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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_524/2023  
 
 
Arrêt du 14 décembre 2023  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président, 
von Werdt et Bovey. 
Greffier : M. Piccinin. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________ et B.A.________, 
représentés par Me Alain Cottagnoud, 
recourants, 
 
contre  
 
C.________, 
représentée par Me Pierre Serge Heger, 
intimée. 
 
Objet 
servitude, irrecevabilité de l'appel, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la I e Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg du 31 mai 2023 (101 2023 41). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. D.________ était la propriétaire des immeubles art. vvv, www et xxx du registre foncier de la Commune de E.________ sis à l'Impasse F.________. Après le décès de D.________ en 2015, les immeubles lui ayant appartenu ont été remaniés afin d'exécuter le legs prévu par son testament en faveur de C.________. En particulier, l'immeuble art. yyy a été divisé, résultant sur la création de l'immeuble art. zzz. En 2016, C.________ a acquis par succession les immeubles art. vvv et www (nouveau). De leur côté, en 2016, les époux A.________ ont acheté aux hoirs de D.________ les immeubles art. xxx et zzz.  
Entre les habitations construites sur les art. xxx et vvv, il existait une haie de thuyas, laquelle a été enlevée par C.________. Les propriétaires se divisent sur sa signification. Les époux A.________ considèrent que la haie de thuyas séparait les immeubles art. xxx et zzz de l'immeuble art. vvv. Ils en déduisent que les immeubles art. xxx et zzz bénéficient d'une servitude de jouissance sur la partie de l'immeuble art. vvv s'étendant au sud des immeubles art. xxx et zzz jusqu'à l'emplacement de la haie de thuyas enlevée. C.________ conteste toute servitude de jouissance à charge de son immeuble au motif que la haie de thuyas était pleinement située sur l'immeuble art. vvv et, par conséquent, n'a jamais constitué la séparation entre les immeubles précités. 
 
A.b. Les époux A.________ ont introduit le 15 avril 2021 auprès du Tribunal civil de l'arrondissement de la Glâne (ci-après: Tribunal civil) une demande tendant à l'inscription d'une servitude de jouissance à la charge de la parcelle art. vvv et en faveur des parcelles art. zzz et xxx ainsi qu'au paiement par C.________ d'une somme de 40'000 fr. en leur faveur à titre de dommages-intérêts en raison de l'arrachage de la haie de thuyas.  
 
A.c. Par jugement du 4 janvier 2023, le Tribunal civil a rejeté la demande des époux A.________ et mis les frais à leur charge.  
 
A.d. Par mémoire du 7 février 2023, les époux A.________ ont formé appel contre ce jugement en demandant qu'une servitude de jouissance soit inscrite sur la parcelle de C.________ selon le plan établi par le géomètre et que cette dernière soit condamnée au paiement d'un montant de 34'947 fr. en leur faveur, sous suite de frais. Par arrêt du 31 mai 2023, expédié le 7 juin 2023, la I e Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg a déclaré l'appel irrecevable pour défaut de motivation suffisante et mis solidairement les frais et dépens d'appel à la charge des époux A.________.  
 
B.  
Par acte posté le 11 juillet 2023, les époux A.________ exercent un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 31 mai 2023. Ils concluent principalement à son annulation et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. Subsidiairement, ils concluent à la réforme de l'arrêt attaqué dans le sens de leurs conclusions d'appel. 
Des déterminations n'ont pas été requises. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF), rendue en matière civile (art. 72 LTF) par un tribunal supérieur statuant sur recours (art. 75 LTF), dans une contestation de nature pécuniaire, dont la valeur litigieuse atteint 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF); il a par ailleurs été déposé à temps (art. 100 al. 1 LTF), par les parties qui ont succombé dans leurs conclusions devant l'instance précédente (art. 76 LTF). Le recours en matière civile est donc en principe recevable au regard des dispositions qui précèdent.  
 
1.2. Seules les conclusions en annulation et en renvoi prises à titre principal par les recourants devant le Tribunal fédéral sont recevables. En effet, des conclusions sur le fond du litige ne sont en principe pas admissibles contre une décision d'irrecevabilité (ATF 143 I 344 consid. 4; parmi plusieurs: arrêt 5A_365/2022 du 3 mai 2023 consid. 1.3). La raison en est que, sauf exceptions non réalisées en l'espèce, le Tribunal fédéral vérifie dans une telle situation uniquement si c'est à bon droit que l'instance précédente n'est pas entrée en matière sur le recours interjeté; il n'examine donc pas le fond de la contestation (ATF 137 II 313 consid. 1.3; arrêt 5A_483/2022 du 7 septembre 2022 consid. 1.3). En cas d'admission du recours, il ne réforme pas la décision attaquée mais l'annule et renvoie la cause à l'autorité précédente pour qu'elle entre en matière sur le recours ou l'appel (ATF 147 III 98 consid. 4.7; 144 II 376 consid. 6.1; 140 III 234 consid. 3.2.3; 138 III 46 consid. 1.2 et les références).  
 
