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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4P.256/2003 
 
Arrêt du 17 février 2004 
Ire Cour civile 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Favre. 
Greffière: Mme de Montmollin. 
 
Parties 
A.________, recourant, représenté par Me Jean-Pierre Moser, 
 
contre 
 
La Banque Y.________ SA, 
intimée, représentée par Me Rémy Wyler et Me Boris Heinzer, 
Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du Signal 8, 1014 Lausanne. 
 
Objet 
art. 9, 30 Cst., 6 CEDH 
 
recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 30 octobre 2003. 
 
Faits: 
A. 
Du 29 janvier 1986 au 3 juin 1987, A.________ a été administrateur-délégué de la société Z.________ SA, dont le vice-président était B.________. 
 
Le 15 avril 1986, la Banque X.________ (reprise en 1998 par la Banque Y.________ SA, ci-après: Y.________) a ouvert à Z.________ SA un compte courant n° ..., avec une limite de crédit de 50 000 fr., moyennant le cautionnement solidaire et conjoint de B.________ et A.________, à concurrence de 55 000 fr. 
 
Le 1er avril 1986, ces deux personnes avaient signé, en qualité de cautions solidaires, un document comportant une formule préimprimée de Y.________, suivie d'un acte en brevet, établi par le notaire C.________, pour un montant de 55 000 fr. La première partie de l'acte en brevet est dressée au verso de la formule imprimée de Y.________; les deux cautions ont paraphé la page sur laquelle figure le début de l'acte notarié; celui-ci se termine sur une seconde feuille, collée à la formule imprimée, le sceau du notaire étant apposé à cheval sur les deux documents. La troisième et dernière page est signée par les deux cautions et par le notaire. 
B. 
Devant les difficultés financières de la société anonyme en liquidation, B.________ a proposé un plan de remboursement qui n'a pu être tenu. Le 3 septembre 1992, la faillite a été prononcée à la demande de Y.________, qui a produit une créance de 68 281 fr.99. L'Office des faillites de W.________ lui a délivré un acte de défaut de biens pour ce montant. Le 23 avril 1993, Y.________ a sommé A.________, en sa qualité de caution solidaire, de lui payer le solde dû, soit 48 375 fr. Le 19 octobre 1998, Y.________ a introduit une poursuite pour ce montant contre A.________ qui a fait opposition totale le 3 novembre 1998. Le 10 juin 1999, la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal a levé provisoirement cette opposition à concurrence de 48 375 fr. avec intérêts à 5% dès le 16 mai 1992. Le 21 juin 1999, A.________ a introduit une action en libération de dette, que la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejetée par jugement du 2 avril 2001. La cour cantonale a condamné le demandeur à payer à la défenderesse la somme de 48 375 fr. avec intérêts, frais et dépens, et a levé définitivement l'opposition au commandement de payer à concurrence de ce montant. 
C. 
A.________ a interjeté un recours de droit public et un recours en réforme au Tribunal fédéral contre cette décision. Ces recours ont été déclarés irrecevables par arrêt du 4 juillet 2002, dès lors qu'il était possible de former un recours en réforme cantonal, en application de l'art. 451a du code de procédure civile du canton de Vaud (ci-après: CPC/VD). Le 21 juillet 2002, A.________ a usé de cette voie de droit. Par arrêt du 30 octobre 2003, la Chambre des recours du Tribunal cantonal a confirmé le jugement de la Cour civile du 2 avril 2001. 
D. 
Parallèlement à un recours en réforme au Tribunal fédéral, A.________ interjette un recours de droit public contre l'arrêt du 30 octobre 2003. Prenant des conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée, il reproche à la cour cantonale une interprétation arbitraire de l'art. 72 de la loi vaudoise sur le notariat du 10 décembre 1956 (ci-après: LN/VD), en ce que le Tribunal cantonal n'a pas sanctionné le défaut de lecture de l'acte de cautionnement dans son entier, de sorte qu'il ne revêt pas le caractère d'acte authentique. En écartant l'art. 72 LN/VD au profit d'un droit fédéral qui n'existe pas, la Chambre des recours n'a pu statuer conformément à la loi, violant une exigence du procès équitable garanti par les art. 6 § 1 CEDH et 30 al. 1 Cst. 
 
L'intimée conclut au rejet du recours de droit public. 
 
Le Tribunal cantonal se réfère à son arrêt. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
1.1 Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 129 III 415 consid. 2.1; 129 II 453 consid. 2 p. 456 et les références). 
 
