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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_354/2022  
 
 
Arrêt du 8 novembre 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux Jametti, Juge présidant, 
Merz et Weber, Juge suppléant. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
recourant, 
 
contre  
 
Lionel Chambour, Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne, Palais de justice de Montbenon, 1014 Lausanne, 
Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens. 
 
Objet 
Procédure pénale; récusation, 
 
recours contre la décision du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 23 mai 2022 (312 PE16.009937-LCB). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par acte d'accusation du 12 octobre 2021, A.________, avocat de profession, a été renvoyé en jugement devant le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne pour abus de confiance, subsidiairement gestion déloyale, en raison d'actes commis au détriment d'une fondation, pour plus de 3 millions de francs. Le 27 janvier 2022, le Président du Tribunal correctionnel Lionel Chambour (ci-après: le Président) a adressé une citation à comparaître aux débats du 22 au 24 mars 2022. 
Le 2 février 2022, A.________ a demandé au Président que son défenseur d'office Me B.________ soit relevé de sa mission. Durant l'instruction, le prévenu avait contesté en vain à plusieurs reprises le fait d'être représenté par cet avocat. Par décision du 14 février 2022, le Président a rejeté cette requête, décision contre laquelle A.________ a recouru auprès de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois (CRP). 
Le 21 février 2022, A.________ a écrit au Président, déclarant déposer plainte contre son avocat pour faux dans les titres et gestion déloyale, demandant au Président de donner à cette plainte la suite qu'elle comportait et requérant la suspension de la procédure jusqu'à droit connu sur celle-ci. Le 1er mars 2022, se référant à sa décision du 14 février 2022, le Président a refusé de donner suite à ce courrier. Le 2 mars 2022, le prévenu a demandé au Président confirmation de la transmission de sa plainte au Procureur, ce à quoi le Président répondit, le 8 mars suivant, qu'il ne lui incombait pas de procéder à une telle transmission. 
Le 9 mars 2022, Me C.________ informa le Président qu'elle était constituée pour la défense de A.________ et demanda le renvoi des débats à une date ultérieure. Le 16 mars 2022, le Président répondit qu'au vu de l'arrêt rendu le 11 mars 2022 par la CRP rejetant le recours - jugé dilatoire - contre la décision du 14 février 2022, il refusait de relever Me B.________ de sa mission; si le prévenu désirait se présenter avec un avocat de choix disposé à assurer sa défense aux débats, l'avocat d'office pourrait être libéré, mais un renvoi d'audience ne se justifiait pas. 
 
B.  
Le 18 mars 2022, A.________ a demandé la récusation du Président Chambour en raison, d'une part, de son refus de transmettre sa plainte pénale du 2 mars 2022, et, d'autre part, de son refus de renvoyer les débats. La cause a été traitée par la CRP dont le prévenu a également requis la récusation, ce qui a été refusé par la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois le 30 mars 2022. 
Aux débats devant le Tribunal correctionnel, le prévenu a à nouveau requis à deux reprises le 23 mars 2022 - après plusieurs incidents - la récusation du Président; il a été décidé - d'abord par le Président lui-même, puis par le Tribunal - de poursuivre l'instruction de la cause et de transmettre cette demande à l'autorité compétente à l'issue du jugement. Le 24 mars 2022, le prévenu a présenté un certificat médical et a requis le renvoi des débats, qui a été accepté. La demande de récusation a été transmise à la CRP. 
 
C.  
Par décision du 23 mai 2022, la Chambre des recours pénale a rejeté les demandes de récusation des 18 et 23 mars 2022 dans la mesure de leur recevabilité. La demande fondée sur le refus de transmettre la plainte dirigée contre l'avocat d'office était tardive, car déposée dix jours après les faits; elle était en outre mal fondée car le Président n'était pas l'autorité compétente pour recevoir une telle plainte; le procédé était dilatoire et téméraire, le recourant ayant finalement saisi en temps utile le Procureur général du canton de Vaud. L'attitude et les déclarations du Président lors des débats ne procédaient pas d'une prévention à l'égard du prévenu, pas plus que le fait de surseoir à statuer sur la demande de récusation, celle-ci étant de la compétence de la CRP. 
 
D.  
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la CRP et d'ordonner la récusation du Président Chambour, subsidiairement de renvoyer la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
La CRP renonce à se déterminer et se réfère à sa décision. Le Président renonce également à se déterminer. Le Ministère public conclut au rejet du recours. 
Le recourant a par la suite demandé l'assistance judiciaire. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Conformément aux art. 78 et 92 al. 1 LTF, une décision relative à la récusation d'un magistrat pénal peut faire immédiatement l'objet d'un recours en matière pénale. Le recourant, auteur des demandes de récusation qui ont été rejetées, a qualité pour recourir (art. 81 al. 1 LTF). Pour le surplus, le recours a été interjeté en temps utile (art. 45 et 100 al. 1 LTF; la décision a été notifiée séparément le 10 juin 2022 au recourant en personne) contre une décision rendue par une autorité cantonale statuant en tant qu'instance unique (art. 80 al. 2 LTF et 59 al. 1 let. b CPP) et les conclusions prises sont recevables (art. 107 LTF). Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
Le recourant reprend deux de ses motifs de récusation. Il estime premièrement que la remise de sa plainte pénale (contre son avocat) au Président n'avait rien d'un abus de droit puisqu'elle avait pour but de s'assurer que le magistrat ne puisse pas omettre cet élément en vue des débats. Le recourant ne pouvait spéculer sur le fait que le Président allait violer l'art. 39 al. 1 CPP. Il soutient en second lieu que les déclarations du Président en audience, relatives à un futur appel, laisseraient clairement entendre, compte tenu des circonstances (nombreuses requêtes rejetées et constants reproches quant à l'attitude procédurale du recourant), que celui-ci envisageait déjà une condamnation; le reste des déclarations du magistrat feraient ressortir que celui-ci était mécontent et refusait de laisser le prévenu s'exprimer. 
 
2.1. Un magistrat est récusable selon l'art. 56 let. f CPP, "lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil, sont de nature à le rendre suspect de prévention". Cette disposition a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres précédentes. Elle correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 Cst. et 6 CEDH. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 144 I 159 consid. 4.3; 143 IV 69 consid. 3.2). L'impartialité subjective d'un magistrat se présume jusqu'à preuve du contraire (ATF 136 III 605 consid. 3.2.1). Par ailleurs, la procédure de récusation n'a pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises notamment par la direction de la procédure (cf. ATF 143 IV 69 consid. 3.2).  
 
2.2. S'agissant du premier motif de récusation, la décision attaquée considère que celui-ci a été soulevé tardivement puisque les faits remontaient au 8 mars 2022 et que la demande de récusation n'avait été présentée que dix jours plus tard, le 18 mars suivant. La cour cantonale a par ailleurs considéré sur le fond qu'il n'y avait pas motif à récusation sur ce point. La décision attaquée repose ainsi sur deux motivations indépendantes dont chacune suffit à sceller le sort de la cause. Il appartenait donc au recourant de critiquer chacune d'entre elle en démontrant qu'elles sont contraires au droit, conformément aux art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF (ATF 142 III 364 consid. 2.4). Or, s'agissant de la tardiveté de la première demande de récusation, le recourant n'élève pas le moindre grief. L'argumentation de fond relative à cette première demande apparaît dès lors irrecevable.  
Elle serait d'ailleurs manifestement mal fondée. Le recourant, avocat de profession, n'ignorait pas que les plaintes pénales doivent être déposées auprès de la police, du ministère public ou de l'autorité pénale en matière de contraventions (art. 304 al. 1 CPP). Il n'a adressé sa plainte au Président que pour s'assurer que celui-ci en ait connaissance. Il pouvait toutefois parvenir au même résultat en adressant directement sa plainte à l'autorité compétente et en en produisant le cas échéant une copie pour information au Président. Ce dernier pouvait dès lors considérer cette démarche comme abusive et étrangère au but de l'art. 39 al. 1 CPP, et refuser de procéder à la transmission. Il n'en est d'ailleurs résulté aucun préjudice pour le recourant, qui a été dûment informé de ce refus et a pu déposer sa plainte en temps utile auprès de l'autorité compétente. Il n'y a donc ni erreur de procédure, ni intention de nuire au recourant. 
 
2.3. Les déclarations du Président sur lesquelles se fonde la seconde demande de récusation ont, selon le procès-verbal d'audience du 22 mars 2022, la teneur suivante: " Le Président observe que le prévenu ne fait que répéter ses déclarations tenues lors de l'instruction sans apporter de précision et qu'il ferait mieux de se référer à ses déclarations, ainsi il prendra moins de risque en appel ". Comme le relève la cour cantonale, l'appel ainsi évoqué pourrait être tant celui du recourant en cas de condamnation, que celui du ministère public ou d'une autre partie en cas d'acquittement. On ne saurait donc déduire de cette déclaration une volonté arrêtée de condamner le recourant. Dans le cadre d'une audience émaillée d'incidents de toutes sortes (l'incident initial concernant l'avocat du prévenu, le refus du recourant de s'adresser au Président, l'injonction de se taire adressée par le recourant au Procureur, l'avertissement formulé en application de l'art. 63 al. 2 CPP, le refus du recourant de signer ses déclarations et le refus que son conseil d'office ou la direction de la procédure ne le fassent à sa place), la remarque du Président était fondée sur un élément que le recourant ne conteste pas, soit le fait qu'il ne faisait que répéter ses déclarations faites durant l'instruction. Interprétée comme il se doit de manière objective, en tenant compte de son contexte, du ton sur lequel elle a été faite et du but apparemment recherché par son auteur (ATF 127 I 196 consid. 2d et la jurisprudence citée), cette remarque ne va pas au-delà de ce qui est admissible et ne saurait fonder une apparence de prévention.  
 
3.  
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable. Dès lors qu'il apparaissait d'emblée dénué de chances de succès, l'assistance judiciaire ne peut être accordée au recourant. Toutefois, pour tenir compte de la situation financière dont il fait état, les frais judiciaires mis à sa charge conformément à l'art. 66 al. 1 LTF seront réduits. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté, dans la mesure ou il est recevable. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr, sont mis à la charge du recourant. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué au recourant, à Lionel Chambour, au Ministère public central du canton de Vaud et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, ainsi qu'à Me B.________, pour information. 
 
 
Lausanne, le 8 novembre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Juge présidant: Jametti 
 
Le Greffier : Kurz