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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
5A_435/2010 
 
Arrêt du 28 juillet 2010 
IIe Cour de droit civil 
 
Composition 
Mme et MM. les Juges Hohl, Présidente, 
Marazzi et von Werdt. 
Greffière: Mme de Poret Bortolaso. 
 
Participants à la procédure 
X.________ SA, 
représentée par Me Florian Chaudet, avocat, 
recourante, 
 
contre 
 
Y.________, représenté par Me Marc-Olivier Buffat, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
expertise hors procès, révocation et récusation de l'expert 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 24 mars 2010. 
 
Faits: 
 
A. 
Par requête du 2 avril 2009, Y.________ a requis du juge de paix du district de Lavaux-Oron la mise en oeuvre d'une expertise hors procès à l'encontre de X.________ SA. Le requérant fondait sa demande sur divers dégâts et fissures causés à son bâtiment, prétendant qu'ils proviendraient d'un chantier, ouvert du 1er août 2005 au 31 décembre 2007 sur la parcelle voisine, propriété de X.________ SA. 
 
Dite requête a été admise le 3 juillet 2009 et A.________, ingénieur civil à C.________, a été désigné en qualité d'expert. 
 
Le 9 octobre 2009, A.________ a déposé son rapport d'expertise ainsi que sa note d'honoraires. 
 
Par courrier du 29 octobre 2009, X.________ SA a fait valoir que l'expert avait exécuté son mandat de manière incomplète; elle a en conséquence requis du juge de paix sa révocation et son remplacement par un autre expert. 
 
Le 2 novembre 2009, le juge de paix a imparti à l'expert un délai au 15 décembre 2009 pour remédier aux griefs formulés par X.________ SA. 
 
Par courrier du même jour, il a rejeté la demande de révocation déposée par X.________ SA. 
 
B. 
B.a X.________ SA a recouru contre cette dernière décision devant le Tribunal fédéral, procédure qui fait l'objet d'une décision séparée (procédure 5A_819/2009). 
B.b Parallèlement, elle a interjeté un recours en nullité devant la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Statuant par arrêt du 24 mars 2010, notifié aux parties le 11 mai 2010, cette dernière juridiction a rejeté le recours déposé par X.________ SA. 
 
C. 
Contre cet arrêt, X.________ SA (ci-après la recourante) exerce un recours en matière civile et un recours constitutionnel subsidiaire devant le Tribunal fédéral. Les conclusions de la recourante, identiques dans les deux recours, visent principalement la révocation de l'expert A.________, subsidiairement sa récusation, et son remplacement par l'expert B.________; très subsidiairement, elles tendent au renvoi de la cause à la justice de paix. A l'appui de son recours en matière civile, la recourante invoque l'établissement inexact des faits, la violation de l'art. 8 CC ainsi que celles de son droit d'être entendue, de l'interdiction de l'arbitraire, de l'égalité de traitement et de certaines dispositions de droit cantonal. Les mêmes griefs sont soulevés dans le recours constitutionnel subsidiaire, à l'exception de celui concernant la violation de l'art. 8 CC
 
D. 
La requête d'effet suspensif déposée par la recourante a été rejetée par ordonnance présidentielle du 29 juin 2010. 
 
Des réponses n'ont pas été requises. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 133 III 489 consid. 3, 462 consid. 2, p. 465). 
 
1.1 Les recours au Tribunal fédéral portent sur deux points particuliers: la révocation et la récusation de l'expert, deux questions soumises à des conditions de recours cantonales différentes. 
 
Se fondant sur l'art. 284 du code de procédure civile vaudois (ci-après CPC/VD), la cour cantonale a déclaré irrecevable le recours interjeté contre la décision refusant la révocation de l'expert, considérant que le recourant ne disposait d'aucune voie de recours cantonale contre une telle décision. Laissant ensuite ouverte la question de savoir si un recours était ouvert contre la récusation de l'expert dans une procédure de preuve à futur hors procès, la juridiction a rejeté le recours, jugeant que les reproches faits à l'expert ne démontraient pas sa prévention. 
1.1.1 En tant que la décision attaquée porte sur le refus de révoquer un expert nommé dans le cadre d'une procédure d'expertise hors procès, il s'agit d'une décision incidente selon l'art. 93 LTF (FABIENNE HOHL, Procédure civile, tome 1, 2002, n. 1226). 
 
Hormis les décisions mentionnées à l'art. 92 al. 1 LTF, une décision préjudicielle ou incidente peut être entreprise immédiatement, si elle peut causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF), ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF). Seule la première hypothèse entre en ligne de compte en l'espèce. 
 
Un préjudice ne peut être qualifié d'irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF que s'il cause un inconvénient de nature juridique; tel est le cas lorsqu'un jugement sur le fond, même favorable à la partie recourante ne le ferait pas disparaître entièrement, en particulier lorsque la décision incidente contestée ne peut plus être attaquée avec la décision finale, rendant ainsi impossible le contrôle par le Tribunal fédéral; en revanche, un dommage économique ou de pur fait n'est pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 135 II 30 consid. 1.3.4 p. 36; 134 III 188 consid. 2.1 p. 190 et consid. 2.2). 
 