2.  
 
2.1.  
 
2.1.1. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 s. LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 2 LTF, il n'examine en principe que les griefs soulevés (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et les références). Le recourant doit par conséquent discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1; 142 III 364 consid. 2.4). Le Tribunal fédéral ne connaît par ailleurs de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été expressément invoqué et motivé de façon claire et détaillée (" principe d'allégation ", art. 106 al. 2 LTF; ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 144 II 313 consid. 5.1).  
 
2.1.2. Lorsque la décision attaquée est une décision d'irrecevabilité, les motifs développés dans le mémoire de recours doivent porter sur la question de la recevabilité traitée par l'autorité précédente à l'exclusion du fond du litige (ATF 123 V 335 consid. 1b; parmi plusieurs: arrêt 5A_365/2022 précité consid. 2.1.2 et les arrêts cités).  
En l'espèce, il ne sera pas tenu compte des chapitres B, C et D du recours (p. 4-8) consacrés au fond du litige. Contrairement à ce qu'affirment péremptoirement les recourants, le Tribunal de céans ne saurait " entrer en matière à la place de l'autorité cantonale sur la question de savoir s'il est possible d'acquérir par prescription acquisitive dans le canton de Fribourg " (cf. aussi supra consid. 1.2). 
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été constatés de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1).  
 
3.  
Les recourants se plaignent d'une violation de l'art. 311 [al. 1] CPC ainsi que de l'art. 29 [al. 1] Cst. qui prohibe le formalisme excessif. 
 
3.1. La cour cantonale a constaté que le Tribunal civil avait rejeté la demande des appelants avec une triple motivation. Il avait retenu en premier lieu que les principes développés dans l'ATF 114 II 318 excluaient toute acquisition d'une servitude par prescription acquisitive extraordinaire dans le canton de Fribourg. En deuxième lieu, il avait jugé que les conditions de l'art. 662 al. 1 CC, applicable par renvoi de l'art. 731 al. 3 CC, n'étaient pas réunies, au motif que les appelants n'avaient pas réussi à prouver qu'eux-mêmes et les propriétaires précédents avaient exercé le droit dont ils revendiquent l'inscription sans interruption durant trente ans. Les premiers juges avaient enfin estimé, en troisième et dernier lieu, que D.________ avait, quoi qu'il en soit, renoncé au droit revendiqué par les appelants et que ce droit n'existait plus au moment de l'achat des immeubles par les appelants.  
La cour cantonale a considéré que chacune de ces trois motivations présentées par le Tribunal civil dans son jugement était suffisante à elle seule pour fonder le rejet de la demande. Elle a ensuite constaté que, dans leur mémoire d'appel, les appelants formulaient des critiques quant à l'application de l'ATF 114 précité par les premiers juges (mémoire d'appel, p. 4 ss) et qu'ils faisaient également grief à ceux-ci de ne pas avoir considéré que la possession du droit litigieux avait duré plus de trente ans (mémoire d'appel, p. 8 ss). En revanche, le mémoire d'appel ne contenait aucune critique sur la motivation du Tribunal civil portant sur la renonciation du droit litigieux faite par D.________. Or, les appelants devaient critiquer cette troisième et dernière motivation des premiers juges pour respecter les exigences de motivation prescrites par l'art. 311 al. 1 CPC. La cour cantonale a déduit de cette absence d'argumentation relative à la troisième raison pour laquelle le Tribunal civil avait rejeté la demande l'irrecevabilité de l'appel. 
 
3.2. Les recourants reprochent à la cour cantonale d'avoir retenu que la troisième motivation des premiers juges pouvait sceller le sort du litige. Ils considèrent que celle-ci est " irrelevante " (sic), dès lors que " [l]e fait d'aborner n'a pas de rapport avec la question de la prescription acquisitive " (sic). Selon eux, seules deux questions juridiques devaient être discutées en l'espèce, soit, d'une part, que les demandeurs ou les pré-possesseurs avaient joui de la parcelle litigieuse pendant plus de 30 ans et, d'autre part, que ce délai n'avait pas été interrompu pendant ce laps de temps. " S'agissant de deux seules motivations ", l'appel était recevable et, par conséquent, le Tribunal cantonal aurait dû entrer en matière.  
 
3.3.  
 
