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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4A_111/2010 
 
Arrêt du12 juillet 2010 
Ire Cour de droit civil 
 
Composition 
Mmes et M. les juges Klett, présidente, Corboz et Kiss. 
Greffier: M. Thélin. 
 
Participants à la procédure 
X.________ Assurances SA, représentée par Me Jean-Michel Duc, 
défenderesse et recourante, 
 
contre 
 
Y.________, représenté par Me Laurent Savoy, 
demandeur et intimé. 
 
Objet 
prestations d'assurance 
 
recours contre l'arrêt rendu le 9 décembre 2009 par la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
Faits: 
 
A. 
Y.________ a travaillé au service d'une entreprise de l'industrie pharmaceutique suisse jusqu'au 29 octobre 2007. Par suite d'une restructuration, son poste fut successivement visé par plusieurs plans de compression du personnel. Y.________ dut accepter une mutation dès mars 2007, puis l'employeuse lui signifia son licenciement le 29 octobre 2007; dès le lendemain, il se trouva en incapacité de travail pour cause de maladie. Le contrat de travail a pris fin le 30 avril 2008. 
Y.________ bénéficiait d'une assurance collective d'indemnités journalières en cas de maladie, souscrite par l'employeuse. L'assureur X.________ Assurances SA lui a versé ces indemnités dès l'expiration d'un délai d'attente de soixante jours et jusqu'au 31 juillet 2008. 
L'assureur a confié un mandat d'expertise au docteur A.________, psychiatre et psychothérapeute. Celui-ci a établi un rapport daté du 10 juin 2008 où il s'exprime comme suit: 
[Le patient] vit son licenciement comme une blessure narcissique majeure. Il considère que son employeur a été malhonnête vis-à-vis de lui et il présente, depuis son licenciement, des troubles réactionnels sous la forme d'une angoisse importante, une instabilité émotionnelle, des troubles cognitifs, des sentiments de colère mal contrôlés, avec idées de mort vis-à-vis de lui-même ou même d'autrui. Cet état est caractéristique d'un trouble de l'adaptation face à une situation de stress majeure. 
... 
[Le patient] se trouve dans une situation professionnelle imprécise, ayant à la fois reçu une lettre de licenciement mais s'étant opposé à celle-ci par l'intermédiaire de son avocat, sans réponse de l'employeur. Dans cette situation, s'il devait reprendre le travail, [il] serait incapable d'avoir une quelconque activité, tant à cause de ses troubles actuels que du fait de la confrontation avec son ancien employeur. Il faut donc admettre une incapacité actuelle dans la profession actuelle de 100%. 
[Le patient] souhaite reprendre aussi vite que possible une activité. S'il pouvait retravailler dans un milieu non conflictuel, c'est-à-dire sans menace de licenciement et avec la reconnaissance de ses compétences, il serait apte, malgré sa symptomatologie actuelle, de retravailler à 50%. Il recouvrerait, au bout de quelques semaines, une capacité totale de travail. 
... 
Il apparaît finalement assez clairement que la capacité de travail [du patient] est directement liée à sa situation par rapport à son dernier employeur. Une résolution rapide du conflit, soit par adaptation du poste de travail [du patient], soit par résolution du contrat de travail, est souhaitable. 
... 
Par lettre du 27 juin 2008, X.________ Assurances SA a informé Y.________ des conclusions de l'expert; elle l'invitait à s'annoncer à l'assurance-chômage et elle lui annonçait qu'elle suspendrait ses prestations dès le 1er août 2008. 
Le docteur B.________, médecin traitant de Y.________, s'est adressé le 4 juillet au médecin-conseil de l'assureur: 
Même si je suis pleinement d'accord qu'un terme à la situation actuelle doit être envisagé, il me paraît néanmoins fortement dangereux de précipiter un tel terme à fin juillet, sans laisser, à un patient dans une situation psychique aussi précaire, le temps de se retourner. Le terme qui est imposé, à peine un mois après l'entrevue psychiatrique, me paraît menacer l'équilibre psychique actuel de façon dangereuse et il me [semble] opportun de [prolonger] de trois mois au minimum les versements d'indemnités journalières. 
 