La condition du préjudice irréparable s'apprécie eu égard à la décision de première instance. Si la question qui a fait l'objet de la décision incidente de première instance peut être soulevée à l'appui d'un recours contre la décision finale, il n'y a pas de préjudice irréparable (arrêt 5D_72/2009 du 9 juillet 2009 consid. 1.1). Tel est en principe le cas des décisions sur l'administration des preuves, puisqu'il est normalement possible, en recourant contre la décision finale, d'obtenir l'administration de la preuve refusée à tort ou d'obtenir que la preuve administrée à tort soit écartée du dossier (arrêt 4P.335/2006 du 27 février 2007, consid. 1.2.4 et les références). 
1.1.2 La recourante motive ses conclusions en révocation en soulignant essentiellement l'incompétence de l'expert mandaté. Or, la décision refusant la révocation de l'expert, rendue dans la procédure de preuve à futur hors procès, pourra parfaitement être critiquée pour cause d'incompétence de celui-ci dans la procédure au fond qui suivra; elle pourra également faire l'objet d'un éventuel recours avec la décision finale au fond. Faute de dommage irréparable, le Tribunal fédéral ne contrôle donc pas si le droit de procédure cantonal offre, ou non, un recours cantonal immédiat contre une telle décision. La recourante n'élève d'ailleurs aucun grief à cet égard, de sorte que ses critiques se révèlent irrecevables. 
 
1.2 En tant qu'il est dirigé contre la décision portant sur la récusation de l'expert, le recours est immédiatement recevable devant le Tribunal de céans, conformément à l'art. 92 LTF
 
1.3 S'agissant d'une affaire pécuniaire, le recours en matière civile est recevable si la valeur litigieuse est supérieure à 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF); lorsque celle-ci n'est pas atteinte, le recours en matière civile est néanmoins ouvert si la contestation soulève une question juridique de principe (art. 74 al. 2 let. a LTF). La recourante prétend que l'une et l'autre conditions seraient remplies. 
 
Cette question peut cependant rester ouverte dans la mesure où seules sont recevables les conclusions en récusation. Sont donc pertinents les griefs relatifs aux violations des art. 9 et 29 Cst., à l'exclusion des critiques liées à la violation de l'art. 8 CC, qui sont, elles, irrecevables (infra 3.4). En tant que seule la violation de droits constitutionnels entre en considération, le Tribunal de céans dispose ainsi d'un pouvoir de cognition identique tant dans le recours en matière civile que dans le recours constitutionnel subsidiaire. 
 
1.4 La cour cantonale a relevé que la recevabilité, devant elle, d'un recours immédiat dirigé contre la décision du juge de paix était controversée, et a déclaré que cette question pouvait rester ouverte. Elle a toutefois tranché la demande de récusation de l'expert, en considérant que les manquements allégués à son égard n'impliquaient pas une apparence de prévention. Cette question ayant été examinée dans le cadre de la procédure de recours cantonal en nullité au sens de l'art. 444 al. 1 ch. 3 CPC/VD, il faut admettre que la décision rendue au sujet de la récusation de l'expert l'a été en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 et 114 LTF). 
 
1.5 Le recours a par ailleurs été interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions devant l'instance précédente (art. 76 al. 1 et 115 LTF), dans le délai prévu par la loi (art. 100 al. 1 et 117 LTF), de sorte qu'il est en principe recevable s'agissant des conclusions en récusation. 
 
2. 
Le mémoire de recours doit contenir les conclusions et les motifs à l'appui de celles-ci (art. 42 al. 1 LTF). Les motifs doivent exposer succinctement en quoi l'arrêt attaqué viole le droit fédéral (art. 42 al. 2 LTF). 
 
Conformément aux art. 106 al. 2 et 117 LTF, le Tribunal fédéral n'examine les griefs de violation des droits constitutionnels que s'ils sont invoqués et motivés par le recourant conformément au principe d'allégation (Rügeprinzip, principio dell'allegazione). Le recourant doit ainsi indiquer précisément quelle disposition constitutionnelle ou légale a été violée et démontrer, par une argumentation précise, en quoi consiste la violation. Le Tribunal fédéral n'examine en effet de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés, c'est-à-dire s'ils ont été expressément soulevés et exposés de façon claire et détaillée (ATF 133 IV 286 consid. 1.4; 133 II 249 consid. 1.4.2). 
 
Le recours au Tribunal fédéral ne peut pas être interjeté pour violation du droit cantonal en tant que tel, mais il est possible de faire valoir qu'une mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à d'autres droits constitutionnels (ATF 134 II 349 consid. 3 p. 351; 133 III 462 consid. 2.3). 
 
