs ont été traités sans distinction par l'autorité précédente (cf. ad 18 p. 7 s. de leur mémoire). Cette dernière n'a d'ailleurs pas levé les scellés sur les documents les concernant en raison de l'éventuelle tardiveté de leur requête de mise sous scellés, mais a en substance considéré que leurs droits avaient été sauvegardés par la demande déposée par leur ayant droit économique, le recourant A.________, ce qui justifiait également l'examen de leurs griefs au fond. 
 
3.   
Invoquant une violation de leur droit d'être entendus, les recourants se plaignent ensuite de ne pas avoir pu déposer d'écritures à la suite des déterminations formées par le Ministère public le 28 août 2018; ils relèvent avoir immédiatement informé le Tmc de leur intention dans ce sens (cf. leur courrier du 30 août 2018). 
 
3.1. Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable au sens de l'art. 29 Cst., le droit d'être entendu garantit notamment au justiciable le droit de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, d'avoir accès au dossier, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, dans la mesure où il l'estime nécessaire, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement à rendre. Le droit de répliquer vise le droit conféré à la partie de se déterminer sur "toute prise de position" versée au dossier, quelle que soit sa dénomination procédurale (réponse, réplique, prise de position, etc.). Même si le juge renonce à ordonner un nouvel échange d'écritures, il doit néanmoins transmettre cette prise de position aux autres parties (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 p. 52 s.); il appartient à ces dernières, et non au juge, de décider si une prise de position ou une pièce nouvellement versée au dossier contient des éléments déterminants qui appellent des observations de leur part (ATF 139 I 189 consid. 3.2 p. 192).  
Le droit de répliquer - qui vaut en principe pour toutes les procédures judiciaires (ATF 138 I 154 consid. 2.5 p. 157 s.) - n'impose en revanche pas à l'autorité l'obligation de fixer un délai à la partie pour déposer d'éventuelles observations. Elle doit seulement lui laisser un laps de temps suffisant, entre la remise des documents et le prononcé de sa décision, pour qu'elle ait la possibilité de déposer des observations si elle l'estime nécessaire (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 p. 54). A cet égard, le Tribunal fédéral considère qu'un délai inférieur à dix jours ne suffit pas à garantir l'exercice du droit de répliquer, tandis qu'un délai supérieur à vingt jours permet, en l'absence de réaction, d'inférer qu'il a été renoncé au droit de répliquer. En d'autres termes, une autorité ne peut considérer, après un délai de moins de dix jours depuis la communication d'une détermination à une partie, que celle-ci a renoncé à répliquer et rendre sa décision (arrêt 6B_1058/2018 du 17 décembre 2018 consid. 1.1 et les arrêts cités). 
 
3.2. En l'espèce, le Tmc a envoyé, par courrier simple, le 29 août 2018 une copie des déterminations du Ministère public aux recourants. A réception de cette lettre, le lendemain, les recourants ont manifesté leur volonté de se déterminer, notamment par télécopie adressée au Tmc ce même jour à 17h35.  
Sauf à violer le droit d'être entendus des recourants, le Tmc - qui connaissait ainsi les intentions des recourants - se devait donc d'attendre un délai d'au moins dix jours avant de rendre sa décision, ce qu'il n'a pas fait. Peu importe en effet que de son point de vue - ou au demeurant de celui du Ministère public -, il ait pu considérer que le contenu des observations du second ne comportait aucun élément susceptible de faire l'objet d'écritures complémentaires; on peut d'ailleurs en douter puisque le Procureur y précise, à la suite des critiques émises par les recourants, les éventuels liens existant entre les versements opérés par le recourant A.________ sur le compte de M.________, soeur de P.________, contre qui l'enquête semble clairement s'orienter (cf. l'annexe produite avec les observations du 28 août 2018). 
Cette manière de procéder semble d'autant plus critiquable que les recourants se sont en substance engagés à déposer leurs écritures en mains de l'autorité le 3 septembre 2018, soit dans un délai ne violant manifestement pas le prescrit de l'art. 248 al. 3 CPP ou le principe de célérité. 
Partant, en rendant son ordonnance le 30 août 2018 sans accorder un délai - même informel - aux recourants pour se déterminer sur les observations du Ministère public, le Tmc a violé leur droit d'être entendus et ce grief doit être admis. 
 
3.3. Le Tribunal fédéral ne disposant pas d'une pleine cognition en fait et en droit, le vice constaté ne peut pas être réparé au cours de la procédure fédérale. La violation du droit d'être entendu entraîne donc l'annulation de la décision entreprise, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 p. 226 s.; arrêts 1B_331/2018 du 30 novembre 2018, 1B_322/2018 du 31 août 2018).  
 
4.   
Il s'ensuit que le recours formé contre l'ordonnance du 30 août 2018 est admis, ce prononcé est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle reprenne l'instruction. Dans ce cadre, elle accordera en particulier un délai aux recourants pour déposer des déterminations supplémentaires - notamment vu les observations déposées le 28 août 2018 par le Ministère public -, procédera, le cas échéant, à d'autres échanges d'écritures et/ou mesures d'instruction, puis rendra une nouvelle décision. 
Au regard de ces considérations et du droit accordé aux recourants de pouvoir former des observations complémentaires, il apparaît que le recours contre la décision du 22 août 2018 est sans objet, faute d'intérêt juridiquement protégé actuel et pratique à obtenir son annulation ou sa modification (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 p. 143). 
Au regard de l'issue du litige, il y n'a pas lieu de percevoir de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). Les recourants obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un mandataire et peuvent donc prétendre à une indemnité de dépens à la charge de la République et canton de Genève (art. 68 al. 1 LTF); vu l'admission du recours contre la décision principale et son annulation, il n'y a pas lieu de réduire le montant de cette indemnité. 
 
 
  
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours contre l'ordonnance du 30 août 2018 est admis. Cette décision est annulée et la cause est renvoyée au Tribunal des mesures de contrainte du Tribunal pénal de la République et canton de Genève pour qu'il procède au sens des considérants. 
 
2.   
Le recours contre la décision du 22 août 2018 est sans objet. 
 
3.   
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
4.   
Une indemnité de dépens, fixée à 2'500 fr., est allouée aux recourants à la charge de la République et canton de Genève. 
 
5.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, au Ministère public de la République et canton de Genève et au Tribunal des mesures de contrainte du Tribunal pénal de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 28 janvier 2019 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Merkli 
 
La Greffière : Kropf