B. 
Le 24 septembre 2008, Y.________ a ouvert action contre X.________ Assurances SA devant la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud. La défenderesse devait être condamnée à payer 118'923 fr.30 en capital, à titre d'indemnités journalières; le demandeur, au motif qu'il avait recouvré sa pleine capacité de travail dès le 1er décembre 2008, a ensuite réduit sa demande à 31'957 fr.90 avec intérêts au taux de 5% par an dès le 1er octobre 2008. 
La défenderesse a conclu au rejet de l'action. 
La Cour des assurances sociales a statué le 9 décembre 2009; elle a accueilli l'action et condamné la défenderesse selon les plus récentes conclusions du demandeur. 
 
C. 
Agissant par la voie du recours en matière civile, la défenderesse requiert le Tribunal fédéral de réformer l'arrêt de la Cour des assurances sociales en ce sens que l'action soit rejetée. 
Le demandeur conclut au rejet du recours. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
L'assurance d'indemnités journalières en cas de maladie, individuelle ou collective, peut être souscrite dans le cadre de l'assurance-maladie sociale, régie par les lois fédérales sur l'assurance-maladie (LAMal) et sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA); elle peut aussi être l'objet d'un contrat d'assurance privée, soumis à la loi fédérale sur le contrat d'assurance (LCA). L'assurance sociale est prévue par les art. 1a al. 1 et 67 à 77 LAMal. Il est en principe possible que le même assureur pratique les deux sortes d'assurances, sociale et privée (Alfred Maurer, Das neue Krankenversicherungsrecht, 1996, p. 110). En l'occurrence, il n'est pas douteux que le demandeur fonde ses prétentions sur un contrat d'assurance privée, de sorte que la décision attaquée est rendue en matière civile aux termes de l'art. 72 al. 1 LTF (ATF 124 III 229 consid. 2b p. 232). Il s'agit d'une décision de dernière instance cantonale selon l'art. 75 al. 1 LTF
La défenderesse a pris part à l'instance précédente et succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF). La valeur litigieuse excède le minimum légal de 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et 74 al. 1 let. b LTF); enfin, le recours a été introduit en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 al. 1 à 3 LTF). 
Le recours est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits fondamentaux (art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties et il apprécie librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant, d'ordinaire, aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254), et il ne se prononce sur la violation de droits fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un grief invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83 consid. 3.2 p. 88; 134 II 244 consid. 2.2 p. 246; 133 II 249 consid. 1.4.2). En règle générale, il conduit son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF). 
 
2. 
La loi fédérale sur le contrat d'assurance ne comporte pas de dispositions particulières à l'assurance d'indemnités journalières en cas de maladie ou d'accident, de sorte qu'en principe, le droit aux prestations se détermine exclusivement d'après la convention des parties (ATF 133 III 185 consid. 2 p. 186). 
Selon les art. A8 et B4 des conditions générales applicables, l'assureur « paie l'indemnité journalière mentionnée dans la police lorsque, sur constatation du médecin, l'assuré est totalement dans l'incapacité de travailler » (art. B1 ch. 1); « en cas d'incapacité partielle de travail, l'indemnité journalière est fixée proportionnellement au degré de cette incapacité; elle est supprimée si l'incapacité de travail est inférieure à 25% » (art. B1 ch. 2), et « il y a incapacité de travail lorsque, par suite de maladie, il ne peut être raisonnablement exigé de la personne assurée qu'elle exerce sa profession ou son activité actuelle; toute activité dans une autre profession ou un autre domaine d'activité pouvant raisonnablement être exigée de la personne assurée est également prise en considération » (art. A8). 
Il est constant que le demandeur s'est trouvé en incapacité totale de travail pour cause de maladie. Selon la défenderesse, cette incapacité s'est terminée avant le 31 juillet 2008 et le droit du demandeur aux indemnités journalières ne s'est donc pas prolongé au delà de cette date. 
La Cour des assurances sociales ne constate pas, dans son arrêt, à quel moment l'incapacité, telle que définie par les conditions générales, s'est terminée, et elle ne constate pas non plus qu'elle se soit prolongée jusqu'au 30 novembre 2008. En revanche, sur la base du rapport établi par le docteur A.________, la Cour retient que la fin de l'incapacité supposait un changement de profession; que la défenderesse ne pouvait pas suspendre ses prestations sans avoir préalablement sommé le demandeur de se soumettre à ce changement, ni sans lui avoir laissé, à cette fin, un délai d'adaptation adéquat, et qu'un délai de quatre à cinq mois, compté en l'occurrence de la lettre de la défenderesse du 27 juin 2008 jusqu'à la fin de novembre de la même année, est en règle générale considéré comme adéquat; c'est pourquoi la Cour accueille entièrement l'action. 
 