Lorsque la décision attaquée se fonde sur plusieurs motivations indépendantes, alternatives ou subsidiaires, toutes suffisantes, chacune doit, sous peine d'irrecevabilité, être attaquée avec le moyen de droit approprié (ATF 115 II 300 consid. 2a p. 302; 111 II 397 consid. 2b, 398 consid. 2b p. 399; cf. également ATF 122 III 488 consid. 2). 
1.2 En l'espèce, le recourant se plaint, dans son recours de droit public, d'une application arbitraire de l'art. 72 LN/VD, dont la violation entraînerait la nullité du cautionnement, constitutive en outre d'une atteinte aux art. 6 § 1 CEDH et 30 al. 1 Cst., et d'autre part, dans son recours en réforme, d'une violation des art. 493 al. 2 CO et 55 al. 1 Titre final CC, soutenant que l'acte de cautionnement ne respecte pas le droit fédéral. Ainsi, le recourant et demandeur s'en prend aux deux motivations sur lesquelles l'arrêt entrepris repose. 
1.3 Conformément à la règle générale de l'art. 57 al. 5 OJ, il convient de se saisir du recours de droit public en premier lieu (ATF 123 III 213 consid. 1; 122 I 81 consid. 1); on vérifiera d'abord si les griefs d'application arbitraire du droit cantonal déterminant sont bien fondés, de même que ceux de violation des art. 6 CEDH et 30 Cst.; le cas échéant, dans le cadre du recours en réforme, on examinera ensuite si l'acte de cautionnement attaqué respecte la notion fédérale d'acte authentique (ATF 125 III 131 consid. 4a et les références, p. 133). 
2. 
Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 129 I 113 consid. 2.1, p. 120 et les arrêts cités). 
3. 
3.1 Le recourant se plaint d'abord d'arbitraire dans l'application du droit cantonal. 
 
Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; encore faut-il que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motif objectif et en violation d'un droit certain. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution paraît concevable, voire même préférable (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 128 I 81 consid. 2 p. 86, 177 consid. 2.1 p. 182, 273 consid. 2.1 p. 275; 128 II 259 consid. 5 p. 280/281; 127 I 60 consid. 5a p. 70). 
3.2 D'après l'art. 1er de la loi vaudoise d'application de la loi fédérale du 10 décembre 1941 révisant le titre vingtième du CO, l'acte de cautionnement pour lequel la législation exige la forme authentique est instrumenté conformément à la loi sur le notariat (al. 1 ); l'acte est en principe délivré en brevet, c'est-à-dire sans que le notaire doive en garder la minute; il peut être dressé sur une formule préimprimée et se référer aux clauses de celle-ci (al. 2 et 3). Selon la loi sur le notariat, l'acte notarié, pour revêtir le caractère d'acte authentique, doit être conforme à certaines prescriptions énumérées à l'art. 99 LN/VD. Cette disposition fait notamment référence à l'art. 72 al. 1 à 4 LN/VD; en particulier, "le notaire lit l'acte aux parties et aux personnes appelées à intervenir", à l'exception des "personnes atteintes de surdité (qui) lisent personnellement l'acte" (al. 1 et 3). La pratique vaudoise de recourir à l'incorporation d'un document externe à un acte authentique (JT 1995 III 108 consid. 3d/aa, p. 113) constitue un procédé admis par la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 106 II 146 consid. 2b et les références, p. 150/151; 125 III 131). 
 
Dans le cas présent, l'acte de cautionnement du 1er avril 1986 se compose d'une formule préimprimée à l'en-tête de Y.________ contenant les conditions de l'acte de cautionnement, avec en plus une référence aux conditions générales de la banque, également remises aux cautions; la formule est suivie de l'acte en brevet renvoyant expressément à l'acte de cautionnement préformulé de la banque. La première partie de l'acte en brevet est dressée au verso de celle-ci, parafée par les deux cautions; l'acte en brevet se poursuit sur une seconde feuille collée à la formule préimprimée, le sceau du notaire étant apposé à cheval sur ces deux documents. La troisième et dernière page est signée par les cautions et par le notaire. La situation de fait présente donc d'importantes similitudes avec celle faisant l'objet de la jurisprudence citée par les parties et la juridiction cantonale (ATF 125 III 131 consid. A, p. 131 et 132, consid. 5b p. 135). 
 
Le recourant reproche à la cour cantonale de n'avoir pas prononcé la nullité de l'acte de cautionnement parce que les clauses préimprimées n'ont pas été lues par le notaire instrumentateur, contrairement aux exigences de l'art. 72 al. 1 LN/VD, que la Chambre des recours n'a pas examiné, en se limitant à la seule application du droit fédéral, exprimé dans l'ATF 125 III 131, notamment p. 137, qui n'impose pas la lecture par le notaire des conditions préimprimées, et qui n'en fait pas ainsi une condition indispensable de la notion même de forme authentique. 
 