3. 
L'écriture de la recourante est peu compréhensible: non seulement celle-ci présente ses différents arguments de manière répétitive et désordonnée, mais elle ne prend pas non plus la peine de distinguer les griefs liés au rejet de sa demande de révocation de ceux concernant le rejet de sa demande de récusation, ce qui rend sa motivation particulièrement confuse. 
 
3.1 Pour l'essentiel, le Tribunal de céans retient que la recourante fonde sa requête de récusation sur les compétences de l'expert, dont elle cherche à démontrer longuement les défaillances (notamment: omission d'entendre une partie, défaut de motivation, investigations inexistantes ou inconnues). La recourante prétend ainsi que la juridiction cantonale aurait arbitrairement établi les faits (art. 97 LTF) en omettant de tenir compte de ces incompétences, alors que celles-ci suffiraient pourtant à établir la partialité de l'expert: il serait en effet naturel et évident que ce dernier chercherait ultérieurement à justifier ses conclusions, prises sur la base de méthodes contestables, de peur de se "déjuger". En refusant de reconnaître la prévention de l'expert et d'admettre ainsi sa demande de récusation, le tribunal cantonal aurait violé les art. 222 CPC/VD et 29 Cst., de même que le principe de l'égalité des parties (art. 1 al. 3 CPC/VD et 9 Cst.), avantageant l'intimé à son détriment. 
La cour cantonale a considéré que les prétendus manquements reprochés à l'expert ne constituaient pas des motifs de récusation, ce dernier étant en effet en mesure de réparer le défaut de motivation suite à l'interpellation du juge de paix du 2 novembre 2009, sans que les droits des parties pour la suite de la procédure n'en soient affectés. Le fait que l'expert n'eût pas suffisamment décrit les mesures d'instruction entreprises, ni motivé de manière suffisamment circonstanciée ses réponses n'impliquait pas non plus un risque de prévention. 
 
3.2 La récusation de l'expert s'examine au regard de l'art. 29 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH garantissant l'équité du procès (ATF 125 II 541 consid. 4a et les arrêts cités) - et non sous l'angle de l'art. 30 al. 1 Cst., l'expert ne faisant pas partie du tribunal. S'agissant des exigences d'impartialité et d'indépendance, l'art. 29 al. 1 Cst. assure au justiciable une protection équivalente à celle de l'art. 30 al. 1 Cst. (ATF 127 I 196 consid. 2b p. 198 s.), à l'égard de laquelle l'art. 6 par. 1 CEDH n'a pas de portée propre (ATF 129 V 196 consid. 4.1 p. 198; 128 V 82 consid. 2a p. 84; 127 I 196 consid. 2b p. 198). 
 
Les parties à une procédure ont le droit d'exiger la récusation d'un expert dont la situation ou le comportement sont de nature à faire naître un doute sur son impartialité. Cette garantie tend notamment à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective est établie, car une disposition interne de l'expert ne peut guère être prouvée; il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale. Seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération; les impressions individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (cf. ATF 134 I 20 consid. 4.2 p. 21 et les arrêts cités). 
 
3.3 En tant que la recourante invoque la violation directe du droit cantonal (art. 222 CPC/VD et art. 1 al. 3 CPC/VD), ses reproches n'ont pas leur place dans un recours fédéral (consid. 2 supra). Quant à supposer que les violations des art. 9 et 29 Cst. soient dûment motivées, ce qui est douteux - l'intéressée n'invoquant pas clairement les dispositions constitutionnelles et conventionnelles topiques (art. 29 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH), les critiques de la recourante sont infondées. En s'en prenant aux compétences de l'expert, elle remet indirectement en cause la crédibilité et le caractère probant de l'expertise, mais n'avance nullement un motif lié à l'impartialité de l'expert. Le grief invoqué devra ainsi être examiné par la juridiction saisie ultérieurement au fond, dans le contexte de l'appréciation des preuves (cf. ATF 132 V 93 consid. 6.5). 
 
Les mêmes conclusions s'imposent lorsque la recourante prétend que l'arrêt entrepris ne tiendrait pas compte des contradictions existant entre le rapport d'urgence et le rapport d'expertise hors procès, tous deux rendus par l'expert contesté. 
 
3.4 Concernant enfin les critiques de la recourante relatives aux violations de l'art. 8 CC et de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.), elles ne sont pas pertinentes dans le cadre de ses conclusions en récusation. La motivation du recours à ce sujet ne tend en effet nullement à démontrer une prévention éventuelle de l'expert contesté. 
 
4. 
En définitive, le recours doit être rejeté, dans la faible mesure de sa recevabilité. Les frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). L'intimé, qui s'est opposé à la requête d'effet suspensif déposée par la recourante, a droit à une indemnité de dépens (art. 68 al. 1 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'500 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3. 
Une indemnité de 500 fr., à payer à l'intimé à titre de dépens, est mise à la charge de la recourante. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
Lausanne, le 28 juillet 2010 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
La Présidente: La Greffière: 
 
Hohl de Poret Bortolaso