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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_568/2022  
 
 
Arrêt du 23 juin 2023  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, 
Denys et van de Graaf. 
Greffière : Mme Schwab Eggs. 
 
Participants à la procédure 
A._________, 
recourante, 
 
contre  
 
1. Ministère public de l' É tat de Fribourg, 
case postale 1638, 1701 Fribourg, 
2. B._________, 
représenté par Me Jonathan Rey, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
Opposition à une ordonnance pénale considérée comme retirée (défaut de la partie à l'audience), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de 
l'État de Fribourg, Chambre pénale, du 29 mars 2022 (502 2021 52). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par ordonnance pénale du 8 février 2021, le Ministère public du canton de Fribourg a constaté que A._________ avait, sans excuse, fait défaut à l'audience du 20 mars 2019 et que l'ordonnance pénale du 5 septembre 2018 était définitive et exécutoire. 
 
B.  
Par arrêt du 29 mars 2022, la Chambre pénale du Tribunal cantonal fribourgeois a rejeté le recours formé par A._________ contre cette ordonnance pénale, a confirmé celle-ci et a mis les frais de la procédure de recours, arrêtés à 500 fr., à la charge de celle-ci. 
La cour cantonale a retenu en substance les faits suivants. 
 
B.a. A._________ et B._________, qui ont vécu ensemble jusqu'à fin juin 2015, sont les parents de l'enfant C._________, née en 2015. Depuis la séparation, un lourd conflit les oppose quant à la garde et aux relations personnelles avec l'enfant. Des procédures civiles et pénales ont été ouvertes de part et d'autre.  
 
B.b. Dans le cadre pénal, une instruction a notamment été ouverte contre A._________ pour diffamation, tentative de contrainte et insoumission à une décision de l'autorité. Par ordonnance pénale du 5 septembre 2018, elle a été reconnue coupable de diffamation, tentative de contrainte et insoumission à une décision de l'autorité et a été condamnée à une peine privative de liberté de 30 jours, avec sursis pendant 2 ans, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, à 50 fr. par jour, avec sursis pendant 2 ans, et à une amende de 1'000 francs.  
Le 21 septembre 2018, A._________ a formé opposition contre cette ordonnance. Le ministère public a alors transmis le dossier de la cause au Juge de police de la Sarine, se référant aux art. 355 al. 3 let. a et 356 al. 1 CPP. 
Par décision du 6 février 2019, le juge de police a constaté que des actes d'instruction s'imposaient et a dès lors requis du ministère public qu'il procède à l'audition de A._________ et d'un témoin, en contradictoire, et s'est interrogé sur la nécessité d'ordonner une expertise psychiatrique. Le juge de police a en outre indiqué qu'en application des art. 329 al. 2 et 355 CPP, il retournait le dossier judiciaire au ministère public pour lui permettre de mener à bien ces démarches avant de donner la suite qu'il convenait, la cause n'étant pas en état d'être jugée. Le juge de police a encore précisé que la direction de la procédure lui était déléguée. 
A._________ ne s'est pas présentée à l'audience du 20 mars 2019 à laquelle le ministère public l'avait citée à comparaître en qualité de prévenue. 
 
C.  
A._________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 29 mars 2022. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, à son admission en ce sens que l'arrêt cantonal et l'ordonnance pénale du 5 septembre 2018 sont annulés et que l'opposition du 21 septembre 2018 n'est pas réputée retirée. Elle requiert par ailleurs l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
D.  
Invités à se déterminer sur le recours, la cour d'appel et le ministère public ont renoncé à se déterminer, tandis que B._________ a conclu, avec suite de frais et dépens à son rejet dans la mesure de sa recevabilité. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. La recourante soutient en substance que l'art. 355 al. 2 CPP aurait été appliqué à tort dans le cas d'espèce.  
 
1.2. Dans le cadre de l'opposition à l'ordonnance pénale, l'art. 355 al. 2 CPP prévoit que si l'opposant, sans excuse, fait défaut à une audition devant le ministère public malgré une citation à comparaître, son opposition est réputée retirée. L'art. 356 al. 4 CPP dispose que, dans le cadre de la procédure devant le tribunal de première instance, si l'opposant fait défaut aux débats sans être excusé et sans se faire représenter, son opposition est réputée retirée. Ces dispositions correspondantes consacrent une fiction légale de retrait de l'opposition en cas de défaut injustifié (cf. ATF 146 IV 30 consid. 1.1.1; 142 IV 158 consid. 3.1 et 3.5).  
Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de souligner à maintes reprises les spécificités de la procédure de l'ordonnance pénale (art. 352 ss CPP) et la nécessité d'interpréter les dispositions topiques du CPP à la lumière de la garantie constitutionnelle (art. 29a Cst.) et conventionnelle (art. 6 par. 1 CEDH) de l'accès au juge, dont l'opposition (art. 354 CPP) vise à assurer le respect en conférant à la personne concernée la faculté de soumettre sa cause à l'examen d'un tribunal (ATF 149 IV 9 consid. 7.1 et les références citées). De ce mécanisme procédural dépend la compatibilité de la procédure de l'ordonnance pénale avec la garantie en question, sachant au demeurant que l'ordonnance pénale se conçoit comme une proposition de jugement faite au prévenu en vue d'un règlement simplifié de la procédure pénale (ATF 149 IV 9 consid. 7.1 et les références citées; 147 IV 518 consid. 3.1; 142 IV 158 consid. 3.4). 
 