3. 
Sans mentionner cette disposition, la Cour a appliqué l'art. 21 al. 4 LPGA selon lequel, lorsque l'assuré ne se soumet pas à une mesure de réinsertion professionnelle raisonnablement exigible, les prestations d'assurance ne peuvent être réduites ou refusées qu'après une mise en demeure écrite de l'assureur, adressée à l'assuré pour l'avertir des conséquences juridiques de son attitude et lui impartir un délai de réflexion convenable. 
 
3.1 Au regard de l'art. 2 LPGA, les assurances privées n'entrent pas dans le champ d'application de l'art. 21 al. 4 LPGA, et jusqu'ici, le Tribunal fédéral n'a pas examiné si cette disposition-ci se prête néanmoins à une transposition à ces assurances. 
La jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances actuellement codifiée à l'art. 21 al. 4 LPGA, relative aux assurances sociales, est rapportée dans un arrêt du 16 juillet 2007 relatif à une assurance privée (ATF 133 III 527 consid. 3.2.1 p. 531); elle n'avait toutefois pas d'incidence sur l'issue de la cause car aucun changement de profession ni d'activité n'était exigé de l'assuré. Auparavant, dans d'autres contestations en matière d'assurance privée, le Tribunal fédéral avait renvoyé une affaire à la juridiction cantonale parce que celle-ci devait examiner si un changement de profession était exigible et si le délai fixé par l'assureur était « approprié aux circonstances » (arrêt 5C.176/1998 du 23 octobre 1998, consid. 2). Dans un autre cas, le tribunal avait relevé que d'après les constatations de fait déterminantes, il n'apparaissait pas qu'un changement de profession fût raisonnablement exigible ni que l'assureur eût imparti à l'assuré, à cette fin, un « délai adéquat pour trouver un emploi » (arrêt 5C.211/2000 du 8 janvier 2001, consid. 4c). Dans une troisième cause, le tribunal avait rejeté la critique de l'assuré qui se plaignait d'un délai d'adaptation trop bref, fixé à trois mois par la juridiction cantonale (arrêt 5C.74/2002 du 7 mai 2002, consid. 3). 
En doctrine, plusieurs auteurs mentionnent ces décisions et ils en déduisent sans plus d'explication que l'art. 21 al. 4 LPGA fait règle aussi en droit des assurances privées (Bettina Kahil-Wolff et Emmanuelle Simonin, Révision totale de la LCA : l'avant-projet et les assurances sociales, in Quoi de neuf en droit social ?, 2009, p. 130; Gebhard Eugster, Vergleich der Krankentaggeldversicherung (KTGV) nach KVG und nach VVG, in Krankentaggeldversicherung : Arbeits- und versicherungsrechtliche Aspekte, 2007, p. 85; Vincent Brulhart, L'assurance collective contre la perte de gain en cas de maladie, in Le droit social dans la pratique de l'entreprise, 2006, p. 107; voir aussi Jean-Louis Duc, Le droit applicable aux assurances complémentaires, PJA 2010 p. 473). 
Leur opinion doit être approuvée dans la mesure où la démarche imposée à l'assureur, selon le principe de l'art. 21 al. 4 LPGA, est une concrétisation des règles de la bonne foi qu'en vertu de l'art. 2 al. 1 CC, chacun doit respecter dans l'exercice de ses droits et l'exécution de ses obligations. Selon la jurisprudence, il y a abus de droit manifeste, prohibé par l'art. 2 al. 2 CC, lorsqu'une personne use de son droit sans ménagement ou de manière inutilement rigoureuse (ATF 135 III 162 consid. 3.3.1 p. 169; 135 III 349 consid. 3 p. 355; 120 II 105 consid. 3a p. 108), notamment lorsqu'elle choisit sans raison objective, parmi plusieurs solutions équivalentes, celle qui est la plus nuisible à l'autre partie (ATF 131 III 459 consid. 5.2 p. 462/463). De ce point de vue, lorsque l'assureur d'indemnités journalières estime que l'incapacité de travail a pris fin, à l'issue d'une période durant laquelle il a reconnu le droit de l'assuré à ses prestations, on peut attendre de lui qu'il en donne avis à l'assuré et qu'il prolonge le service des indemnités pendant le délai a priori nécessaire à une reprise effective de l'activité. La défenderesse ne peut guère contester la justification de cet avis et de ce délai car par sa lettre du 27 juin 2008, où elle accordait au demandeur un délai d'un mois pour s'annoncer à l'assurance-chômage, elle a précisément donné un avertissement de ce genre. 
 