3.3.1. Pour satisfaire à son obligation de motivation de l'appel prévue à l'art. 311 al. 1 CPC, l'appelant doit démontrer le caractère erroné de la motivation de la décision attaquée par une argumentation suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision qu'il attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 141 III 569 consid. 2.3.3; vvv III 374 consid. 4.3.1). Même si l'instance d'appel applique le droit d'office (art. 57 CPC), le procès se présente différemment en seconde instance, vu la décision déjà rendue. L'appelant doit donc tenter de démontrer que sa thèse l'emporte sur celle de la décision attaquée. Il ne saurait se borner à simplement reprendre des allégués de fait ou des arguments de droit présentés en première instance, mais il doit s'efforcer d'établir que, sur les faits constatés ou sur les conclusions juridiques qui en ont été tirées, la décision attaquée est entachée d'erreurs. Il ne peut le faire qu'en reprenant la démarche du premier juge et en mettant le doigt sur les failles de son raisonnement. A défaut, l'appel est irrecevable (ATF 147 III 176 consid. 4.2.1; parmi plusieurs: arrêts 4A_462/2022 du 6 mars 2023 consid. 5.1.1, publié in RSPC 2023 p. 268; 5A_453/2022 du 13 décembre 2022 consid. 3.1).  
Il est de jurisprudence que si une décision comporte une double motivation ( i.e. deux motivations indépendantes, alternatives ou subsidiaires), il incombe au recourant, sous peine d'irrecevabilité, de démontrer que chacune d'elles est contraire au droit (en application de l'art. 42 LTF, cf. ATF 138 III 728 consid. 3.4; 136 III 534 consid. 2). Cette jurisprudence trouve également application sous l'empire du CPC (cf. art. 311 CPC; arrêts 4D_9/2021 du 19 août 2021 consid. 3.3.1; 4A_614/2018 du 8 octobre 2019 consid. 3.2; 4A_90/2017 du 12 mai 2017; 4A_525/2014 du 5 mai 2014 consid. 3). On ne peut parler de double motivation que si chacun de ses pans suffit à sceller le sort de la cause (arrêts 4D_9/2021 précité loc. cit.; 4A_614/2018 précité loc. cit.). Il n'y a en revanche pas de double motivation lorsque la première motivation scelle le sort du litige, mais que la seconde, qui se fonde sur un critère erroné, est en soi impropre à sceller le sort de la cause; le fait que l'appelant n'a contesté que la première motivation ne fait dès lors pas obstacle à la recevabilité de l'appel (arrêt 4A_614/2018 précité consid. 3.3).  
 
3.3.2. Il y a formalisme excessif, constitutif d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst., lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi et complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 145 I 201 consid. 4.2.1 et les arrêts cités).  
Selon la jurisprudence, l'exigence d'une motivation minimale ne saurait constituer une violation du droit d'être entendu ou de l'interdiction du formalisme excessif (ATF 134 II 244 consid. 2.4.2 et les arrêts cités; parmi plusieurs: arrêt 5A_779/2021 du 16 décembre 2022 consid. 4.3.1 et l'arrêt cité). 
 
3.4. En l'espèce, comme l'a correctement constaté la cour cantonale, il apparaît que les premiers juges ont rejeté la demande des recourants pour trois motifs distincts. Les recourants considèrent, pour une raison au demeurant difficilement compréhensible, que le troisième motif ne serait pas pertinent et, partant, impropre à sceller le sort de la cause, respectivement à justifier le rejet des conclusions de leur demande. Ils contestent donc, en substance, le caractère alternatif et indépendant de la troisième motivation présentée dans le jugement de première instance, ce qui, selon eux, les dispensait de l'attaquer devant l'instance cantonale.  
Ce point de vue ne convainc pas. A l'instar de la cour cantonale, force est d'admettre que le (troisième) motif des premiers juges ayant trait à la volonté de D.________, alors seule propriétaire de tous les immeubles en cause, de renoncer à l'éventuelle servitude non inscrite en faveur de l'immeuble art. xxx, respectivement de la supprimer, constitue clairement un motif indépendant de ceux relatifs aux conditions de l'acquisition d'une servitude par prescription acquisitive extraordinaire (art. 662 al. 1 cum art. 731 al. 3 CC), suffisant à lui seul à sceller le sort de la cause. En effet, ce motif a trait à la titularité du droit que les recourants invoquent à l'appui de leur demande tendant à l'inscription d'une servitude de jouissance sur l'immeuble art. vvv. Or celui-ci a été considéré comme inexistant par les premiers juges au terme d'une analyse circonstanciée de la volonté de la de cujus. Ces développements du jugement de première instance constituent donc bien un motif indépendant et alternatif dont la non-contestation par les recourants devant l'autorité cantonale ne pouvait que conduire à l'irrecevabilité de l'appel au vu de la jurisprudence susrappelée (cf. supra consid. 3.3.1). L'arrêt attaqué, qui ne souffre d'aucun formalisme excessif (cf. supra consid. 3.3.2), ne prête donc pas le flanc à la critique. Autant que recevable, la critique ne porte pas.  
 
4.  
En définitive, le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Les recourants, qui succombent, supporteront les frais judiciaires, solidairement entre eux (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimée, qui n'a pas été invitée à répondre (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis solidairement à la charge des recourants. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la I e Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg. 
 
 
Lausanne, le 14 décembre 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
Le Greffier : Piccinin