1.3. Conformément à l'art. 356 al. 1 CPP, lorsqu'il décide de maintenir l'ordonnance pénale (art. 355 al. 3 let. a CPP), le ministère public transmet sans retard le dossier au tribunal de première instance en vue des débats, l'ordonnance pénale tenant alors lieu d'acte d'accusation. Il s'ensuit une procédure de première instance au sens des art. 328 ss CPP. Les parties doivent être citées aux débats, ceux-ci étant en principe oraux et publics (arrêt 6B_883/2020 du 15 avril 2021 consid. 2.1.2 et les références citées).  
 
1.4. La cour cantonale a relevé que le renvoi en instruction avait été effectué sur la base de l'art. 329 al. 2 CPP, mais également de l'art. 355 CPP. Elle a rappelé la teneur de l'alinéa 2 de cette dernière disposition et a souligné que cela figurait dans la citation à comparaître du 14 février 2019, tout comme l'indication qu'un éventuel recours n'avait pas d'effet suspensif.  
 
1.5. En l'espèce, il ressort en substance de l'arrêt cantonal qu'ensuite du renvoi de la cause par le tribunal de première instance au ministère public, la fiction légale de retrait de l'opposition en cas de défaut injustifié prévue à l'art. 355 al. 2 CPP devrait trouver application.  
Ce raisonnement ne peut pas être suivi. En effet, ensuite de l'opposition formée par la recourante contre l'ordonnance pénale du 5 septembre 2018, le ministère public a décidé de son maintien et a transmis le dossier de la cause au tribunal de première instance (cf. art. 355 al. 3 let. a CPP). Ce faisant, il a perdu la direction de la procédure au profit du président de l'autorité de première instance (cf. PIERRE-HENRI WINZAP, in Commentaire romand, Code de procédure pénale II, 2 e éd. 2019, n° 5 ad art. 328 CPP), l'ordonnance pénale du 5 septembre 2018 tenant alors lieu d'acte d'accusation (cf. art. 356 al. 1 CPP). En d'autres termes, le ministère public s'est dessaisi de la cause au profit du juge de police. Examinant la validité de l'ordonnance pénale (art. 329 al. 1 CPP), ce dernier a constaté que des actes d'instruction s'imposaient, en particulier l'audition de la recourante et d'un témoin, et s'est posé la question de la nécessité d'ordonner une expertise psychiatrique. Il a dès lors renvoyé le dossier au ministère public afin de lui "permettre de mener à bien ces démarches avant de donner la suite qu'il convient" et a précisé que la direction de la procédure lui était "déléguée". Avec ce renvoi au ministère public (cf. art. 329 al. 2 et 3 CPP), la direction de la procédure est retournée à ce dernier et la procédure préliminaire a été réouverte (cf. art. 299 ss; MOREILLON/PAREIN-REYMOND, in Petit commentaire, Code de procédure pénale, 2e éd. 2016, n° 25 ad art. 329 CPP); le renvoi n'a en revanche pas eu pour résultat de placer à nouveau la cause au stade de la procédure en cas d'opposition prévue aux 355 et 356 CPP. La fiction légale de retrait de l'opposition en cas de défaut injustifié consacrée aux art. 355 al. 2 et 356 al. 4 CPP - devant le ministère public, respectivement le tribunal de première instance - ne pouvait par conséquent plus entrer en ligne de compte. En d'autres termes, cette fiction légale n'a pas vocation à s'appliquer après que le ministère public a décidé du maintien de l'ordonnance pénale et que la cause lui est retournée pour complément d'instruction, comme en l'espèce. Cette solution se justifie d'autant plus qu'au contraire de ce qui prévaut sous l'angle de l'art. 205 al. 4 CPP, le défaut pourrait, en cas d'application de la fiction des art. 355 al. 2 ou 356 al. 4 CPP, aboutir à une perte de toute protection juridique et ce quand bien même la personne concernée avait précisément voulu obtenir une telle protection en formant opposition (cf. ATF 142 IV 158 consid. 3.2; 140 IV 82 consid. 2.4; arrêts 6B_207/2019 du 13 juin 2019 consid. 3.1; 6B_342/2018 du 6 février 2019 consid. 4.1). En définitive, le défaut de la recourante à l'audience du 20 mars 2018 ne pouvait pas être sanctionné par la fiction de l'art. 355 al. 2 CPP, ni d'ailleurs par celle prévue à l'art. 356 al. 4 CPP, avec pour conséquence d'assimiler l'ordonnance du 5 septembre 2018 à un jugement entré en force.  
Le grief doit être admis et la cause renvoyée à l'autorité précédente. Il lui incombera d'annuler l'ordonnance pénale du 8 février 2021 et de donner la suite qu'il convient à l'opposition formée par la recourante le 5 septembre 2018. 
Vu l'admission de ce grief, les autres griefs de la recourante deviennent sans objet. 
 
2.  
Le recours doit être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. 
La recourante, qui obtient gain de cause, ne supporte pas de frais (art. 66 al. 1 LTF). Une partie des frais judiciaires est mise à la charge de l'intimé, qui succombe, le canton de Fribourg n'ayant pas à en supporter (art. 66 al. 1 et 4 LTF). La recourante ne peut pas prétendre à une indemnité de dépens dès lors qu'elle n'est pas assistée par un avocat et n'a pas démontré avoir engagé d'autres frais pour le dépôt de son recours (art. 68 al. 1 LTF). Sa demande d'assistance judiciaire devient ainsi sans objet. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. 
 
2.  
Une partie des frais judiciaires, arrêtée à 1'000 fr., est mise à la charge de l'intimé B._________. 
 
3.  
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de l'État de Fribourg, Chambre pénale. 
 
 
Lausanne, le 23 juin 2023 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Schwab Eggs