3.2 La contestation porte donc surtout sur la durée du délai de réflexion ou d'adaptation, que la Cour des assurances sociales a prolongé de quatre mois. En l'espèce, la durée totale de cinq mois semble considérable compte tenu que la réinsertion professionnelle du demandeur consistait simplement à retrouver un emploi dans la même profession. Dans sa lettre d'avertissement, la défenderesse annonçait toutefois une suspension complète de ses prestations et elle omettait, par là, de prendre en considération que le docteur A.________ préconisait une reprise progressive du travail, au taux de 50% d'abord, puis, après quelques semaines seulement, à temps complet. Or, pour le travailleur à la recherche d'un emploi, il est particulièrement difficile de trouver un employeur prêt à accepter de pareilles modalités. Ainsi, au regard de l'ensemble des circonstances, il n'apparaît pas que la Cour des assurances sociales ait abusé du pouvoir d'appréciation qu'il convient de lui reconnaître conformément à l'art. 4 CC (cf. ATF 135 III 121 consid. 2 p. 123; 133 III 257 consid. 3.2 p. 272). 
 
4. 
La défenderesse soutient vainement que le demandeur avait l'obligation de solliciter l'assurance-chômage afin qu'elle pût imputer les indemnités de cette assurance sur ses propres prestations. En effet, c'est au contraire l'assurance-chômage qui est subsidiaire par rapport à une assurance d'indemnités journalières en cas de maladie, y compris une assurance privée, et c'est donc l'assurance-chômage qui diminue ses indemnités de ce que l'assuré reçoit de l'autre assurance (art. 28 al. 2 de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité - LACI; ATF 128 V 176 consid. 5 p. 181). 
 
5. 
Le recours se révèle privé de fondement, ce qui conduit à son rejet. A titre de partie qui succombe, son auteur doit acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'autre partie peut prétendre. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
 
2. 
La défenderesse acquittera un émolument judiciaire de 2'000 francs. 
 
3. 
La défenderesse versera une indemnité de 2'500 fr. au demandeur à titre de dépens. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
Lausanne, le 12 juillet 2010 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
La présidente: Le greffier: 
 
Klett Thélin