Il est exact que la Chambre des recours n'a pas elle-même discuté de la validité du cautionnement au regard de l'art. 72 al. 1 LN/VD, dont l'interprétation littérale soutenue par le recourant fait de la lecture intégrale de l'acte, y compris des clauses préimprimées, une condition de son caractère d'acte authentique, en vertu de l'art. 99 let. b LN/VD, la seule exception admise concernant les personnes souffrant de surdité (art. 72 al. 3 LN/VD). Toutefois, si la Chambre des recours a fait sien "dans son entier l'état de fait du jugement" rendu par la Cour civile, elle s'est aussi référée [p. 6 § 1] à sa jurisprudence relative à l'art. 72 al. 1 LN/VD (JT 1995 III 108), et au raisonnement conduit par les premiers juges [arrêt attaqué p. 10 consid. 4c], au consid. III, p. 12 à 15 de la décision du 2 avril 2001. En substance, la cour cantonale a retenu que les circonstances de l'espèce ne justifiaient pas une exception au principe selon lequel la formule préimprimée à laquelle se référait l'acte en brevet était censée incorporée à celui-ci et bénéficiait de la forme authentique, sans avoir été nécessairement lue par le notaire au comparant. 
 
La loi s'interprète tout d'abord d'après sa lettre. 
 
Selon la jurisprudence, il n'y a lieu de déroger au sens littéral d'un texte clair par voie d'interprétation que lorsque des raisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause. De tels motifs peuvent découler des travaux préparatoires, du but et du sens de la disposition, ainsi que de la systématique de la loi. Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires, du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (ATF 129 II 232 consid. 2.4, p. 236; 129 V 102 consid. 3.2, p. 103; 128 V 102 consid. 5, p. 105; 108 consid. 4b/aa, p. 112; 230 consid. 2a, p. 233). 
 
En l'espèce, la Cour civile, à laquelle s'est expressément rapportée la Chambre des recours qui a confirmé son jugement, a constaté que l'incorporation de la formule imprimée avait eu lieu lors de l'instrumentation du cautionnement (ATF 125 III 131 consid. 5c p. 136), en relevant que l'élément déterminant était l'absence de doute sur le cautionnement, soit sur les conditions préformulées auxquelles renvoie l'acte en brevet. Dans ce sens, il est en principe préférable que si le notaire n'a pas procédé lui-même à la lecture de la formule préimprimée, il puisse attester avoir donné cette dernière à lire au comparant, en authentifiant dans l'acte en brevet cette lecture silencieuse. Dans le cas particulier, il ressort des constatations des juridictions cantonales, et de l'acte en brevet lui-même, que la caution a parafé la première partie de ce dernier au verso de la formule contenant les conditions du cautionnement de la banque. Cela implique que la caution a pu en avoir connaissance, même si l'acte en brevet n'indique rien de tel expressément ou implicitement. Le parafe de la caution sur cette première page démontre que l'intéressée était pratiquement en mesure de saisir les conditions dudit cautionnement. S'ajoute à cet élément le fait que la caution était en l'occurrence l'administrateur délégué de la débitrice garantie, et non pas une personne sans aucune expérience en matière commerciale. La finalité de la forme authentique, soit préserver la caution de décisions irréfléchies, et lui faire prendre conscience de la portée de son engagement, en assurant une expression claire et complète de sa volonté (ATF 125 III 131 consid. 5d p. 137 et les arrêts cités), était donc pleinement respectée. 
 
Dans ces conditions, il n'apparaît pas que la juridiction cantonale ait versé dans l'arbitraire en procédant à une interprétation téléologique de l'art. 72 al. 1 LN/VD, conforme à sa propre jurisprudence (JdT 1995 III p. 108 ss) et à celle du Tribunal fédéral, et cela même si l'interprétation littérale du droit cantonal pourrait éventuellement se révéler plus apte à réaliser le but de protection de la caution visé par l'exigence de la forme authentique dans d'autres circonstances de fait. 
3.3 En conséquence, le grief pris d'une application arbitraire de l'art. 72 LN/VD doit être écarté. 
4. 
Le reproche d'une violation de l'art. 30 al. 1 Cst., respectivement de l'art. 6 § 1 CEDH, se confond avec celui de l'application arbitraire du droit cantonal examiné ci-dessus. Comme il n'a pas de portée propre, il doit être rejeté pour les mêmes motifs. 
 
Au surplus, le recourant a été jugé par des tribunaux établis par la loi, compétents ratione personae, loci, temporis et materiae, excluant tout tribunal d'exception, ou la mise en oeuvre de juges ad hoc (ATF 129 V 196, consid. 4.1, p. 198; 335 consid. 1.3.1, p. 338 et les arrêts cités). 
5. 
Le recourant qui succombe sera condamné au paiement d'un émolument de justice ainsi qu'à celui d'une indemnité de dépens en faveur de l'intimée (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
Un émolument judiciaire de 2500 fr. est mis à la charge du recourant. 
3. 
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 3000 fr. à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
Lausanne, le 17 février 2004 
Au nom de la Ire Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: