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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
5P.386/2004 /frs 
 
Arrêt du 8 mars 2005 
IIe Cour civile 
 
Composition 
M. et Mmes les Juges Raselli, Président, 
Nordmann et Hohl. 
Greffier: M. Braconi. 
 
Parties 
Y.________ AG, 
recourante, représentée par Me Didier de Montmollin, avocat, 
 
contre 
 
X.________, 
intimé, représenté par Me Salvatore Aversano, avocat, 
1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
art. 9 Cst. (séquestre), 
 
recours de droit public contre l'arrêt de la 1ère 
Section de la Cour de justice du canton de Genève 
du 2 septembre 2004 
 
Faits: 
A. 
Le 16 avril 2003, le Tribunal de première instance de Genève, agissant sur réquisition de Y.________ AG, a ordonné le séquestre des avoirs de X.________ déposés auprès de la Banque A.________, à concurrence de 7'248'166 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 16 avril 2003. 
 
Le 26 juin 2003, l'autorité de séquestre a accueilli l'opposition formée par X.________ et révoqué l'ordonnance. 
 
Par arrêt du 9 octobre suivant, la 1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève a admis l'appel de la requérante et confirmé l'ordonnance de séquestre. Cette décision a été annulée par la IIe Cour civile du Tribunal fédéral le 7 juin 2004. 
B. 
Statuant à nouveau le 2 septembre 2004, la 1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève a révoqué le séquestre. 
C. 
Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral pour violation des art. 9 et 29 al. 2 Cst., Y.________ AG conclut à l'annulation de cet arrêt. 
 
L'intimé n'a pas été invité à répondre. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 130 I 226 consid. 1 p. 228; 130 II 388 consid. 1 p. 389 et les arrêts cités). 
1.1 Aux termes de l'art. 66 al. 1 OJ, applicable par analogie au recours de droit public (ATF 122 I 250 consid. 2 p. 251), l'autorité cantonale à laquelle une affaire est renvoyée est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit de l'arrêt du Tribunal fédéral. C'est, en revanche, au droit cantonal qu'il appartient de déterminer si et dans quelle mesure les nova sont admissibles (Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. II, n. 1.2 ad art. 66 OJ et les références). 
La recourante ne soutient pas que l'autorité cantonale ne se serait pas conformée à l'arrêt de renvoi (cf. ATF 111 II 94 consid. 2 p. 95); elle ne prétend pas non plus que le droit de procédure genevois l'autoriserait à alléguer des faits nouveaux, dont la cour cantonale n'aurait alors pas tenu compte. Il s'ensuit que les «précisions» contenues dans l'acte de recours sont nouvelles, partant irrecevables. 
1.2 Dans un recours de droit public soumis - comme en l'espèce - au principe de l'épuisement préalable des instances cantonales, les faits et pièces nouveaux sont irrecevables (ATF 107 Ia 265 consid. 2a et les arrêts cités). Le jugement prononcé le 18 novembre 2004 par la Haute Cour de Justice de Londres, produit après le dépôt du présent recours, ne saurait, en conséquence, être pris en considération. Comme le note l'intimé, cette pièce est, au demeurant, dépourvue de pertinence. La recourante s'en prévaut aux fins de conforter la preuve de «l'illicéité de l'activité déployée par [...] D.________, avec la complicité de X.________». Or, cette question n'est pas litigieuse ici, mais bien celle d'un «lien suffisant de la créance (en réparation) avec la Suisse», permettant de fonder la compétence territoriale des juridictions suisses au regard de l'art. 129 al. 2 LDIP («lieu du résultat» de l'acte illicite). 
1.3 Sous réserve d'exceptions non réalisées dans le cas présent (cf. à ce sujet: ATF 124 I 327 consid. 4b p. 332/333 et les références citées), le recours de droit public est de nature cassatoire et ne peut tendre qu'à l'annulation de la décision attaquée (ATF 129 I 129 consid. 1.2.1 p. 131/132 et les arrêts cités). Le chef de conclusions de la recourante visant au déboutement de l'intimé est donc irrecevable. 
2. 
La cour cantonale a retenu que, en l'espèce, le dossier ne rendait pas vraisemblable la réalisation d'actes propres à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation des valeurs patrimoniales provenant de la fraude, respectivement des détournements dénoncés par la recourante. Les commissions ont été, il est vrai, transférées du compte ouvert à Londres sur celui de Genève, mais dont la recourante connaissait le numéro. La présente procédure n'apporte aucune autre information, si ce n'est que les sommes litigieuses ont été distribuées, ce qui n'est toutefois pas encore constitutif d'un délit de blanchiment d'argent réprimé par l'art. 305bis CP
 
La recourante affirme qu'une telle argumentation viole son droit à une décision motivée: d'une part, les juges cantonaux devaient expliquer pourquoi, en dépit des nombreux indices de fraude établis, le transfert des montants détournés de Londres à Genève ne constituait pas - du moins au degré de la vraisemblance - un acte d'entrave; d'autre part, ils devaient indiquer depuis quand, comment et par qui l'existence du compte genevois était connue. 
2.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. implique, en particulier, l'obligation pour le juge de motiver au moins sommairement sa décision, afin que le justiciable puisse en saisir la portée et recourir à bon escient; il n'est cependant pas tenu de discuter tous les moyens soulevés par les parties, mais peut, au contraire, se limiter à ceux qui apparaissent pertinents (ATF 126 I 97 consid. 2b p. 102/103; 122 IV 8 consid. 2c p. 14/15 et les citations). Ce moyen étant tiré de la violation d'une garantie de nature formelle (ATF 104 Ia 201 consid. 5g p. 214), il doit être examiné d'abord (ATF 124 I 49 consid. 1 p. 50), et avec une libre cognition (ATF 121 I 54 consid. 2a p. 57). 
2.2 Le moyen apparaît mal fondé. En réalité, la recourante reproche à l'autorité cantonale de n'avoir pas tiré de ses propres constatations la conclusion que le transfert des primes détournées représentait un acte d'entrave au sens de l'art. 305bis CP; or, cette critique ne ressortit pas au droit d'être entendu, mais à l'appréciation des preuves. Il résulte, du reste, des développements consacrés à cette question au titre de la violation de l'art. 9 Cst. que l'intéressée a parfaitement saisi la portée de l'arrêt attaqué (cf. ATF 114 Ia 233 consid. 2d p. 242). 
3. 
La recourante fait valoir que la Cour de justice a commis arbitraire en jugeant - du moins en laissant entendre - que la commission d'un délit de blanchiment ne crée pas un for en Suisse, ni, par conséquent, un lien suffisant de la créance avec la Suisse. 
3.1 La décision attaquée n'étant annulée que si elle apparaît arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9, 49 consid. 4 p. 58), le grief ne doit être admis que s'il porte sur un point pertinent pour l'issue du recours (ATF 122 I 53 consid. 5 p. 57). Ainsi, avant de reprocher à l'autorité cantonale d'être tombée dans l'arbitraire en niant l'existence d'un acte de blanchiment, encore faut-il vérifier qu'une telle infraction ouvre, par ailleurs, la voie à une réclamation (délictuelle) en dommages-intérêts. 
3.2 En vertu de la théorie objective de l'illicéité, suivie par le Tribunal fédéral et la doctrine majoritaire (cf. ATF 115 II 15 consid. 3a p. 18 et les citations), un acte n'est illicite que s'il enfreint une norme destinée à protéger le bien juridique atteint (ATF 124 III 297 consid. 5b p. 301 et les citations). La question de savoir si un acte de blanchiment tombant sous le coup de l'art. 305bis CP donne naissance à une prétention en dommages-intérêts fondée sur l'art. 41 al. 1 CO au profit de la victime de l'infraction préalable est très controversée. La Chambre civile de la Cour de justice (SJ 1998 p. 646/647 consid. 8) et la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral (ATF 129 IV 322) l'ont admis. En revanche, le Tribunal supérieur du canton de Zurich a considéré que la norme en discussion consacre un délit contre l'administration de la justice et n'a pas pour but de protéger les droits patrimoniaux du lésé; faute d'acte objectivement illicite, il a dénié d'emblée l'existence d'un lien suffisant de la créance avec la Suisse (arrêt du 26 février 1999, mentionné par Breitschmid, Übersicht zur Arrestbewilligungspraxis nach revidiertem SchKG, in: AJP 8/1999 p. 1022 ch. 3.2.7). 
 
Aux dires de la recourante, s'écarter de la jurisprudence précitée de la Cour de cassation pénale, comme l'a fait l'autorité cantonale, «revient à violer gravement un principe juridique indiscuté». Cet avis ne saurait être partagé. Il est, en effet, unanimement admis qu'il n'est en soi pas contraire à l'art. 9 Cst. de se distancier d'un arrêt du Tribunal fédéral, pour autant que la solution divergente puisse s'appuyer sur des motifs objectifs (voir notamment: ATF 117 III 76 consid. 7c p. 83; 113 III 94 consid. 10c p. 101/102; Aubert, Traité de droit constitutionnel suisse, vol. II, ch. 1846; Messmer/Imboden, Die eidgenössischen Rechtsmittel in Zivilsachen, p. 212 n. 37, avec d'autres citations). Or, la recourante ne démontre pas en quoi la jurisprudence zurichoise, à laquelle paraît se rallier la juridiction précédente - certes critiquée en doctrine (Pedrotti, Le séquestre international, Zurich 2000, p. 216 ss; Patocchi/Lembo, Le lien suffisant de la créance avec la Suisse en tant que condition de recevabilité du séquestre selon la nouvelle teneur de l'art. 271 al. 1er ch. 4 LP - Quelques observations, in: FS SchKG im Wandel, p. 402) -, serait manifestement indéfendable (sur la notion d'arbitraire: ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9). 
4. 
En conclusion, le présent recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité, aux frais de son auteur (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimé, qui n'a pas été invité à répondre. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
2. 
Un émolument judiciaire de 15'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la 1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève. 
Lausanne, le 8 mars 2005 
Au nom de la IIe Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: Le Greffier: